Île de Batz
Question délicate. – Dix-sept marin-pêcheurs de Tréglonou, composant les équipages des bateaux Zoé et maria, patron Jean le bris ; Louise, patron Jean-Marie Uguen ; Marie, patron Claude le Bris, tous attachés au port de l’Aber-Benoit, font la pêche aux gros mulets et aux bars, depuis cinq semaines, dans les eaux de Roscoff et de l’île de Batz.
Jeudi, ils prenaient 600 mulets et 100 bars de bonne taille, ce qui fit parler d’eux plus qu’à l’ordinaire.
Les marins de l’île de Batz les accusent aujourd’hui d’empiéter sur leur terrain en posant des filets de grande dimension, là où ils ont déjà déposé les leurs, de frapper la mer avec des gaffes et d’épouvanter ainsi le poisson pour qu’il rentre plus vite et mieux dans les sennes ; en un mot, d’user de procédés de pêche formellement défendus.
Ils se sont plaints à M ;Le borgne, maire de l’île. Un rapport a été rédigé et adressé à l’inscription maritime à Roscoff.
Dépêche de Brest du 22 janvier 1907
La "grève" s’arrête rapidement et la pêche reprend de plus belle
Roscoff
Les marins pêcheurs de Tréglonou continuent à pêcher dans nos parages. Sept bateaux, montés par une quarantaine d’hommes sont ici.
Dans un coup de filet, ils ont pris, la semaine dernière exactement 1050 mulets, vendu en moyenne 2fr50 à trois francs l’un. Avec quelques bars, ils composaient 29 paniers ;
Les marins de Roscoff, peu habitués à la pêche aux mulets, qui exige des engins et des aptitudes particuliers, ne voient pas d’un mauvais œil la présence dans nos eaux de leur camarades du Bas-Léon.
A l’île de Batz, les dispositions sont plutôt hostiles . Mais le calme règne.
Dépêche de Brest du 12 février 1907
Cette pêche par les gars de Tréglonou n’empêche pas un ilien pêcheur de grève de faire un formidable coup de filet
Ile de Batz
Beau coup de filet
Ce matin vers dix heures, à Porz-Retter, sous le fort de l’ouest, M Lévêque, pêcheur à marée, de l’île, a pris du même coup de filet 800 poissons d’un poids variant entre 0kg500 et 1kg500.
Chose étonnante : le banc en présence duquel on se trouvait comprenait à la fois des mulets, du saumon et des bars.
Le résultat de cette pêche sera d’autant plus fructueux que M. Lévêque pêche toujours seul.
Comme on le voit, nos iliens ne le cèdent en rien aux « gars » de Tréglonou
Dépêche du 4 mars 1907
Commentaires :
Aujourd’hui quelque peu délaissée, la pêche aux mulet était jadis prisée ; le mulet se vendait un assez bon prix, Aux halle, de Paris en 1907 il est acheté entre 1,50 frs à 3 francs du kilo alors le cabillaud se vend de 40 à 70 centimes le carrelet de 50 centimes à 1 francs et la barbue ou le bar de 2 à 4 francs. durant les hivers de grand froid les bancs de mulets venant à la côte étaient particulièrement denses et des pêches de plusieurs milliers de prises n’étaient possible. Un pêcheur pouvait alors payer son bateau en un seul jour de pêche. Le 14 février 1907 un bateau de Cancale en pêche 10000 en un seul coup de senne.
Plusieurs techniques de pêche au mulet sont en concurrence, du filet de barrage pratiqué à l’île de Batz, de la petite senne à main ou les pêcheurs descendent dans l’eau jusqu’au torse à la grande senne mouillée avec un canot et halée depuis la grève au filet à mulets formant une poche entre le bateau et les rochers. Les articles précédents n’indiquent pas la technique utilisée par les pêcheurs de Tréglonou, mais je pense qu’ils utilisaient de grands filets de barrage certainement plus adaptés que les grandes sennes à la topologie du chenal. Le port de Roscoff était intéressant pour l’expédition de la pêche vers Paris. On ne sait pas si les pêcheurs migrants de Tréglonou dormaient à bord de leurs bateaux creux à l’abri de leur voile dans les conditions particulièrement sévères de l’hiver 1907 ou si ils louaient à Roscoff une maison ou une grange, à cette époque l’abri du marin de Roscoff dédié entre autres aux marins de passage n’existe pas encore.
Le 25 aout 1980, des enfants d’une colonie de vacances, découvrent, avec leur moniteur, lors d’une pêche à pied dans le sud de l’île de Batz à la grève de Porz alliou, un crane humain. La gendarmerie est aussitôt prévenue. les jours suivants des fouilles sont menées, on découvre dans un premier temps cinq squelettes d’hommes jeunes puis un sixième squelette d’un adolescent.
Voici ce qu’en disait en 1980, Louis Priser correspondant local du journal le Télégramme. Ces articles non datés s'étalent sur plusieurs mois.
1er article : la découverte :
2ème article : les fouilles
3ème article : l’expertise
4ème article : le non-lieu
Commentaires :
Le mystère est loin d’être résolu ! Il soulève toujours de nombreuses questions
Le 25 aout 1980 la marée du matin a un coefficient de 85 celle du soir de 91 la cote de la basse mer à 12h36 est de 1,77 m. La découverte a eu lieu à basse mer, on peut donc supposer que la fosse découverte était aux alentours de la cote 2 m au dessus du zéro des cartes. Les corps ont été regroupés et enterrés volontairement à cet endroit ce qui peut paraitre étrange.
La découverte de cadavres sur le littoral était chose assez courante à l’époque historique. Les naufrages étaient fréquents et les cadavres finissaient souvent par arriver à la côte.
Des le XVIIIème siècle, lorsqu’un cadavre arrivait à la côte la population littorale avait le devoir suivant l’ordonnance de la marine de 1681, de le préserver pour éviter qu’il ne reparte à la dérive, ainsi que de prévenir les autorités de l’amirauté.
Une recherche d’identification était dépêchée par l’amirauté en fonction des naufrages et déclarations connues, normalement l’amirauté dépêchait sur place un chirurgien pour identifier la cause du décès. Une fois ses démarches effectuées l’amirauté délivrait un permis d’inhumer. La population littorale qui s’était occupé du cadavre était défrayée pour le transport et l’inhumation. Mais se posait, alors le problème du lieu d’inhumation ; si le cadavre n’était pas identifié, on ne pouvait savoir si il était de confession catholique et en cas de doute il ne pouvait être enterré dans le cimetière paroissial, dans ce cas on choisissait, des fois comme dans le cas ou le cadavre n’était pas en état d’être transporté, de l’enterrer à la grève à l’endroit même ou on l’avait trouvé. La population littorale pauvre récupérait les vêtements sur la dépouille avec l’autorisation de l’Amirauté.
Mais les squelettes de Porz Alliou, ne semblent pas correspondre à ce cas, car il est impossible de découvrir six cadavres échoués en même temps au même endroit pour les enterrer en même temps, de plus les cas d’enterrement à la grève se font alors plutôt en haut de la grève.
D’autres hypothèses sont à envisager. Au XVIIIème siècle et dans la première moitié du XIXème le chenal de l’île de Batz était un port d’escale important pour des petits navires de cabotage attendant des conditions plus favorables de navigation.
On peut imaginer un navire ayant une maladie contagieuse à bord, venu au mouillage à l’île et se retrouvant avec l’interdiction de débarquer son équipage malade, par mise en quarantaine,. se trouvant dans l’obligation d’enterrer dans l’estran, le plus loin de terre, par ses propres moyens les matelots venus à décéder à bord à défaut de pouvoir les immerger dans le chenal comme ils l’auraient fait au large Mais ces petits caboteurs, lougre, sloop avaient souvent un équipage réduit de 4 à 6 personnes, les bricks plus gros avaient un équipage d’une dizaine d’hommes. Le décès de 5 matelots et d’un mousse aurait vraiment décimé l’équipage.
On peut penser aussi à la guerre de course sous l’Empire ou à une période antérieure, un navire de prise anglais arraisonné par un corsaire français se trouve avec 6 cadavres de marins anglais et le capitaine de prise décide de les enterrer, au plus près de leur mouillage à marée basse.
On peut exclure le cas de l’équipage d’un corsaire ayant eu des morts au combat. Au large ils auraient immergé les corps suite à une courte cérémonie à bord, ou plus prés de terre les corps auraient été inhumés dans un cimetière.
Des hypothèses plus récentes, et moins maritimes, sont également possibles. Mais sans datation des squelettes la lumière sur ce mystère ne peut être envisagée.
Si un lecteur de cet article a d’autres éléments sur se mystérieux squelettes, ou est en mesure de faire d’autres hypothèses réalistes qu’il n’hésite pas à m’en faire part.
Mon petit sloup jaune s’appelle Kernoc’h, on me demande souvent d’où vient ce nom.
La réponse est simple c’est le nom d’une partie du port de l’île de Batz : porz kernoc’h et le nom d’un l’îlot dans le port et de l’amer en forme de pain de sucre sur cet îlot. C’est également le nom du quartier de l’île directement sur le port et aussi celui de la cale de kernoc’h
Là ou cela se complique c’est sur l’orthographe du nom Kernoc’h. Kernoc’h étant un toponyme (nom de lieu) breton, et la langue bretonne étant essentiellement une langue orale, nous allons trouver, dans les traces écrites, toutes sortes d’orthographes.
La plus ancienne trace actuellement retrouvée dans la liste de noms de lieux du chenal donnée en annexe de la carte des ingénieurs du roi de 1778, c’est Quernoch
Sur le cadastre de l’île de 1809, on trouve le quartier de Pors Knoc, avec le K barré de l’ancienne graphie bretonne de Ker
Sur l’inventaire de la population de l’île établie par la mairie en 1841 c’est Pors Kernoc.
