Le 1er aout 1914, l’ordre de mobilisation générale tombe sur la France, les marins français de la marine marchande en escale à l’étranger doivent entrer en contact avec le consul de France le plus proche pour se conformer aux ordres de mobilisation. Les marins des goélettes de cabotage bretonnes en escale en Grande-Bretagne en âge d’être mobilisé n’y échappent pas.
Nous allons voir ce qu’il est advenu de la goélette la Roscovite suite à la mobilisation :
« Les Capitaines des Goélettes, craignant d'être bloqués dans le port d'Aberdeen, tenaient à reprendre la mer au plus tôt, même avec des équipages réduits. Celui de la “Roscovite” avait été particulièrement décimé le Capitaine Coadou restait seul à bord,... avec un mousse !
Ne pouvant songer à appareiller dans ces conditions, il lança donc un appel parmi le personnel de la compagnie désagrégée (marchands d’oignons) . Trois jeunes se déclarèrent volontaires pour embarquer : Fr. Daniélou, 15 ans, de Roscoff, Berthou Joseph, 15 ans, de Cléder, J. Fr. Corre, 16 ans, de Roscoff et un botteleur Claude Creignou, également de Roscoff et dit “Glanda ar serjant”, parce qu'il était sergent pendant la guerre de 1870. Il était donc en 1914, âgé d'au moins 65 ans.
Et “La Roscovite” mit à la voile avec cet équipage de fortune. Elle fit escale à Dysart, port charbonnier à 3 miles de Kircaldy au Lord du Firth of Forth, et sur la même longitude que Leith-Édimbourg, au Sud de ce Golfe, pour y prendre une cargaison de combustible à destination de Pont-l'Abbé. Elle s'y trouva en même temps que les goélettes “L'Hermann”, “L'Océanide” et “La Walkyrie” qui elles aussi, venaient y prendre du charbon. Les quatre navires en furent chargés en quatre jours.
Leurs capitaines étaient perplexes quant au voyage de retour. Coadou était, quant à lui, décidé à prendre le large, coûte que coûte. “Il y a des mines”, lui objectait-t-on. “Eh bien, l'on passera entre elles, vous me suivrez si vous voulez”. Et il mit à la voile.
La traversée dura 27 jours. Il y eut en effet des périodes assez longues de calme plat, des arraisonnements par les bateaux patrouilleurs de guerre anglais et des déviations pour raisons militaires, imposées par eux. Pour se distraire, nos apprentis matelots qui, au fil des jours, s'aguerrissaient à la manœuvre, se livraient le long du bord à la pêche à la ligne qui était parfois très fructueuse.
A Roscoff pendant ce temps, les bruits les plus sinistres couraient sur le sort de “La Roscovite” dont on était sans nouvelles depuis son départ en Juillet. L'on y fut donc heureusement surpris; lorsqu'on la vit, un matin de septembre, entrer pavillon haut dans le chenal. Comme il n'y avait aucun vent, il avait fallu mettre un canot la mer avec les 4 matelots de secours, pour tirer le bateau à la rame. Le Maire de Roscoff, en personne, était venu en compagnie du propre fils du capitaine Coadou, saluer ce dernier et lui exprimer la joie de tous ses concitoyens de le voir revenir sain et sauf, à la barre de son navire.
“La Roscovite” ne s’attarda d’ailleurs pas longtemps dans notre port : le temps pour bon capitaine de trouver des marins de rechange. Hyacinthe Le Mat, pilote et Auguste Quéré, marin-pêcheur, tous deux de Roscoff et deux autres matelots de l'Ile de Batz, acceptèrent de mettre leur sac sur le navire pour le conduire à Pont-l' Abbé. »
ESSAI SUR LES JOHNNIES, par Mr François Guivarch publié dans les Chroniques de Roscoff N°243 mai 1970 de l’Abbé Feutren.
Commentaires :
La goélette Roscovite a eu une longue carrière, intéressante à plus d’un titre. C’est le dernier grand navire de cabotage armé à Roscoff. Construit à Kerity au chantier Bonne Lesueur en 1908 pour Daniélou négociant en légume et maire de Roscoff , Quémeneur et le capitaine au cabotage Arthur Coadou Elle a une jauge brute de 144.19 tonneaux une jauge nette de 76.79 tonneaux et un port en lourd de 140 tonnes ces dimension en douane sont les suivantes : longueur 25m, largeur 7m creux 2.74m. Elle est armée au cabotage pour l’exportation des oignons et autres légumes du pays de Roscoff vers la Grande-Bretagne et pour l’importation de charbon mais également pour le transport de ciment depuis Boulogne ou de kaolin depuis la Grande-Bretagne.
Contrairement aux autres goélettes de cabotage construit à cette époque par le chantier Bonne , la Roscovite n’a de hunier à rouleau comme sur les goélette d’Islande mais un hunier fixe et un hunier volant sur le mât de misaine.
Dans les années 20, la Roscovite est vendue aux capitaines trégorois de Pleubian François Meudal et Ernest le Foricher. Ernest le Foricher en prend le commandement, il en sera le capitaine jusqu’en 1939, les Trégorois enlève les voiles carrées du mât de misaine elle continue donc gréée en goélette franche ce qui n’était pas courant dans le paysage des voiliers de cabotage. La Roscovite est motorisé en 1928 avec un moteur Moïs de 55/60cv, une puissance qui nous parait bien faible aujourd’hui pour un navire de plus de 250 tonnes de déplacement, mais ce moteur lui permet de faire plus facilement les manœuvres de port.
En 1939 la Roscovite est acheté par le danois Erik Boye Kromann qui en fait don au collège maritime de Svendborg, la goélette est baptisé Arken et retrouve son hunier et son perroquet, il semble qu’elle a peu ou pas navigué et qu’elle a surtout servi de navire statique pour ce collège maritime en 1970 elle devient la propriété de Otto Helge Rasmussen qui la baptise du nom français de « La belle » cette aventure dure peu de temps car la même année l’antiquaire Irene Margrethe Valentin la rachète et la nome Irene Arken , je navire semble avoir été inscrit jusqu’en 1975, nous ne connaissons pas la suite et la fin de cette goélette.
