1899 l’écrivain Charles Le Goffic sur le chantier du phare de l’île Vierge
Cinq heures du matin. Nous appareillons de l’Abervrach sous une aube douteuse.
Les amarres lâchées, nous filons avec le courant de dérive, qui est de trois nœuds à l’heure entre Penarguer et Saint-Cava, porté par lui plus que par nos aviron. Le but de notre excursion est à quatre milles au large : c’est l’île Vierge, où l’on construit en ce moment un phare qui sera le plus haut de tous les phares de France. Ce lui qui tenait la tête jusqu’ici était le phare de Barfleur-Gatteville, haut de 71 mètres au-dessus du sol. Venaient ensuite la tour de Cordouan, 63mètres ; le phare d’Eckmühl à la pointe de Penmarc’h , 63 mètres ; le phare de Planier, à l’entrée de Marseille, 59 mètres ; le phare de Dunkerque, 57 mètres ; le phare des Roches-Douvres, 56 mètres 50 ; le phare des Héaux, 48 mètres 50 et le phare d’Arcachon, 47 mètres.
Le phare de l’île Vierge passera de 4 mètres le plus élevé de ces phares : il aura 75 mètres de haut, dont 73 mètres de maçonnerie et 2 mètres de foyer. Il mesure à sa base 16 mètres de diamètre. La profondeur des fondations est très variable ; elle atteint trois mètres en quelques endroits, 80 centimètres en d’autres, suivant le plus ou moins d’épaisseur de la couche sablonneuse. La hauteur actuelle de la construction est de 40 mètres. Commencé le 28 juillet 1897, on pense que le phare de l’île vierge ne sera pas terminé avant deux ans.
Un peu partout, sur notre littoral, on procède à la réfection d’anciens phares ou à l’érection de nouveaux : Planier, qui commande l’entrée de Marseille, recevait il y a quelques mois un appareil de feu-éclair électrique égal en intensité à celui du phare d’Eckmühl et dont la portée lumineuse dépasse 100 kilomètres par temps clair et 40 par temps de brume ; la tour de Créac’h sera prochainement munie d’un appareil de même ordre ; la pointe de Rion, sur la méditerranée , l’écueil de Barnouic, dans la Manche, doivent être éclairées par des feux permanents ; le phare de Sein et le phare d’Armen enfin viennent d’etre complétement transformés. Une usine à gaz est installée dans l’île de Sein : elle alimente directement le feu de l’île, dont la puissance lumineuse a été portée de 20 000 à 200 000 bougies, c’est indirectement, par un conduit souterrain menant du gazomètre de l’usine à la cale de Men Brial, où le gaz est comprimé et emmagasiné dans les réservoirs du baliseur des Ponts et Chaussés, le phare d’Armen, construit sur une roche isolée, à sept lieues au large.
L’île Vierge, dont les feux, combinés avec ceux d’Ouessant, servent à l’éclairer le dangereux point de jonction de l’Océan et de la Manche, ne pouvait échapper plus longtemps à l’attention de nos ingénieurs. Débris d’un continent submergé, elle n’est séparé du « staon » de Plouguerneau que par un étroit chenal qui découvre aux basses mers d’équinoxe. Mais cette étrave de roches, pour employer l’expression bretonne, n’a ni quai ni cale, et c’est par l’Abervarch encore qu’on accède le plus facilement à l’île.
Un petit chemin de fer à voie étroite mène de Brest à Lanilis, d’où on descend à l’Abervrach par un raidillon de trois kilomètre. Ce chemin de fer va être prolongé jusqu’à l’Abervrach même, au moyen d’un terre-plein en maçonnerie construit entre la jetée actuelle et le quai, Les navires dont le chargement est à destination de l’intérieur éviteront ainsi les frais d’un double transbordement. La marine de guerre y trouvera son compte comme la marine de marchande : Le port de l’Abervrach est un des plus sûrs et des plus profonds de la côte bretonne. Abrité du large par une ceinture de rochers et d’îlots, son mouillage est utilisable en tout temps et pour les plus fortes escadres. On en a fait, à défaut de mieux, un poste de torpilleurs, auquel un vieux navire de guerre, l’Obligado, ancré au fond de l’estuaire, sert de magasin de ravitaillement. Nulle défense d’ailleurs sur les rochers et les ilots d’alentour. Le fort Cézon, bâti par Vauban sur l’ile du même nom, est déclassé depuis six ou sept ans ; son rude donjon, badigeonné d’un grand rond blanc cerclé de noir, ne fait plus office que d’amer. les casernes se délabrent ; l’île est loué cent francs par ans ; quelques moutons y paissent aux brèches des courtines. Des batteries établies sur Cézon balayeraient portant toute la baie et rendraient l’Abervrach imprenable.
Une bordée de la Jeanne-Marie (c’est le nom de notre embarcation) nous a conduits presque au pied du fort : sa masse lourde et trapue, à pic sur les eaux, nous enveloppe d’une grande ombre circulaire. La Jeanne-Marie a toujours pour elle le courant de dérive : avec ce courant et sur avirons on va d’ordinaire en une heure de l’Abervrach à l’ïle Vierge. Il nbous faudra un peu plus de temps, cette fois, à cause d’une brise de nordet qui qui s’est levée sans dire gare, mais qui a du moins nettoyé la baie et dégagé l’horizon.
Nous longeons maintenant l’île Vrac, blanche et rousse comme une Océanide, puis les Stagadon, déchiquetés, tragiques, crevant la nappe marine de leurs moignons informes. et voici que derrière la pointe de Lezenzu, pareils aux pédoncules de grandes fleurs aquatiques, les deux phares de l’île Vierge se lèvent doucement sur les eaux. le plateau de l’île émerge à son tour : une barricade de rochers le protège sur le nord, mais non point si solide et résistante que l’action corrosive des lames n’y ait ouvert ça et là des brèches soudaines, d’étrois couloirs, où le vent s’engouffre rageusement.
La Marie-Jeanne glisse comme une couleuvre entre les roches ; le patron commande de carguer les voiles, et, quelques secondes après, nous accostons la jetée en eau profonde qui donne directement accès au nouveau phare. Mon programme de voyage à l’île Vierge comportait d’abord une excursion dans l’île. Le gardien du phare devait me servir de guide dans cette excursion. il y consentit en effet ; mais la monotonie du paysage nous eut vite ramenés à notre point de départ. Imaginez sur les eaux un grand socle de granit, et sur la plate-forme de ce socle, un extraordinaire quadrillage de petite crevasse qui courant autour d’un gazon couleur de rouille, particulièrement fin et serré, en isolent toutes les touffes et les font ressembler à des boursouflures. Et, de fait, on y enfonce jusqu’à la cheville. C’est que le sol de l’île n’a aucune consistance : la couche végétale est si mince qu’elle se détache au moindre effort. des essais de plantation de pins n’ont pu réussir à la fixer. Derrière un mur circulaire, les gardiens du phare font pousser à grand peine des pommes de terre et quelques légumes. Un figuier, seul arbre de l’île, tord dans un coin ses bras rabougris. Encore n’a-t-il pu s’élever au-dessus du mur ; dès qu’il le dépasse, le vent rase impitoyablement ses branches.
-
- Triste séjour en temps ordinaire, m’avoue mon guide.
Tout en causant, nous nous sommes approchés des baraquements en planches qui bordent le chantier. Le gardien me quitte après m’avoir présenté à un contremaître qui, fort aimablement, se met à ma disposition pour la visite des lieux ; il m’apprend que sept maçons et dix-huit manœuvres sont actuellement occupés dans les chantiers. Les maçons viennent du Cap Sizun qui est renommé en Bretagne pour l’Excellence de ses ouvriers. Payés à raison de 4 fr. 50 par jour, ils habitent l’île été comme hiver. L’entrepreneur des travaux M. Le Corre, a fait construire pour eux des baraquements en planches où nous venons de pénétrer et qui comprennent un rez-de-chaussée, garni de table et de banc, servant de réfectoire, et un grenier, meublé de lits de fer, servant de dortoir. Une cantine est annexée aux baraquements : contre une faible somme mensuelle de huit francs, les maçons y font tremper leur soupe trois fois par jour. Quant aux manœuvres, qui sont presque tous des pêcheurs sans emploi, leur salaire varie entre 2 fr. et 2fr. 50. La plupart sont de Plouguerneau ; ils apportent leurs provisions avec eux et une barque les ramène à terre chaque soir.
