Monographies maritimes, une nouvelle page sur le site histoire maritime de Bretagne nord, que se cache-t-il derrière ce titre ? Voici la définition du dictionnaire du mot monographie :
« Étude exhaustive et large portant sur un sujet précis et limité ou sur un personnage »
Dans le domaine du modélisme naval, le terme monographie est utilisé pour désigner un ensemble de plans et une description historique d’un bateau précis, les monographies de Jean Boudriot aux éditions Ancre de de Gérard Delacroix sont bien connues. C’est un peu dans cet état d’esprit que j’ouvre cette nouvelle page, en restant toutefois nettement plus modeste.
Dans cette nouvelle page ou trouvera des monographies ou notices consacrées à un seul bateau identifié. L’objectif de ces notices est de partager, l’ensemble des données et des documents sur un bateau.
L’objectif d’exhaustivité du terme monographie est ambitieux, et ne pourra être atteint pour tous les bateaux concernés, par exemple la réalisation de plans complets représente un travail colossal et nécessite d’avoir des sources importantes souvent inexistantes. Ces monographies seront basées sur les données collectées sur le bateau. Les données existantes sur un bateau peuvent être très variables et le contenu de ses notices s’adaptera en fonction des sources. Dans cette monographie il y aura, une brève mise en contexte du bateau, dans quelle époque, dans quel type s’inscrit il quelle était sa fonction comment a-t-il évolué, des photographies du bateau accompagné d’une analyse de ces photographies, des documents d’archives ou des données issues de ses documents , archives des douanes documents de jaugeage, archives de l’inscription maritime, rôle d’équipage, et si possible des plans si c’est possible des relevés seront réalisés si le bateau existe toujours. Des éléments sur l’historique du bateau, des témoignages des marins, des articles de journaux. Ces notices seront évolutives et pourront être complétés au cours du temps par l’ajout de nouveau documents.
Quels bateaux seront traités ? Ce sont vraiment les sources, les documents existants et l’intérêt du bateau qui guideront la réalisation de ses monographies. Il n’y a pas de critère de fonction, pêche, cabotage, bornage ou plaisance peuvent être abordé, ni de critère de taille, un simple canot peut être aussi intéressant qu’un trois-mâts goélette, ni, non plus, de critère d’époque, du moment qu’il existe des sources, le seul critère pour entrer dans ces monographie est le lien du bateau avec la Bretagne nord.
Liens sur des éditions de monographies dédiées au modélisme d’arsenal :
Le Bateau canonnier de l'an XII
Une enquête en histoire maritime est plus productive et satisfaisante et lorsqu’elle implique plusieurs acteurs travaillant en réseau. Le croisement de données de différentes sources est indispensable.
En effet, analyse de cette photo ancienne du port de l’île de Batz a pu se faire grâce aux recherches d’amis : Yann Riou a enquêté longuement sur les marins de l’île de Batz et a publié en 2018 avec Henry Kerisit le livre « marins et bateliers de l’île de Batz », Jacques Blanken a partagé son analyse des archives des douanes aux archives départementales du Finistère, concernant les actes de francisation les certificats de construction de bateaux de la baie de Morlaix et Guy Prigent m’a fait découvrir toute la richesse documentaires des dessins de Faudacq, en particulier le fond déposé aux archives départementales des Côtes d’Armor, enfin le personnel du Service Historique de la Défense nous reçoit toujours agréablement dans leur salle de lecture de Brest.
Sur cette carte postale ancienne de l’île de Pors Kernok, île de Batz dans les années 20, nous voyons deux sloups de pêche de taille moyenne bien maintenus par leur béquilles, quelques sloups de taille plus modeste au tirant d’eau faible, trois gabares à cul pointu échouées sur leur flancs, ce sont des bateaux creux de type gabare de la baie de Morlaix, ils sont destinés au transport pour l’île et à la pêche au sable. Sur la droite deux bateaux plus importants a attiré mon attention. Je me suis longuement interrogé sur ces deux bateaux pontés de tailles supérieures aux autres bateaux de la flottille ilienne.
Apres investigation nous sommes en mesure d’identifier ces deux bateaux. Ce du second plan, grâce à des comparaisons avec d’autres documents photographiques, nous avons des éléments pour identifier ce grand sloups à pavois clair, son arrière à voute, la position les deux cadènes de hauban et de la cadène de palan de bastaque, la position des poulies de drisse sur le pic, la longueur du gui qui arrive juste sur l’arrière de la voute, c’est Le Morlaix, le sloup ponté que Claude Cabioch a fait construire en 1926 au chantier Casenave de Carantec. Ce bateau dédié au transport des marchandises par la famille Cabioch entre Morlaix et l’île de Batz était couramment appelé à l’île « ar skloup » si souvent que même les iliens en avaient oublié son vrai nom. Le sloup Morlaix est immatriculé Mx 2269 et jauge de 19.42 tonneaux pour approximativement 14 m de longueur suivant notre estimation.