Sur la carte marine de Beautemps-Beaupré de 1836, et sur ses copies postérieures c’est : Kernoch
Sur la plan du port de l’île de l’atlas des plans des côtes de France de 1877 c’est : Kernoc’h
Nicolas Roualec , sur sa carte et dans son essai de toponymie de l’île propose Kernok.
Les bretonnants vont l’écrire aujourd’hui Kernog, c’est l’orthographe de référence qu’utilise Per Pondaven dans son étude très complète de la toponymie nautique de l’île de Batz.
Certains demanderont, que signifie Kernog en breton. C’est avant tout un nom de lieu, le traduire en français a-t-il un sens ? localement tout le monde sais que Kernog est le port. Dans les années 60 les ouvrages de toponymie proposaient systématiquement des traduction en français, bien sur dans certain cas la traduction est facile, mais dans d’autre cas elle peut etre qu’une hypothèse plus que douteuse. Pour Kernog Alain le Berre et Nicolas Roualec le traduisent par rocher cornu. La morphologie de l’îlot de Kernoc’h a évolué, il a été exploité comme carrière de granite lors de la construction du mole à partir de 1846. On a bien du mal à lui trouver une allure cornu maintenant. En tout cas, son nom est antérieur à la construction du « pain de sucre » dans les années 1840
Pour l’anecdote on trouve dans la littérature deux autres Kernoc’h , dans le roman très fantaisiste d’Eugène Sue « Kernok le pirate » dont une partie de l’action se passe à Pempoul à Saint Pol de Léon, plus récent l’album de BD de Anie et Michel Politzer « Les mousses de Kernoc’h » la vie au temps de la voile d’un port imaginaire de Bretagne atlantique.
L’ancien canot de sauvetage à aviron de l’île de Batz, le « Sainte Madeleine et Sainte Victoire de Saint Faron » acheté dans les années 50 par la famille Ressot , motorisé et équipé d’un roof a été rebaptisé Kernok, il est, à ma connaissance, l’unique bateau ayant porté ce nom avant le mien.
Au XVIIème siècle les côtes bretonnes ne sont que faiblement défendues et sont victimes des attaques des anglais ; Vauban nomme comme responsable des défenses des côtes à Saint-Malo l’ingénieur militaire du Roi Siméon Garengeau Il met alors en place un véritable plan de sécurisation et de défense des côtes nord de Bretagne
Garengeau travaille énormément sur ce projet. Les remparts de Saint-Malo et les forts sur les îlots environnant sont du à son tallent. Il trace les plans des modifications du château du Taureau en baie de Morlaix et ceux du fort de l’île aux Moine au Sept-îles.
Pour la sureté de la navigation il fait les plans du phare du Stiff à Ouessant, qui est construit en 1699, du phare de Fréhel construit en 1701, et en 1705 il fait les plans d’une tour à feu pour l’île de Batz, de formes et de conception proches des deux précédentes. Cette tour à feu ne verra jamais le jour.
Siméon Garengeau ingénieur militaire, formé dès sa jeunesse à l’art du trait par son père maitre menuisier à Paris, il trace des plans d’une grande qualité très souvent aquarellé.
J’ai découvert avec plaisir ce magnifique plan du projet de tour à feu pour l’île de Batz dans les archives en ligne des archives départementales d’île et Vilaine. Pour découvrir un phare semblable vous pouvez visiter sur l’île d’Ouessant le phare du Stiff dont une belle restauration vient juste de s’achever.
Liens
Site sur les fortifications littorales de Bretagne nord
Phares de Fréhel : l’histoire en images
Roscoff
"Encore un naufrage. Vers les dix heures ce matin, la péniche Nathalie, patron Tanguy, de l’île de Batz, allant à Roscoff avec un chargement de 2700 livres de pommes de terre nouvelles achetées par M. Pascal Creignou, expéditeur à Saint-Pol de Léon. La péniche avait à bord le patron Tanguy, un marin, un mousse et la courtière de M. Creignou. Entre Roc’h Léa et la roche aux loups, la Nathalie coula à pic. L’équipage et la courtière furent sauvetés par le Saint6Joseph, l’Espoir et une troisième barque. On ne sait si on pourra renflouer le bateau. Comme on le voit c’est une série noire pour nos parages."
La dépêche de Brest du 15 mai 1910
On apprend dans la dépêche du mercredi 18 mai 1910 :
"Renflouement de la Nathalie
La péniche Nathalie, patron Tanguy de l’île de Batz qui avait coulé ces jours derniers, a été renflouée. Inutile de dire que le chargement de pomme de terre a été perdu"
Commentaires
D’après la dépêche la tempête de S.O. se fait sentir depuis plusieurs jours sur tout l’ouest de la France un dundée de Lorient a fait naufrage sur le plateau de Rochebonne, de nombreux caboteurs sont en relâche en rade de Brest et quelques jours auparavant on déplore à Roscoff la disparition du capitaine au long-cours Joseph Salaun naviguant pour son plaisir avec son cotre Garilly.
En1910, l’agriculture des primeurs est déjà bien développée à l’île de Batz, et l’île exporte régulièrement ses pommes de terre nouvelles. En mai 1921, elles sont achetées aux agriculteur à 21 francs les 100 kg à l’île alors qu’à Roscoff ou il n’y a pas le transport maritime elles sont achetées à 26 francs. C’est certainement pour ne pas payer trop cher que la courtière St Politaine choisit pour transporter cette 1,4 tonnes de patates nouvelles , une péniche de taille modeste plutôt qu’un sloup de passage ou une gabare de l’île.
Pour découvrir les péniches de l’île : un article du site
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Mercredi (01 juin 1938), dans l’après-midi, une tempête d’une violence inouïe se déchaina très rapidement sur notre région . Ces jours derniers, sous la direction d’ingénieur, une équipe d’ouvriers travaillant pour le compte de la Société Lyonnaise procède à la pose des câbles sous-marins entre l’île et Roscoff.
Trois d’entre eux, les nommés Lucien Houdez, chef monteur de la société Geoffroy-Delore ; Lucien Burochat, 40 ans, de Morlaix et Gustave Lucins, 20 ans, originaire de la Guadeloupe, demeurant aussi à Morlaix, raccordaient les câbles en question à la roche dite Roch-Noën, située près de l’île verte.
L’ingénieur de la société Geoffroy-Delore, M Olivier Hons, était passé sur la roche Noën. Pour mettre en chantier l’équipe, ayant une vedette à moteur et un canot à sa disposition.
Le temps semblant se gâter, l’ingénieur donna des instructions pour ne pas continuer le travail de montage de la boîte et pour en terminer provisoirement par un travail sommaire.
Devant passer à l’île verte pour surveiller une équipe de réglage du câble posé entre cette île et le continent, il quitte Noën, comme convenu, vers 14 heures 15 (l’heure d’été existe depuis 1916 UT +1), avant que la tempête ne se soit élevée. Le canot au lieu d’aborder la vedette, fut obligé de passer à l’île Verte, le patron de la vedette s’étant absenté pour aller déjeuner. Or celui-ci était seul capable de se servir de sa vedette, circonstance ignorée de l’ingénieur. Le canot fut envoyé d’urgence à Noën mais, par suite du vent, ne peut aborder l’îlot et toucha terre à Batz pour reprendre le patron de la vedette. Celui-ci chercha alors à gagner Noën avec sa vedette, sans y parvenir, la tempête étant devenue d’une violence extrême. A un moment donné, les trois hommes précités se sont trouvé cernés par la mer très houleuse. L’un d’eux, Gustave Lucins, se jeta dans les flots, nagea et réussit à atteindre une embarcation qui se trouvait à environ 150 mètres de la Roche Noën.
La vie des deux autres hommes, le chef monteur Houdez et Burochat, étant en péril, le sémaphore de l’île de Batz, alerté par M. Hons et le maire de l’île hisse les signaux de détresse, puis on tira deux coup de canon.
Les frères pilotes Arthur et Hyacinthe Le mat, ainsi que Joseph Dirou marin pêcheur, n’hésitèrent pas, au péril de leur vie, à aller sauver les deux hommes. Pendant plus d’une heure ils luttèrent avec acharnement contre les vagues, risquant de couler leur canot sans réussir à aborder les hommes en danger.
Le bateau de pêche à moteur Ariel II patron Esprit Le Mat et la vedette du laboratoire, patron Henri Coëff, se rendirent également sur les lieux. Un canot dans lequel se trouvaient Victor Corre et Jacques Coëff réussit, calant moins d’eau que le canot des pilotes, à accoster les naufragés. La roche Noën était déjà couverte par la mer. Les deux hommes furent pris à bord. Le canot des pilotes les ramena ensuite jusqu’au quai.
M. Le docteur Stéphan fils, mandé à l’avance vint donner ses soins aux deux naufragés. Leur état est satisfaisant.
Nous sommes heureux d’adresser nos félicitations à tous ces braves et courageux marins qui, bien que risquant leur vie, ont porté secours à des hommes qui sans eux, auraient été engloutis par la mer
Dépêche de Brest du vendredi 3 Juin 1938
Commentaires :
L’île de Batz est relié au continent par un câble sous-marin depuis 1865, ce premier câble sous marin est un câble télégraphique pour le poste électro-sémaphorique situé au pied au phare. Le premier câble électrique est posé en 1938. le téléphone arrivera quelques année plus-tard pendant la seconde guerre mondiale, il est mis en place pour l’armée allemande d’occupation qui surveille particulièrement le littoral et ses îles. Le tuyau sous-marin alimentant l’île en eau arrivera nettement plus tard, c’est seulement en 1972 que l’île découvrira les merveilles de l’eau courante.
