Le goémon

Vers 1900, les débuts de l’exploitation du lichen, sur les côtes du Léon

Lichen sur un caillou  Chondrus Crispus selon l’appellation scientifique
Lichen sur un caillou Chondrus Crispus selon l’appellation scientifique

Île de Sieck

Une industrie nouvelle.

Depuis quatre ans, grâce à l’initiative prise par M. Coffec, de l’île de Sieck, toute la région côtière comprise entre Roscoff-Santec et l’anse de Goulven se trouve dotée d’une industrie nouvelle : nous voulons parler de la récolte et de l’exportation de cette espèce d’algue marine connue sur toutes nos côtes sous le nom de goémon blanc.

En 1900, M. Coffec, qui depuis de nombreuses années déjà, avait constaté la présence, en quantité considérable, sur les rochers de nos côtes, de goémon blanc ou lichen d’Islande (cétraria Islandica) employé en pharmacie, résolut d’exploiter, au profil de la région, cette source naturelle de richesse. Il s’aboucha avec des industriel français et, dès la première année, faisait des expédition assez considérables.

Les années suivantes, les récoltes furent plus abondantes et atteignirent, en 1903, le chiffre respectable de 102 000 kilogrammes.

Ce lichen, cueilli par les familles de nos marins pêcheurs se paie de 10 à 14 francs les cent kilo ; c’est donc en 1903, une somme de 12 240 francs en moyenne qui s’est abattue comme une manne bienfaisante chez les pauvres familles de marins de la région Santec-Sieck.

Cette année, ce commerce apris tout à coup des proportions inattendues ; de nouveaux acheteur se sont installés à Sante, Cléder, Plouescat, Brignogan, Plounéour-Trez, et tout fait prévoir qu’il ne tardera pas à prendre encore une extension beaucoup plus considérable, ce qui, d’ailleurs, est à souhaiter, étant donné le parti qu’en peuvent tirer les populations riveraines de nos côtes.

 

Dépêche de Brest du 7 septembre 1904

 

Note : Marie Joseph Coffec est négociant sur l’île de Sieck il est originaire de Douarnenez

 

Constance Dilasser et Yves Creach  de l’île de Sieck, Yves est coiffé du calaboussen des goémoniers du Léon. En 1881, 53 habitants sur l’île de Sieck réparti en 9 foyers
Constance Dilasser et Yves Creach de l’île de Sieck, Yves est coiffé du calaboussen des goémoniers du Léon. En 1881, 53 habitants sur l’île de Sieck réparti en 9 foyers

Île de Batz

Récolte du lichen. M. Robin, patron du bateau de sauvetage, vient de commencer la récolte du lichen sur la côte.

M. Robin est l’agent d’une importante maison de produits chimiques de Paris. Il fait tous les ans , de nombreuses expédition de ce végétal marin.

 

Dépêche du 2 juin 1903

 

Chargement des sacs de lichen sec, à l’île au moutons île de Batz dans les années 30 par Yvonne Jean Haffen
Chargement des sacs de lichen sec, à l’île au moutons île de Batz dans les années 30 par Yvonne Jean Haffen

Plounéour Trez

 

Le « pioca » - Grâce à l’initiative de MM. François et Jules Le Roux 1er maitres de manœuvre en retraite, les riverains de nos rudes côtes de la Manche, les côtes « pagan », auront cet hiver beaucoup de bien-être.

Le lichen, le goémon blanc, que l’on appelle ici « pioca », était dédaigné jusqu’à cette année ; les habitants préféraient se livrer à al récolte du goémon noir , à la fabrication de la soude. En 1888, M. Le Roux ainé avait bien essayé de faire récolter le lichen, mais sans succès, les difficultés de transport étant trop grandes pour rendre ce travail rémunérateur. Et cependant, chaque année, des navires de Paimpol , de Lannion, venaient avec des familles entières mouiller pendant deux ou trois semaines dans les différentes baies du littoral e récoltaient le lichen, se faisant même aider par les riverains, qu’ils payaient un francs par marée, c'est-à-dire pour six ou sept jours.

Cette année, sur les conseils de MM. Roux, les « pagans » ont préféré travailler pour leur propre compte, et de Plounéour à Kerlouan, de Guissény à Plouguerneau, pendant que les hommes étaient en mer, les femmes, les enfants couraient à la grève à la marée descendante et revenaient avec une ample moisson de « pioca ». Voilà donc une nouvelle ressource que la mer, cette grande nourrice, offre gratis à ses riverains.

Du mois de mai au mois de septembre, le lichen peut être cueilli ; avant et après cette date, il ne vaut rien, il ne sèche pas, il « tourne en bouillie » vous disent les pêcheurs.

Sa préparation est simple : en rentrant de la mer, on le trempe dans l’eau douce et on l’étend sur les dunes ; quand un coté a blanchi, on le tourne : rosée et soleil se chargent de cette opération. Quand il est bien sec, on le transporte à Brignogan, où un triage sérieux le partage en trois qualités, qui sont ensuite mises dans des sacs par 52 kilos et expédiées par wagons de 95 sacs à M. Féron de Cherbourg. Le prix est de huit à 14 fr. 50 les 100 livres, et cette année. MM. Le Roux ont payé plus de 48 000 francs.

Quelle fortune pour les pauvres gens ! Car, dans cette récolte, tout est bénéfice ; il n’est besoin d’aucun d’outillage : un méchant sac, un vieux panier font l’affaire… et au plus travailleur la meilleure récoltes !