Les photographies anciennes du port de Paimpol le montre souvent les bassins avec un grand nombre de goélettes islandaises désarmées pendant l’hiver, celle-ci, certainement prise en été, montre un aspect différent du port, avec son activité de cabotage. Cette photographie, d’un auteur anonyme certainement datée entre 1900 1914, nous montre une scène bien courante du cabotage : un sloup déchargeant du charbon. Ce sloup de cabotage, non identifié est de taille moyenne une coque de 15 à 16 m de long ayant un port en lourd (capacité de charge) de 40 à 50 tonnes. Il est gréé en sloup à mât de flèche comme nous le montre des galhaubans écartés par les barres de flèche. L’équipage est de 4 hommes : le capitaine , maitre au cabotage deux matelots et un mousse .
Le sloup vient de Cardiff, Swansea ou d’un autre port du pays de Galles avec un chargement de 50 ou 60 tonnes de charbon en morceaux brut d’extraction, stocké en vrac dans la cale. Pour ce déchargement la voile est protégée de la poussière de charbon agressive pour les voiles, par un étui, nom donné par les marins du cabotage au taud. Une toile est amarrée le long du quai pour éviter que du charbon tombe dans le bassin.
Le déchargement est à la charge de l’équipage : Un homme, dans la cale, charge à la pelle de grands paniers en osier, sur le pont deux hommes, dont le capitaine, virent les paniers hissés grâce à une corne de charge au treuil situé juste derrière le mât. Les paniers sont déchargés dans les charrettes par un homme employé par le négociant acheteur du chargement, un enfant sur le quai est prêt à aider à ramasser les morceaux tombé sur le quai en échange de quelques bouts de charbon qu’il ramènera fièrement à la maison.
Assis sur le plat-bord à l’arrière le mousse du bord se prend une pause, il a préparé le repas qui est en train de cuire sur le poêle ou cuisinière en fonte à l’abri dans un minuscule roof, l’on voit sur bâbord en arrière du panneau la fumée sortir par le tuyau de poêle et trainer quelques ustensiles de cuisine. Plus en arrière, le roof de la chambre est très simple avec sa descente sur la gauche son capot à glissière. Entre le roof et la barre un petit panneau sur le pont donnant accès à une soute. La barre franche est toute simple emboitée dans la mortaise de la mèche de safran cet assemblage est renforcée par une ferrure boulonnée. Cloué sur la tête de la mèche un fer à cheval comme porte bonheur. Le long du bord le canot, outil indissociable du voilier de cabotage, pour débarquer l’équipage, porter une aussière ou une ancre à jet ou remorquer le sloup à l’aviron. Détail plus surprenant sur un sloup de cette taille, à l’avant de chaque bord un bossoir d’ancre, bien pratique pour mettre à poste de mer les ancres à jas, les bossoirs sont courant sur des voiliers plus important.
Quittons la voile de travail pour passer à la voile de plaisance, au fond du bassin un magnifique yacht, gréé en yawl et à la coque peinte en blanc l’équipage refait certainement les vernis de la claire voie à l’abri d’un taud. En Bretagne nord les ports à bassins sont rares et les yachts les utilisent pour éviter l’échouage à chaque marée. Les régates de Paimpol sont connues et avant 1900 certains chantiers paimpolais construisaient des yachts comme le chantier Laboureur ou le chantier Pilvin.
Pour en revenir à notre sloup, de nombreux port de la côte de Bretagne nord armaient ce type de sloup, on en retrouve au Légué, à Saint-Malo. Avant 1900, les capitaines armateurs de la presqu’île de Pleubian armaient souvent des sloup puis ils se sont orienté vers des unités plus grandes : dundées et goélettes assurant un fret du double ou du triples de celui les sloups avec un nombre d’hommes d’équipage à peine plus important. A Lampaul ces sloups armés au cabotage ou au bornage sont appelés gabare.
Morlaix le 18 mars 1837
A la marée du 10 au matin, la goélette l’Adèle de Saint-Malo, de 30 tonneaux, cap Huet venant de Nantes, avec noix et feuillard pour Morlaix, Chaines-câbles, fer et fonte de fer pour Saint-Servan, se trouvant dans les passes à la marée descendante et forçant de voiles par tourmente de S.-O. pour atteindre le mouillage, a sombré près de l’île Stérec, en face de l’île Blanche, entre les balises de Thérénez. Ce navire faisait eau depuis le travers de l’île de Batz, et ne pouvait franchir les pompes, force a été à l’équipage de se sauver dans le canot, après avoir mouillé sa seconde ancre, mis le pavillon en berne en signe de détresse, pour appeler du secours. Un bateau pêcheur s’est approché du canot au moment où l’Adèle disparaissait, et a remorqué l’équipage jusqu’au poste de Thérénez, Depuis on a sauvé une ancre, des aussières, la voilure, des cordages, des vergues et avirons. Depuis aussi, le bâtiment s’est défoncé, et une partie de son pont avec le dôme et les planches de la chambre sont venus à l’île Stérec, sauvé par les préposés des douanes de même que plusieurs sacs de noix, qui sont au poste de Locquénolé. Les câbles-chaines en fer sont pour le gouvernement, et d’une valeur de mille Louis qu’on suppose assurés. On espère pouvoir draguer les chaines plus tard.
Journal de Constitutionnel du vendredi 24 mars 1837
Commentaires :
L’Adèle est une toute petite goélette de cabotage, elle jauge seulement 30 tonneaux, ce qui est peu pour un voilier de cabotage à deux mâts, elle peut etre une goélette franche ou une goélette à hunier sont équipage doit être de 4 ou 5 hommes. En 1837, la technologie des câbles-chaines, nom donné à cette époque aux chaines de mouillage, est récente et reste couteuse mais rapidement adopté la demande est importante.
La fabrication des câble-chaine avec étai sur le maillon a été mise au point par les anglais en 1817, Introduit en France par l’ingénieur Hubert elle est adoptée par la Marine Royale vers 1830. Ce chargement de l’Adèle est d’ailleurs pour l’arsenal de Saint-Servan. Ces chaines forgées dans l’arsenal d’Indret sont d’un prix élevé, 1000 Louis (soit approximativement 44000 € actuel un louis étant la pièce de 20 francs et le franc de 1830 équivaut à 2,2 € actuel) pour celle transportées par l’Adèle mais nous ne connaissons ni leur calibre ni leur longueur.