La roche Noën avec sa balise sud est appelé An Oan sur les cartes marines et Run Oan dans la toponymie nautique locale.
Revenons aux circonstance, du sauvetage ci-dessus, l’article du journal n’indique pas le nom de la vedette ni celui de son patron. Les travaux de pose de ce câble ne semble pas avoir été mené avec le même sérieux que ceux effectués, à la même époque, par l’administration des Phares et Balises ou des procédures de sécurité étaient appliquées avec rigueur.
Le 23 aout 1910 est inauguré discrètement la Roscovite une vedette automobile pour le passage entre Roscoff et l’île de Batz. Contrairement au sloups qui font la traversée, ce bateau n’est pas ilien, la bataille avec les bateliers de l’île de Batz s’engage de suite . La Roscovite propose une traversée pour 25 centimes les bateliers iliens baissent leur prix à 15 centimes.
Mais d’où vient cette vedette ? Un notaire parisien monsieur Erussart, propriétaire à Locquénole est a l’initiative de ce projet de vedette à moteur pour l’île de Batz.. Maitre Erussart est un yachtman, il a un yawl de 20 tonneaux le Miry au bassin de Morlaix, il est d’ailleurs classé troisième de la première série de yacht au dessus de 8m aux régates de Morlaix du 2 aout 1909.
Il fait construire en 1910, en région parisienne cette vedette automobile, elle est convoyé jusqu’à Morlaix par camion et mise à l’eau le 18 aout 1910 au bassin de manière plutôt originale comme on peut le lire dans la « Dépêche de Brest » du 19 aout 1910 :
Elle ne commence pas sous de bons augures, 14 aout l’armateur est toujours à la recherche d’un patron pour sa vedette et faisait publier dans la dépêche de Brest l’annonce suivante :
Dans l’état actuel de mes recherches j’ignore pendant combien de temps la vedette la Roscovite a assuré le service de la traversé entre Roscoff et l’île de Batz ; mais tout laisse à penser que cela a été très court face aux difficultés de navigation dans le chenal que les bateliers de l’île connaissent parfaitement. Le temps des sloups a encore de belle années devant lui. Et c’est seulement vers 1930 que les patrons iliens commencent a équiper certains bateaux de passage à voile de moteur et c’est bien plus tard dans les années 50 qu’apparaitront les premières vedettes. Mais ceci est une autre histoire.
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Trouvaille rare :
Mme Corre, notre sympathique compatriote, gérante du débit de tabac de la résidence, a été fort surprise hier en nettoyant des ormeaux de voir un objet tomber de ce mollusque à terre.
Intriguée, elle le ramassa et quelle ne fut pas son étonnement d’apercevoir une superbe perle, ayant d’un coté le même brillant nacré que l’intérieur de la coquille de l’ormeau.
Mme Corre, très heureuse de sa trouvaille qui a certes une bonne valeur marchande, la fera examiner prochainement par un joaillier parisien. Dès que nous serons en possession du résultat de cette expertise, nous le ferons connaitre à nos lecteurs
La Dépêche de Brest du 06 avril 1927
Commentaires
La grande marée était exceptionnelle en ce début avril 1927 : le 03 avril les coefficients était de 118 la mer est descendu très bas et la pêche aux ormeaux sur la côte a du être excellente. A Roscoff les sloops « Roch Glaz », « Saint-Joseph », « Baptiste » et « Marcel et Louise » sont allés à la pêche aux ormeaux à Primel
L’histoire ne raconte pas si Mme Corre a vendu cette perle ou si elle a été conservé précieusement dans la famille, et malgré ses promesses la « Dépêche de Brest » ne semble pas avoir publié, par la suite, l’estimation de cette heureuse trouvaille.
Le journaliste indique que Mme Corre était gérante du tabac de la résidence, je me demande bien a quoi correspond « la résidence » pour l’île de Batz. L’ancien Tabac de l’île de Batz était à coté de l’actuelle mairie était il tenu par Mme Corre ?
Mais revenons à la perle d’ormeau, comme dans l’huitre et dans beaucoup d’autres coquillages il peut se former naturellement dans les ormeaux une perle. Toutefois, la perle d’ormeaux est particulièrement rare et présente souvent des couleurs et des formes souvent étonnantes. Peu connu en joaillerie en Europe, elle est maintenant la spécialité de la Nouvelle-Zélande ou quelques producteurs pratiquent, pour l’élevage, la même technique d’implantation du nucléus que celle des huitres. Mais la technique est moins maitrisée et la mortalité des ormeaux reste importante et cette production de perle d’ormeau est très limité. Les perles d’ormeaux peuvent atteindre des prix très élevés
Liens :
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Joseph Bellec, surnommé Chef ou Cheffik était une figure de l’île de Batz. On ne pouvait pas lui donner un âge, son béret vissé sur sa tête, sa cigarette au coin des lèvres, il avait le sourire, l’œil malicieux et n’était pas avare de vieilles histoires. Il avait fait tous les métier, Johnny en Angleterre, ouvrier agricole, travail saisonnier « au sucre » à Toury ou à Pithiviers et bien d’autres encore.
Grand connaisseur des grèves de l’île, il pêchait à l’haveneau des crevettes de jour comme de nuit. Quand il partait à la grève, pas le temps de raconter des histoires « Mont arann da besketa.. Ar mor a ya kuit. Poent eo tosteit » ce qui en français veut dire « Je vais à la pêche..la mer baisse. Il est temps d’approcher ».
Chef était le roi de la crevette : « j’ai fais souvent des pêches de cinq kilos… et pas de la grenaille, du bouquet comme mon pouce », il leur parlait « Venez à la maison, il y a du pain-beure» et savait à l’avance le nombre de crevettes qu’il allait pêcher dans chaque trou.
Mais le plus étonnant , c’était son chien, Dick, un petit bâtard, noir et marron, court sur pattes et très musclé, Dick avait un talent particulier, à la grève il chassait les congres. Laissant son maître de son coté, tout affairé à ses crevettes, il marchait au flair, cherchait de rocher en rocher, de caveau en caveau la cachette du congre. Lorsqu’il en trouvait un, il n’hésitait pas à se glisser sous le caillou pour l’attaquer, et bien souvent il arrivait à l’achever en le mordant. Il aboyait pour prévenir son maitre, qui l’aidait, parfois, en maniant le « baz krog » à déloger le poisson de sa retraite. Quel combat à la grève ! Son exploit : il « chassa » huit congres en deux marées consécutives. « heureusement qu’André le Coz, de Pen ar C’hastel étaient là pour m’aider à les ramener.. l’un d’entre eux mesurait juste ma taille 1,75 m »
Dans les grèves du nord de l’île, la pêche de nuit peut être dangereuse, et la brume ne pardonne pas : « On a beau connaître, quand la mouscaille vous prend, on voit même plus la lanterne du phare. Une fois, j’étais à Raouveur dans les cailloux. Et cette nuit la, Dick n’était pas là pour me guider. Heureusement, j’ai appelé et on m’a répondu de la dune. Quand j’ai retrouvé Marguerite dans le plume, j’étais plus heureux qu’un pacha »
Cheffick était né au début du siècle, dans un petit penn ty au Kenecaou, ils étaient treize enfants, douze gars et une fille.
« C’était pas un château.. c’était tout le contraire. Il fallait faire avec. On était beaucoup de petits Bellec.. Il ne fallait pas attendre du rôti sur la table. Pour me faire taire dans mon berceau, ma mère mettait un bouchon sucré amarré dans un morceau de linge. A moi de sucer. Ca devait pas être si mauvais que ça… Un jour un rat est venu réclamer sa part et parce qu’il avait faim, il avait mangé un de mes doigts. Mon père s’est foutu en boule. Avec une barre, il a soulevé la pierre du foyer où on cuisait les choses au bizin seac’h (goémon à bruler) … 32 rats sont partis. Pas un de plus. Pas un de moins. Le chien en a tués je ne sais combien »
Chef Bellec n’a jamais été marin, mais il a traversé plusieurs fois la Manche. Jeune garçon le voila embauché dans une compagnie de johnnies de Roscoff pour aller vendre des oignons en Angleterre
« Je vendais pas. Je faisais les bottes. Je restais au hangar. Le « master » c’était Chapalain de Roscoff. J’étais le champion pour les faire. 220 bottes de 4 livres dans ma journée »
Les traversées, à la voile à bord de dundée ou de goélette de cabotage n’était pas de tout repos. Les johnnies étaient dans la cale avec les oignons. En cas de mauvais temps l’équipage, des gars du Trégor, fermait les panneau en les enfermant dessous, le pont balayé par la mer était trop dangereux pour des paysans qui n’avaient pas le pied marin. Chef Bellec racontait qu’une fois il avait mis 23 jours pour arriver à destination en Angleterre à bord de la goélette Roscovite. Vent debout, tirant des bords contre le mauvais temps, puis toutes les voiles arrachées la goélette a fait demi tour vers un port du Trégor pour réparer les avaries avant de repartir vers le port anglais de Cardiff ou de Porsmouth..