 

Dépêche de Brest du 17 octobre 1904

 

 

Ramassage du lichen dans les cailloux photo Pierre Arzel
Ramassage du lichen dans les cailloux photo Pierre Arzel

Commentaires :

Comme on peut le voir par ses article la récolte du lichen, sur les côtes bretonnes est relativement récent. Toutefois le lichen, Chondrus Crispus est connu en médecine au moins depuis le XVIIème siècle en particulier dans les pays anglo-saxon ou il est appelé Irish Moss. Récolté en Irlande, au début du XIXème siècle il est exporté vers la grande Bretagne et les états unis pour un usage médical. En orient, les propriété gélifiante de l’agar agar sont connues depuis des temps immémoriaux Au XIXème siècle des scientifique s’intéresse aux propriétés gélifiantes des algues rouges et découvre le carraghénate. D’après Pierre Arzel le grand spécialiste des goémons, qui site Charles le Goffic dans son livre « les goémoniers » , vers 1890 un industriel allemand de Hambourg aurait sollicité le maire de Trégastel pour récolter cette algue. Ce serai de cette initiative qu’aurait commencer cette nouvelle activité ; Vers les années 1900 la récolte semble se généraliser sur nos côtes du Léon et du Trégor. Il est alors exporté en train vers la région parisienne ou en bateau au départ de Roscoff vers Cherbourg. Les initiatives de négoce du lichen apparaissent en parallèle comme celles de MM. Roux à Plounénour Trez ou celle de M. Collet à l’île de Sieck

 

Les carraghénates extraits du lichen sont rapidement utilisé dans de nombreux domaines : l’industrie textile, la peausserie, la photographie, la fabrication des peintures, on les retrouve comme additif dans l’industrie alimentaire depuis la fabrication de la bière, à celle des boissons chocolatées. Il est également utilisé dans certains médicaments, par exemple pour le rhume.

 

Le Lichen est le Chondrus Crispus et une autre algue rouge de morphologie semblable le Gigartina Stellata appelé maintenant Mastocarpus stellatus

 

En Bretagne nord, on leur donne différents nom en français et en breton: lichen ou liken, petit goémon , Bijin bihan, goémon blanc, pioka ou même carraghen ou bien encore dans le Trégor jargod au Trévou, corail à Port Blanc ou pititrouilhez à Plougrescant

 

Bibliographie et liens :

Histoire de l'île de Sieck de Jean-Claude Le Goff 1987 .

Les goémoniers Pierre Arzel édition du Chasse-marée 1987 (ce livre mériterait d’être réédité)

 

 

la Dépêche de Brest

Carraghénates

Site de Daniel Giraudon avec un article sur la chanson du goémon blanc recueilli en Trégor

 

 

La récolte du lichen continue encore de nos jour comme sur cette photo de Santec  de Guy le Querrec en 1973
La récolte du lichen continue encore de nos jour comme sur cette photo de Santec de Guy le Querrec en 1973
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Les premiers développements de la récolt
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Récolte du goémon de rive sur la côte de Pleubian en 1901

Chargement de goémon à la grève dans le Trégor, gravure de Faudacq (Coll privée)
Chargement de goémon à la grève dans le Trégor, gravure de Faudacq (Coll privée)

La récolte du goémon sur les côtes de Bretagne

 

Les touriste qui visitent les côtes bretonnes pendant les quatre beaux mois de l’année n’en voient que l’aspect pittoresque et riant. Ils goutent la mélancolie et la douceur dont s’imprègnent les grèves sablonneuse et les landes maritimes. Qu’un mendiant apparaisse sur la voisine ligne d’horizon, besace au dos ; qu’un joueur de cornemuse se profile le long d’un menhir, ou qu’une paysanne s’agenouille au pied d’un calvaire ; qu’une flottille de bateaux pêcheurs rentre au port le soir, au bruit des rames et c’est avec une vision de décor de théâtre dans les yeux que s’en va, d’ailleurs charmé, le superficiel citadin, heureux d’avoir retrouvé dans la réalité la Bretagne d’opéra-comique que lui peignirent ses auteurs et ses chansonniers favoris.

 

C’est maintenant, durant les cinq rudes mois d’hiver, qu’il faudrait parcourir cette curieuse province et son littoral en particulier. C’est la tumultueuse et cruelle saison de l’anxiété et des larmes : le paysans et le marin luttent éperdument contre les éléments en révolte, leur disputant le pain quotidien d’une famille nombreuse, C’est la saison des semailles et du fumage.

 