- Voulez-vous maintenant visiter les travaux ? me demande le contremaitre.
J’accepte sans me faire prier et nous nous dirigeons ensemble vers le nouveau phare.
Haut déjà de 40 mètres, il se composera d’une grande tour ronde, isolée, avec un escalier intérieur en granit menant à la lanterne. Son appareil focal, éclairé au gaz, sera de premier ordre. L’ancien phare ne sera pas démoli ; ses bâtiments serviront d’habitation aux gardiens.
Les moellons entrant dans la construction du nouveau phare sont extraits de l’île même ; mais toutes les pierres taillées du revêtement extérieur et interne sont en granit de Kersanton et viennent des célèbres carrières de Logona-Daoulas. Chacune de ces pierres, numérotées à l’encre rouge, s’encastre exactement dans les pierres voisines : le phare ne fait ainsi qu’un bloc unique. M. Heurté, conducteur des Ponts et Chaussées a été chargé par l’administration de la surveillance des travaux. il est absent aujourd’hui, me dit le contremaitre. Mais de la plateforme actuelle du phare, je pourrai me rendre compte par moi-même de l’état de la construction.
Deux cents marches à grimper, bordées par le vide : gare au vertige et aux faux pas ! Mais quelle compensation une fois là-haut ! Le paysage de mer qu’on embrasse de cette plateforme est vraiment incomparable. La vue s’étend sur vingt lieues d’horizon. Et telle est la magie du spectacle qu’il me faut faire violence pour ramener mes yeux vers le pied du phare. Là non plus pourtant, et quoique d’une autre sorte, le spectacle ne manque pas d’intérêt. Tout le chantier s’étale devant nous : c’est un encombrement de matériaux hétéroclites, pierres taillées, barils vides, sacs de ciment, sceaux, brouettes, madriers, etc… Un bourdonnement de ruche humaine monte jusqu’à nous, mêlé aux ronflements de la chaufferie et au grincement des treuils ; les wagonnets courent sur leurs rails. Dans un coin du chantier, un cheval maigre tourne mélancoliquement la meule d’un pressoir à mortier : l’île en effet ne fournit pas d’eau douce et il faut l’apporter du continent.
Hélas ! il faut apporter bien d’autres choses, tous les matériaux et jusqu’au pain des ouvriers. On peut juger par là les difficultés et de la lenteur d’un travail comme celui qu’on exécute en ce moment à l’île Vierge. L’endurance et la ténacité des ouvriers bretons viendront quand même à bout de cette rude besogne ; Une fois terminé, le phare de l’île Vierge sera certainement un des plus beaux du monde.
Charles le Goffic dans le Monde Illustré du 30 décembre 1899 illustré par des photos de Hammonic
Description du phare de l’île Vierge
Les travaux du phare sont terminé en 1902 la revue Armée et Marine y consacre un article nettement plus technique
Un nouveau phare, d’une hauteur et d’une puissance exceptionnelles a été élevé et vient d’être inauguré sur la partie la plus dangereuse de notre côte bretonne ; celle que trouvent sur leur passage les navires qui passe de l’Océan dans la Manche et inversement ; celle aussi contre laquelle les poussent les effroyables mers que soulèvent les tempêtes du large, aussi bien que les courants terribles qu’y produit le mouvement des marées.
Le nouveau phare est ce qu’on appelle un phare d’atterrage, c’est-à-dire que les bâtiments venant du large pourront entrer en Manche, sachant que ces puissantes caractéristiques permettront de voir son feu de très loin. Ils dirigeront désormais leur route de façon à venir le reconnaitre directement et éviteront ainsi le détour qu’ils étaient obligés de faire pour aller reconnaitre le phare d’Ouessant.
Cette nouvelle sentinelle, placée aux bords de notre côte bretonne, a été inaugurée le 1er mars à six heures vingt-cinq, heure habituelle de l’allumage.
Elle a remplacé dans son œuvre bienfaisante un vieux phare qui depuis cinquante-six ans, sans une seule nuit d’interruption, avait dardé son œil blanc et rouge sur la mer armoricaine, aux écueils innombrables.
Suivant la coutume, un avis aux navigateurs, publié par les soins du service hydrographique, avait prévenu les marins.
Le phare est construit à peu de distance de l’ancien, sur un îlot de faible étendue qui fait partie du groupe de l’île Vierge, à l’est de l’estuaire de l’Abervarch.
Voici sur cet édifice, quelques détails que nous empruntons à notre confère la Dépêche de Brest :
Le plan focal de l’appareil optique est élevé de 75,18 m au-dessus du sol, alors que le plan focal du phare de Barfleur-Gatteville n’est qu’à 71 mètre de hauteur et celui du phare de Gênes à 70 mètres.
Ce dernier phare, il est vrai, a le mérite d’avoir été édifié au seizième siècle, à une époque où il y avait plus de hardiesse qu’aujourd’hui à élever une tour d’aussi grande hauteur.
La tour s’élève suivant un tronc de cône ayant à la base un diamètre de 16 mètres, permettant à l’intérieur, pour l’escalier, une ouverture de 5 mètres de diamètre et une épaisseur de mur de plus de 4 mètres.
Au niveau du dessous de la galerie qui règne autour de la chambre de l’appareil, à 70 mètres au-dessus du sol, le diamètre extérieur se réduit à 8 mètres.
Toutes les maçonneries apparentes de la tour sont en pierre de taille et en moellon de granit des carrières de Kersanton.
Les parois intérieures de la tour sont revêtues de plaques d’opaline laminée de teinte bleuâtre.
A la hauteur de 66 mètres, est établi un plancher en ciment armé supportant la chambre de veille, à laquelle on accède, du sol du vestibule d’entrée par trois cent soixante marches en granit composant le grand escalier de 1 mètre d’emmarchement.
La base de l’appareil optique est à la cote 70 mètres et repose sur un plancher en fer, que surmonte la maçonnerie de granit, supportant l’appareil lenticulaire à une hauteur de 75 mètres.
L’appareil d’éclairage, très puissant, est composé de deux appareils identiques, montés l’un à côté de l’autre sur la même plateforme et qui apparaissent comme un foyer unique pour l’observateur placé à une certaine distance.
Chaque appareil optique se compose de quatre lentilles disposées suivant les quatre côtés d’un carré et illuminées par un brûleur Ader rendu incandescent par la vapeur de pétrole sous pression. L’ensemble des lentilles, des lampes et de la plateforme qui les supporte ne pèse pas moins de 9630 kilogrammes.
cette masse considérable repose sur un flotteur circulaire immergé dans une cuve à mercure, de sorte qu’il suffit d’un poids de 100 kilogrammes descendants de 8 mètres à l’heure, pour faire tourner l’appareil à raison de trois tours par minute.
Ces chiffres permettent de se faire une idée de la perfection que les constructeurs français (l’industrie de la construction des phares est essentiellement française) sont parvenus à obtenir dans l’exécution de ces appareils d’un type nouveau, appelés feux éclairs, qui ont été conçus par l’ancien directeur du service des phares, M. Bourdelles, et qu’on trouve aujourd’hui appliqué dans tous les pays du monde.
La puissance lumineuse d’un seul panneau lenticulaire est de trente mille becs Carcel (trois cent mille bougies).
La puissance totale donnée par les deux appareils juxtaposés est par conséquent de soixante mille becs, ce qui correspond à une portée de 39 milles marins, par temps clair.
L’appareil optique est surmonté d’un dôme dont la hauteur au-dessus du dernier couronnement en pierre de taille qui le supporte est d’environ 15 mètres, ce qui porte la hauteur totale du phare à environ 90 mètres au-dessus du sol et à environ 100 mètres au-dessus du niveau de la mer.
L’appareil optique, construit par MM. Barbier et Bénard, constructeur à Paris, a couté 112 000 francs.
L’édifice proprement dit à coûter environ 300 000 francs.
L’entrepreneur de la maçonnerie a été M. Gustave Corre, entrepreneur à Brest, à qui a succédé après son décès, survenu en 1899, son fils, M. Adolphe Corre.
Les travaux ont été dirigé, depuis leur début, par M. Heurté, conducteur des po,nts et chaussées, sous les ordres de M. Considère, ingénieur en chef, et de MM. Pigeaud et Vicaire, ingénieurs ordinaires.