L’armateur d’un petit bâtiment de cabotage comme l’Adèle n’a certainement pas les moyens de fournir un câble-chaine et le navire continue certainement de mouiller sur un câble de chanvre.
Vers 1830 pour relever les chaines à bord des navires de marine on utilise encore la tournevire avec le cabestan, C’est en 1838 que le capitaine de frégate Benoit Barbotin a l’idée d’une couronne
avec une empreinte de la taille des maillons permettant de relever directement la chaine au cabestan, cette couronne toujours utilisée porte le nom de Barbotin.
« Je soussigné, Yves André, capitaine du dundée Roger-Robert jaugeant net 87 tonneaux, appartenant au port de Saint-Brieuc certifie :
Avoir quitté Cardiff, samedi 27 novembre 1937, assisté d’un remorqueur, avec 173 tonnes de charbon pour Roscoff. les vent sont frais de l’E.N.E
Doublé le Loup, Wolf-Rock, le 29 novembre à 6 heures. Les vents sautent au S.S.W. fraiche brise, grosse mer. Amené le grand foc, pris un ris
ans la grand-voile et le dundée. A 21 heures révélé Lizard au nord vrai, distance 20 milles. les vents adonnent par la suite, tenu la route au S. 15° E compas.
La mer est courte et dure en Manche. Au quart de midi, le 30 novembre, la pompe n’est franche qu’au bout d’une demi-heure. Pompé à nouveau à 14 heures, je m’aperçois aue le navire a une voie d’eau. Au changement de quart, à 16 heures, les homes relèvent aux pompes qui ne peuvent êtres franches qu’à 17h30. Aperçu à ce moment l’île de Batz à environ 5 milles dans le S. 10° E compas.
Les hommes quittant le quart viennent me prévenir que le feu se trouve dans le poste. Le matelot Prigent avait déjà brisé deux grenades. je fais prendre les quatre grenades qui se trouve à arrière et les brise ou je soupçonne être le foyer d’incendie. peine inutile, le feu est bien pris dans la cale. D’ailleurs, je m’aperçois que la fumée sort par le panneau. défoncé ce dernier et cherché à éteindre l’incendie. Dans l’intervalle je cherche à gagner la terre et mis le cap sur la pointe Roch Hiévec dans le sud de la pointe de Bloscon. Mais sous la terre les vents mollissent et la pluie tombe bouchant la vue. lancé deux fusées pour demander du secours. Le pont est maintenant en feu. A un moment donné la grand-voile tombe.
Nous luttons contre l’incendie qui se propage rapidement. Dans l’intervalle, j’avais fait mettre le canot à la mer.
Vers 1h30 ou 2 heures du matin, d’accord avec les principaux de l’équipage, je me décidais à quitter le bord. je tourne autour de ce dernier, croyant que l’incendie serait aperçu de terre et que je recevrais bientôt du secours, mais aucun bateau n’accourt.
Vers 3h30, je décidais de gagner Roscoff pour trouver un remorqueur. Nous arrivons au petit jour et je me mets aussitôt à la recherche d’un bateau pêcheur. L’on trouve un équipage à terre qui se met aussitôt à notre disposition.
Mes hommes et moi embarquons sur un bateau à moteur et nous mettons le cap sur le Roger-Robert que l’on distingue à environ 1 mille dans l’E.S.E d’Astan Nous quittons à peine le port que nous vîmes le navire piquer du nez après que l’arrière eut explosé. Il disparut instantanément.
Je certifie ce rapport sincère et véritable et me réserve le droit de l’amplifier si bien est.
Roscoff le 1er décembre 1937
Signé : Yves André
Dans « La dépêche de Brest » du 04 décembre 1937
Commentaires :
Ce dundée n’a vraiment pas chance, en associant dans la même traversée, voie d’eau et incendie de son chargement de charbon. En 1937, nous sommes dans les dernières années du cabotage à la voile, les bateaux sont souvent vieux et il n’est pas rare d’un bateau affrontant une forte mer, surtout au près fasse de l’eau. Les voiliers de cabotage ont généralement deux fortes pompes en fonte à main pour assécher les fonds. L’équipage du dundée est de 4 hommes en plus du capitaine, pomper pendant plusieurs heures est épuisant et mobilisent deux hommes.
D’après le rapport du capitaine, ils utilisent des grenades pour essayer de circonscrire l’incendie,ce type de grenade était couramment utilisé, avec une certaine
efficacité pour étouffer les début d’incendies dans les moulins et les minoteries (Article sur les grenades sur le site fédération des moulins de France)
Les incendies spontanés de chargement de charbon à bord de navires ne sont pas rare. Le charbon fraichement extrait, avec les mouvement du navire, peut s’échauffer et dégager du gaz, appelé grisou, un incendie se déclenche avec ou non une explosion Ces incendies semblent plus courant à bord des voiliers long-courriers qu’à bord de voilier de cabotage.
Des règlements imposent un temps de repos et de dégazage du charbon entre l’extraction et l’embarquement, la production de charbon galloise étant très importante à cette époque ces règlements ne sont peut-être pas toujours appliqués ce qui met en danger les navires.
Le gallois Jack Neale a photographié dans les années 30 les voiliers de cabotage breton, aujourd’hui l’association Océanide Patrimoine du Pays de Tréguier a en gestion ce fond photographique. Nous avons trouvé dans cette magnifique collection ces deux photographies du dundée Roger Robert.
Dans les notes manuscrites de Jack nous apprenons que le Roger Robert dundée de 87 tonneaux de jauge net et de 170 tonnes de port en lourd a été construit en 1907 au chantier Sauvage de Dunkerque, Armé par le capitaine André il était inscrit au quartier maritime de St Brieuc, en 1937 il était peint en gris.
Avant son naufrage par explosion le Roger Robert a eu d’autres déboires au début de cette année 1937.