L’étranger s’est il jamais demandé quel parti l’on pouvait bien tirer de cette longue et gluante végétation poussée sur les rochers qui hérissent la ceinture dorée de l’Armorique. A marée basse, les croupes de ces immenses blocs granitiques leur ont apparu cependant, recouvertes de leur chevelure brune, aussi épaisse qu’en juin l’herbe des près. Combien de fois nos peintres n’ont-ils pas reproduit la fenaison estivale avec faucheurs et faucheuses accablés par la chaleur de l’été ? Mais lequel a-t-il jamais songé à nous montrer les faucheurs de l’océan ? Voici pourtant février et ses tempêtes, ses frimas, ses neiges, ses glaces. C’est le mois où le goémon est mûr pour la récolte. Qu’importe la grêle, la gelée, les ouragans, il faut descendre vers la grève embrumée, et faucille en main, résolument suivre la mer qui se retire. C’est que le goémon considéré par les paysans bretons comme un précieux engrais ; ainsi la surveillance la plus farouche est-elle exercée toute l’année pour en empêcher la coupe prématurée. Des règlements interdisent formellement aux habitants des autres communes non seulement de récolter pour leur usage personnel, mais encore de s’employer au compte d’un habitant de la commune riveraine. Ceux-là qui sont moins privilégiés doivent se contenter du goémon épave ramassé à toute époque de l’année par les pauvres de la côte et du peu que ceux-ci coupent au mois de la maturité. C’est d’ailleurs un spectacle assez curieux que celui de ce processionnel et quotidien charroi qui ne s’interrompt plus depuis le commencement de décembre jusqu’à la fin de mars. Partis aux premières heures après minuit, de grosse clochettes carillonnant en tête de l’attelage, ayant parfois parcouru jusqu’à 16 kilomètres, aux premières lueurs du jour les équipages apparaissent sur la grève. Dans une auberge, désignée par l’habitude, à quelques distance de la mer, les charretiers ont déposé en passant, une ample provision de lard qui servira à la confection d’une soupe collective ; et c’est là qu’au retour seront calées, à la file, les charretées de goémon pendant que les hommes et chevaux prendront leur repas. Et c’est à la nuit close que les attelages pesants, par les mauvais chemins de traverse, rejoindront les fermes éloignées de l’intérieur des terres.

Mais encore qu’elles soient pénibles, que sont ces corvées auprès de celles dont nous avons en ce moment le spectacle , Aujourd’hui les fermes se sont vidées ; il n’est resté que les êtres inutiles : les enfants en bas âge et les infirmes ; les tailleurs, dont il faut, parait-il en réunir dix pour faire un homme, les adolescents et les vieillards valides sont partis. Si le temps est au calme on n’entendrait pas un cri humain dans les campagnes ni sur les routes. Tout le monde est sur la grève. Chaque ferme y fait bande à part. On s’arrête aux rochers que le flot découvre en se retirant. Les uns coupent fébrilement le goémon, les autres, avec des civières, le portent aux charrettes qui se sont rapprochées. Si l’accès est impossible aux attelages on fait de toute la récolte de gros mulons qu’au flot montant l’on convoiera vers la côte. La confection de ces tas de goémon demande de grandes précautions et il faut un homme habile et expérimenté pur disposer les cordages qui servent de ligatures.

 

Après la coupe du goémon de rive les rochers sont à nu
Après la coupe du goémon de rive les rochers sont à nu

Mais i l ne faut pas s’attarder à gratter les rochers : la mer se retire encore, il faut profiter de la bonne aubaine. Cependant la grève est couverte de lacs, sillonnée de rivières salées parfois très profondes ; il faut néanmoins avancer. On s’enfonce dans l’eau glaciale jusqu’au genoux, jusqu’aux hanches ; il arrive que les plus pressés, éméchés d’ailleurs par de nombreuses libations – car l’eau de vie n’est pas oubliée- perdent pied et doivent allonger quelques brasses. Le vent glacial colle sur la peau les vêtements trempés ; les embruns fouettent les faces, piquant dans la chair des milliers d’aiguilles, mais les courageux ne mollissent point, une gaité plus ou moins sincère règnent même dans tous les groupes. Cependant voici plusieurs heures que l’on peine ; on interroge la basse mer et tout à coup retentit le cri : « la mer arrive ». Et l’on refait en arrière le même chemin que tout à l’heure, s’obstinant là où l’on a déjà passé, mais bientôt chassé de toutes les positions par la marée qui n’attend pas, craignant que dans sa perfidie elle ne vous contourne de loin. C’est aussi le moment de se réunir tous auprès du mulon et de joindre tous les efforts pour en serrer les liens. Enfin la partie est finie ; on abandonne le convoyeur sur le tas, et tout le monde rentre mouillé à la ferme.

 

Les femmes et les hommes tassent et  serrent les cordages du mulon, appelé aussi drome
Les femmes et les hommes tassent et serrent les cordages du mulon, appelé aussi drome

Jadis après avoir changé de vêtements, les coupeurs de goémon se rendaient au bourg où avait lieu un véritable pardon, avec promenade par couples et danses bruyantes. C’était l’occasion de se fiancer hors de la paroisse. Car à cette époque, on envoyait de communes souvent éloignées des travailleurs, garçons et filles, aux fermes des parents et des amis. Ceux-ci, à titre de revanche, quand venait le temps de la moisson déléguaient à leur tour des secours équivalents à leurs amis les terriens. Maintenant on reste à la ferme. Les pardons sont devenus moroses, on se fréquente de moins en moins, et , comme chacun ne songe plus qu’à soit, la gaité se meurt en la désormais très triste Bretagne. La disparition de la joie coïncide précisément avec l’apparition de l’alcool. Ce fléau sévit désormais sur nos côtes avec toute sa cruauté.

 

Voilà donc une première journée écoulée ; deux autres la suivront semblablement employées et, à chaque marée haute, on verra venir échouer au rivage la flotte des mulons escortée de canots prêts à parer à toute éventualité, car il n’est pas rare de voir, surtout par les grosses houles, les mulons s’effondrer et s’étaler à la surface des flots. La coupe du goémon dure ainsi pendant deux, trois et même parfois quatre grandes marées, de quinze jours en quinze jours.

Cet engrais de mer, que les agronomes prisent médiocrement, est cependant fort estimé de nos cultivateurs. A vrai dire son effet ne dure guère au-delà d’une année. Il convient surtout aux pommes de terre, au chanvre et aux légumes, mêlés cependant avec du fumier de ferme, et ceci dispense de fumer la terre pour la récolte suivante ; pour l’orge on l’emploie seul.