La direction supérieure des travaux, l’étude des dispositions de l’appareil d’éclairage et la surveillance de sa construction incombaient au service central des phares et balises, à la tête duquel est placé M. l’inspecteur général des ponts et chaussées Quinette de Rochemont, qui a succédé, à la fin de 1900, à l’inspecteur général Bourdelles.
Nous sommes heureux de pouvoir donner une photographie du groupe des ouvriers qui ont été employés au pénible travail de la construction du phare. Ayant été à une dure tâche, il nous semble juste qu’ils soient à l’honneur.
L’allumage du nouveau phare, dont est dotée l’île Vierge s’est effectué sans aucune cérémonie
Dans la revue hebdomadaire « Armée et Marine » du 27 avril 1902
Inauguration
du phare de l'île vierge
Lorsque la mise en service régulier du nouveau phare de l’île Vierge fut annoncée pour le 1er mars, on pensa qu’une grande fête, analogue à celle du 17 octobre 1897, pour l’inauguration du phare d’Eckmühl, aurait lieu. L’attente générale a été trompée.
Aussi lorsqu’il y a deux jours, il fut acquis qu’aucune autorité ne se déplacerait pour la glorification d’une œuvre, une des plus belles en son genre du monde entier, nous décidâmes que l’inauguration se ferait quand même.
Les hautes personnalités manqueraient, la foule serait absente, les fanfares ne joueraient point de Marseillaise, mais qu’importe ? Cette formidable autorité, qu’on a appelées le quatrième Etat, la presse, au nom de qui se ferait la cérémonie d’inauguration, ne dispose-t-elle pas de moyens suffisamment puissant pour se passer de tous les concours ?
Des millions de journaux lancés aux quatre coins du monde ne remplacent-ils pas avantageusement quelque vague discours prononcé devant quelques douzaines d’invités ?
Personne n’oserait soutenir le contraire. En tout cas, l’inauguration serait quelque chose de « jamais vu » et les découvertes ne courent pas le monde.
Donc, hier matin, au nom de la Dépêche de Brest, en particulier et de la presse en général, je pris en compagnie de trois amis, le train départemental pour aller procéder à l’inauguration.
Le dirai-je ? La machine ne se comporta ni moins bien ni plus mal que si elle avait remorqué les plus illustres d’entre les plus grands de la terre, puisqu’elle arriva à l’Aberwrach à 9h57, heure exactement fixée par l’horaire.
La journée s’annonçait d’autant mieux qu’un soleil brillait, radieux, dans un ciel pour et une brise légère, semblaient être complice pour la réussite du projet.
Toute inauguration devant comporter un banquet, cette partie du programme fut strictement remplie dans le premier hotel de l’Aberwrach, sans que les toasts obligés à la science, au progrès, à l’humanité – et surtout les congratulations mutuelles – soient oubliée.
Comme Auditeur ? N’avons-nous pas dit que nous avions les milliers et les milliers de lecteurs qui demain nous lirons ?
Le banquet terminé, nous hélons une barque, c’est le Jean n°1546, un bon et solide voilier.
Par malheur, la brise souffle à peine. Notre bateau, qui eut dû nous porter de l’Aberwrach à l’île Vierge en une demi-heure, met une heure et demie pour effectuer le trajet.
Nous n’avons pas à regretter ce contretemps puisque nous avons d’autant plus de facilité pour admirer le magnifique spectacle de la côte déchiquetées, d’îlots surgissant de toute parts qui se déroule sous nos yeux, et pour contempler l’imposante silhouette du phare qui se profile à l’horizon.
Nous n’ennuierons pas d’avantage nos lecteurs avec une description plus ou moins littéraire et déjà cent fois faite.
Nous ne reteindrons qu’une phrase prononcée par le mousse du Jean au cours de la conversation ébauchée avec les trois hommes du bateau.
- Si vous allez faire l’inauguration, vous auriez M ; le curé avec vous !
Réponse typique et qui peint bien, toute la population croyante de nos côtes.
Mais nous voici débarqués dans l’île, où une quinzaine d’ouvriers sont occupés à faire les fouilles nécessaire au nivellement du sol et à l’établissement du mur d’enceinte qui limitera le périmètre du phare.
Notre première visite est pour le gardien de l’ancien phare, qui a été éteint le matin même, ainsi que nous l’avons dit.
Comme nous complimentons le digne et vieux serviteur, M . Jean Cazes, sur la beauté du nouveau phare qu’il diriger, le brave homme nous répond avec des larmes dans la voix :
- Ah oui ! Beau, trop beau !
- Et pourquoi trop beau ?
- Hélas ! je ne l’occuperai pas ; je meure avec mon phare.
- Comment cela ?
- Je suis retraité d’aujourd’hui. Voilà 36 ans que je suis ici, C’est mon premier et dernier poste. j’ai fait mon service militaire au 49éme, à Foix, ma ville natale ; j’ai demandé une place, on m’a envoyé ici. je m’y suis marié ; j’ai eu six enfants, même qu’un de mes fils, Auguste, qui est au phare de l’île de Sein, va venir dans le nouveau phare.
- Mais vous devriez être content de prendre du repos.
- Content ! Eh bien oui ! J’aurais voulu mourir ici et être enterré là au pied d’un rocher, là où s’est passé toute ma vie.
Nous n’insistons pas, car une larme perle au cils du vieux brave et nous comprenons le déchirement qui se produit chez cet homme qui va se trouver, telle une plante transplantée arraché à tout ce qui lui tenait au cœur par mille liens invisibles.
Nous faisons ensuite l’ascension du phare. Nous ne décrirons, pas à nouveau le monument, superbe, grandiose au-delà de tout ce que l’on peut imaginer.
Au sommet, nous trouvons le conducteur des ponts et chaussées, M. Heurté, qui surveille les derniers préparatifs. Il nous accueille de façon charmante, nous donne force détails.
Nous le remercions et, avant de descendre de la tour, nous déclarons, au nom du 4ème Etat, c’est-à-dire la presse, inauguré le nouveau phare de l’île Vierge.
L’abondance des matières nous oblige à ajourner notre intéressant discours d’inaugurations.
Une heure après, le phare était allumé et lançait dans l’immensité ses rayons puissants et protecteurs.
Nous n’avons regretté qu’une chose, c’est de ne pas avoir été ministre seulement pendant deux minutes.
Les ingénieurs de tous ordres qui ont contribué à l’érection du phare recevront tôt ou tard leur récompense, mais qui songera aux petits ?
Lors de l’inauguration du phare d’Eckmühl, une médaille d’honneur fut remise, au nom du ministre, à M. Arhan , surveillant des travaux de maçonnerie du phare.
Ne l’aurait-il pas mérité aussi, le chef surveillant des travaux du phare de l’île Vierge, M Lebourg, contremaître à l’entreprise Corre ?
Pendant quatre ans, il y a eu jusqu’à 150 ouvriers sous sa direction, et pas un seul accident ne s’est produit.
N’est-ce pas assez dire quel souci a été pris de la sécurité des travailleurs.
E. Petitcolas dans la dépêche de Brest du 02 mars 1902
Sources et liens
Article de la revue d’histoire en ligne En Envor, Petitcolas inaugure la Vierge
Dossier des archives du Finistère sur les Phares et Balises
L’Ecomusée de Plouguerneau organise des visites du phare de l’île Vierge
Le XIXème siècle , vois la naissance des télécommunications à travers le développement du télégraphe. La nécessité de communiquer entre les navires en mer et la terre a toujours existé. Les postes électro-sémaphoriques ou plus simplement sémaphore associe les deux.
Le décret du 17 mai 1862, portant sur l’organisation du service électro-sémaphorique du littoral de l’Empire. Il est décidé de construire 134 poste électro-sémaphoriqueS sur le littoral français , la construction des sémaphores ne tarde pas et en 1865 et 1866 sont mis en service l’ensemble des sémaphores.
Chaque sémaphore comprend une chambre de veille avec le pied de mat de signaux de type Dupillon et un logement bien exigu pour deux gardiens. un article précédent sur l’histoire des sémaphores de l’île de Batz précisait, le fonctionnement
En 1870 Bretagne nord nous avons les 25 sémaphores suivants :
Ces sémaphores sont reliés à une petite ville ou à un autre sémaphore par un câble télégraphique. A terre les câble télégraphique sont sur des poteaux, en mer est posé un câble télégraphique sous-marin. Des câble sous-marins sont donc posés entre la pointe de Corsen et Ouessant, dans des parages particulièrement difficile, dans le chenal de l’île de Batz, pour Bréhat et enfin entre la pointe du Grouin et la principale île de l’archipel des Chausey.