Maintenant passons au bateau au premier plan, bien que de taille semblable ce n’est pas une gabare de la baie de Morlaix, il est ponté et son arrière est à voute. Sa coque est en faible différence son arrière est à voute courte avec un couronnement ajouré. Il ressemble fortement à une gabare du Trieux.
Dans le livre de Yann Riou et Henry Kérisit, on découvre que Claude Cabioch travaillant avec ses fils au transport des marchandises iliennes et au sable, achète en 1923 une vielle gabare du Trieux construite en 1878 la « Jeanne Alexandrine ». Pas de doute c’est ce bateau ! La Jeanne Alexandrine est le premier bateau ponté affecté au bornage pour l’île de Batz, la vie ilienne de ce bateau certainement très fatigué n’est pas bien longue puisqu’elle n’apparait plus dans les rôles d’équipage de bateaux iliens de 1927, nous n’avons pas de détail sur la fin de vie de ce bateau.
C’est certainement l’expérience de ce bateau ponté un peu plus grand que les petites gabares à cul pointu de la baie de Morlaix, qui pousse Claude Cabioch et ses fils à passer commande en 1926 d’un sloup un peu plus grand, le Morlaix.
La présence de ces deux bateaux en même temps à Pors Kernok permet de dater, avec une quasi-certitude, la photo en 1926.
Les documents de francisation (archives douanes AD29 Quimper) et le matricule du navire (Archives inscription maritime SHD Brest) se rapportant à la Jeanne Alexandrine nous donnent des éléments sur les caractéristiques et l’histoire de cette gabare du Trieux.
Le charpentier François Daniou de Ploudaniel en Lézardrieux construit en 1878 la Jeanne Alexandrine à Ploézal pour Jean le Corre de Pontrieux, elle est vendue à Charles le Corre de Pontrieux le 10 octobre 1887, puis à Anne-Marie Le Corre épouse d’Yves Marie Tanguy le 9 novembre 1906 qui la revend rapidement le 20 avril 1907 aux époux Yves Marie Perrot de Quemper Guezennec. Jusqu’en 1923 elle est donc armée comme sablier à Pontrieux sous le numéro du quartier maritime de Paimpol P956. En 1923, acheté par Claude Cabioch de l’île de Batz elle passe au quartier de Morlaix sous le numéro M 2628.
La description de la Jeanne Alexandrine dans son acte de francisation est la suivante :
Gabarre, arrière rectangulaire, un mât, un pont, longueur 10,47 m, largeur 3,70 m, creux 1,70 m pour une jauge de 8,25 tonneaux. Cette gabare sera jaugée plusieurs fois : en 1887 son tonnage est de 10,84 tonneaux, mais on peut lire sur sa matricule 12,68 tonneaux de jauge brute et 12,91 tonneaux de jauge provisoire On trouve également sur le document la valeur de 13,39 tonneaux, avec la douane c’est toujours complexe et il est presque impossible de s’y retrouver, les mesures de jauge et le calcul du tonnage des navires fera l’objet d’un prochain article.
Le Coq de l’île est l’exemple même des derniers bateaux de passage de l’île à la voile seule. Armé au bornage, de 1903 à 1944 il navigue toute l’année entre Roscoff et l’île de Batz contrairement au plus petits sloup ou aux canots également armé au bornage qui naviguent qu’à la belle saison lorsque la demande en forte.
Construit en 1903 par le charpentier de marine de Roscoff Anselme Kérenfors, le Coq de l’île mesure, d’après l’acte de francisation, 8,27 m de longueur de coque, 3,17 m de bau et 1,52 m de creux pour une jauge de 6,87 tonneaux. Anselme Kérenfors en est le propriétaire et le confie au patron de l’île de Batz Jacob Ergoll (né en 1865). Petit à petit, Jacob Ergoll en rachète des parts à Anselme Kérenfors en en devient l’unique propriétaire en 1912. En 1921 il est vendu à Jérôme Savin de l’île de Batz qui le revend la même année à François le Saout. Son dernier propriétaire sera François Le Goff qui devient patron et propriétaire en 1937, il le gardera jusqu’en 1946 l’année ou il sera dépecé dans le port. Une carrière de 43 ans montre bien la qualité des constructions Kerrenfors et le soin que prenaient les iliens pour l’entretien de leurs bateaux.