 

Navigation des mulons ou drome à l’aide de grande perche, on distingue sur cette photo une dizaine de dromes
Navigation des mulons ou drome à l’aide de grande perche, on distingue sur cette photo une dizaine de dromes

Le goémon constitue une des grandes richesses des côtes qui en sont pourvues ; heureuses celle où la mer en se retirant découvre une grande étendue de rochers. Il en est une ressource aussi précieuse pour le cultivateur aisé qui le récolte lui-même que pour le pauvre pêcheur qui s’en fait des rentes annuelles appréciables. Le goémon, épave que la mer démontée arrache aux grande profondeurs, est d’une efficacité moindre. Il a parfois séjourné des mois dans les vallées sous marine, il est d’ailleurs beaucoup moins cher. 6 il trouve son écoulement assuré chez les terriens. On le fait sécher sur les galets du rivage- et il peut alors servir de combustible aux pauvre gens dans le foyer de la chaumière ; son odeur forte n’est pas pour les incommoder- sa cendre est aussi un engrais fort recherché.

 

Dans quelques mois les parisiens reviendront. Les campagnes seront couvertes de belles récoltes fleuries. La nature aura sorti tous ses bijoux ; elle sera pleine de grâce et de douceur, illuminée d’un sourire qui semblera éternel. Que de peine n’aura-t-on prodiguées pour lui procurer cette éphémère parure ? L’océan lui-même se fera bon. Les flots en se pulvérisant sur les brisants ou en venant félinement caresser les plages ,arracheront des cris joyeux aux grand et au petits enfants. Le soir les phares s’allumeront insensiblement dans le lointain comme les belles étoiles dans le ciel clair. Mais restant froid aux beautés de la nature apaisée, ne voyant , en somme, que le fruit de son pénible labeur, le rude travailleur des côtes se souviendra des jours et des nuits de tourmente, quand ses membres saignaient, quand l’angoisse étreignait son cœur et quand les phares ouvraient des yeux menaçant et tragiques dans le sombre chaos de la mer et du ciel .

 

 

 

Yves Berthou (La revue universelle 1901 source Gallica)

 

 

Yves (Erwan) Berthou le barde de Pleubian
Yves (Erwan) Berthou le barde de Pleubian

Commentaires :

 

L’on peut distinguer trois type de goémons récolté par la population littorale, Le goémon de fond, le goémon de rive et le goémon épave. Cet article porte sur la récolte du goémon de rive pratiqué les paysans des communes littorale. La récolte en est très codifiée, le premier dimanche de l’année est décidé, en mairie, les dates de coupe de goémon de rive. Généralement une dizaine à une quinzaine de jours répartis sur deux ou trois grandes marée de la fin de l’hiver. Le premier jour de la coupe est réservé aux plus pauvres qui n’ont pas de moyen de transport du goémon tel des charrettes ou des chevaux de bât. La récolte de goémon en dehors de ses dates est totalement interdit et est réprimée par de sévères amendes. La récolte du goémon d’épave est plus libre et se fait en hivers en fonction des échouement du goémon à la côte. Enfin la récolte du goémon de fond, pratiqué en bateau est un véritable métier, celui du goémonier qui le récolte, le fait sécher sur les dunes , et le brule pour produire des pains de soudes.

 

L’auteur de cet article Yves Berthou, (1861 1833) également nommé Erwann Berthou est le barde de Pleubian,

Il est l’auteur de nombreux livres de poésie en français et en Breton, il est un des piliers du renouveau de la culture druidique en Bretagne Il participe à toutes les phases de la création du Gorsedd de Bretagne dont il est Grand-Druide de 1903 à 1933 sous le nom Kaledvoulc’h

 

De la mer à la terre. La récolte du goémon  de rive fait partie du cycle des activités agricoles
De la mer à la terre. La récolte du goémon de rive fait partie du cycle des activités agricoles
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Coupe du goémon de rive et réalisation d'une drome à Plounéour Trez en 2013   photos Grégory Pol, avec son aimable autorisation 

 

 

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1938 Les goémoniers vus par l'ethnologue Pierre Toulgouat

Les goémoniers à la grève
Les goémoniers à la grève

Le ramassage du goémon se fait sur toutes les côtes de Bretagne mais surtout d’une façon intensive sur la côte nord du Finistère entre l’Abervrach et le Conquet, côte qui se prête à merveille à cette industrie, basse, déchiquetée, creusée de profondes baies (embouchure de l’Abervrach, de l’Aber Benoit et de l’Aber Ildut), et de presqu’îles rocheuses où le « goémon épave » vient s’échouer en quantité par les tempêtes de Nord-Ouest et d’Ouest.

Une poussière d’îles basses, à demi-couvertes par les marées, prolonge cette terre et c’est un des aspects typiques de la région que la vue de ces roches noires couvertes de varechs, frangées d’une blanche écume.

Les habitants de cette côte, toujours battue par les vents, vivent surtout de pêches. De maigres cultures dans un sol ingrat leur donnent quelques légumes ; mais la grande industrie des terriens est le ramassage du goémon. Métier dur, demandant des qualités d’athlètes et que pratiquent des familles entières, des enfants dès leur plus jeune âge aux vieillards, compris les femmes naturellement.

Le goémon ramassé en mer puis séché au soleil à la côte et brûlé donnera la soude de varech. Transportée à l’usine et après quelques manipulations, cette soude fournira l’iode employée en pharmacie et divers sous-produits.