En 1905 le réseau des sémaphores est modifié, plusieurs postes électro-sémaphoriques sont fermés, autre sont ouverts ou déplacés comme celui l’île de Batz ou celui de la pointe saint Matthieu ou
un nouveau sémaphore est construit près de l’abbaye .
Liens :
Gallica Carte du réseau télégraphique français dressé par l'administration en 1870
Blog de Jean-Pierre Clochon, article sur les sémaphores
Câbles sous-marins du Déolen et du Minou
Le phare des Héaux de Bréhat situé en Bretagne nord dans l’ouest de l’île de Bréhat est moins connus que les phares en mers de l’Iroise comme Ar Men, la Jument, Keréon ou le Four . Mis en service en 1840 il fait partie des précurseurs et reste aujourd’hui une prodigieuse construction, il est d’ailleurs un des rares phares en mer classé monument historique. Nous allons le découvrir à travers un article très complet et illustré publié en 1845dans le magasins pittoresque en 1845.
Situation du phare
L’attention de l’administration avait été attirée depuis longtemps sur les difficultés que présente la navigation sur la côte nord de Bretagne, au débouché du golfe important qui s’étnd entre cette presqu’île et celle du cotentin. Une enquête fut ouverte sur la question de savoir s’il convenait de placer le phare, jugé nécessaire, au sud ou au nord de la passe étroite que fréquentent les navires entre les écueils de Roquedouve [Roches Douvres] et ceux des Héaux de Bréhat. Le résultat de l’enquête fut favorable à ce dernier emplacement, et en 1834, un ingénieur des ponts et chaussées, M ; Reynaud, fut envoyé sur les lieux pour étudier d’abord les dispositions à adopter, et les mettre plus tard à exécution.
La première année fut consacrée à l’étude des localités et des ressources qu’elles pouvaient offrir en matériaux, en hommes, en moyens de transport. La difficulté était de trouver au milieu des dangereux rochers des Héaux un point que les navires, dans la belle saison, pussent accoster habituellement sans trop de péril pour le service de la construction. M. Reynaud se décida pour un point situé dans une sorte d’échancrure, sur le bord sud du plateau des rochers, laquelle offre un peu d’abri contre les vents du large. Malheureusement la partie du plateau à portée de ce mouillage, le seul qui pût assurer la plus grande célérité possible à la construction, se trouve dans les hautes marée d’une quantité d’eau d’environ 4,50 m C’était un inconvénient. Mais, en raison de la difficulté du transport des matériaux sur une surface aussi hérissée que celle de ce plateau, tout compte fait, il fut reconnu que la choix de cet emplacement conduisait au minimum de dépenses. C’était maintenant à la science de découvrir les moyens de triompher des obstacles que cette submersion alternative des travaux dans une mer aussi violente allait offrir.
Plan
L’élévation de la lanterne était fixée par la nécessité de l’éclairage dans un rayon donné : elle devait être de 50 mètres.
Dans un but de stabilité qui est devenu pour l’Ingénieur un principe d’élégance, l’édifice a été partagé en deux parties principales. La première, concave à sa base, est en maçonnerie pleine jusqu’à un mètre au-dessus du niveau des plus hautes mers : elle a 13,70 m de diamètre à son pied et 8,60 m à son sommet. La seconde, reposant sur une base considérée comme inébranlable, présente le degré de légèreté qu’il eût paru convenable d’assigner à une tour de même hauteur destinée à être exécuté sur le continent. L’épaisseur du mur est de 1,30 m dans le bas et de 0,8( m dans le haut. L’intérieur est divisé en plusieurs étages. Une galerie extérieure est placé au niveau de la chambre de la lanterne ; et au-dessus du bandeau qui termine la première partie de la tour, il y en une seconde destinée à servir de promenoir aux gardiens. La porte d’entrée est ouverte du coté opposé aux vents régnants, à un mètre au dessus du niveau des plus hautes mers. On y accède au moyen d’une échelle en bronze encastrée dans la maçonnerie. A la suite est un escalier, droit d’abord, puis circulaire, qui met en communication les divers étages. Toute la construction est en gratine, à l’exception des voûtes, qui sont en briques.
Dispositions contre la mer
Il est clair que la difficulté principale du travail devait consister dans l’érection du massif plein, autrement dit de la partie sous-marine de la construction. Une fois au-dessus du niveau des hautes mers, les opérations devenaient non seulement plus commodes, mais elles se trouvaient affranchies des chances les plus critiques. Désormais on n’avait plus affaire à la mer que pour la question du débarquement, et l’on bâtissait en quelque sorte sur une île. Mais tout dépendait de la solidité de cette île artificielle. C’est donc là qu’on avait dû réunir toutes les précautions.
Le roc sur lequel repose est formé par un porphyre noir extrêmement dur et résistant. Néanmoins, comme il présentait en quelques endroits des fissures, on a commencé par se débarrasser de toutes les parties superficielles, afin de prendre une base parfaitement saine ; et comme il importait en même temps que le pied de la construction ne pût jamais être déchaussé, on a adopté les mesures nécessaires pour qu’il fut complètement enfoncé dans le corps du rocher. Dans ce but, une surface annulaire de 11,70 m de diamètre, destinée à supporter la maçonnerie en pierre de taille, a été entaillée au pic dans le porphyre, sur un demi-mètre environ de profondeur, et dressé avec a dernière exactitude ; travail d’une excessive difficulté à cause de la dureté de la roche, mais fondamental pour l’avenir. C’est dans cette rainure, ainsi protégée par toute la masse du porphyre, qu’on été déposées les premières assisses. Quant à la partie du rocher correspondant au vide intérieur de la tour, rien n’obligeant à de tel soins à son égard, elle est demeurée à l’état brut, et l’on s’est contenté de la recouvrir de béton et de maçonnerie de blocaille.
Dans la construction du massif plein, on devait s’appliquer à rendre toutes les pierres solidaires l’une de l’autre, afin que la mer qui venait les recouvrir et souvent les battre avec une grande force avant que les mortiers n’eussent pris leur consistance, ne pût les entrainer, ni même les déranger. Les ingénieurs anglais ont imaginé dans ce but des appareils fort compliqués, consistant dans l’enchevêtrement des pierres suivant toutes sortes de lignes en zigzag, et dans la liaison de chacune d’elles avec l’assise inférieure par des barreaux de fer. M Reynaud crut pouvoir de dispenser de ce système trop dispendieux. Le but à atteindre était en effet, non d’éviter toute avarie, mais d’opérer avec la moindre dépense, et par conséquent il n’y avait point à reculer devant les avaries qu’il eut été plus dispendieux de prévenir que de réparer. De là il s’est trouvé conduit à ne pas fixer chaque pierre en particulier, mais à se contenter d’arrêter par quelques points la masse totale que que l’on supposait pouvoir mettre en place pendant chaque marée. Chaque assise fut donc divisée, dans cette intention, en un certain nombre de portions, douze pour les assises du bas , huit pour celles du haut. Toutes les pierres de ces grand claveaux s’appuyaient les unes sur les autres au moyen de tailles saillantes et rentrantes, et de plus, celles des angles étaient fixées sur l’assise inférieure par des dés de granit. L’expérience a montré que cette disposition si simple était suffisante. Jamais on n’a éprouvé d’avaries, toutes les fois que l’on a pu poser, avant le retour de la mer, les douze à quinze pierres composant un de ces ensembles. Quand on en a été empêché, les pierres ont été entrainées, et souvent à une grande distance, par l’agitation de la mer. En somme, d’après les comptes, il n’y a pas eu, en tout, plus de douze pierres de perdues. Ce même mode de construction a été continué jusqu’à quatre mètres au-dessus du niveau des hautes mers, à cause des lames qui déferlent parfois avec violence extrêmes jusqu’à cette hauteur.
L’appareil du reste de l’édifice a été achevé en granite de qualité supérieure, dans les conditions ordinaires de la maçonnerie, mais en s’astreignant seulement à une précision extrême dans l’exécution.