Le Coq de l’île est mis à l’eau au mois de janvier 1903 : La dépêche de Brest du 08 janvier annonce son lancement :
« Roscoff- Bateaux en construction- Six bateaux sont en construction dans les chantiers de M. Kerenfors. trois seront lancés la semaine prochaine : Coq de l’île à M Jacob Ergol batelier de passage de l’île de Batz ; Stella aux pont et chaussé de Morlaix et un canot de plaisance à M ; Joseph Salaun , capitaine au long-cours de Roscoff. »
Les patrons du Coq de l’île
Le Coq de l’île a marqué la mémoire des iliens, par son nom bien sûr mais aussi par la personnalité de ses trois patrons : Jacob Ergoll, François le Saout et François le Goff.
Son premier patron Jacob Ergol a l’autorisation de l’inscription maritime de de transporter 21 personnes passagers et équipage compris, aucun équipement de sauvetage n’est imposé à cette époque.
Jacob Ergoll est aussi le patron d’un canot de 1.96 tx construit en 1906 à Roscoff s’appelant également le Coq de l’île, il utilise certainement ce canot pour des traversées à l’aviron par calme plat. Jacob, comme d’autres marins de l’île n’est pas toujours en règle avec l’inscription maritime. En 1898, en voulant rendre service à deux gendarmes en déplacement sur l’île il demande à ces matelots de les ramener à Roscoff avec un canot et se retrouve à passer devant le tribunal de Morlaix le 1er juillet défaut de rôle d’équipage.
Voici ce qu’en dit le journal Courrier du Finistère du 2 juillet 1898 :
« Jacob Ergol, 34 ans, de l’île de Batz est patron de deux barques : le St Joseph et une chaloupe qu’on peut mettre à la voile. Deux de ses matelots se sont détachés de son bord pour aller conduire sur la chaloupe, deux gendarmes de l’île de Batz à Roscoff. La chaloupe se trouvait sans rôle et deux hommes la montaient ; d’où contravention. M. Ergoll est condamné à deux amendes de 25 francs avec sursis. »
La concurrence est vive entre bateliers du passage, et quelques fois les équipages en viennent aux mains, on peut lire dans la Dépêche de Brest du 28 novembre 1912 : « Charles Guillerm, patron de la Marie-Victoire, ayant injurié et frappé le mousse du Coq de l’île, patron Jacob Ergol, un marin du Coq, Jean Tanguy, prit fait et cause pour le mousse et des coups furent échangés entre lui et Guillerm. Plainte ayant été portée par Ergol contre Guillerm et par ce dernier contre Tanguy, la gendarmerie s’est transportée à l’île pour ouvrir une enquête. »
Le second patron du Coq de l’île à partir de 1921, François Le Saout, surnommé Yaïk ou l’Amiral était une figure de l’île, son surnom de « l’amiral » lui vient de la qualité de ses manœuvres à la voile, il arrivait toujours parfaitement aux cales de Roscoff et de l’île en cassant l’erre de son bateau au bon moment le matelot n’ayant qu’à descendre pour coincer l’ancre entre les pierres de la cale, les cales en pierres sèches ne sont pas équipées d’organeaux à cette époque .
Voici le témoignage de Jaquot Cabioch collecté par Yann Riou, lors de ses recherches sur le passage de l’île de Batz « Le Coq de l'Ile, le vieux Coq, ça appartenait au père à Louis Saout, à Yaïk. Il y avait un Baudoin à essence, un moteur 4 bougies, à essence, le même que l'Hirondelle et que la Sainte Anne à Trémintin. Moteur fixe et levier au niveau du plancher. Après, pendant la guerre, le Coq n'avait plus son moteur non plus. Les moteurs avaient été tirés. Il n'y avait pas d'essence, alors ils n'allaient pas garder leurs moteurs. L'Hirondelle et le Louis Vian avaient tiré leur moteur, le Coq avait tiré son moteur aussi, mais il marchait très bien à la voile le Coq. Ça avait été fait avec un ancien, Yakob Ergoll, qui est mort très vieux. »
Le romancier Pierre Humbourg, raconte dans le journal Le Matin du 23 octobre 1932
« […] J’ai aussi bu un verre, à Roscoff, avec l’amiral de l’île de Batz. C’est un amiral imaginaire, mais à qui une famille nombreuse et un cotre, le Coq de l’île, confère je ne sais quel prestige. L’amiral de l’île de Batz pêche, trafique, transborde des passagers de Roscoff à l’île. C’en est aussi un, un pêcheur, un marin, avec ses petits yeux malins, couleur émeraude, noyés dans un taillis de sourcils grisonnant »
François Le Goff avec successivement ses deux Coqs est aussi bien présent dans la mémoire du passage de l’île de Batz.