Mais avant tout, voyons quelles sont les algues pêchées.

Il y a plusieurs familles qui pourraient être employées mais la teneur en iode étant différente

suivant les espèces, seules les algues de profondeur sont pêchées.

Les deux sortes d’algues principales sont :

1) les algues de surface (fucus) dont le siège d’assimilation chlorophyllienne et dont la teneur en iode est très faible.

2) Les algues de profondeur

a) algues annuelles, pauvres en iode

b) algues vivaces (laminaires) dont la teneur en iode est au moins dix fois plus élevée.

 

Algues surface (fucus)

Pour 100 gr. de matière sèche 0,03 à 0,05 d’iode.

Algues profondes annuelles

Pour 100 gr. de matière sèche 0,07 à 0,08 d’iode

Algues profondes vivaces

Pour 100 gr. de matière sèche 0,55 à 0,80 d’iode

Sur cette côte, les algues prennent les dénominations suivantes :

Fucus vesiculosus : goémon noir

goémon blanc

Seul le laminaire est le goémon tout court, le seul qui rapporte vraiment.

Le goémon noir sert seulement d’engrais. Le goémon blanc assez payé (60Frs les 100Kgs). La récolte de ce petit varech est permise à partir du 15 juin et dure 6 mois. Mis à sécher comme les autres, il prend cette teinte blanche qui lui a donné son nom. Envoyé à l’usine (la maison Lermitte) il servirait pour la fabrication des petits beurres et pour le tapioca ?

Le ramassage du goémon épave
Le ramassage du goémon épave

1. Le ramassage

Après le gros temps et spécialement après les tempêtes de Nord-ouest, les algues sont rejetées à la côte par le flot.

Sur les grèves, hommes et femmes, en général groupés par famille, entrent dans l’eau jusqu’au ventre pour ramener au rivage le goémon flottant entre deux eaux, à l’aide de grands râteaux en bois.

Ces râteaux ont toujours la même forme et la même dimension, composés d’un montant dans lequel sont assemblés 8 dents de 45 cm et formant un angle de 35° par rapport au manche ; aux deux extrémités de ce montant et à angle droit par rapport aux dents, sont fixées deux dents semblables qui servent à retenir le goémon flottant à la surface quand on ramène le tout

en tirant sur le manche de 3 mètres de long.

Tout l’appareil en bois, est lancé le plus loin possible vers le paquet de goémon à attraper et ramené à soi. Cela ne demande que très peu d’effort puisque le tout flotte. Il est ensuite légèrement soulevé pour déposer le goémon sur la plage.

Travail malgré tout extrêmement pénible quand on songe que les goémoniers font la récolte même en plein hiver, car plus le temps est mauvais plus il y a de goémon épaves, mais aussi plus les vagues sont hautes et plus ils sont mouillés.

Lors de ma visite le 20 avril, la figure coupée par le vent du Nord-Est et transi de froid pour tenir mon appareil photographique, je regardais plein de respect ces gens qui, dans l’eau jusqu’au ventre, étaient là depuis le matin. Cependant, ils n’avaient pas l’air de trop souffrir ; seul les arrêts étaient pénibles. Vêtus de longs pantalons de laine, de maillots et d’une veste cirée leur protégeant le torse contre les embruns , ils font de quatre à six repas par jour (casse-croûte).

 

2. La coupe à pied

Employée aussi un peu partout. On la pratique au moment des grandes marées avec des couteaux ou des faucilles courtes. Le goémon est ensuite transporté sur des charrettes ou sur des canots échoués à la basse mer près des champs d’algues.

 

Mouillage des canots goémoniers  sur pieux et déchargement d’un canot
Mouillage des canots goémoniers sur pieux et déchargement d’un canot

3. La coupe à la perche

Se fait à l’aide de cotres de 2 à 5 tonneaux montés par plusieurs hommes. Elle est libre toute l’année mais s’effectue seulement au moment des grandes marées.

Les bateaux sont ancrés au-dessus des champs d’algues. L’équipage muni de perches faucilles de 4 mètres environ procède à une coupe méthodique à une profondeur ne dépassant pas 3 mètres.

On remonte le goémon à bord avec le même outil. Une partie est entraînée par le courant, d’où déchet considérable.

Le goémon une fois ramassé sur la plage sera porté soit à dos d’homme, soit sur une sorte de brancard à la côte la plus proche, puis séché ensuite au soleil sur le gazon s’il fait beau temps, retourné plusieurs fois puis mis en meule une fois sec.

Chaque famille a pour cela ses prairies qui bordent la mer et qu’ils louent généralement à l’année à la commune, celle-ci se réservant le droit de relouer ces mêmes terres à d’autres particuliers mais pour le pacage des bestiaux seulement. Pour donner de l’aération à ces meules et pour les protéger de l’humidité du sol, des galets sont placés pour former une fondation.

Les laminaires sont généralement empilés en meules rondes mais les stipes les plus recherchées à cause de leur plus grande teneur en iode sont rangées de manière à former un petit mur de 40 à 50cm d’épaisseur.

Le goémon une fois sec sera brûlé dans des fours sur place.

Creusés à même la terre pour former un caniveau de 40cm de large, ils peuvent atteindre 5 à 8 mètres de long.

Le trou est creusé dans le sable puis protégé de l’éboulement avec des pierres plates. Le matin, le goémon sec est mis à brûler dans ce caniveau. Les goémoniers en ajouteront petit à petit à mesure de la combustion pour ne pas étouffer le feu.