L’ingénieur s’est arrêté, pour le profil concave de la base, à un arc d’ellipse, comme se liant avec la partie rectiligne de la tour d’une manière à la fois plus satisfaisante pour l’œil et peut-être plus favorable pour le glissement des lames qu’arc de cercle, dont le raccordement ne se serait point opéré suivant une gradation de courbure aussi bien ménages. Le résultat en est effectivement très avantageux. Le lames, lorsque la mer est forte, remontent très haut tout du long, et communiquent à la tour d’autant moins d’ébranlement que la force dont elles sont animées s’emploie plus complètement à les élever.
Organisation des travaux
Une construction exposée à d’aussi grandes éventualités ne pouvait être soumise entièrement au principe de l’adjudication. Il fut décidé par l’administration que l’on ne confierait à un entrepreneur que la partie des travaux susceptible d’être exécutée en dehors de toutes chances de mer, c’està dire la fourniture et la préparation des matériaux, et que la mise en place, ainsi que la transport, s’exécuterait aux frais de l’administration, sous les ordres de l’ingénieur.
L’île de Bréhat, située à trois lieues environ du rocher des Héaux, fut choisie pour l’établissement des chantiers comme offrant le point le plus favorable de tous les environs. Outre que cette île présente, en effet, plusieurs havres d’échouage parfaitement abrités, il se trouve que les courants de marée la placent dans des conditions toutes particulières à l’égard du rocher des Héaux : le jusant porte de l’île au rocher et le flot du rocher à l’île ; et c’est justement à mer basse que devaient s’opérer les débarquement. Enfin l’île présentait toutes les ressources désirables pour le logement et la nourriture des nombreux ouvriers qu’exigeait un travail aussi considérable.
Une jetée en pierres sèches de cinquante mètre de longueur fut construite dans un des havres, celui de la Corderie, ouvert précisément en face des Héaux, pour faciliter les embarquements et débarquements. Le mouvement de navigation était considérable. Outre les bâtiments qui transportaient sur le rocher les matériaux préparer dans l’île, un plus grand nombre encore était employé à amener à Bréhat les matériaux bruts ; le granite venait de l’Île Grande, îlot situé à dix lieux à l’Ouest ; la chaux, du bassin de la Loire ; les bois de Saint-Malo ; enfin les puits de l’île ne fournissant point assez d’eau pour les mortiers et le surcroit de la population, on était obligé d’en tirer, ainsi que des vivres, du Continent.
Une soixantaine d’ouvriers avaient paru suffisants pour le travail à exécuter sur le rocher. Il fallait qu’ils y fussent logés, car la navigation était trop incertaine et le temps pendant lequel les bâtiments pouvaient stationner trop court pour que l’on pût songer à les renvoyer chaque jour à terre. Heureusement, à très peu de distance de l’emplacement choisi pour la construction, se trouvaient deux aiguille de porphyre assez rapprochée l’une de l’autre et assez élevées pour demeurer constamment au dessus du niveau de la mer. L’intervalle qui les séparait fût comblé partie en pierre sèches, partie en maçonnerie, jusqu’à quatre mètres au-dessus du niveau des plus hautes mers, et l’on obtint ainsi une plate-forme assez durable, moyennant réparations, pour l’usage que l’on voulait e faire. Les logements et une tour en charpente destinée à soutenir un phare provisoire y furent installés. L’espace à partager n’était pas grand. Dans la tour, outre le magasin et le logement des gardiens, fut placé la chambre de l’ingénieur. A droite, en faisant sauter le rocher, on put conquérir une chambre longue et étroite pour les conducteurs. A gauche, en avant, la cuisine et le garde manger. Sur le coté, le réfectoire des ouvriers. Dans le fond, leur chambre. Elle était bien remplie. Des lits aussi rapproché que possible en faisaient le tour sur deux rangs dans la hauteur. Une troisième rangée de lits était établie dans le réfectoire, au-dessus de la table. Enfin, à gauche, sur une anfractuosité du rocher, on avait trouvé moyen de construire une petite forge, mais dans laquelle il était souvent impossible de se tenir pendant la haute mer.
On avait d’abord autorisé chaque ouvrier à se nourrir à sa guise ; mais quelques cas de scorbut s’étant déclarés, l’ingénieur sentit la nécessité d’imposer à son monde une nourriture convenable. Il institua dans ce but une cantine astreinte à se tenir fournie de vivre pour six semaines au moins, dans la prévision des mauvais temps qui coupent toute communication avec la terre, et les ouvriers furent assujettis à y pendre pension. D’autre mesures d’hygiène furent encore prises. Chaque jour, les hamacs étaient exposés, pendant un certain temps en pelin air ; chaque semaine, les logements étaient blanchis à la chaux, et chaque semaine aussi on se baignait. Grâce à ces précautions, la terrible maladie qui s’était fait craindre disparut, et l’état sanitaire de tant d’hommes accumulés demeura constamment satisfaisant.
Chaque jour, dès que la mer s’était retirée, les ouvriers se rendaient au travail et les heures des repas étaient combinées à chaque fois de manières qu’ils ne fussent point distraits pendant toute la marée. Au moment où la mer, en remontant , allait les forcer à se retirer, une cloche donnait le signal. On se hâtait de couvrir avec du ciment (ciment qui jouit de la propriété de durcir instantanément) les portions de maçonnerie qui venait d’être terminées, et l’on courait de réfugier dans les logements. Quelquefois la mer s’élevait avec une rapidité prodigieuse, et malheur aux retardataires, car ils n’avaient d’autre ressource que de se jeter bien vite à l’eau avant que la profondeur fût devenue dangereuse : c’était un divertissement de tous les jours. Les travaux marchaient sans interruption toutes les fois que l’état de la mer permettait de communiquer avec le chantier. On se contentait de donner de temps en temps des congés de quelques jours aux hommes qui en demandaient. Grâce à toutes ces mesures d’ordre et de surveillance, on n’a pas eu à regretter la perte d’un seul membre de cette petite colonie, bien qu’il se soit perdu, pendant la durée des travaux, plusieurs bâtiments, et plus malheureusement encore plusieurs visiteurs.
Préparation et déchargement des matériaux
Les blocs de granite, extraits des carrières de l’île Grande, et choisis avec soin, étaient transportés sur les chantiers de Bréhat et taillés, selon les formes voulues, d’après les plans de l’ingénieur. Sauf pour les voutes et le centre du massif inférieur, il n’a été employé aucune pierre de moins de 1000 kilogrammes. Plusieurs sont du poids de 3500 kg. Leur dimensions sont d’ailleurs exactement indiqués sur les coupes . cette opération terminée, les pierres de chaque assise étaient posée à sec, les unes à coté des autres, une plate-forme horizontale, afin que l’ajustement de leur ensemble pût être vérifié et corrigé jusque dans les moindres détail. Chaque assise étant de la sorte parfaitement assurée, les diverses pierres qui la composaient étaient numéroté et chargée avec ordre, entourées chacune de paillassons et des cordes nécessaires pour les accrocher, sur des bâtiments pontés de 35 à 40 tonneaux. Quand le temps paraissait devoir être assez calme pour le déchargement, ces bâtiments partaient avec le jusant pour le rocher.
Entre l’emplacement du phare et la roche au pied de laquelle les marins pouvaient accoster, s’élevait une pointe placée un peu au dessus du niveau des hautes mers, et dont le sommet, élargi par une bonne maçonnerie qu’il servait à soutenir, donna une espèce de plate-forme où furent installés solidement une grue ainsi que les treuils de débarquement. Une autre grue, entièrement couverte à haute mer, susceptible d’être mise en mouvement par ces treuils au moyen de poulies de renvoi, était disposée sur la roche d’accostement, à l’extrémité d’un petit chemin de fer posé sur des pièces de charpente, et dirigé vers le pied de la plateforme. D’autres grues, destinées au travail de la construction, étaient placées sur la tour même.