Après guerre le Coq se fait vieux, en 1944 François le Goff fait construire à Roscoff un autre Coq de l’île pour le passage. Immatriculé Mx 3226 il est un petit peu plus volumineux et jauge 7.76 tonneaux, il a un moteur Baudouin de 10cv et peut transporter 20 passagers, il aura pourtant le surnom de « petit coq » mais petit a peut-être le sens couramment utilisé en breton de « fils » ou de « jeune » à opposer au surnom de « vieux coq ».
Description du Coq de l’île
Les formes du Coq de l’île sont issues de toute l’expérience du chantier Kérenfors de Roscoff. Qui a su faire de très bons sloups de passage pour l’île de Batz. Un bateau porteur qui doit pouvoir charger plusieurs tonnes de marchandises mais qui doit aussi pouvoir naviguer à lège ou avec quelques passagers. Il doit aussi avoir un tirant d’eau assez faible pour aborder les cales et traverser à basse mer tout en gardant des performances au près pour remonter au vent même contre le courant.
Son aménagement est simple et classique, il est entièrement creux un banc pour le mât un autre banc pour la pompe à l’arrière forme avec un petit pontage arrière et des bancs latéraux la chambre. Sur le plat bord, plusieurs toletières, de chaque bord une à l’avant du banc de mât, une dans le milieu et une au niveau de la chambre, chose étonnante, sur les photos aux alentours de 1914 pas de trou de godille au tableau, sur la photo ci-dessous, deux massifs avec un creux rapporté sur le haut du tableau à tribord permet de godiller. L’abandon des grands avirons permettant de nager et le remplacement par une godille est-il lié à la motorisation du bateau vers 1930 ?
Le tableau a une jolie forme avec des oreilles sur les côtés qui protègent les abouts du bordé un contre étambot double par l’extérieur le tableau. La barre en bois passe dans une mortaise du tableau du tableau. Un double étambot est à l’extérieur du tableau.
Le Coq de l’île est peint en noir avec un liston blanc et une flamme triangulaire de couleur. Plus tard l’ensemble de la préceinte est peint en blanc.
Gréement et voilure
Le gréement dormant se résume à un étai sur l’étrave et à une paire de haubans de chaque bord ridés par des tours de ligne entre la cosse du hauban et la boucle de la cadène en fer forgé. Etai et hauban sont sur le même capelage du mât.
La grand-voile est de surface importante, le gui déborde largement le tableau, le pic, de même longueur que le gui est bien apiqué. La grand-voile a 4 bandes ris, la trinquette est également de bonne surface. Bout-dehors et foc sont vraiment « optionnel », le bout dehors passe dans un trou dans la préceinte il est mis en place que lorsque le patron veut utiliser le foc. Aucun flèche n’est prévu.
Toutes les poulies sont estropées en cordage, celles des drisses sont frappées sur les pitons de colliers du mât, Le dormant de l’écoute de grand–voile est frappé sur le cul de la poulie simple estropée sur la ferrure à œil du haut du tableau. L’écoute passe dans une poulie double estropé sur le gui à la vertical du tableau, revient dans la poulie simple du tableau et repasse dans la poulie double et revient se tourner sur un taquet sur le pontage arrière, ou reste dans la main du patron à la barre.
Manœuvres
Les bateliers iliens du passage sont de fameux manœuvriers traversant par tous les temps le chenal entre les cailloux abordant à la voile de nombreuses fois par jour les cales de Roscoff et de l’île de Batz. Etant souvent obligé de laisser culer à la voile bout au vent et à abattre au bon moment pour partir en route.
Ils modèrent leur voilure en fonction du temps, la traversée étant courte ils préfèrent souvent réduire en prenant un ou plusieurs ris. Même si les matelots sont plus nombreux sur le rôle d’équipage, ils sont généralement deux à bord le patron à la barre et à l’écoute de grand-voile, le matelot en avant du mât s’occupe des drisses et des écoutes de foc et de trinquette.
La grand-voile est toujours établie, quelquefois le sloup est sous grand-voile seule, en particulier au portant pour ne pas arriver trop vite à la cale, en route la trinquette est établie, et le sloup navigue sous trinquette haute et grand-voile arrisée. Quand le vent est plus faible, ou pour avoir plus de puissance pour étaler le courant du chenal le foc est établi, pour cela le matelot déborde le bout dehors qui est habituellement rangé sur les bancs dans le bateau.
Par temps calme le coq peut armer deux avirons.
Le Coq de l’ile est motorisé vers 1931, mais l’équipage continue à utiliser les voiles. Et garde la logique de la manœuvre à la voile en arrivant sans erre à la cale et sans utiliser la marche arrière pour casser l’erre.