Après une vie bien occupée, Joseph Bellec a quitté cette terre, et ses grèves à l’âge de 97 ans. Sa philosophie était « Te fais pas de bile ! Tu as tort ! Il faut chanter .. ça chasse la maladie . Sa chanson à lui était « Ar gazek ven »
Sources et liens :
Cet article a été écrit à partir de plusieurs articles de Louis Priser parus dans le journal le télégramme dans les années 80, des souvenirs de discussions entre mon père et Chef Bellec qu'enfant, j’écoutais avec attention, et du film super8 de mon oncle Guy Floch sur les exploits à la grève de Chef Bellec et de son chien Dick
Sur les Johnnies : Site Roscoff au quotidien
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Je suis née en 1915. Mes parents instituteurs, habitaient Plourin et je passais mes vacances chez mes grands-parents à l’Ile de Batz. C’est l’île de l’immédiat après guerre, celle de 14-18, puisque vers le début des années 20, grand-père, n’était pas encore en retraite. Je venais donc à l’île que pendant toutes les vacances. Pour moi c’était la grande aventure…
Le plaisir commençait à la gare de Morlaix où nous prenions le train Morlaix-Roscoff, un train d’autrefois sans couloir, à compartiments séparés de 1ère ,2ème et 3ème classe. Lorsque j’ai su lire, j’ai pu déchiffrer les recommandations des chemins de fer de l4ouest : Danger de se pencher au dehors écrit en trois langues, français, anglais, italien : « Periculoso perchesi ». Ce mot là me plaisait beaucoup. La locomotive soufflait, sifflait, fumait. C’était un omnibus qui ne roulait pas vite et s’arrêtait à cinq stations dont j’avais très vite appris les noms. Assise près de la vitre, j’attendais avec impatience le moment où je verrais la mer.
A Roscoff, quelquefois, les bateliers attendaient les voyageurs annoncés avec une carriole à bras. Nous prenions aussi parfois la voiture de l’hôtel Papin sorte de fourgon monté haut sur roues. Il y avait des banquettes rembourrées et une porte à l’arrière avec des marches qu’on dépliait : un vrai luxe ! A mesure que nous avancions vers le Vil, l’odeur âcre et forte de la mer devenait de plus en plus intense. C’était déjà l’Ile de batz qui venait vers nous. Le nouveau quai n’étant pas encore construit, le bateau partait du Vil.
Nous ne savions jamais ce que nous allions trouver. La mer était-elle haute ou basse ? Le bateau était-il là ou fallait-il guetter son départ de l’île ? Les horaires étaient fantaisistes et il n’existait pas de carnets de marée. Si la mer était haute et le bateau à la cale, c’était très bien. Avec Vent arrière, nous pouvions filer droit sur l’île. Si Le vent et le courant étaient contraires, le bateau allait louvoyer vers les rochers de Santec pour tirer des bords. De temps en temps, le capitaine criait : « attention baissez la tête, paré à virer ». On baissait les têtes, on s’enfonçait le plus possible dans le fond du bateau pour éviter la bôme changeant de bord. La grand voile, le foc et la trinquette claquaient au vent, le bateau penchait de l’autre coté. Si la mer était mauvaise, on embarquait des paquets de mer et si en plus il pleuvait, malgré nos capuchons nous arrivions trempés à destination.
La traversé durait parfois une heure. Même par gros temps, je n’avais pas peur. Les marins connaissaient bien le chenal, la mer et le vent, il n’y a jamais eu de naufrages.
Curieusement, les bateaux portaient des noms d’oiseaux : le coq de l’île, La Mouette, la Fauvette, l’Hirondelle et plus tard la Belle Poule. Il y eut aussi le St Joseph. Il fallait bien un saint pour protéger toute cette flotille. Les marins s’appelaient Yaîch, Guennic, Urbain Kerrier. J’ai oublié quelqueq autres noms. Yaïck était le patron du Coq de l’île. Il était très bavard, quand le temps était calme, il nous racontait des histoires drôles. Il se proclamait « l’Amiral de l’île de Batz, père de onze enfants et douzième à venir »
Il arrivait aussi que la mer soit basse. Il fallait alors se déchausser et marcher dans la grève jusqu’au cales attachées à des rochers : Roc’h ar goret, Carniguel et Roléa. Les bateliers, eux aussi allaient nu-pieds ou chaussés de sabots (on n’avait pas encore de bottes).
Parfois la mer était si basse que le bateau ne pouvait accoster même à la dernière cale. On montait alors dans un canot qui conduisait au grand bateau et à l’île, on passait du grand bateau à un autre canot. Comme la cale de l’île aux moutons était bien plus courte que maintenant et si la mer était encore trop basse, les bateliers prenaient les enfants et les femmes sur leur dos. C’était très drôle de voir une sœur effarouchée sur le dos de Yaîck, sa longue robe blanche et sa cornette flottant au vent. On débarquait aussi, certains jours à la cale de Malvoc’h glissante et mal entretenue. Il fallait donc marcher tout le long du môle ou traverser tout le port en se déchaussant.
Par temps de calme plat, la traversée se faisait à la rame dans un grand et lourd canot. Les marins souquaient dur sur de longs et gros avirons. Ils ne pouvaient transporter ainsi que quelques passagers. On était bien loin des foules de nos dimanche actuels. J’aimais bien ces traversées-là, on voyait les algues au fond de la mer transparente et souvent des bancs de poissons. Au cours des traversées à la voile, très souvent des marsouins suivaient le bateau mais on n’en voit plus. Un jour, j’ai vu une goélette se dirigeant, toutes voiles dehors vers la baie de Morlaix.
A l’arrivée, quelqu’un nous attendait toujours avec une brouette pour les bagages. Il n’y avait ni tracteurs, ni taxi, pas même de vélos.
En été, dès le lendemain de notre arrivée, la grande affaire était d’aller acheter des espadrilles au « petit bazar » situé au fond du vieux port, sur le petit chemin au bord de l’eau, tenu par Manaïck et sa fille Antoinette. Manaïck avait un sens particulier du rangement. C’était un aimable fouillis. Vous trouviez une espadrille à votre pointure et à votre couleur préférée. La difficulté était de trouver sa sœur pour faire la paire. La distraction les jours de pluie était d’aller au « petit bazar » sous le prétexte d’acheter une carte postale ou une bobine de fil et de contempler l’énorme cornet acoustique en corne marron d’Antoinette. Lui permettait-il vraiment d’entendre ?
L’île avait d’autre boutiques. Dans notre rue, nous avions deux boulangeries : celle de ma grand-tante dans la vieille maison face à la Poste et à l’autre bout la boulangerie l’Hostis avec à côté l’épicerie d’Henriette (aux enfants successeurs). Au moment de la cuisson du pain, à peu près à la même heure dans les deux boulangeries, une bonne odeur de pain chaud se répendait dans toute la rue. Cette rue était très vivante. Outre ces deux boulangerie s’y trouvaient depuis le Vénoc, la maison du docteur Glérant, en face une vieille épicerie, un café, la forge et à l’autre bout la Mairie, la Poste et tout en haut, le sémaphore. De l’autre coté, la ferme de Glodaïck (chez Marie Jo et JPP) et plus loin, l’école des garçons.
A l’épicerie, tenue par Marie Savin puis par madame Buhot, on trouvait de tout : le ravitaillement nécessaire, mais aussi du savon, des cordages, de la mercerie, des étoffes mesurées à l’aide d’un mètre en bois aux bouts carrés. Quand arrivaient les sacs de café vert, l’épicière s’installait sur le pas de la porte et grillait son café dans un grilloir en forme de cylindre qu’elle tournait à l’aide d’une manivelle au dessus d’un feu de charbon de bois. Le café grillé tout chaud était ensuite étalé sur une toile, au bord de la rue et un délicieux arôme embaumait tout l’environnement.
Au bruit clair du marteau sur l’enclume, on savait que le forgeron, dans l’atelier voisin se préparait à ferrer un gros cheval de labour ou à cercler une roue de charrette. Le cercle de fer terminé, le forgeron, avec son aide, le plongeait dans un cercle de feu, toujours au bord de la rue. Le cercle devenu incandescent, arrosé d’eau froide, adhérait parfaitement sans un clou, à la roue de bois. A mes yeux c’était un miracle.
Les boulangers ne vendaient ni flûtes, ni baguettes, mais des pains ronds de différentes tailles que l’on pesait. Si le poids n’était pas exact, on ajoutait un morceau de pain appelé la pesée ou la lance. Lorsque toute la fournée était sortie, le four restait encore chaud. Les ménagères y faisaient cuire le far aux pruneaux, le riz au lait et même le pot au feu et le rôti de porc aux pommes de terre. Quel délice !
Les télégrammes arrivaient ou partaient du sémaphore. Ma grand-mère l’appelait la citadelle car il a été construit sur un vieux fort. Plus tard, la poste s’en est chargée en utilisant l’alphabet morse. Encore pour moi un étonnement, comment pouvait-on écrire des mots à partir de ces points et de ces traits ? Une personne, souvent une femme, était chargée d’aller porter l’enveloppe bleue à domicile.
La Mairie et la Poste se trouvaient au rez-de-chaussée de la poste actuelle. L’école publique des filles, à classe unique, se situait à l’emplacement de la mairie actuelle. J’y suis allée quelques temps. Nous étions une poignée de fille de tous âges, enfants de fonctionnaires quelques « rouges » irréductibles. On disait qu’on allait à l’école, « chez Marie Quemener », qu’on aimait bien. En juin, juillet (les vacances commençant au 1er aout), la récréation se passait dans le jardin de l’école, un merveilleux jardin, où l’on pouvait grappiller groseilles, cassis, framboises. Marie Quemener, en bonne roscovite, ne manquait jamais le pardon de Roscoff qui tombait souvent un jour de semaine. Elle emmenait toute sa petite bande à Penn Bas. Assises sur la dune, on pouvait tout voir et tout entendre. La procession partait de l’église de Roscoff et arrivait, avec croix et bannières, à la butte de Ste Barbe qu’elle escaladait jusqu’à la chapelle. On allumait alors un feu de joie. C’était l’après-midi, de l’île on en voyait la flamme et on entendait les cantiques. Les cérémonies terminées, nous goutions toutes ensemble. C’était la fête et notre promenade scolaire de l’année. Toutes les autres filles allaient à l’école des sœurs. Il n’y avait qu’une école de garçons et ils y allaient tous.