Toutes les fois que la mer était suffisamment calme et au niveau convenable pour que l’on pût accoster, le navire à décharger s’approchait de la pointe la plus avancée . On commençait par le maintenir, aussi fixement que possible au moyen de quatre amarres, deux attachés sur le rocher deux autres sur des bouées mouillées au large. Mais la fixité complète qui eût été si utile pour le débarquement était impossible. Il y avait naturellement un premier mouvement dans le sens de la verticale, par suite des oscillations de la mer, un autre dans le sens horizontal, par suite de ce qu’il était impossible de raidir tout-à-fait les amarres. Le premier, moyennant un peu d’attention au moment d’enlever les pierres, était à peu près sans inconvénient, et le second fut combattu au moyen d’une disposition très simple. Il fallait évidement, pour éviter toute avarie, que le sommet de l’arbre incliné de la grue pût suivre à peu près le navire dans tous ses petits déplacements, de manière à se trouver toujours au-dessus du panneau par lequel devait passer la pierre déposée à fond de cale. A cet effet, on imagina de lier l’extrémité supérieur de cet arbre à deux amarres maintenues par des hommes placés, l’un à l’avant l’autre à l’arrière du bâtiment, de façon qu’elle était obligée de suivre à peu près les petits mouvements exécutés par le navire dans le sens de la longueur, et par conséquent le câble passant sur la poulie située à cette extrémité demeurait toujours sensiblement dans le milieu de l’ouverture du panneau. Il n’y a pas eu pendant toute la durée des travaux, grâce à cette arrangement si simple, une seule pierre d’endommagée.
Dès que les ouvriers placés sur la plate-forme avaient élevé à une hauteur suffisante, à l’aide des câble de renvoi, la pierre suspendue au bras de cette première grue, les hommes placés à bord lâchaient les amarres attachées au bras incliné, et ce bras, accomplissant alors de lui-même son mouvement de conversion, venait déposer la pierre sur un petit chariot amené au point convenable sur le chemin de fer. Ce petit chariot, poussé par un homme arrivait de là au pied de la plate-forme, où une nouvelle grue, saisissant la pierre, la transmettait, sans lui laisser toucher terre, à moins de nécessité , à l’une des grues établies sur la construction. Celle-ci était disposées de manière à la déposer immédiatement à sa place sur le lit de mortier apprêté au même moment. La localité ne fournissant aucun lieu de dépôt, il fallait que les pierres allassent directement, comme nous venons de l’expliquer, du navire à la maçonnerie. C’est une manœuvre qui ‘était possible que pendant un certain nombre de jours et à chaque fois pendant un petit nombre d’heures durant la belle saison, et cette manœuvre a dû être exécutée près de dix mille fois avant l’achèvement de la construction, car il s’y trouve près de dix mille pierres de taille.
Pendant la première période, alors que la construction n’avait pas encore atteint le niveau des hautes mers, la grue était installée au centre de la tour sur une plate-forme élevée d’un mètre au-dessus de ce niveau, et soutenue par quatre forts poteaux fixés au rocher, et qui ont été ensevelis peu à peu dans la maçonnerie de blocage correspondant au vide intérieur de la tour. Plus tard, à mesure que la tour s’est élevée, le service s’est fait non plus seulement par cette grue centrale, mais afin d’accélérer le transport, par une série de grues échelonnées dans les divers étages les unes au-dessus des autres.
La grue principale, celle qui était destinée à mettre définitivement les pierres à leur place, avait été construite avec une précision toute spéciale et d’après un système nouveau dû à l’ingénieur. Comme cette grue a été en quelque sorte le grand ouvrier de la construction , on nous permettra de terminer en en disant quelques mots. Ordinairement, dans les machines de cette espèce, le bras incliné est à un degré constant d’écartement du bras vertical autour duquel il pivote ; de sorte que le poids ne peut être transporté que sur la circonférence et non dans l’intérieur du cercle. Dans les fonderies, on se sert bien de grues qui à l’aide d’un troisième bras horizontal, le long duquel se meut à volonté la poulie de suspension, évitent ce défaut ; mais ces grues sont inapplicable toutes les fois que l’arbre vertical a besoin d’être maintenu par des haubans, puisque ces haubans empêcheraient nécessairement la rotation de l’arbre horizontal. En Angleterre, on a imaginé, pour le service des constructions analogues à celle-ci, de disposer le bras incliné de manière que son inclinaison puisse varier ; d’où il suit qu’en diminuant cette inclinaison, on rapproche le poids du pied de l’arbre vertical, comme on l’en éloigne en augmentant au contraire l’inclinaison. Mais il ya un inconvénient manifeste, c’est que le poids, s’il se trouvait à la hauteur convenable quand il était sur la circonférence, se trouve à une hauteur trop grande quand il est parvenu dans l’intérieur ; car le bras incliné le relève en se relevant lui-même, et la réciproque a lieu également. Il y adonc perte de force, et par suite de temps, puisque l’on ne peut opérer aucune translation qu’à condition d’élever le poids inutilement. Sur le rocher de Bréhat, dans la grue employée à déposer les pierres au pourtour et dans l’intérieur du massif, grâce à un mécanisme fort ingénieux, cette manœuvre inutile était complètement évitée. Les deux treuils, celui qui élève le poids et celui qui fait mouvoir l’arbre incliné, étaient combinés de telle manière que quand celui qui retient l’arbre s’enroulait, celui qui suspendait le poids se déroulait, et justement de la quantité nécessaire pour que le poids restât toujours à la même hauteur au-dessus de la base , quelque position que prît le bras incliné. La pierre une fois suspendue, il était donc facile de la conduire dans l’intérieur de la tour, partout où il était nécessaire, puisqu’elle se faisait plus que glisse horizontalement. C’est un mécanisme qu’il serait peut-être utile d’imiter dans des circonstances semblables, et même dans les fonderies.
Historique
Tels sont en résumé les moyens à l’aide desquels s’est élevé ce bel édifice. On peut justement le nommer sans égal, car il s’en faut que les deux phare du même genre dont s’enorgueillissent les Anglais, celui d’Edystone et celui de Bell Rock, soient dans des proportions aussi monumentales. Ce n’est pas l’habile ingénieur qui a dirigé ces grands travaux qui nous reprochera de nous être plutôt attaché dans cet exposé à mettre en lumière ses procédés, qu’à faire valoir les difficultés de toute nature de la part des hommes comme de cette des éléments qu’il a dû vaincre. Il a consacré six ans [1834 1839]. La première année a été employée à l’étude des localités et à la rédaction des projets ; la seconde, à l’établissement des logements et de la rainure dans le rocher ; la troisième, à la construction du massif plein ; pendant la quatrième, la tour s’est élevée à la première galerie ; pendant la cinquième, un peu au-dessous du couronnement ; enfin, en 1839, on a pu poser la lanterne. Le monument porte cette simple inscription ; Cet édifice commencé en 1836 a été terminé en 1839, Louis-Philippe régnant. L’événement le plus grave eut lieu eu commencement de la campagne de 1836. toutes les machines étaient en place, et l’on se préparait à poser la première pierre, quand tout fut enlevé par un coup de mer extraordinaire. Nous avons entendu raconter l’ingénieur le chagrin cruel qu’il éprouva lorsqu’en arrivant au rocher dont il s’était trouvé séparé pendant trois jours par la tempête, il aperçut tous ses travaux balayés, la plupart de ses ouvriers blessés, tous démoralisés, et au milieu de tout cela, les marins, qui n’avaient jamais voulu croire à la possibilité de la construction, souriant. Il ne perdit pas courage et sut relever ses hommes en même temps que ses appareils. Dès la quatrième année, obtenant un commencement de récompense, M. Reynaud était appelé par le suffrage unanime des professeurs à la chaire d’architecture de l’École Polytechnique. Il a été nommé depuis lors ingénieur en chef, et c’est à lui que Paris doit un de ses plus beau monuments d’architecture civile, la gare du chemin de fer du nord.
Le magasin pittoresque 1845
Commentaires :
Cet article contemporain des débuts du phare laisse à penser que la construction s’est déroulée sans difficultés majeurs, cela ne reflète pas la réalités. C’est seulement le second phare français construit en mer Les ingénieurs des ponts et chaussés n’ont pas encore l’expérience de ce type de construction en particulier pour l’anticipation des difficultés et l’estimation des budget nécessaires, Le phare coutera à termes 531 679 francs soit plus du double du budget initial. Au départ la construction doit être entièrement confiée à une entreprise privée. 11 entrepreneur répondent à l’appel d’offre, le mieux-disant est le sieur Lavoué de Pontivy qui remporte le marché, les travaux commence mais face aux difficultés il déchante rapidement et renonce au contrat et abandonne, le chantier est en panne, il est repris par l’entreprise Lemonier et Boyer Mais en juillet 1835 Boyer se noie lors d’une visite au chantier Lemonier est dépassé par l’importance du projet et abandonne à son tour. En 1838 l’administration est contrainte de poursuivre les travaux en régie directe dirigé par l’ingénieur Léonce Reynaud qui finira heureusement le projet. Le 1er février 1840 le feu des Héaux s’allume
Liens et bibliographie :
Inventaire du patrimoine des côtes d’Armor notice sur le phare des Héaux de Bréhat commune de Pleubian par Guy Prigent
Le site sur Cordouan avec une notice intéressante sur Léonce Reynaud
Mémoire sur l’éclairage des côtes de France par Léonce Reynaud (malheureusement, les planches de cet ouvrage ne sont pas accessibles en ligne )
Site Phares et Feux
Et pour la bibliographie l’excellent livre Phares de Jean-Christophe Fichou, Noël Le Henaff et Xavier Mével Edition Le Chasse-Marée 1999
Bassinoire et Tricot Rouge, cette formule mnémotechnique porte sur le balisage et signifie: Bassinoire Bâbord Cylindrique Noire et Tricot Rouge Tribord Conique Rouge.