Parti le 23 février 1937, au départ de Swansea, le Roger Robert une voix d’eau se déclare alors qu’il est proche du phare de Pendeen il fait demi-tour pour rejoindre Swasea coule à proximité du phare des Mumbles,, l’équipage est évacué par le canot de sauvetage de Mumbles le 28 février, heureusement le dundée coule sur un banc de sable dans les fonds pas trop profond il fut rapidement renfloué et remorqué à Swansea pour réparations, quelques semaines plus tard il reprend le transport de charbon entre les ports du pays de Galles et la Bretagne.
Superbe peinture de John Chancelor du petit trois-mâts barque anglais River Boyne en 1875 avec un incendie de charbon au Cap-Horn, le commandant et son équipage réussissent un exploit en faisant demi-tour, en échouant son navire dans une baie abritée, à le couler à pleine mer pour éteindre l’incendie et à le renflouer par les moyens du bord (peinture et magnifique description dans Voiliers de John Chancellor)
Chargement de pommes de terre et départ de Roscoff du dundée Le Poilu capitaine Onésime Besnard
vers 1927 (archives British Pathé)
Le dundée le Poilu
Le poilu est un petit dundée de cabotage construit en 1907 à Ostende de 41.31 tx de jauge brute et 37. En 1926, il appartient au capitaine au cabotage Onésime Besnard et est immatriculé à Lorient alors qu’il est plutôt un habitué des ports de Bretagne nord avec un équipage principalement des côtes du nord. Il se démarque des autres dundée par son arrière pointu et son gouvernail extérieur.
Le capitaine Onésime Besnard, natif de Pleumeur Bodou le commande lui-même, il a 39 ans, demeure à l’île Grande et est inscrit au quartier de Lannion. Sur les 9 mois étudiés entre 1926 à 1927 son équipage va varier, mais ils sont à bord 3 ou 4 hommes : le capitaine , le maitre, un le mousse et souvent un matelot . Les matelots : Joseph Marie Allain,44 ans, embarque 4 mois, Alfred Marie Roudot, 34 ans embarque 2 mois, ,Stanilas Piriou 23 ans embarque presque sur toute la période jusqu’en janvier 1927, comme le mousse Louis Colin 14 ans et le maitre d’équipage François Pierre Le Goff 36 ans. C’est un équipage de Trégorois, ils sont tous de Pleumeur-Bodou ou de Perros. Sauf Henry Cueff un vieux matelot de Roscoff de 58 ans qui embarque pour 1 mois en janvier 1927 certainement pour remplacer Pierre Le Goff débarqué à ce moment-là.
Le spécialiste des Johnnies, François Guiwarc’h raconte dans un bulletin paroissial de Roscoff (Aout 1969) une mésaventure du capitaine du Poilu. « Onésime Besnard était surnommé Zim Poilu […] le bateau, "Le Poilu", déjà dans le chenal avec son chargement et quelques passagers, gouverné par le mousse du bord, faisait la navette en attendant son capitaine, arriver sur le nouveau môle en gesticulant et en tonitruant car la mer commençait à descendre.
Il fallait s'enquérir d'un matelot bénévole et d'un canot pour le transporter jusqu'à son navire. Notre gaillard trouva plus expéditif d'enlever sa veste et son tricot, de les nouer autour de sa tête, de descendre par une des échelles qui se trouvent sur le parapet côté large, et de se jeter à l'eau pour rejoindre son bateau à la nage. Vingt minutes plus tard, on voyait le Poilu filer vers le Nord Est. »
Tous les ans chaque navire doit déposer son rôle à l’inscription maritime, pour le faire viser et l’archiver dans les registres de désarmement. La description suivante des voyages du Poilu sur neuf vient de l’exploitation « Roles de Bord et de désarment du quartier de Roscoff pour 1927 » [6P7 488 ]
Les voyages du dundée de cabotage Le Poilu sur 9 mois de mai 1926 à février 1927
Arrivé à : Perros Guirec le 6 mai Départ le 8 mai 32 tx de pommes de terre |
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Arrivé à : Teignmouth le ? Départ le ? Sur lest |
Arrivé à : Perros Guirec le 14 mai Départ le 18 mai 35 tx de pommes de terre |
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Arrivé à : Teignmouth le ? Départ le ? Sur lest |
Arrivé à : Perros Guirec le 22 mai Départ le 26 mai 34 tx de pommes de terre |
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Arrivé à : Plymouth le 27 mai Départ le 28 mai Sur lest |
Arrivé à : Perros Guirec le 29 mai Départ le 30 mai 34 tx de pommes de terre |
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Arrivé à : Teignmouth le ? Départ le ? Sur lest |
Arrivé à : Perros Guirec le 3 juin Départ le 5 juin 35 tx de pommes de terre |
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Arrivé à : Teignmouth le ? Départ le ? Sur lest |
Arrivé à : Perros Guirec le 10 juin Départ le 12 juin 30 tx de pommes de terre |
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Arrivé à : Teignmouth le ? Départ le ? Sur lest |
Arrivé à : Perros Guirec le 15 juin Départ le 17 juin 30 tx de pommes de terre |
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Arrivé à : Plymouth le 19 juin Départ le 19 juin Sur lest |
Arrivé à : Perros Guirec le 20 juin Départ le 22 juin 30 tx de pommes de terre |
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Arrivé à : Teignmouth le ? Départ le ? Sur lest |
Arrivé à : Perros Guirec le 30 juin Départ le 12 juillet sur lest |
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Arrivé à : Roscoff 12 juillet Départ le 15 juillet 21 tx pommes de terre |
Arrivé à : Torquay le ? Départ le ? sur lest |
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Arrivé à : Roscoff 21 juillet Départ le 22 juillet 30 tx oignons |
Arrivé à : Plymouth le 24 juillet Départ le 26 juillet sur lest |
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Arrivé à : Roscoff le 28 juillet Départ le 2 aout 45 tx oignons |
Arrivé à : Douglas île de Man le ? Départ le ? sur lest |
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Arrivé à : Roscoff le 1er sept. Départ le 20 sept. 15 tx oignons |