Le varech brûle en dégageant une épaisse fumée à odeur très particulière. Toute la famille est réunie. Les plus forts transportent le goémon des meules au foyer et les plus faibles alimentent celui-ci. Travail pénible surtout par les sautes de vent, les travailleurs étant alors enveloppés de fumée.

Des médecins envoient maintenant certains malades de la poitrine pour respirer cette fumée.

Ils d’assoient pendant les heures chaudes de l’après-midi sous le vent des foyers en respirant fortement. La fumée est évidemment très riche en iode.

Le soir les foyers sont éteints.

Le lendemain matin, la cendre qui reste dans le caniveau a l’aspect de bloc ou de pain grisâtre : c’est la soude de varech qui sera portée à l’usine. Les ramasseurs y vont généralement vers juin pour la récolte d’hiver et septembre pour l’été.

 

Usine de traitement de la « soude » de Lampaul Plouarzel, meules de goémon sec et canots goémoniers au mouillage
Usine de traitement de la « soude » de Lampaul Plouarzel, meules de goémon sec et canots goémoniers au mouillage

Il y a trois usines d’iode sur cette côte :

- A l’Abervrach

- A Lampaul

- Au Conquet

La soude de varech est transportée de la côte à l’usine en voiture. Ayant rarement plusieurs chevaux leurs appartenant, les goémoniers s’entendent entre eux pour le transport. Ils peuvent ainsi disposer de deux à quatre chevaux suivant le terrain.

 

La soude sera déposée à l’usine, un échantillon sera pris puis envoyé à Brest ? pour en établir la teneur en iode. Le prix sera fait suivant cette teneur.

Les dernières années, les cours ont beaucoup varié. De 400F la tonne de soude à 2000F et peut être 2400F cette année.

Les ramasseurs se plaignent que le prix est établi d’une façon assez illusoire pour ne pas dire plus….Le goémon ramassé étant partout le même, la teneur en iode devrait être sensiblement la même et pourtant les prix varient énormément entre chaque « atelier ».

Les trois usines sus-dites qui se faisaient ces dernières années une très légère concurrence sont depuis l’année dernière en société… (sans commentaire).

Quand on pense que 40 charretées de varech mouillé donnent une tonne de soude et que les ramasseurs peuvent en faire de 4 à 6 tonnes par an, on admettra que ce travail très pénible ne rapporte guère. Aussi sur les 400 bateaux qui partaient aux îles ces dernières années pour la coupe, 12 y ont été seulement l’année dernière et 6 cette année.

Les hommes préfèrent voyager au commerce ou s’engager dans la marine de guerre. Résultat : l’usine de Lampaul est fermée et ce métier si intéressant disparaîtra certainement sous peu.

 

Notes prises le 20 avril 1938.

Voyage à pied de l’Abervrack au Conquet par le chemin des douaniers.

 

Pierre Toulgouat

 

Séchage des laminaires sur la dune
Séchage des laminaires sur la dune
Meule de goémon, civière fourche et la planche pour porter les civière de goémons sec sur le sommet de la meule
Meule de goémon, civière fourche et la planche pour porter les civière de goémons sec sur le sommet de la meule
Meules de goémon sec recouvertes de mottes d’herbe de dune et four à goémon
Meules de goémon sec recouvertes de mottes d’herbe de dune et four à goémon

Notes :

Les photos sont également de Pierre Toulgouat lors de son voyage dans le Finistère en 1938, il photographia également Ouessant.

Les légendes des photos sont de l’auteur du site.

 

Sources : Ministère de la culture

Les 79 photographies du Finistère de Pierre Tougouat : http://www.europeana.eu/portal/search.html?query=Pierre+Toulgouat+ouessant

 

Le brulage du goémon sec
Le brulage du goémon sec

1876 La coupe et la récolte des goémons d’après la loi

La pose des goémoniers, Finistère nord photographiée par Denise Colomb dans les années 50
La pose des goémoniers, Finistère nord photographiée par Denise Colomb dans les années 50

L’estran est un espace soumis à la loi, de nombreux conflits autour du goémon ont vu le jour en particulier au XIXème siècle , les réglementations concernant la coupe et la récolte des goémons ont évoluées depuis 1681.

 

Pour essayer d’apporter des éclaircissements Maitre Lucas Avocat a éditer en 1876 à Tréguier chez le libraire Le Flem, ce petit ouvrage de 28 page.

 

 

 

 

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La coupe et la récolte des goémons d’après la loi
La Coupe et la récolte des goëmons d'apr
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Déchargement d’une charrette de tali dans les années 60
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Conflits autour du goémon sur le littoral des Côtes du Nord en 1845 

 

Brulage du goémon
Brulage du goémon

Les goémons de nos cotes, utilisés comme engrais depuis des temps ancien, furent une source de la prospérité agricole du littoral. Mais, le ramassage et l'utilisation du goémon a généré également de nombreux conflits durant le XIXème siècle: Conflits entre les agriculteurs et les incinérateurs, conflits entre la population des communes littorales et les agriculteurs des communes non littorales, conflits entre les pêcheurs, inscrits maritimes et les agriculteurs.

 

Nous allons voir dans ce premier article, les conflits d'intérêts des producteurs de cendre de goémons et des agriculteurs utilisant le goémon comme engrais dans la presqu’ile de Pleubian et à l’ile d’Er.

 

Voici un extrait du rapport de commission édité dans le compte rendu annuel de séance du conseil général des cotes du nord daté de 1845 narrant dans le détail les conflits d'intérêts dans les années 1835 1845.