Deux sloops ravitaillaient l’île et transportaient aussi du charbon, du bois. Les sabliers transportaient jusqu’à Morlaix le sable extrait des bancs du chenal. Le déchargement se faisait au milieu du port dans de lourdes charrettes de bois aux roues cerclées de fer. Grâce au charbon, les cuisinières commençaient à apparaitre dans certaines maisons. Dans beaucoup d’autres et particulièrement dans les chaumières qui existaient encore, on faisait le feu dans les cheminées. On brûlait des pieds de laminaires durcis comme du bois et des « glaouet » sortes de galettes faites de bouse de vache et de paille séchées au soleil. On se chauffait très peu. Quand il faisait froid, on allait se coucher avec une brique enveloppée d’un vieux lainage. Jusqu’en 1939, on s’éclairait à la lampe à pétrole et à la bougie. Il n’y avait pas d’eau courante mais des citernes et des puits.
A la saison de la coupe de goémon , en avril, les grosses charrettes tirées par de forts chevaux de trait rapportaient ce goémon sur la dune. Les îliens qui n’avaient ni cheval, ni charrette le transportaient sur des civières et les femmes seules et pauvres le portaient en faix lourds sur leur dos. La dune alors, dans tout le nord de l’île se couvrait de goémon et toute l’île était imprégnée de son odeur iodée et forte apportée par le vent. Le goémon séché était mis en meules appelées « Calzen » avant d’être vendu. C’est à cette époque que l’on a creusé des fours à goémon longs et étroits à la pointe ouest de l’île. On y brûlait le goémon pour en tirer de la soude. Je ne savais pas ce que c’était mais cela faisait un nouveau mot dans mon vocabulaire.
On cultivait surtout des pommes de terres, oignons, carottes. Il y avait beaucoup de champs de céréales : blé, avoine, seigle. Il n’y avait pas de machine à battre. J’ai vu battre le blé au manège dans l’aire de la ferme de Glodaïck (l’actuelle maison de JPP et Marie Jo). Les lourds chevaux de labour tournaient en rond pendant des heures pour activer une sorte de meule qui séparait la paille des épis. On mettait ensuite les épis dans une machine à manivelle, on tournait longtemps et le grain se séparait du son. Le grain, mis dans des sacs partait des gabares, bateaux noirs, à l’arrière pointu, pour la minoterie de Penzé. A l’île, les cinq moulins ne tournaient plus. Des gabares rapportaient la farine et des fagots d’ajonc pour alimenter les fours à pain.
Après la moisson, on semait dans les champs, de la luzerne pour l’alimentation des vaches. Chaque ferme avait une ou plusieurs vaches et aussi un cochon… La viande de porc, le lard, et les pommes de terre formaient la base de l’alimentation.
Tout le monde connaissait le garde champêtre personnage important dans l’île, appelé le père tempête, je ne savais pourquoi. Il mettait en prison les garnements qui avaient fait des sottises importantes et aussi les plus grands qui avaient trop bu et avaient provoqué des bagarres dans les cabarets. La prison était un réduit dont la porte avait une petite ouverture grillagée, située derrière la poste. Elle sert maintenant à garer les vélos des facteurs.
Le père tempête était aussi le crieur public. Grimpé sur une pierre assez haute, à l’entrée de l’enclos de l’église, il annonçait les nouvelles, les naissances, les décès et les bans de fiançailles. A cette époque, les bans ainsi publiés étaient presque aussi sacrés que le mariage. Il parcourait aussi les rues, son tambour prévenait de son passage. Il annonçait les décès en breton et la date des obsèques suivis de quelques mots bredouillés en latin d’Église incompréhensibles. Sans doute ne les comprenait-il pas lui-même ?
Les distractions, dans l’île, étaient rares. Le dimanche, on assistait à la messe, et aux vêpres de l’après-midi pour les femmes les plus dévotes et les enfants du catéchisme. Les hommes eux jouaient à la galoche (on dit aussi le palet). On ne connaissait pas encore les boules. Pour la messe et les processions : Fête-Dieu, quinze-aout et pardon de Sainte Anne, les femmes portaient leur belle tenue ; châle, tablier, jupe noire et coiffe de dentelle. Dans ces processions, les hommes portaient la croix et le bannières. Il fallait la force masculine pour lutter contre le vent avec ces bannières. Les jeunes filles portaient la statue de la Vierge.
Lors des mariages, on mangeait toujours le même menu chez Catherine (actuel Gwir Zikour) puis l’on dansait au son du piano mécanique. Lorsqu’il m’arrivait de le voir, je ne comprenais pas comment la bande de carton perforée qui se dépliait en sortant du piano pouvait produire des sons. Dans l’après midi, l’on dansait sur le carré du phare, sorte d’esplanade.
Quelquefois, le dimanche après-midi, le canot de sauvetage appelé à l’époque Ste Madeleine et Ste Victoire de St Faron sortait pour son entraînement. L’abri du canot était l’actuelle maison Ti Dour à Pors Retter. De cet abri, partait une chaussée, faite de dalles de granit qui aboutissait à l’endroit des plus basses eaux. Le canot était posé sur un chariot que tirait une quinzaine d’hommes jusqu’à sa mise à flots. C’était un canot à rames. Les marins étaient eux-mêmes en danger quand ils affrontaient la tempête pour aller secourir les naufragés.
Lorsque nous avions des amis, la promenade traditionnelle était d’aller au phare. A cette époque, il y avait trois gardiens qui habitaient avec leur familles dans les maisons à toits rouges face au nord. Mon grand-père connaissait les gardiens et nous étions toujours reçu avec amitié. Au premier étage, dans une pièce carrée, tapissée de beaux lambris se trouvait une belle table avec un livre d’or où les visiteurs apposaient leur signature accompagnée d’un petit commentaire. C’était très amusant de lire ces noms et ces commentaires. A sept ans, je grimpais allègrement jusqu’au haut de la tour et comme je savais compter, je comptais les deux cent dix marches, en faisant résonner ma voix. Le gardien nous expliquait le fonctionnement du phare, le contrepoids qui montait et descendait, l’horloge, la cuve à mercure sur laquelle reposait la lanterne, l’allumage à l’aide d’un manchon particulier. Le phare n’était pas encore électrifié. Pour éviter de s’endormir, le gardien lisait assis dans un fauteuil en haut du phare, le gardiens étaient souvent de grands lecteurs. Depuis sa construction en 1836, la lanterne tourne toujours au même rythme : 4 éclats toutes les 25 secondes et elle continue à tourner ainsi depuis 167 ans. Dans mon enfance et même bien plus tard, les rayons balayaient toute l’île et éclairaient notre jardin. C’était magnifique. Actuellement les rayons sont plus courts, l’éclairage se faisant grâce à une lampe halogène et la portée ancienne de 25 miles est un peu diminuée.
De temps en temps, un navire de guerre passait dans le chenal. Tout le monde se précipitait pour le voir avec des jumelles pour lire son nom. C’était une distraction qui faisait ensuite l’objet de bien des conversations.
Les enfants n’avaient que peu ou pas de jouet. La grève nous apportait tout ce dont nous avions besoin. Il n’existait pas de ramassage d’ordure ménagères à cette époque et les gens jetaient dans la grève les objets cassés. Pour jouer à la dînette, les tessons de faïence et les coquilles de bernique nous servaient d’assiettes et le goémon vert servait de salade.
Les gamins construisaient de petits bateaux avec de petite bouées de liège tombées des casiers. Un morceau de bois pour mât, un morceau de chiffon pour voile, c’était suffisant pour organiser de vraies régates. Ils allaient aussi pêcher des lançons, des aiguillettes dans les écluses du môle.
On me laissait beaucoup de liberté. Il y avait une seule condition : que je sois à l’heure pour les repas. J’aimais tant jouer avec mes petites amies de l’île que parfois j’oubliais l’heure. La cloche de l’hôtel Robinson celle de l’hôtel de la plage (actuellement maison Menou) qui appelaient leurs pensionnaires aux repas ainsi que l’Angélus me la rappelaient. A cette époque, l’hôtel de la plage était la seule maison au bord de l’eau depuis la maison Masson jusqu’à la cale de Pors Kernoc’h. Notre terrain de jeux était le bout Est de la grève du port appelé le Culoric. Il y avait là une vieille roue toute rouillée, épave de je ne sais quel naufrage. Un jour, on l’a enlevée, c’est un des souvenirs de mon enfance qui a disparu et elle me manque encore.
J’avais aussi deux petits camarades, fils d’un instituteur dont la femme était l’amie de pension de ma mère. Un jour, avec l’un d’eux, nous avions décidé d’aller pêcher des crabes verts, au pied de la falaise sur laquelle se situait l’école des sœurs. Nous étions installés sur deux gros rochers arrondis. La mer était haute et les crabes abondaient car on y jetait beaucoup de détritus. A un moment donné, j’ai glissé dans l’eau profonde parmi les crabes. Je ne sais comment mon petit camarade a pu me sortir de là, où seule, je me serais noyée. Nous sommes rentrés à la maison dégoulinant d’eau de mer, inquiets de ce qui allait nous arriver. Il ne nous esr rien arrivé. On nous a remis des vêtements secs. Ma grand’mère et la maman de mon camarade, avec beaucoup de sagesse ont jugé que notre frayeur était une leçon suffisante. Nous ne sommes jamais retourné pêcher des crabes.
Quand j’étais riche de quelques grosses pièces de bronze de un ou deux sous, j’achetais une sucette (elle venait de faire leur apparition dans les boutiques). Je la suçais avec délice en faisant durer le plaisir. J’achetais aussi parfois à la petite épicerie, en face de la maison du docteur au Vénoc, un rouleau de réglisse en ruban que je partageais avec mes petites amies.