Equipage
Comme nous venons de le voir, le sloup de passage se manœuvre avec deux hommes, le patron et un matelot ou un mousse, mais pour le Coq de l’île comme d’ailleurs pour tous les bateaux de l’île armés au bornage (transport maritime sur une faible distance) Sur les rôles d’équipage les équipages sont nettement plus nombreux
Par exemple, on trouve sur le rôle pour le Coq avec les durées d’embarquement de chacun
Pour 1908 pas moins de 11 marins : Jacob Ergol, patron (12 mois) ; Gabriel Combot, matelot (12 mois) ; Nicolas Moal, mousse (2 mois 20 jours) ; Nicolas Masson, matelot (1 mois 19 jours) ; Achille Saout matelot (11 mois 29 jours) ; Léopold Péron, matelot (9 mois 22 jours) ; Fernand St Jalmes, mousse (9 mois 15 jours) ; Nicolas Ergol, matelot (1 mois 10 jours) ; Alfred Ménez, mousse (7 mois 13 jours) ; Claude Le Goff, matelot (11 mois 26 jours) ; Nicolas Le Guen, matelot (20 jours).
Ou pour 1921 également 11 marins : François Le Saout, patron (12 mois) ; Philippe Nicolas, matelot (6 mois 18 jours) ; Joseph Crestey, matelot (6 mois 18 jours) ; Nicolas Masson, matelot (12 mois) ; Jean-Marie Floch, matelot (2 mois 16 jours) ; Pierre Péron, mousse (7 mois, 24 jours) ; Elie Floch, matelot (7 mois 19 jours) ; François Moal, mousse (4 mois 6 jours) ; François Gégot , novice ( 4 mois 6 jours) ; Victor Floch , matelot (2 mois 26 jours).
Heureusement qu’ils ne sont pas tous embarqué en même temps, il n’y aurait plus de place pour les passagers ! Il y a aussi du travail à terre un mousse reste souvent à Roscoff pour aller chercher avec une charrette à bras, les bagages des estivants à l’arrivée du train à la gare et démarcher le passage pour le meilleur bateau. Un matelot va charger les pommes de terre à la cale de l’île aux moutons ou envoyer le sac de courrier à la poste.
En 1904 le responsable de l’inscription maritime de Roscoff, un peu trop zélé exige sous peine de procès-verbal et passage devant le tribunal pour les patrons contrevenants que tous les matelots inscrits au rôle soient effectivement à bord. Tous les bateaux de passage se mettent en grève et l’île est isolée. Pour dénouer cette situation, le commissaire de l’inscription maritime de Morlaix autorise les patrons à ne pas avoir leur équipage au complet. Mais ceci est une autre histoire racontée dans cet autre article du site histoire maritime de Bretagne nord.
Remerciements
Pour aller plus loin dans la connaissance des bateaux et des marins du passage de l’île de Batz, je vous recommande bien sûr la lecture du livre de mes amis Yann Riou et Henry Kerisit aux éditions Skol Vreizh « Marins et bateliers de l’île de Batz ». Je tiens aussi à remercier chaleureusement M. Michel Ferec pour m’avoir ouvert les archives familiales Kerenfors et Jacques Blanken pour le partage de ses recherches sur le chantier Kerenfors.
L’île de Batz est proche du continent et le chenal de l’île de batz entre l’île et Roscoff n’est pas très profond et est parsemé de dangers. En grande marée, à basse mer, l’estran s’étend sur une distance importante et le chenal bien réduit. Le passage entre l’île de batz et le continent a toujours été assuré par des iliens armant des petits bateaux. Vers 1900, on peut distinguer, trois types de bateaux des petits canots, plus ou moins long assurant le passage par beau temps à la voile et à l’aviron , ces canots jaugeant de 0,5 à 2 tonneaux étaient appelés localement péniche. Des sloups, de 6 à 7 m jaugeant aux alentours de 4 tonneaux assuraient le passage toute l’année des passagers des marchandises utiles à l’île et des productions agricoles iliennes. Et enfin des bateaux un peu plus gros jaugeant 10 tonneaux ou plus, bateau creux à arrière pointu également gréé en sloup et appelé localement gabare, ces bateaux sont plus dédiés au transport des marchandises, production agricole, goémon sec ou goémon épave et à la « pêche » du sable. Cette monographie porte un bateau du second type, un sloup de passage de l’île de Batz. Ce type de bateau gréé en sloup semble assez ancien en 1864 on en trouve déjà plusieurs à l’île, en 1870 le gréement de sloup cohabite avec le gréement de flambart avec ses deux mâts et ses voiles au tiers. Les bateaux à deux mâts vont disparaitre par contre les sloups de passage vont perdurer, Ils se transforment avec l’arrivé des moteurs dans les années 30 les tonnages augmentent et c’est seulement dans les années 50 et 60 qu’ils sont remplacé par des vedettes en bois. Le bateau étudié est l’exemple même d’un sloup de passage d’avant la motorisation.