Arrivé à : Guernesey le ? Départ le ? sur lest |
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Arrivé à : Roscoff le 25 sept. Départ le 27 sept. 30 tx oignons |
Arrivé à : Plymouth le 1er oct. Départ le 03 oct sur lest |
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Arrivé à : Roscoff le 04 oct. Départ le 08 oct. 35 tx oignons |
Arrivé à : Falmouth le 14 oct. Départ le 03 oct sur lest |
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Arrivé à : Roscoff le 18 oct. Départ le 28 oct. sur lest |
Arrivé à : St Vaast la Hougue le 15 nov. Départ le 19 nov. 41 tx pommes de terre |
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Arrivé à : Port Blanc le 26 nov. Départ le 04 décembre. sur lest |
Arrivé à : Roscoff le 06 dec. Départ le 07 dec. 25 tx d’oignons et 3 passagers |
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Arrivé à : Poole le ? Départ le ? sur lest |
Arrivé à : Roscoff le 21 dec. Départ le 24 dec. 37 tx d’oignons |
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Arrivé à : Plymouth le 31 dec. Départ le 04 janvier 1927
sur lest avec un passager |
Arrivé à : Roscoff le 05 janvier 1927 Départ le 08 janvier 30 tx d’oignons et 10 passagers |
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Arrivé à : Plymouth le 11 jan. Départ le 12 jan. sur lest |
Arrivé à : Roscoff le 16 janvier Départ le 1er février
30 tx de légumes divers et 8 passagers |
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Arrivé à : Torquay le ? Départ le ? sur lest |
Arrivé à : Roscoff le 10 février |
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Analyse des voyages de transport de légumes
Le Poilu effectue 41 voyages du 6 mai 1926 au 10 février 1927
Au printemps 1926, Le poilu est abonné au transport de pomme de terre nouvelle du Trégor au départ de Perros à Destination de Teignmouth dans le Devon du 08 mai au 25 juin il fait 8 transports de pomme de terre, à chaque voyage il en embarque de 30 à 35 tonneaux. Le rythme des rotation est soutenu : souvent en 5 jours il fait un aller-retour, l’équipage ne chôme pas , il charge à Perros 35 tonnes de pommes de terre, fait route à la voile sur Teignmouth en 1 jour, quand les conditions sont bonnes, décharge à Teignmouth, embarque quelques tonnes de lest, fait route sur Perros, décharge le lest, sable et cailloux en rade de Perros et s’amarre à quai. Et le cycle recommence tant le fret est prêt à partir , le dundée reste seulement d’un à trois jours à Perros.
Fin juin de retour à Perros, il n’y a plus de fret de départ et le poilu reste 12 jours à Perros, le capitaine et l’équipage passe certainement quelques temps dans leur famille à Perros et à Pleumeur.
Le 12 juin le Poilu rejoint Roscoff pour y charger des pommes de terre pour Torquay.
De retour à Roscoff, il part avec son premier chargement de la nouvelle récolte d’oignons le 22 juillet, la dépêche de Brest indique qu’il a onze passagers marchands d’oignons (ce n’est pas noté sur l’annexe du rôle d’équipage) . Il n’est pas le seul à partir chargé d’oignon pour l’Angleterre, ils ont tous à bord des marchands d’oiggnon, formés en compagnie. Il appareille en même temps que le dundée Tony de Tréguier capitaine Malgut avec neuf passagers, le dundée Pleubiannais de Treguier, capitaine Nicolas avec 8 passagers, et le dundée Amphitrite de Lorient captitaine Calloch avec 21 passagers. Le lendemain, les départs étaient encore plus nombreux Le dundée Défi , avec 37 passagers, le dundée Saint-Paul avec une quarantaine de passagers, le sloop St Ida, le dundée Sainte germaine, la goélette Hermann avec 31 passagers, le dundée Marie Julien du Croisic,le sloop Corrèze de Tréguier patron Hégarat et le dundée Ma Gondole du port de Tréguier capitaine Fichoux avec 13 passagers
De retour à Roscoff sur lest le dundée Poilu , repart à nouveau avec un chargement d’oignons pour une destination plus lointaine, le port de Douglas avec un chargement exceptionnel de 45 tonnes d’oignons le trajet aller et retour est nettement plus long, le dundée est-il victimes des calmes du mois d’aout, toujours est-il qu’il prendra 30 jours .
Puis les transport d’oignons au départ de Roscoff pour Guernesey, Falmouth, Plymouth s’enchainent jusqu’à fin octobre. Les fret d’oignons doivent se faire plus rare et le dundée part sur lest à St Vaast la Hougue pour ramener des pommes de terre de garde à Port-Blanc dans les Côtes du Nord.
Au mois de décembre commence la seconde vague d’expédition d’oignons au départ de Roscoff et le Poilu reprend ses rotation en embarquant également des passagers, la dépêche de Brest mentionne l’exportation par le poilu de chou-fleur.
Le Poilu est un petit voiliers de cabotage et est abonné aux port anglais de la Manche, contrairement aux goélette livrant à Cardiff qui reviennent avec du charbon il n’a aucun fret de retour et revient toujours sur lest. Le temps de traversé à la voile entre Roscoff ou Perros vers les port de Cornouailles ou du devon est le plus souvent de un à deux jours mais atteint une fois huit jours. Les voiliers contrairement au vapeur de cabotage ne peuvent avoir un calendrier prévisionnel des départs.
Cette analyse du transport sur quelques mois montre bien d’activité très importante d’un dundée de cabotage, enchainant les traversés vers la Grande-Bretagne tant que le fret est disponible.
Un naufrage devant Ouessant
Le brick français Édouard - Dans la tempête- Sauvé par un vapeur Anglais – Deux hommes grièvement blessés
La tempête qui a sévi avec tant de violence sur nos côtes, dans la nuit de vendredi à samedi, a causé un sinistre au large d’Ouessant.
Un brick français, l’Édouard, du port de Redon, jaugeant 134 tonneaux, capitaine Cohéléach, comprenant sept hommes d’équipage a pu être recueilli par un vapeur anglais qui se trouvait dans les parages, mais deux des hommes ont été grièvement blessés.