Extrait de la carte de Belin 1764 De l’Ile Maudez à l’ile St Gildas
Extrait de la carte de Belin 1764 De l’Ile Maudez à l’ile St Gildas

" Messieurs, la grave question de l'établissement des fabriques de soude de varech sur le littoral se reproduit devant vous. Cette question préoccupe les cultivateurs de deux arrondissements; ils sont alarmés, et réclament l'appui du Conseil Général en faveur des intérêts agricoles en péril. Votre rapporteur croit nécessaire de remonter au début de cette affaire, afin qu'elle puisse être bien connue du Conseil général.

En 1835, un maire de Pleubian afferma à M. Fauvel, et à des particuliers. qui lui prêtèrent leurs noms, des parties de la grève de sa commune. Cet acte était contraire aux lois, car la commune de Pleubian affermait ce qui ne lui appartenait pas, 1° le domaine de l'État, 2° le goémon épave que la mer y jette, propriété du premier occupant. La religion de M. le Préfet fut surprise; il fut trompé, car il approuva et ratifia ce bail à ferme illégal. Le montant de cette location s'est élevé en somme totale à 740 fr. par an. M. Fauvel fit construire des fourneaux et fabriquer de la soude sur les lieux affermés, sans avoir obtenu aucune espèce d'autorisation, contravention flagrante aux ordonnances de 1815 et 1838, qui classent l'incinération du varech s'opérant en grand, dans des établissements permanents, à la première classe des établissements insalubres et dangereux, et à la troisième classe s'ils ne sont que temporaires.

 

Faudacq coupe du goémon
Faudacq coupe du goémon

Peu après, M. Fauvel envahit et s'appropria sans bail à ferme, sans autorisation quelconque, le sillon de Talbert domaine de l'État, chaussée de galets ayant plus de cinq kilomètres de longueur, où la mer jette une immense quantité de varech épave. Il y fit construire des fourneaux à deux ou trois cents mètres les uns des autres, à l'effet de brûler sur place, sans frais de transport, tous les varechs; et agissant sur le sillon comme il eût pu le faire sur sa propriété, il y fit construire un magasin. Cependant les cultivateurs de plusieurs cantons, privés de varech, engrais nécessaire à la production du lin particulièrement, et cause de la riche culture des communes qui peuvent se le procurer, firent entendre leurs doléances durant plusieurs années; des comices agricoles adressèrent des mémoires à M. le Préfet; les conseils d'arrondissement de Lannion, de Guingamp et le Conseil général appelèrent l'attention de M. le Préfet sur les intérêts de l'agriculture en, souffrance, et le 5 novembre 1840, après avoir visité les lieux, M. le Préfet prit un arrêté qui supprimait, deux mois après sa notification, la fabrique de soude établie à Pleubian sur le domaine de l'État; mais l'administration ayant omis de notifier cet arrêté à M. Fauvel , celui-ci a continué de fabriquer de la soude aux mêmes lieux. Les plaintes des cultivateurs redoublèrent; enfin M. le Préfet fit exécuter son arrêté; la fabrication de soude discontinua au mois de juin 1841.

M. Fauvel resta fermier d'une partie du rivage; il continua d'y recueillir exclusivement des masses de varech jusqu'au terme de son bail, finissant le 24, juin 1843. A cette époque il devait deux années du prix de sa location qu'il refusa de payer à la commune de Pleubian. Cette commune a voulu l'assigner devant les tribunaux, mais M. le Préfet lui en a refusé l'autorisation, attendu que les objets affermés faisaient partie du domaine de l'état M. Fauvel s'est ainsi trouvé dispensé de payer deux années de sa location. Pendant un trop court intervalle de temps, le varech a été préservé de l'incendie, et douze à quinze mille tonneaux par an de cet engrais précieux sont allés, desséchés, du littoral du canton de Lézardrieux, fertiliser les communes des cantons de l'intérieur. Une égale quantité a pu être transportée en vert. […]

 

Photo de Faudacq bateau goémonier de la rivière de Tréguier
Photo de Faudacq bateau goémonier de la rivière de Tréguier

Le 10 septembre 1841, M. Fauvel ayant acquis une » parcelle de terre à Penarvir, touchant au bord de la mer, en Pleubian, fit établir sur le rivage en face, domaine de l'État, des fourneaux et fabriquer de la soude, toujours sans autorisation. Le vent étant nord poussait la fumée sur le village voisin, nommé Lannéroz. Cette nouvelle contravention aux lois fut constatée par procès-verbal de

M. le maire de Pleubian: M. Fauvel a été condamné, et ses fourneaux, placés sur le domaine de l'État, démolis. Devenu plus circonspect, il a adressé successivement à l'administration des demandes pour être autorisé à établir des fabriques de soude temporaires. à Penarvir, sur les îles de Modez, en Lanmodez, île Ders, en Plougrescant et de Saint-Gildas, en Penvenan. Des arrêtés de M. le Préfet ont ordonné que des enquêtes de commodo et incommodo fussent faites dans les communes de Pleubian et de Lanmodez, sur la question unique de salubrité de ces fabriques. Ces deux enquêtes ont produit un résultat analogue: à Pleubian, la commune entière s'est prononcée contre la fabrication de la soude. Un habitant, tailleur de profession, en a été seul approbateur. A. Lanmodez, tous les habitants, sans exception, ont repoussé la fabrication de la soude de l'ile Modez, par plusieurs motifs décisifs tels que celui-ci : cette fabrique serait un péril imminent pour la navigation de la rivière de Pontrieux, attendu que la, fumée des fourneaux masquerait aux navigateurs la vue des tours construites par Vauban pour les guider. Une autre enquête faite par ordre de M. le Ministre de la marine, au point de vue des intérêts de la navigation, a confirmé en tout point les dangers qui résulteraient de cet établissement pour les navigateurs.