Cette formule parait étrange aux marins d’aujourd’hui, cela mérite quelques d'explications historiques:
Au XVIIIème siècle le balisage des dangers de nos côtes, est pratiquement inexistant à l'exception de quelques initiatives locales, comme celle mené par Charles Cornic Duchesne en baie de Morlaix. A la fin du XVIII Charles Cornic Duchesne fait mettre en place sur ses propres deniers le balisage des principaux dangers le long des chenaux de la baie, la tourelle du plateau des Duons date de cette époque et est certainement, la tourelle la plus ancienne du Trégor et du Léon.
A partir de 1820, associé au progrès de la navigation et de cartographie nautique, le balisage et des cotes de France et l'éclairage des côtes par des phares se mettent progressivement en place.
Le balisage, à cette époque ne suit pas des règles de formes et de couleur précises, on cherche à faire des balises différentes les unes des autres pour les distinguer.
A la fin du XIXème, l'administration des phares et balises uniformise le balisage latéral, avec la règle suivante: en remontant un chenal les balises cylindriques noires sont à laisser à bâbord et les balises coniques rouge sont à laisser à tribord. On utilise la formule bassinoire et tricot rouge.
Ce système est proposé par la France à la première réunion d'uniformisation internationale à Washington en 1898, mais l'uniformisation du balisage sera longue à venir, chaque pays a plus ou moins son propre système de balisage.
En 1936 à Genève, une convention internationale inverse les couleurs du balisage latéral et introduit le système cardinal.
La formule mnémotechnique devient alors: Tricot noir et Bas si rouge.
Ce système se met en œuvre progressivement en Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale. L'Amérique conservera la règle ancienne du balisage latéral.
Mais ce premier système de balisage cardinal utilise également les couleurs rouge et noir, cela peut entrainer des confusions et provoque des erreurs de navigation.
Une réflexion est menée à partir de 1971 sur un changement de couleur du balisage latéral.
En 1977 est mise en place officiellement, dans le Pas de Calais la première bouée du nouveau balisage cardinal utilisant le noir et le jaune.
Le balisage latéral évolue également pour les balises tribord du noir au vert/
La formule mnémotechnique actuelle est donc: Un tricot vert et deux bas si rouge, un tricot vert: 1, numérotation impaire, tribord conique vert et deux bas si rouge: deux numérotations paires bâbord cylindrique rouge. Sauf si vous naviguez dans les eaux américaines, bien sur ou il faudra inverser les couleurs !
Les tourelles de Bretagne nord ont donc changer de couleur au cours de leur vie. Prenons par exemple la tourelle de Perroc’h dans le chenal de l’île de Batz.
Construite en 1840 en pierre de taille sur le sommet du plateau de caillou , elle n’a certainement pas initialement de peinture, elle permet de localiser la roche submersible quelle que soit la hauteur d’eau, elle s’identifie par un voyant spécifique. Vers la fin du XIX elle fait parti du balisage latéral du chenal en considérant que l’on entre d’ouest en Est. C’est une balise tribord, la tourelle est peinte en rouge avec un voyant conique.
Après l’introduction du balisage latéral en 1936 la tourelle de Perroc’h devient une balise nord elle est noire blanche noire. Puis à partir des années 80 elle devient Noir en haut et jaune en bas avec un voyant de deux cônes superposés avec leur pointe vers le haut. Et enfin, pour mieux baliser l’ensemble du plateau de Perroc’h la tourelle ancienne n’étant pas en limite de danger mais sur le sommet des rochers, il a été ajouté récemment deux balises cardinale nord au limité nord-ouest et nord-est du plateau de caillou.
Île Molène
Le 22 Mai 1917
Hier matin, vers 6 heures du matin, un pavillon français supérieur à une boule noire, était aperçu sur le phare en mer de Kéréon. En même temps, la corne de brume émettait des sons contrairement au rythme habituel. Le patron Tual Théophile, du bateau ravitailleur du phare est prévenu en même temps que le patron du canot de sauvetage. Délibérément Delarue met l’ « Amiral Roussin » à la mer et se porte en même temps que l’ « Yves-Marie » sur les lieux. Il est 6h15, et quelques instants après, grâce à une bonne brise de O.S.O ils parvenaient au phare de Kéréon. Le chef gardien Sévéléder Henri met les sauveteurs au courant des faits qui ont motivé ses signaux. 21 naufragé sont venus vers 5 heures, accoster le phare dans deux embarcations. Il les a recueillis et leur a procuré du café chaud et un peu de pain pour les réconforter, car la plupart étaient mouillées, à demi-vêtus et pieds nus.
Leur navire, car deux d’entres eux parlent français, le vapeur brésilien « Tijuca » , a été torpillé hier soir à 22 heures par un sous-marin allemand. Trois minutes ont suffi pour que le « Tijuca » disparaisse dans les flots, et ils n’ont pu rien sauver ayant été en majeure partie surpris dans leur sommeil. Tual prend ses précautions pour faire embarquer les 21 naufragés dans son bateau ; il en prend 14 à son bord, et en donne 7 au canot de sauvetage.
A leur arrivée à Molène, les naufragés sont remis au syndic qui les fait transborder pour les diriger sur Brest, sur le torpilleur 267, envoyé par le vice-amiral préfet maritime.
Le syndic des gens de mer
Lelouey
Secrétaire du comité de sauvetage
Annales du sauvetage maritime 1917
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Brest le 25 mai 1917
Le capitaine du transport brésilien Tijuca coulé par un sous-marin allemand fait les déclarations suivantes :
A 22h40 un sous-marin allemand, que nous n’avions pas vu, nous lança une torpille. Celle-ci , perçant la coque, pénétra dans la chambre des machines, provoquant une explosion. L’eau envahit immédiatement la cale et le vapeur donna une forte bande. Nous avons dû abandonner en toute hâte le Tijuca, qui ne tarda pas à couler. Un des marins a péri. Secouru aux abords du phare de Kéréon par des canots de sauvetage, nous avons été plus tard rejoints par un torpilleur, qui nous pris a son bord »
Ouest éclair du 26 mai 1917
Commentaires
Le phare de Kéréon à été allumé, pour la première fois, quelques mois avant cette mésaventure, le 25 octobre 1916.En ce matin de 1917, vers l’heure d’extinction du phare, les deux gardiens accueillent les 21 naufragés qui grimpent certainement à l’échelle du phare en abandonnant leur deux embarcations. La place dans le phare est certainement très réduite pour ses 21 naufragés plus les deux gardiens, mais heureusement ils n’y restent que très peu de temps. Le sauvetage ne fait pas parti des missions des gardiens de phare et leur moyens de communication avec la terre sont très réduits mais lorsque les circonstances obligent la solidarité des gens de mer est la.
En 1917 le ravitaillement des phares en mer, et le transport des gardiens se fait par l’intermédiaire de bateau de pêche, dont le patron est en contrat avec les phares et balises ; Le patron Théophile Tual,, a certainement un solide sloup creux, comme ceux pratiquant la pêche aux casiers dans l’archipel de molène.