Nous avons pu voir, hier, dans la matinée, le capitaine de l’Édouard, qui nous a fait le récit suivant :
« Nous étions partis, le 14 janvier [1901], de Cardiff, avec des vents de sud-est, un assez beau temps et une jolie brise.
Du 14 au 18, nous avons eu des temps variables.
Tout à coup, les vents passèrent au sud avec grosse mer ; il était huit heures du soir et nous venions de relever le feu d’Armen (île de sein), le trouvant environ à dix milles au sud-est.
Je fis serrer d’abord les perroquets, ensuite la grand-voile ; la brise fraichissant de plus en plus et la mer devenant très grosse, vers neuf heures je fis serrer les volants puis le grand foc, et le navire resta sous cette voilure jusqu’à dix heures.
L’Édouard fatiguait énormément, il recevait beaucoup d’eau, le pont était complètement submergé et la pompe devenait absolument insuffisante.
C’est alors qu’en présence du danger de plus en plus menaçant, j’ai dû serrer la misaine et la brigantine et faire du vent arrière, c'est-à-dire fuir devant les éléments déchainés ; il était onze heures du soir.
Me trouvant à une distance d’environ quinze milles du phare d’Armen, je fis route au nord-nord-ouest, pour passer au large d’Ouessant.
A une heure du matin, le 19, nous étions près de cette île, mais le temps étant devenu très noir et la mer très grosse, il nous fut impossible d’apercevoir les feux.
Je fis gouverner au nord-est, de manière à fuir à la lame. Nous sommes restés pendant près de cinq heures dans cette position, attendant une embellie.
Notre but était de remettre le navire au cap de manières à ne pas perdre trop de chemin, mais le bateau recevant beaucoup d’eau et fatiguant énormément. Je dus reprendre la fuite une seconde fois.
A ce moment, les vents ayant passé à l’Ouest, je fis gouverner à l’Est jusqu’à huit heures du matin.
Deux hommes se trouvaient à la barre et un troisième derrière.
Le navire reçut un formidable paquet de mer par derrière qui défonça le tableau ; une cabine d’arrière fut complètement brisée, la barre réduite en miettes, la claire-voie défoncée et l’entrée de la chambre complètement enlevée.
Le petit panneau arrière fut décondamné entièrement, mais les deux hommes à la barre furent balayés sur le pont, où ils restèrent plus d’un quart d’heure pour ainsi dire sans connaissance, très grièvement blessés. Ils se débattaient dans l’eau rougie par leur sang.
L’eau envahit la chambre, puis la cale. La chambre, dans laquelle il y avait 1m40 d’eau, aété brisée ainsi que les cabines.
Rien n’a pu être sauvé que les effets dont les hommes étaient revêtus ;
Nous nous trouvions à la merci des flots. En présence de cette situation douloureuse et périlleuse, d’un commun accord avec l’équipage, je fis hisser le pavillon en berne pour demander du secours ;
Vers neuf heures, nous aperçûmes un vapeur dont il nous a été impossible de distinguer la nationalité.
Ce navire a poursuivi sa route au Sud-ouest sans se préoccuper autrement de nous, sans nous demander quoi que ce soit.
A neuf heure et demie, un second vapeur fut bientôt en vue dans la direction du nord.. Ayant remarqué nos signaux de détresse, il ne tarda pas à faire route sur nous.
Le danger était si grand que le capitaine hésita un moment à exposer la vie de ses hommes, mais après quelques pourparlers il se décida à mettre une baleinière de sauvetage à la mer.
Ce n’est qu’après de longs et périlleux efforts que l’embarcation put nous accoster.
Au bout de 1h ½, une petite accalmie de houle s’étant produite, nous pûmes embarquer au milieu des plus grandes difficultés, surtout pour les deux matelots blessés, qui ne pouvaient se servir d’aucun membre.
Il était exactement 11h1/2 lorsque nous fûmes recueillis à bord du vapeur Broadmaryne, du port de Londres , venant de Newcastle et allant à Constantinople sur lest.
Nous fûmes des mieux traités à bord. Nos effets étant trempés, on nous en remit de secs et on nous fit prendre des cordiaux, puis on soigna et pansa les deux hommes blessés, qu’on avait déposés sur des canapés aménagés pour la circonstance.
D’un commun accord, étant donné que nous aurions trop de jours à passer à bord, le capitaine résolut de faire route sur Brest, où nous mouillâmes sur rade samedi soir, vers 10h ½..
Dès notre arrivée, on s’occupa de nos pauvres blessés, nous hélâmes la Melpomène qui nous répondit qu’il n’y avait aucun médecin à bord.
Avec l’autorisation du capitaine anglais je sautai dans une embarcation et me rendis à bord du bateau de garde : le Courbet.
Le docteur de ce cuirassé d’escadre vint à bord dans sa baleinière avec deux cadres pour le transport des hommes, qui ont été envoyé à l’hospice civil dans la matinée. Leur blessures ont été trouvées très graves.
L’un des deux matelots, Jean-Louis Youdre, âgé de 30 ans, originaire de Kerrarden en Séné, du quartier de Vannes a le crane fendu, un bras de fracturé ; il se plaint beaucoup des côtes.
L’autre René Denis, âgé de 39 ans, originaire de l’île aux Moines, quartier de Vannes, a la figure complètement en compote, tout à fait hachée, un bras et une jambe fracturés, il se plaint beaucoup de la poitrine et des côtes . Il lui a été impossible de prendre aucun breuvage.
Les docteur Civel et Bonnain ont prodigué leur soins aux deux blessés.
Le vapeur anglais a repris la mer dimanche matin, vers 7h20, après avoir débarqué les cinq hommes de l’Edouard qui sont hébergé chez M. Le Pape, au port de commerce.
Ce mati, le capitaine Le Cohéléach se rendra aux bureaux de l’inscription maritime pour déposer son rapport.
Seul, les papiers du bord ont été sauvés.
Au mois de févier dernier [1900] l’Édouard avait été jeté à la côte, par suite de rupture de chaines , et il avait subi de ce fait de très graves avaries.