Coque :
La coque de ce petit sloup est assez élégante avec des formes à la fois rondes et tendues. Le tirant d’eau est modéré pour naviguer entre les cailloux du chenal, la quille est modérément en différence mais suffisamment pour assurer une bonne manœuvrabilité. L’étrave est quasiment verticale et l’étambot présente une quête modérée. La tonture est plus prononcée que celle des cotres de Carantec plus récent Le franc bord est assez important, ce sloup doit avoir de la marge pour embarquer de nombreux passagers ou quelques tonnes de pomme de terre de l’île de Batz.
Les dimensions en douanes du « Courrier de l’île de Batz » sont les suivantes :
Longueur : 6,67 m (mesure prise du dedans de l’étrave au-dedans de l’étambot)
Baux : 2,37 m (mesure de la largeur maximum prise à l’intérieur de la membrure)
Creux : 1,20 m (hauteurs intérieures)
En extrapolant sur le dessin d’Henry Kerisit on obtient les dimensions suivantes :
Longueur coque : 6,96 m (longueur totale de la coque entre perpendiculaires à la flottaison)
Baux 2,51 m (largeur max extérieure)
Tirant d’eau : 1,10 m
C’est bien sûr un bateau creux avec un plancher intérieur. Son aménagement est simple à l’avant du mat pas de pontage mais un petit banc très à l’avant pour y fixer le bout dehors un solide banc forme étambrais pour le mat, sur l’arrière un banc forme une petite chambre avec un petit pontage sur l’extrême arrière, ce petit pontage permet de mettre à l’abri quelques outils, le panier du repas du patron et du matelot, la boite ou le bambou avec le rôle d’équipage.
Une solide préceinte ceinture le bateau. Il y a 3 toletières de chaque bord pour la marche à l’aviron. Sur les toletières de l’avant sont lovés les orins de mouillage. Il a apparemment trois avirons à bord, deux sont rangés sur tribord et un sur bâbord. Chose étonnante, on ne voit pas de trou de godille en haut du tableau.
A l’avant formant chaumard, une pièce de bois est clouée de chaque bord sur la lisse de plat-bord.
A l’avant le crochet de corps mort, la photo de 1896 de ce bateau est la source la plus ancienne montrant cette spécificité ilienne, capelé sur l’étrave l’estrope en cordage fourrée du crochet forgé de corps-mort le crochet est alors perpendiculaire à l’axe du bateau.
La coque est entièrement peinte en noir à l’exception d’un large liseré blanc sur le haut de la préceinte, Peint sur le tableau arrière à bâbord le nom « Courier » à tribord « Roscoff » quartier maritime jusqu’en 1904. Le courrier de l’île de Batz à le numéro 959 du quartier de Roscoff son immatriculation est donc R 959, Armé au bornage il n’a pas l’obligation de l’afficher contrairement aux unités de pêche Ce numéro n’est ni peint sur la coque ni peint sur la voile, ce qui ne facilite pas l’identification des bateaux de passage de l’île.
Voilure et gréement :
La voilure est bien caractéristique des sloups du secteur Roscoff, baie de Morlaix. Avec une grand-voile bien apiquée de surface importante, une grande trinquette et un foc qui n’est pas toujours envoyé Ce sloup n’a pas de flèche. L’extrapolation sur le dessin d’Henry Kérisit donne les surfaces suivantes :
Grand-voile : 24,5 m2
Trinquette : 7,7 m2
Foc : 8 m2
Surface totale : 40.2 m2
Sur les photos les 3 voiles sont tannée et semblent assez foncée, Henry Kerisit a choisi de le représenter avec une trinquette neuve encore écrue, c’est souvent au bout d’une saison que le patron tanne la voile pour la première fois.
Le gréement dormant est simple, le mat est soutenu par un étai sur l’étrave et deux haubans de chaque bord sur cadènes extérieures le capelage des haubans est assez haut sur le mât, l’œil de l’étai se capelle sur le même capelage et n’est pas bloqué par un taquet cloué sur la face arrière du mât. La ride de haubans est simplement des tours de cordage entre la cosse terminant le hauban et la boucle de la cadène.