Dans le sable, on jouait au carré chinois, et aux osselets à l’aide de gros bigorneaux. Ma grand’ tante qu’on appelait Naine (diminutif de marraine), avait dans son enfance joué aussi aux osselets. Elle était très malicieuse et m’apprenait les noms des tours en Breton.
Je les ai un peu oubliés sauf l’un d’entre eux très irrévérencieux.
Dans ces années d’après la grande guerre de 14-18, l’île se remettait lentement. Une vieille dame, madame Cousinard, réfugiée du Nord dans notre famille et adoptée par tous, est repartie dans son pays. Je n’ai jamais su comment elle était venue à l’ïle et s’il y avait d’autres réfugiés dans d’autres familles de l’île.
Quelques personnes commençaient à venir pour les vacances. Je me souviens particulièrement, comme un flash, de l’amiral Guépratte et de son épouse. Lui, très raide portant un corset car il avait été blessé pendant la guerre. Il était vêtu d’une veste en peau de léopard. Son épouse, très élégante, s’abritait du soleil sous une ombrelle blanche bordée de dentelle. L’amiral était très connu dans le milieu maritime car il s’était distingué aux Dardanelles. Un de mes oncles, jeune étudiant en médecine, avait été mobilisé comme infirmier sur un bateau hôpital qui, lui aussi était allé aux Dardanelles. On en parlait bien sur chez nous. Sans doute, est-ce pour cela que j’ai ce souvenir très précis. J’aimais les mots et celui de Dardanelles me plaisait bien.
C’était une vie très simple avec de petits plaisirs. Cependant, en entendant parler les gens et mes grands-parents, malgré mon jeune âge, je savais que pour certain îliens la vie était dure surtout pour les familles nombreuse de sept à douze enfants. Certains enfants ne ^pouvaient terminer leur scolarité jusqu’à l’âge obligatoire de douze ans. Les familles les gardaient pour travailler à la maison, dans les champs ou au goémon. Pour les garçons, les instituteurs essayaient d’y remédier en les présentant à l’examen des bourses, à l’entrée à l’école des mousses, à l’école des enfants de troupe ou dans une école de pêche. Pour les filles, il n’y avait guère d’issue. Les personnes les plus malheureuse étaient les veuves et les femmes seules qui n’avaient pour toute ressource qu’un maigre secours de la Mairie. A cette époque, les îliens étaient groupés en quartiers : Goalés, le Rhu, le Phare, Pen Bas, sémaphore, le Bourg etc.… où la solidarité existait et où les plus malheureux étaient toujours aidés.
En janvier 1923, j’ai eu huit ans. Tout à changé dans notre famille. En quatre ans, cinq êtres chers nous ont quittés, dont mon père, des suites de ce qu’on appelait « La grande guerre ». ces évènements douloureux m’ont fait mûrir et grandir. Ma petite enfance insouciante et heureuse était terminée.
Ile de Batz, décembre 2002
Jeanne Plassart
Commentaires :
Jeanne Plassart est décédée au printemps 2008 à l’âge de 93 ans. Jeanne était la cousine germaine et la marraine de ma mère. Jeanne, poursuivant la tradition familiale de son grand-père Michel Floch et de ses parents est devenue institutrice, puis professeurs de mathématiques et directrice de collège à Brest. D’une grande ouverture culturelle, elle dynamisa et dirigea bénévolement la bibliothèque municipale de l’île de Batz pendant les années de sa retraite. Très attachée à l’île de Batz, elle fit des recherches sur l’histoire de l’île et sur la généalogie de la famille Floch. Enfant, j’écoutait avec attention les récits passionnant qu’elle avait pu retranscrire depuis les archives.
C’est Jeanne qui me donna le gout de l’ histoire locale, et bien plus tard, peu de temps avant son décès, alors qu’elle était bien malade, elle me demandait encore ou j’en étais dans mes recherches. J’ai toujours admiré son intelligence, sa pertinence, et son dynamisme.
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En 1836, il y a 1096 habitants sur l’île de Batz. Qui sont ils, que font ils?
En exploitant la liste nominative par foyer établie par la mairie de l’époque et conservée aux archives départementales du Finistère, nous allons nous intéresser aux métiers exercés par les iliens, à la composition des foyers et également aux noms de famille et aux prénoms usités à l’époque.
Cette petite étude est un instantané, elle ne traite pas d’évolution des situations. Tous les exemple donné ci-dessous, composition d’une famille âge et situation des personnes se rapporte à cette année 1836.
Vous trouverez à la fin de cet article, en pièce jointe, un tableau de tous les iliens et de leur situation familiale et professionnelle en 1836.
Les métiers des iliens :
L’image classique, décrite de nombreuse fois, ou tous les hommes sont marins et que l’agriculture est entre les mains des femmes est vrai. En effet, beaucoup de foyer ilien sont à l’exemple de celui de Jacques Tanguy 63 ans, pilote lamaneur à l’île de Batz, sa femme Françoise Péron 60 est cultivatrice leur deux fils Philippe 23 ans et Jacob 20 sont marins, et leur 3 filles Marie 29 ans, Jeannette 26 ans et Marie Anne 18 ans sont cultivatrices et aide leur mère dans le travail des champs aucun de leurs enfants ne sont encore marié et ils vivent tous les sept sous le même toit.
268 iliens sont des hommes de mer soit 52% des hommes, il est fait, une distinction entre les différents types de professions maritime. Sur cette liste ont trouve qu’un seul officier de la Marine Royale c’est Yves Trémintin le héros de l’île de Batz qui après son acte de bravoure, dans l’archipel grecque, à été nommé Lieutenant de frégate avec solde par le Ministre de la marine, handicapé d’une jambe il est pensionné à l’île de Batz. On trouve également : 7 capitaines au long-cours, 1 capitaine au commerce et 26 capitaines de navire, soit un total de 34 capitaines . Ils sont tous capitaines au commerce commandant des navires marchands, on distingue à cette époque les capitaines au long-cours et les maitre au cabotage, la distinction maitre au petit cabotage et maitre au grand cabotage n’existe plus en 1836. Un seul pilote est distingué alors qu’il y a au moins 5 pilotes lamaneur en poste à la station de l’île, les autres pilotes sont certainement classé soit parmi les marins ou éventuellement parmi les capitaines, leur ancienne situation.
Le métier de batelier est spécifiquement ilien, il y a 9 bateliers, ils sont patrons ou matelots sur les bateaux de passage et armés au bornage, le transport de marchandise ou de passagers depuis Roscoff et Morlaix. Les bateliers se nomment Yves Diraison, Thomas Diraison, Jacques Diraison, Guillaume Créach, Jean Guichou, Alain Kerné, Jean Moëz et Yves Nicolas Robin
Pour la majorité des hommes de mer il est noté, comme métier : marin. Il y en a 223, le plus jeune, Nicolas Moal a 11 ans, le plus âgé a 82 c’est le doyen de l’île : Michel Diraison, je doute qu’il soit encore en activité à cet âge bien avancé.
Tous les marins sont sous le régime de l’inscription maritime. L’inscription maritime gère leur période militaire dans la marine royale et l’ensemble de leur carrière de marin civil. Nous allons voir une vie professionnelle typique d’un marin de l’île à cette époque
Ils commencent jeunes vers l’âge de 12 ou 13 ans comme mousse, à la pêche côtière par exemple sur les péniche pilotes, rentrant tous les soir à la maison ou en partant plus longtemps au cabotage. A l’âge de 16 ans le mousse devient automatiquement novice. Mousse et novice sont sous le statut d’inscrit maritime provisoire, et peuvent arrêter leur profession.
A 18 ans le novice devient matelot et inscrit définitif, il peut être alors levé comme militaire dans la marine Royale. Si il renonce à la carrière de marin il doit l’officialiser au près de l’inscription maritime par une lettre. Vers 20 ans, le marin est appelé à faire son service militaire d’une durée de trois ans.
En fonction des besoins de la marine de guerre, l’inscrit maritime peut être levé pour la marine militaire, pour autres périodes plus ou moins longue jusqu’à l’âge de 50 ans. On voit donc sur les matricule des marins, des aller et retour entre les période de navigation au commerce et des périodes sous le drapeau.
Il y a en 1836 vraiment très peu de marins de la royale engagé dans la Royale sur une longue période. Les bureaux locaux de l’inscription maritime cherche à gérer de la manière la plus équitable la levé des matelots pour la royale, en fonction des besoins de la marine, des effectifs disponibles, du statut familial des matelots et de leur précédentes levés.
A partir de cinquante ans, l’inscrit maritime touche une demi solde, proportionnelle au nombre de mois de navigation et de la fonction occupée . Cette demi solde est souvent très faible, versée avec du retard, ou même pas versé du tout car à de nombreuses reprises les caisses des « invalides » sont vide, ce qui fait que les vieux marins continuent souvent à naviguer jusqu’à un âge élevé en fonction de leur possibilité. Le terme demi-soldier, qui correspond à celui de marin retraité, n’est pas utilisé dans cette liste.
Mais revenons à notre liste nominative de l’île de Batz en 1836, l’indication de la profession n’a pas de limite d’âge, ou trouve par exemple plusieurs cultivatrices de 80 ans ou plus, et il n’est pas facile de savoir si les anciens étaient encore réellement en activité.
L’île de Batz vit en autarcie alimentaire et produit dans ses champs et par l’élevage l’essentiel de la nourriture des 1092 iliens. Cette activité agricole nécessite une main d’œuvre nombreuse principalement représenté par les iliennes
A l’île presque toutes les femmes sont agricultrices on en dénombre 352. En y associant les 16 journalières cela représente 63,4 % des iliennes. Il y a toutefois 29 agriculteurs dont 24 chef de famille. 182 foyers soit 81,2 % des foyers iliens ont au moins une agricultrice ou un agriculteur. L’île de Batz produit des céréales et 4 moulins sont en activité et font travailler 8 meuniers.