La dépêche de Brest du 21 janvier 1901
Le brick Édouard est abandonné de son équipage et poursuit sa route à la dérive, à la hauteur du phare du four le vapeur Limnet tente de le remorquer sans succès, le canot de sauvetage du port d’Argenton va à sa rencontre. Plus tard le , le sémaphore de l’île de Batz aperçoit, à 6 milles dans le nord le brick partiellement démâté, le canot de sauvetage de l’ile de Batz est alerté et part à sa rencontre. Par la suite on ne signal plus le brick, les gardiens des phares des Triagoz et des Sept îles ne l’on pas vu, il a certainement coulé dans l’est de cette position à 6 milles au nord de l’île de Batz .
Voici les rapports des canots de sauvetage d’Argenton et de l’île de Batz
Rapport du canot de sauvetage de Argenton
29 janvier 1900
Monsieur le Président,
Comme suite à mes dépêches et pas lesquelles, je vous faisais connaitre la sorte du canot de sauvetage « Marie Russe » j’ai l’honneur de vous adresser mon rapport sur cette sortie.
A onze heures du mati, dimanche 20, les guetteurs du sémaphore de la pointe de landunvez remarquaient un brick en détresse dans le N-O à environ 15 milles au large et le pavillon en berne faisant le cap au sud.
Les guetteurs avertirent aussitôt le patron Vidamant qui réunit son équipage et, à midi, le bateau prit la mer.
Il avait suffi de dix minutes, pour mettre le canot à l’eau et aussitôt, notre brave équipage s’est dirigé sur le navire signalé par le sémaphore.
Malgré la grosse mer et le vent contraire, le canot de sauvetage réussit à accoster le navire vers quatre heures : mais depuis deux heures un vapeur anglais nommé « Limnet » de Londres
Avait jeté une remorque à bord du bateau en détresse « Édouard » de Redon, malgré cela, les canotier ont continué et ils ont constaté que le brick « Édouard » était abandonné.
Après avoir constaté qu’il n’y avait personne à bord et voyant que le vapeur anglais continuait à remorquer l’épave le patron l’a abandonné, n’ayant à s’occuper que de sauver les hommes et non le navire.
Le bateau « Marie Russe » est rentré à minuit au port et n’a été mis dans son abri, que le lendemain matin, la mer étant basse et surtout, la nuit très noire.
Hier, j’ai félicité tout l’équipage de son dévouement ; ces malheureux partis sans manger étaient arrivés à minuit exténués.
Le président du comité local
Victor Marzin
Armement du canot « Marie Russe » : Vidament Roland, patron ; Creac’h Jean-Marie sous-patron ; Salou François, Guéna Joseph, Hélies Alexandre, Guillerm Louis, Provost Yves , Gourmel Jean-Marie, Coatanéa Victor, Quivoron Jean-Marie Brénéol Pierre, Fariau François
Rapport du canot de sauvetage de l’île de Batz
22 janvier 1901
Monsieur le Président ,
J’ai l’honneur de vous informer que hier matin [lundi 21 janvier], vers neuf heures, M Fogeron, chef guetteur à l’île de Batz, m’a fait avertir qu’un brick complètement désemparé se trouvait dans le N.-O. de l’île et faisait route à l’est.
Je me rendis aussitôt au sémaphore, mais il était tout à fait impossible, à cause du brouillard, de pouvoir distinguer si ce navire faisait des signaux de détresse. Néanmoins, comme je jugeai sa position très critique, je fis sortir le canot de sauvetage, d’autant plus que je craignais que, par suite de la dernière tempête, l’équipage de ce navire se trouvât dans l’impossibilité de demander du secours.
Le canot lancé à dix heures du matin avec une très grande célérité n’est rentré qu’à huit heures et demie du soir après avoir reconnu que le navire l’Édouard du port de Redon, n’était qu’une épave abandonnée par son équipage et qui se trouve encore dans nos parages ayant son mât de misaine et son beaupré avec leur gréements le long du bord.
Le président du Comité Local
Floc’h
Armement du canot « Sainte-madeleine et sainte-Victoire de saint-Faron » : Robin Yves, Cordier Louis, Moncus Nicolas, Moncus Pierre, Castel Pierre Le Gall Albert, Péron François, Glidic Yves, Crenn Nicolas, Combot Eugène, Bonny Joseph, Menut Nicolas
La dépêche de Brest nous apporte quelques précisions sur la chronologie des événements en reprenant les informations des sémaphores qui observent à distance
Landunvez,
dimanche, 11h20 matin un brick dans le nord 40° ouest, à environ 10 milles est en panne. Il a son pavillon en berne, ses deux huniers sur le mât, le cap vers le sud parait avoir son petit foc et son petit hunier déchirés. On ne peut distinguer les couleurs ; les perroquets serrés, misaine, grand voile et brigantine carguée. Pas de navire dans les environs
11h54 On est parti a argenton prévenir le canot de sauvetage, le brick est toujours dans la même situation.
1h25 Le canot de sauvetage fait route sur le navire. Deux vapeurs ont stoppé à ses côtés et ont continué leur route sans le prendre à la remorque, Le brick a toujours son pavillon en berne et a la même situation
2h15 Un vapeur est à ses côtés depuis dix minutes. Un second vapeur fait de même route sur lui le canot de sauvetage s’approche du bateau
3h30 Le vapeur a pris les remorques du brick. Le bateau de sauvetage se trouve à environ un mille derrière le brick. Le vapeur fait cap au sud ouest et retourne à l’est
Aberwrach
3h50 un vapeur de commerce remorquant un brick qui a son beaupré cassé, six milles nord-ouest ; font route Est
Le vapeur vient d’abandonner le brick signalé et fait route est. Le brick court en ce moment vers la terre sous ses deux huniers. Il ne parait pas bien gouverner
Commentaires
Capitaine Yves Floch est le père de mon arrière grand père. En 1901, capitaine au long-cours en retraite il est le premier président du Comité local de sauvetage de l’île de Batz crée en 1893, il laissera quelque années plus tard sa place à Fogeron le veilleur sémaphoriste
Le Brick Édouard était en 1901 un vieux navire construit n 1858 à Saint-Malo, il avait souffert l’hiver précédent d’un échouement dans une forte tempête suite à la rupture de ses chaines de mouillage à Camaret qui toutefois n’a pas nécessité de réparations particulières.