Le grand mat a la fusée peinte en clair et la tête de mât forme une boule. Le bout dehors est vraiment très simple, il passe dans un trou de la préceinte sur tribord sa fixation sur le banc n’apparait pas dans les documents iconographique mais c’est certainement une ferrure très simple Le bout-dehors peut être simplement rentré.
Toutes les poulies sont estropées en cordage sur cosse ronde en fer.
La grand-voile est à bordure libre et comporte 3 bandes de ris, la bosse d’écoute du premier ris est en place sur les clichés, le gui vient s’articuler sur le mat par un croisant reposant sur un taquet circulaire cloué sur le mat. La drisse de mat est un palan deux brins avec une poulie simple en haut frappé sur une ferrure assez courte et une poulie simple à croc frappé sur un piton du gui. La drisse de pic est également un palan à deux brins en haut la poulie simple est frappé sur un piton traversant le mat et formant piton pour la drisse de foc le dormant de la drisse est épissé au cul de cette poulie. Sur le pic la poulie est fixée sur une estrope en patte d’oie, elle ne semble pas coulisser sur cette patte d’oie par un margouillet ferré comme cela sera courant plus tard. Les deux drisses sont tournées à bâbord sur le banc proche de l’étambrai certainement sur les demi-cabillots La grand-voile n’a pas balancine. L’écoute de grand-voile fait dormant sur le gui passe dans une poulie dont la cosse coulisse sur une ferrure passant au-dessus de la barre, cette ferrure n’a pas d’œil comme sur les ferrures d’écoute plus récente. L’écoute passe, dans une poulie estropée sur le gui et revient dans la main du patron ou se tourne sur un taquet sur le pontage arrière ou sur l’intérieur du tableau.
Le gréement de la trinquette est simple elle est transfilée par des anneaux sur l’étai la poulie de drisse est frappé sur le capelage et la drisse vient se tourner à tribord, les écoutes sont certainement en simple.
Le foc s’envoit sur le bout dehors avec un rocambeau métallique, le hale-dehors passe dans un simple trou suiffé au bout du bout dehors fait retour sur une galoche cloué le long de l’étrave à bâbord, bien au-dessus de la flottaison, l’équipage à de la marge pour le chargement. La drisse sur les photos de 1896 est en simple et passe dans la poulie frappée sur le piton en avant du mât, sur les photos vers 1903 la drisse est à deux brin et un croc à ciseau sur une poulie simple vient se crocher sur la cosse du point de drisse du foc. Cette drisse vient se tourner sur bâbord sur le banc
Histoire du Courrier de l’île de Batz :
Nous n’avons pas beaucoup d’éléments sur son histoire mais une iconographie assez nombreuse pour un bateau relativement ancien. Deux photos datant de l’été 1896 extraite d’un album d’une famille en villégiature à Roscoff et comprenant plusieurs photos du petit port du vil à Roscoff, Et sur 4 cartes postales anciennes aux alentours de 1903, toutes trois à suivre dans la collection Villard Quimper :
715. Roscoff - Vue prise du vil. Le bac de l’île accostant
716. L’île de Batz – Le pont du Vil Vian
717. L’île de Batz – Vue générale. Départ du bateau
742. L’île de Batz – Le débarcadère du Courrier – Le Mouillage
Son certificat de jauge indique : construit en 1877 à Roscoff par Jacques Philippot pour Nicolas Ergoll de l’île de Batz. Le chantier de Jacques Philippot n’est pas resté dans les mémoires, Je suppose que ce charpentier a créé son chantier après un passage au chantier d’Anselme Kérenfors. Le chantier Kérenfors produit des bateaux pour les l’île de Batz avec des caractéristiques très proche du Courrier comme la Maria R1006 3,98 tx, construit en 1878 pour Joseph le Gall.
D’après le rôle d’équipage de 1892, Louis Prigent en est le patron, il en devient, par la suite, propriétaire en restant patron comme l’atteste le rôle d’équipage de 1902. Il semble d’après la
matricule de marins embarqués à bord du Courrier de l’île que le Courrier de l’île soit définitivement désarmé en 1906 29 ans d’activité au passage, ce qui représente un nombre considérable de traversées île de Batz Roscoff.
Le 15 aout 1905 Louis Prigent participe aux régates de Roscoff et remporte la 3ème place dans sa catégorie celle des bateau de pêche de de bornage de plus de 5.5m et moins de 7m.