Si l’on compare les gens de terre avec les gens de mer, 411 femmes et hommes occupent des métiers de la terre et 268 iliens sont des hommes de mer. Cet état est certainement réducteur et ne tient pas compte de la pluriactivité très présente dans les sociétés littorales traditionnelles
Le commerce et l’artisanat sont représentés par 29 personnes : René Richoux et son épouse Barbe Diraison sont aubergistes. Il y a deux commerçants Michel Olivier et Joseph Servet sans que l’on sache le type de commerce tenu. Marie Louise Lerec épouse Kerné est sage-femme elle a 36 ans l’autre sage femme Annette Jaouen a 70 ans et ne pratique certainement plus. Dans le domaine de l’habillement il y un tailleur qui travaille avec sa femme, 9 couturières, une lingère et une repasseuse.
Nous trouvons 3 forgerons, 1 menuisier, 1 couvreur qui travaille les grosses ardoises que l’on peut voir encore sur certaine maison de l’île, le chaume qui prédomine sur les maisons en 1836 est certainement mis en œuvre par les cultivateurs et cultivatrices, 1 tailleur de pierre et 4 maçons, en ce printemps 1836 les travaux du phare commencé depuis 1833 se termine, ces travaux on certainement fait venir de la mains d’œuvre extérieur à l’île , certains ont fait souche surtout que le travail ne manque pas, les îliens grâce avec la prospérité maritime font construire des maisons neuves (expression ilienne)
L’administration des douanes est représenté à l’île de Batz par 9 hommes : un lieutenant des douanes Gabriel Polard, 7 douaniers et un pilote patron de la patache. On trouve également un gardien des batteries. Jerome Joseph Milin est le curé de l’île il a 49 ans Catherine Mair de 75 ans est la bonne du curé.
On compte également deux autres catégories particulières , les domestiques et les propriétaires.
Les 31 propriétaires sont certainement des propriétaires de terres les faisant exploiter par des cultivatrices ou des cultivateurs. Dans 6 cas le mari et la femme sont tous les deux propriétaires et neuf veuves sont propriétaires, dans d’autre cas le mari est capitaine de navire et sa femme est propriétaire comme Jacques Hulot et Marie Le Lez.
Les 15 domestiques sont des jeunes filles de l’île placé dans différents foyers de l’île.
Pourtant courant en Bretagne au XIXème siècle, à l’île de Batz on trouve seulement un couple de mendiants : Pierre Péran, 78 ans, et sa femme Jeannette Jaouen de 57 ans, la situation de leur fis Pierre 34 ans est plus confortable il est marin. Cela ne veut cependant pas dire que les iliens sont presque tous avec une aisance financière.
L’instituteur Jean Nicolas Floch a 44 élèves de 7 à 18 ans . En 1836, seul les garçons sont scolarisés. Pour les 65 garçons entre 7 et 13 ans 35 sont scolarisé soit presque 54 % de scolarisation, ce pourcentage assez important en Bretagne à cette époque.
D’autres garçons vont à l’école à un âge plus avancé, 18 ans pour Nicolas Moal, peut être dans le l’objectif d’acquérir les bases du français et du calcul afin de se présenter plus tard aux examens de capitaines
Les foyers iliens :
L’île de Batz compte 224 foyers. Les foyers iliens vont d’une personne à 12 personnes pour le plus peuplé. En moyenne il compte 4,8 personnes. Le foyer ilien typique comprend de 4 à 6 personnes. Les foyers regroupe généralement le couple de parents, leur enfants et souvent une aïeule âgée veuve ou une sœur de l’un des époux, restée célibataire, comme dans la famille du capitaine Jean Olivier (33ans) qui vit avec Marie Moal son épouse 29 ans ils ont deux filles Marie-Anne 3 ans et Annette 1 ans et Jeanne le Guerch 71 ans, veuve Olivier la mère du capitaine vit avec eux. Beaucoup de couples iliens ont 3 ou 4 enfants, les familles très nombreuses sont rares. Les marins et en particulier les capitaines se marient tard souvent avec des iliennes plus nettement plus jeune. Le capitaine au long-cours Joseph Hulot A 52 ans en 1836 est marié avec Marie-Michelle Floch de 18 ans plus jeune. Les couples de cultivateur, cultivatrice ou les meuniers ont souvent une plus nombreuse descendance que les marins.
L’île compte de nombreuses veuves 80 l’on peut les classer en deux types : les « jeunes veuves » et les « veuves âgées ». On compte 35 veuves de moins de 60 ans , la plus jeune Marie-Anne Traon veuve Moncus a 29 ans. Le nombre de marins disparu en mer est important à cette époque ils laissent souvent une veuve avec des enfants en bas âge. A l’île le remariage des veuves, après quelques années de veuvage, est courant. La notion de famille recomposé existait déjà, et l’on trouve dans les foyers des enfants portant un nom de famille différent de celui du chef de famille.
Annette Trémintin, 32 ans, veuve cordier vit avec ses trois garçons Pierre 9 ans, Nicolas 6 ans et Philippe 4 ans.
Il y a bien sur nettement plus de veuves que de veufs : 80 veuves pour 12 veufs. Parmi ces veuves 12 ont 80 ans ou plus , la doyenne de l’île est à époque Annette le Duff veuve Philippe elle a 83 ans. Mais l’île est jeune, la moyenne d’âge 29,74 ans et 539 iliens et iliennes ont moins de 26 ans
Les noms de famille et prénoms de l’île
Ce qui peut paraitre assez étonnant il y a149 noms de famille différents, certains noms ne sont représentés par un seul individu, en particulier les noms de jeune fille de femmes mariées sur l’île mais n’étant pas native de l’île. Par contre d’autres noms reviennent régulièrement sur plusieurs foyers. Voici les noms les plus représentés, nous trouvons en 1836 50 Diraison, 49 Tanguy, 43 Moal, 42 Bescond, 36 Roualec 36 Trémintin, 35 Caroff, 32 Floch, 31 Péron , 29 Le Lez, 27 Even
On trouve 147 prénoms différent mais certain en particulier chez les femmes reviennent régulièrement et l’on peut trouver dans le même foyer deux personnes ayant le même prénom, souvent un fils porte le prénom de son père et une fille porte le prénom de sa mère.
Sainte Anne est la patronne de l’île de Batz et on la retrouve dans de nombreux prénoms
93 iliennes se prénomment Annette et 59 se prénomment Marie Anne Mais on trouve également de nombreuses Jeanne avec toutes ses variantes dont 45 Jeannette.
Plus drôle, 22 iliennes se prénomment Barbe et 2 se prénomment Olive
Les prénoms masculins sont classique 62 iliens se prénomment Nicolas, 62 également se prénomment Yves, 61 se prénomment Jean, et 47 se prénomment François .
Plus original, un enfant le fils du meunier Louis Moëz porte le prénom de Cézart-Joseph.
On ne trouve qu’un seul prénom Breton sur les 147 prénoms : Goulven présenté deux fois, par le père Diraison marin de 39ans et son fils de 9 ans écolier.
En conclusion, l’analyse de cette liste nominative, nous a fait voyager dans le temps à l’île de Batz en 1836. Le tableau ci-dessous qui reprend l’intégralité de cette liste peut certainement nous fournir d’autres renseignements. Une étude complète de toutes les liste nominatives sur différentes années permettrait d’étudier les évolutions au cours du XIXème siècle des métiers et des foyers. Un élément qui n’apparait pas dans cette liste , et qui apparait dans les listes postérieures est la localisation des foyers dans les différents villages ou quartiers de l’île, une étude sur la localisation des foyers peut être passionnante. Pour les marins au commerce le croisement des donnés de l’inscription maritime : des matricules des marins et des rôles d’équipage, avec les données de l’état civil de l’île de batz permettrait d’étudier les liens familiaux dans les équipages des navires armé au cabotage.
Sources :
Archives départementales du Finistère
On y trouve les listes nominatives de l’île de Batz pour les années suivantes : 1836, 1841, 1846, 1851, 1861, 1866, 1872, 1876, 1881,1886,1891, 1896, 1901, 1906, 1911
Pour les recherches généalogiques : Centre généalogique du Finistère
Moyennant un abonnement annuel, les bases de données du CGF permettent d’accéder aux actes de naissance, mariage et décès
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« Le 19 septembre [1836], on a trouvé sur la grève de l’île de Batz, trente quatre marsouins, restés à sec. Le plus grand pèse, dit-on, 1500 livres environs, et a dix huit pieds de long [5,48 m]; le plus petit qui a sept à huit pieds de long [2.13 m à 2.43 m], pèse a peu près 400 livres.
On en a transporté seize au quai de Roscoff. Parmi cette bande, il n’existait qu’un seul mâle, Pour les empêcher de profiter de la marée montante, il a fallu les tuer à coups de hache ; un homme a été grièvement blessé d’un coup de queue. »
« Journal des débats politiques et littéraires » du 06 octobre 1836 source Gallica
Commentaires :
Autre époque, autres mœurs, l’arrivée de ces animaux à la côte est vu comme apport d’une ressource exploitable, et la population locale pour les capturer les achèvent à coup de hache, ils sont vendus pour l’exploitation de leur graisse. Dans les côtes du nord on trouve également des témoignages du XIXème siècle sur l’exploitation de mammifères marins échoués.
Dans cet article, l’auteur parle de marsouins, certainement leur appellation locale de l’époque, mais au vu du poids estimés des animaux entre 200 kg et 750 kg il s’agit de mammifères marins plus gros, certainement des globicéphales, se déplaçant en groupe et connus pour des cas d’échouage.