Perros-Guirec (Côtes du Nord)
Le 24 décembre 1924, à 8 heure, nous aperçûmes de la station un navire coulé sur le plateau des Gribineyer, les mâts et les voiles émergeant à la surface. On fit sortir immédiatement le canot de sauvetage Amiral-Mallet-Athanase qui fut sur les lieux du naufrage à 9h30. Il n’y avait plus personne à bord de ce navire qui est le Météore du port de Tréguier n°362 venant de Cardiff avec un chargement de charbon. Le météore entrait à 1h30 dans la passe Ouest par un gros temps du S-O. Il talonna sur une roche entre la tourelle Bilzic et l’île Tomé, une voie d’eau se déclara aussitôt et le navire vint s’échouer dans la passe est sur le plateau des Gribineyer où il coulait subitement. L’équipage dut se jeter à la nage pour se sauver, un homme seul réussit à couper les saisines du canot au moment ou le navire coulait et embarqua dans ce canot, il put recueillir les autres membres de l’équipage qui étaient à la nage. Ces hommes gagnèrent la côte de Trélévern dans le canot et furent recueillis dans une ferme où on les a restaurés et chauffés. Ce matin, à 11 heures, ils sont venu à pied par la route (8 kilomètres de distance) au bureau du Syndic des gens de mer à Perros qui leur a donné des vêtements pour se changer. La mer étant base, quand le canot de sauvetage est revenu, il a dû rester au mouillage au Kraon jusqu’à 12h30 ; il est rentré dans la maison-abri à 2 heures de l’après midi.
Le secrétaire du comité de sauvetage
Le Tiec
Annales du sauvetage 1er semestre 1925
Le commandant a été jugé au tribunal Maritime Commercial de Brest le 9 avril 1925
Le naufrage du dundée Météore, commandé par le capitaine de la marine marchande Auguste Le Briand, inscrit à Tréguier n°8 survenait le 24 décembre 1924, au large de la tourelle Bilzic. La commission locale d’enquête estime que la responsabilité du capitaine Le Briand est engagée dans ce naufrage. En effet, il aurait fait preuve d’imprudence en essayant, au lieu de prendre le large, de rentrer de nuit, sous toute voilure, par temps à grains et mer houleuse, au mouillage de Perros-Guirec. Il aurait de même fait preuve de négligence et d’impéritie lorsque, après avoir touché sur les rochers, il ne faisait pas pomper ses hommes et n’ordonnait pas les manœuvres nécessaires pour échouer son navire dans une partie de la rade où il serait venu à sec à la basse-mer.
Défenseur : maitre Kernéis. Le capitaine Le Briand a été acquitté.
Ouest Éclair du 10 avril 1925
Commentaires :
Le Météore, dundée de cabotage de 100 tonnes de port en lourd, construit en 1905 à Paimpol est très gracieux avec sa coque peinte en noire avec sa tonture rehaussée d’un liston jaune, l’étrave à guibre avec une jolie sculpture en volute. Sa voilure bien équilibrée comprend un artimon surmonté d’un flèche au tiers, une grand-voile à rouleau ce qui simplifie la réduction de voilure, un flèche envoyé sur mât de flèche, la trinquette, le petit foc, le grand foc et le clin foc.
Détail de l’arrière du pont, le pont est surélevé à partir du mât d’artimon et le pavois est surmonté d’une filière sur chandeliers. Depuis l’arrière on peu voir le palan d’écoute d’artimon, la barre franche avec un homme à la barre, le roof, assez grand pour un caboteur avec le panneau de descente et une petite claire voie qui ne semble pas être dans l’axe du navire mais déporté sur tribord, le mât d’artimon, un petit panneau de cale et en avant de ce panneau le petit abris de la cuisine avec sa cheminée à tribord.
Détail de l’avant du pont, le canot est amarré sur le grand panneau, il est peint en bleu avec un liston jaune, souvent le canot est peint de la même couleur que le bateau, en avant du grand mât un petit panneau, un matelot est assis dessus plus en avant, la manche à air et la descente du poste avant, le guindeau avec la bitte surmonté de la cloche du bord, l’ancre à jas est à poste au bossoir, sous le beaupré un filet est fixé pour la sécurité de l’équipage.
Roscoff a un passé important au cabotage, la situation favorable de son port relativement facilement accessible, et les ressources de son arrière pays sont des facteurs de son développement à la fin du XIXème.
Voyons ce qu’en dit Thomassin en 1874 dans l seconde partie du pilote de la manche « De l’île de Bas aux Héaux de Bréhat »
On peut mettre sept navires de 200 tonneaux le long de la jeté, et on est quelquefois obligé de les placer sur trois rangs. Il y a eu jusqu’à vingt-quatre. Ils s’amarrent le long du môle, l’avant au NO, avec une ancre mouillée à 30 ou 40 mètres au large de la jetée. Il vient à Roscoff beaucoup de navires Anglais prendre des légumes […].
Ce port est fréquenté en été surtout par les navires qui viennent charger des oignons, des pommes de terre, des choux fleurs et autres légumes dont il se fait un grand commerce. Il en vient de 40 à 50 par an dans les mois de juin, juillet et aout. En 1870, il est parti 15 navires chargés de choux fleurs . Les autres bâtiments qui viennent, apportent du vin et du bois.
Ce port offre assez de ressource aux marins.[…] Il ya dans cette ville, des charpentiers de navire, un forgeron et des voiliers. L’eau se fait à la fontaine qui est au fond du port, à la naissance de la jetée. […]
En 1870 il est venu en tout à Roscoff 90 bâtiments de port de 30 à 150 tonneaux ; de Cardiff, Swansea, Plymouth, Jersey, Morlaix, Saint-Malo, Regneville et Bordeaux. Il faut déduire de ce chiffre 3 navires de 50 tonneaux entrée au Kernic (Plouescat), un navire entré à Pempoul et 2 navires entrés à l’île de Bas (ces ports font partis à l’époque du quartier maritime de Roscoff)