Le métier de batelier de l’île de Batz n’est pas facile, quelques jours par an, lors des plus fortes tempêtes, il est plus possible de traverser on lit alors dans la presse "la mer est tellement mauvaise que le bateau qui fait le courrier n’a pas pu opérer ses traversées régulièrement. Au train de 2h50 les dépêches postales manquaient "
Le 3 novembre 1905 dans la Dépêche de Brest :
"Le Courrier de l’île : par suite du mauvais temps le patron du bateau qui fait le courrier de l’île de Batz a été dans la nécessité de passer la nuit à Roscoff "
D’après le nom du bateau on peut supposer, qu’il est affecté au transport du courrier de l’île, le patron a alors un contrat annuel avec l’administration des P&T, il doit traverser tous les jours et reçoit une somme forfaitaire pour ce service.
L’équipage :
Comme souvent sur les bateaux de passage de l’île de Batz de nombreux marins sont déclaré sur le rôle. J’ai exploité deux rôles de désarmement pour l’équipage du Courier de l’île de Batz celui de 1892-1893 et celui de 1902-1903.
L’équipage habituel du bateau est certainement composé du patron et d’un matelot, mais on voit sur les
photos au vil à Roscoff deux matelots et le patron qui s’affairent, sur une autre photo, uniquement deux hommes et sur une troisième le patron avec deux jeunes mousses.
En 1904, un employé zélé de l’inscription maritime de Roscoff essaya de verbaliser les patrons de bateau de passage ayant un équipage non conforme au rôle. Cela provoqua une vive désapprobation des bateliers de l’île qui se mirent tous en grève (cf La grève des passeurs).
Revenons donc aux rôles d’équipage. Le rôle, déposé une fois par an au bureau de l’inscription maritime de Roscoff au désarmement du bateau permet de comptabilisé pour chaque marin embarqué le nombre de jours embarqués, au patron de payer les charges correspondante pour la caisse des invalides. Les employés reportent ce décompte sur les matricules individuels retraçant les périodes de navigation.
Equipage sur le rôle ouvert le 07 juin 1892 et fermé le 06 juin 1893 :
Prigent Louis né le 05 aout 1866 patron 1 part 12 mois
Le Goff Paul né le 9 septembre 1874 novice ½ part 8 mois 7 jours
Castel Pierre né le 27 aout 1878 mousse ¼ part 5 mois 17 jours
Moncus Charles né le 12 juin 1876 mousse 1/2 part 10 mois 15 jours
Guillerm Charles né 3 mai 1867 matelot 1 part 9 mois 29 jours
Caroff Allain né 23 mai 1878 mousse ¼ part 2mois 29 jours
Autret Narcisse né le 17 mai 1878 mousse ¼ part 1 mois 7 jours
Guillerm Joseph né le 25 mars 1878 mousse ¼ part 2 mois 22 jours
Et le rôle ouvert le 7 juin 1902 et fermé le juin 1903 :
Prigent Louis né le 05 aout 1866 patron 1 part 12 mois
Bihan Jean né le 30 juillet 1888 mousse ½ part 12 mois
Le Gall Joseph né le 03 janvier 1864 matelot 1 part 9 mois 3 jours
Saout Jacques né le 11 mai 1852 matelot 1 part 7 mois 5 jours
Trémintin François 3 décembre 1885 novice ½ part 9 mois 4 jours
Ergoll Jean 17 juillet 1885 novice ½ part 9 mois
Gégot Nicolas né le 2 juillet 1881 matelot 1 part 27 jours
Fogeron Louis né le 12 janvier 1886 novice ½ part 4 mois 16 jours
Péron Héorold né le 12 octobre 1884 matelot 1 part 3 mois 25 jours
Cordier Nicolas né le 20 septembre 1884 matelot 1 part 2 mois 14 jours
On peut voir sur ces deux rôles d’équipage que les bateaux de passage embarquent beaucoup jeune marin mousses et novices, les patrons des bateaux de passage jouent un rôle de formateur, le chenal de l’île de Batz, les cales différentes en fonction de la marée, la manœuvre de ces petits sloups et de leurs canots sont de beaux espaces pédagogiques
Les sources pour établir cette monographie sont : des photographies de ma collection personnelle venant d’un album photo d’une famille de l’Est de France en vacances à Roscoff pendant l’été 1896 et ma collection de cartes postales anciennes. Rôle d’équipages de l’inscription maritime de Roscoff (SHD Brest) Actes de francisation archives des douanes du bureau de Roscoff aux Archives Départementales du Finistère à Quimper
Je remercie d’Henry Kerisit pour sa peinture du "Courrier de l'île de Batz " et nos nombreux échanges ainsi que Yann Riou pour nos discutions, nos échanges par mail et pour le partage de ses recherches réalisées pour le livre « Marins et bateliers de l’île de Batz », Jacques Blanken pour nos échanges sur son exploitation des archives de la douane de Roscoff conservées au AD29.
Je remercie également le personnel du Service Historique de la Défense à Brest pour l’accès aux nombreux documents de l’inscription maritime