Aussi M. le .Ministre de la marine a adjuré M. le Ministre du commerce de ne point l'autoriser, et un arrêté de M. le sous-préfet de Lannion a défendu à M. Fauvel de fabriquer de la soude sur l'île Modez. Mais M. Fauvel ne se tient pas pour battu sur ce point, car un arrêté de M. le Préfet, dû 22 août dernier, ordonne qu'une nouvelle enquête de commodo sera encore faite à la mairie de Lanmodez, par suite de la demande nouvelle de M. Fauvel d'établir sur l'île Modez une fabrique permanente. La première fois il ne demandait l'autorisation que pour une fabrique temporaire. Cette affaire suivra son cours. M. le sous-préfet de Lannion a donné à M. Fauvel, par d'autres arrêtés, l'autorisation de fabriquer de la soude à Penarvir, à Saint-Gildas et à l'île Pers. Les cultivateurs pensent que les autorisations données-pour Penarvir, Ders et Saint-Gildas sont illégales; […]

Faudacq femmes brulant le goémon
Faudacq femmes brulant le goémon

Pour les fabriques établies sur les îles Ders et de St Gildas, l'autorisation a été donnée sans enquête préalable, sans que les intérêts agricoles et de salubrité aient pu se défendre. Admettant, ce qui est contesté, que ces fabriques soient temporaires et de troisième classe, l'en quête de commodo n'en était pas moins obligatoire, étant imposée par le décret du 15 octobre I810.-Cette enquête n'ayant pas été faite, ni à Penvenan, ni à Plougrescant, ces fabriques doivent être supprimées en attendant que les formalités légales ne soient remplies.

L'arrêté de M. le Préfet du 5 novembre 1840 avait ordonné la destruction et l'enlèvement des établissements de M. Fauve!, formés à Pleubian sur le domaine public.

Cependant depuis le mois de novembre dernier, celui-ci vient encore d'y faire bâtir sur la grève, sur le domaine public, un vaste magasin.

L'opinion de beaucoup de monde est que la fabrication de la soude de varech peut favoriser plusieurs genres de fraude : 1° la falsification du sel ordinaire au détriment de la santé publique; 2° les navires employés au transport de la soude de Penarvir à Cherbourg ou Granville peuvent facilement toucher à l'île anglaise de Guernesey, qui est sur leur route, à une distance de quatre à six heures de trajet. L'administration des douanes semble partager cette opinion, car depuis l'établissement de la fabrication de

la soude à Pleubian, elle a jugé nécessaire d'y placer deux nouvelles brigades des douanes et un chef supérieur, création qui coûte à l'état plus de 10,000 fr. par an. Une faveur étrange est accordée à M. Fauvel qui , par exception, a obtenu la permission de charger et d'expédier ses navires chargés de soude ou de cendre de Penarvir, île Ders et autres lieux , où il n'existe pas de receveur de douanes, pendant que le commerce et l'agriculture né peuvent expédier le plus minime produit des récoltes pour Bréhat ou Saint-Brieuc, par exemple, que des ports où réside un receveur des douanes.

Deux intérêts industriels sont en, présence et luttent : Il existe une question de prix de revient et de frais de transport du varech de M. Fauvel, qui le fait recueillir et brûler sur place, sans frais de transport. Ce prix de revient n'est que de 50 cent. le, tonneau de goémon vert ; mais pour le cultivateur qui le prend dans les ports de Pontrieux ou de La Roche-Derrien, ce prix de revient est de 4 fr. le tonneau:, et de 8 fr. rendu dans son champ, à Begard par exemple. Dans une telle situation y dispenser, M. Fauve! de la règle commune du transport de sa soude fabriquée de Penarvir à Lézardrieux pour être expédiée, c'est lui accorder une faveur qui constitue' une perte et une injustice pour l'agriculture.

Au nombre des abus méritant répression, votre rapporteur croit devoir vous signaler les violences exercées par des hommes à gages contre des cultivateurs usant d'un droit que la loi leur donne, celui de recueillir, à titre de premier occupant, du varech épave sur le sillon. La propriété exclusive du varech épave ne peut s'acquérir par la violence ni par l'intimidation. Des faits à déplorer ont été constatés;

Monsieur notre honorable président s'est joint à la députation des côtes-du-Nord pour exposer au Ministre du commerce la nécessité de protéger l'agriculture contre l'incinération du varech, engrais nécessaire .à la culture de notre pays, qui ne peut en être privé sans déchoir.

Les intérêts agricoles d'une population de plus cent mille âmes, tous les intérêts qui se rattachent à la production du lin de belle qualité, nécessitent la conservation du varech pour les besoins de l'agriculture."

 

Sources:

Base Gallica de la BNF

Rapport du conseil général des cotes du nord

Inventaire du patrimoine des cotes d'armor:

http://archives.cotesdarmor.fr

 

Faudacq retour d’un bateau chargé de goémon, l’équipage d’hommes et de femmes est particulièrement nombreux pour la coupe et le chargement
Faudacq retour d’un bateau chargé de goémon, l’équipage d’hommes et de femmes est particulièrement nombreux pour la coupe et le chargement