Actuellement, on chasse encore des groupe de « dauphins » en provoquant leur échouage, aux iles Féroé, au japon, ou aux iles Salomon. La conservation de ces pratiques de chasses ancestrales a t’elle encore du sens aujourd’hui ?
Une habitude ancienne de l’île de Batz, était de laver les cochons à la grève. Chaque ferme de l’île à au moins un cochon. En 1836 on comptait 250 truies et porcs sur l’île ce chiffre tomba à 194 en 1846. Vers la fin du XIXème siècle ce chiffre était certainement encore plus faible, avec l’évolution de l’agriculture vers la culture des primeurs, mais l’élevage d’un cochon perdure. Les enfants, en particulier les filles avaient cette tache, plutôt amusante, d’emmener les cochons à la grève. Les cochons iliens avaient souvent des berniques en plus de leur nourriture classique, ce qui devait leur donner un gout fameux.
L’île de batz était bien connu comme rade abri au temps de la voile. Sous la révolution et l’Empire le chenal de l’île de Batz sert de refuge aux navires des convois de la manche mais une fois la paix revenu est il toujours fréquenté ? Pour répondre a cette question, je me suis appliqué à trouver le nombre de navire ayant fréquenté le chenal de l’île de batz sur une année : l’année 1822 en dépouillant systématiquement le « bulletin du commerce » qui publiait dans les nouvelles de la mer, toute les semaines, parmi les arrivées et les départ de ports de commerce importants, la liste nominative des navires passant à l’île de Batz. Je suppose que le journal recevait régulièrement un courrier de l’inscription maritime de Roscoff.
Ces listes comprennent le nom du navire, celui de son capitaine malheureusement sans son prénom qui aurait pu nous être utile, le port de destination et le port de provenance et bien rarement leur chargement.
Ces listes concernent les navires d’un certain tonnage. Les bateaux de passage de l’île de Batz, les gabares allant à Morlaix, voir même les smogleurs anglais sont absent de ces listes.
En compilant l’ensemble de ses données, nous trouvons 661 passages de navires en rade de l’île de Batz pour 51 semaines les données de la semaine du 17 au 24 septembre 1822 étant absente.
Les provenances et destinations des navires
D’où viennent et ou vont ces navires ? Les navires passant par l’île de Batz proviennent essentiellement du cabotage national. Moins d’un tiers de ses passages concerne les ports de cabotages locaux Roscoff et Morlaix ou le passage par le chenal de l’île de Batz est quasiment obligé en venant ou en partant vers l’Ouest. Les deux tiers de ses passages sont des mouillages en rade de l’île de Batz, sont indépendant du trafic local et correspond à des navires venu la pour s’abriter du mauvais temps ou attendre des vents favorables.
L’île de batz peut être un abri pour des navires de trafic nord sud et sud nord venant de du nord de la France Abbeville, Dunkerque ou de Normandie en particulier de Rouen et allant vers les ports de l’atlantique comme bien sur Bordeaux mais aussi ceux de la Méditerrané comme Marseille ou Cette (Sète). Le trafic depuis Bordeaux et sa région Blaye et Libourne est vraiment important, 29% des navires sont à destination ou proviennent de Bordeaux, je suppose que leur chargement devaient être principalement du vin. Les bateaux en provenance du Croisic ou du Pouliguen se dirigent principalement vers les ports qui arment à la pêche à la morue St-Malo, Le Légué, Paimpol, Binic, Granville, leur chargement est sans aucun doute du sel.
Les provenances et les destinations des ports étrangers sont peu nombreuses, le long-cours est presque absent, début juin 1822 l’on voit l’Adèle venant de la Havane pour Rotterdam, un autre le Victor capitaine Theroude, allant de Rouen a Saint Domingue se réfugie en rade pour cause de voie d’eau. On trouve également dans la semaine du 22 au 30 avril deux navires en partance pour Terre-Neuve L’Alexandre de Saint-Malo et les Trois sœurs de Saint-Brieuc
Le nombre de navires étant passés en rade de l’île de Batz est très variable d’une semaine à l’autre car il dépend des conditions météorologiques, les navires viennent s’abriter du mauvais temps. Le nombre de navires par semaine varie d’un maximum de 41 navires à un minimum de 0 ce qui demeure rare est publié sous la forme « Roscoff le 8 juillet, Ces huit derniers jours se sont écoulés sans qu’il y ait eu de relâche de bâtiment sur notre rade de l’île de Batz, ils se sont tenus au large par ce beau temps ».
On imagine le spectacle d’une trentaine de bricks, chasse-marées, sloups, dogres et goélettes au mouillage dans le chenal.
En hiver et au printemps le nombre de navire en arde est plus important qu’en été ou en automne. Cela montre bien que le cabotage reste très actif en hiver.
Les navires et les capitaines
L’estimer du nombre de navires n’est pas aisé. Quelquefois deux navires différents portent le même nom, d’autre fois le même navire est orthographié différemment pour deux voyages.
Mon estimation est de 341 navires différents, de nombreux navires ne sont venu à l’île de Batz en 1822 qu’une seule fois. Mais d’autres sont des habitués, en particulier les navires pour Roscoff. Comme le sloup le Commerce que l’on voit 13 fois dans l’année Le Commerce armé à Roscoff a comme capitaine le maitre au cabotage Guillaume Postic de l’île de Batz. En recoupant avec d’autres sources on apprend que Le Commerce est un sloup construit en 1817 à Roscoff pour l’armateur Jean Baptiste Deschamp de Roscoff, il jauge 26 tonneaux 76/94éme. En 1822. Ce petit sloup de cabotage navigue principalement entre Roscoff et Bordeaux ou Libourne, mais on le voit aussi à Dinan ou au Croisic.
Le maitre au cabotage Yves Floch né en 1779 à l’île de Batz passe une fois avec la goélette Élisa dans la semaine du 14 au 21 octobre.
Jean-François Floch né en 1786, également maitre au cabotage, devient capitaine du Brick Aristide en 1822, il passe en rade de l’île de Batz à 5 reprises.
Le brick Hiram capitaine Théodore Guidon, est vu 4 fois. Ce brick de 107 tonneaux construit en 1818 à Roscoff pour l’armateur Jean Baptiste Deschamp de Roscoff, il fait entre autres un voyages en 1822 entre Lannion et Cette (Sète).
Le recoupement avec les archives de l’inscription maritime du Service Historique de la Défense de Brest n’est pour l’instant que ponctuel et très partiel.
Quelques fortunes de mer en 1822
Roscoff le 16 mars
Échouement du chasse-marée Edmond Eugène (Voir article sur l’origine du nom de la roche Carreg ar gwin sur la page précédente)
Roscoff le 30 mars
Le 30, ce sloop, battu par la tempête, ayant son beaupré cassé, les voiles crevées et ses fargues emportées, est venu se réfugier sous la côte de Roscoff, dans la rade de St-Sébastien, où l’équipage a été forcé de l’abandonner ; mais les pilotes de Roscoff, envoyés pour le sauver, l’ont conduit au passage de St-Yves, dans la rivière de Penzé, où il est en sureté. Le bâtiment est étanche.
Roscoff le 15 avril 1822
Le Chasse-marée le Jean Baptiste d’Auray capitaine Jacob venant de Bordeaux, avec vin, eau-de-vie, sucre huile, etc, pour Rouen, a été abordé le 12 courant, vers 5 heures et demie du soir, dans le N.E de l’île de Batz durant une tempête du S.S.E., par le chasse-marée Séraphine, de Vannes, capitaine J. Génno, qui l’a fait couler à une lieue et demie de distance de cette ile. L’équipage du Jean Baptiste, composé de 7 hommes, a été sauvé. La Séraphique est rentré à l’île de Batz pour réparer les avaries qu’il a souffert par cet abordage
Un grand navire norvégien, chargé de bois, vient de se perdre sur les roches de Ponstusval, à 5 lieues d’ici (Roscoff) des 10 hommes qui composaient l’équipage, le capitaine et le mousse sont les seuls qui ne se soient sauvés ; la femme du capitaine et son fils ainé, qui étaient à bord, sont aussi au nombre des noyés.
Roscoff le 22 avril
S’est perdu ces jours-ci, sur la côte de Plouescat, le navire hollandais Landebekela, chargé de bois ; on se préparait à effectuer son déchargement ; mais un coup de mer survenu subitement, a mis en pièces ce navire et a éparpillé toute sa cargaison sur la grève, où, jusqu’à ce jour, on n’a pu sauver qu’une quarantaine de pièces. Ce bâtiment était destiné pour le port de Brest. On n’a trouvé âme qui vive à bord, ni papiers, ni effets.
Roscoff le 12 mai
Le 12 mai, le chasse-marée la Victoire-Désirée, de Belle-Isle, capitaine Berthe, venant de Marennes avec un chargement de sel pour Rouen, a touché sous voile et a ensuite été jeté sur une roche près de la passe de la Malouine, à vue de Plouguerneau. Les 7 hommes composant l’équipage, y compris le capitaine, se sont sauvés, mais le bâtiment a été brisé
Roscoff le 12 décembre
La Paix capitaine Tranchard venant de Marseille de allant au Légué
Ce navire ayant mouillé pour passer la nuit du 4 au 5 de ce mois en rade, a perdu une ancre par la force du mauvais temps
Pour conclure, on peut remarquer que sur 661 passages en rade de l’île de Batz le nombre de fortunes de mer est vraiment faible. Ces navires étaient conduit au mouillage par les pilotes de l’île de Batz et ceux de Roscoff. A cette époque aucun phare ni aucune balise aide les navigateur. Les cartes marine précise n’existe pas, la navigation côtière se base uniquement sur l’expérience et les connaissances des pilotes locaux.