Le Tijuca est un steamer de 2304 tonnes de 92m le long 11,3m de large et 7,4m de creux construit en 1883 par Leslie Andrew and Co à Newcastle au Royaume Unis. Il fut coulé par le sous-marin allemand l’UC36 de type UCII commandé par Gustav Buch. Ce sous marin, apres avoir coulé d’autres navires fut, lui-même, coulé par abordage le lendemain, le 21 mai 1917 par le steamer français Molière, alors que le sous-marin attaquait un convois de plusieurs navires
Mais revenons, sur les circonstances de ce sauvetage. Le Tijuca coule le 20 mai 1917 à 22h40 à 5 milles dans le S.O. des Pierres-noires. Ce jour, la basse mer est à 22h52 à Ouessant, les deux embarcations se font entrainer par le courant de flot dans le Fromveur, elles parcourent 9 milles et arrivent près du phare de Kéréon avant 5 h du matin du 21 mai. Juste avant la pleine mer d’Ouessant qui est à 5h 01 avec un coefficient de 89 . En ce matin du 21 mai, la brise O.S.O est bonne, durant la nuit le courant de flot du Fromveur est dans le même sens que le vent, et la mer ne doit pas être trop formée. Cette une grande chance pour l’équipage d’avoir pu aborder et débarquer au phare à temps car si les deux embarcations étaient restées dans le Fromveur quelques heures de plus, alors que le courant de jusant portant au S.O. s’établissait ils auraient rencontré des conditions de mer très difficiles, d’un courant de jusant au alentour des 7 nœuds opposé à une bonne brise de S.O. L’état de la mer dans le Fromveur aurait pu leur être fatal.
Sources et liens
Annales du sauvetage maritime 1917 premier semestre (Gallica)
Ouest éclair (Gallica)
Site de molène avec l’histoire de la station de sauvetage
Description maritime de Ouessant et de ses parages dans l’almanach du marin breton 1902
Site sur les sous-marins avec la fin du sous-marin UC36 : Uboat.net
« Le projet d’installation d’un feu électrique sur l’archipel des Sept-Îles est préparé : il comporte la création sur l’île Rouzic d’un nouveau phare avec trompette à vapeur, et suppose qu’on supprimera la tour de l’ile au moine »
Phares et balisage Rapport de l’ingénieur en chef en 1883 dans rapport et délibération du conseil général des côtes du nord.
Le premier phare de l’ile aux Moines est allumé le 1er mai 1835, il s’avère trop petit et est masqué par l’ile Bonno. En 1854 il est rehaussé de 7,2 m. Malgré ces travaux il reste partiellement masqué pour les navigateurs approchant les Sept-Iles par l’est, ce qui justifie ce projet de phare sur Rouzic. Mais ce projet trop couteux sera abandonné et ce phare ne verra jamais le jour pour la joie des macareux, pétrel fulmar et autres fous.
La photo de la vignette de la page « sur le pont » est le phare de Bass Rock en Écosse.
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, le plan d’éclairage des côtes de France se poursuit par l’édification des phares en mer.
Dans le Finistère, le chenal du four est très fréquenté par les caboteurs, pour baliser son extrémité nord il s’avère nécessaire de construire un phare sur le rocher du four ;
Le rocher du four se situe à l’ouest du petit port d’Argenton fréquenté également par les caboteurs, sa position permet également de baliser les roches de Portsall et l’extrémité ouest du chenal à terre des roches de Portsall.
Le 3 juin 1862, une première descente sur le rocher du four est effectué pour les travaux de reconnaissance et de mesure de l’emplacement du phare.
Un premier plan est tracé par Armand Rousseau, ingénieur ordinaire à Brest, il reprend la forme carré du phare des Triagoz pour le distinguer de la tour ronde du phare des Pierres-noires.
En 1863 les ingénieurs Planchat et Fenoux présentent un second plan avec une tour ronde, ce plan est accepté par la Commission des phares.
Les travaux ne commencerons qu’en 1868. Au préalable les conditions d’accès au rocher du four ont été particulièrement étudiées, une carte plus précise que la carte marine officielle établie par Beautemps Beaupré est levée. Les courants particulièrement important sur ce secteur sont également étudiés. Une stratégie de livraison des matériaux est mise en place. La construction d’un phare nécessite de nombreuse livraison de pierre de taille, le port d’argenton est la base de départ le site de la pointe de garrec grazou est retenu pour la taille des pierres, la cale est réaménagé la construction de trois tourelles est projeté pour baliser des dangers du chenal d’accès .
Le transport est assuré par des gabares à voiles. Les approches de la roche du four sont particulièrement difficiles de part la houle et les forts courants de flot et de jusant.
Les ingénieur des ponts et chaussées dressent le « Plan de la roche du Four avec indication des moyens d'accostage et de la direction des courants »
La roche peut être abordé par le sud Est qui est assez accore, trois corps-morts permettent l’approche des gabares. Une bouée à l’Est permet l’accostage pendant le jusant, une bouée au sud permet l’accostage pendant le flot, une bouée plus éloignée au sud-est sert aux bateaux déchargés et à la gabare pontée. Deux solides organeaux sont scellés sur la roche.
Essayons de décrire la manœuvre d’accostage de la roche . Après avoir chargée à la cale d’argenton à la pleine mer et parcouru les 2 miles qui le sépare du Four. Le bateau arrive avec le jusant et s’amarre sur la bouée à l’Est. l’équipage affale les voiles. Le matelot ou le mousse porte une aussière vers le rocher avec le canot du bord et l’amarre sur l’organeau à l’Est de la plateforme. L’équipage file progressivement l’aussière amarrée sur la bouée et se déhale sur l’aussière amarrée sur l’organeau du rocher du phare. Deux autres aussières sont portées sur l’organeaux sud et sur la bouée de flot pour positionner la gabare grâce à ces quatre aussières
Une fois le bateau bien amarré à proximité immédiate de la roche le déchargement des pierres de tailles et autres matériaux se fait à l’aide d’un treuil et de mât de charge en place sur la plateforme au pied du phare, en cours de construction les pierre sont levées grâce à un second treuil et un second mât de charge mis en place sur la maçonnerie.
Le Rocher du Four est un massif de granit de 25 m de diamètre et de 11,50 m de hauteur et peut servir de base pour la construction du phare En juillet 1868, les premier travaux commence par le décapage à l’acide chlorhydrique des algues et la taille de l’embase dans la roche. La construction effective débuta en avril 1869 elle durera 4 ans. La construction est endeuillé par deux drames : le 5 juin 1869 alors que, par une mer absolument calme, le canot de service est renversé par une lame. En 1873 alors que les travaux sont presque achevés, Le 27 avril le canot de service menés par Hervé Jézéquel et François Leborgne arrive au phare avec le contremaître Le Brelivet, du matériel et des vivres. Le bâtiment mouille auprès du phare sur sa bouée d'amarrage quand une lame le prend par le travers, le soulève et le renverse. Les trois hommes sont projetés à la mer et meurent noyés.
Le phare est allumé dans la nuit du 14 au 15 mars 1874, il est alors équipé d’une trompette à vapeur Lissajoux actionné par temps de brume.
Webographie :
Photo de la vignette de l’article sur la page "sur le pont": Stéphane Cornic
Le portail des patrimoine de Bretagne : phare du four
L’idée de construire un phare sur l’île de Batz était certainement fort ancienne. An début du XVIII ème siècle, Garengeau l’ingénieur militaire qui coordonna la construction de fort et batteries sur les côtes de Bretagne Nord suivant les instructions de Vauban en fit un plan, mais se phare ne vit jamais le jour. En 1825, suivant le plan d »éclairage des côtes de France » établi par De Rossel et Fresnel, il est décidé d’établir un Phare de premier ordre sur l’île de Batz.
Le devis de la construction date du 6 novembre 1833, ce devis spécifie que le phare sera établi sur le point culminant l’ouest de l’île appelé Creac’h Glidic dont les rochers en relief seront abattus et taillés dans l’emplacement de la base,. Il comprendra un soubassement carré et une colonne creuse terminée par un chapiteau circulaire surmonté d’un socle portant la lanterne. Le soubassement, de 14,80 m de coté, sera constitué de deux étages composés chacun de 8 pièces au plafond en voute de pierre.
Entièrement construit en granite de l’île de Batz
La pierre de taille de fort et moyen appareil sera de nature granitique et proviendra des rochers dits « Roc’h Tusval » (dans l’état actuel de mes recherches, je n’ai pas identifié ou était Roc’h Tusval) On choisira la pierre la plus dure et la plus franche. La pose sera faite par carreaux et boutisses alternativement.
Prix de la pierre
Pour la pierre de taille :
Les moellons proviennent des rochers de Douar Abjean
Coût de la main d’œuvre
L’appareilleur en chef est payé au mois de 120 à 150 francs
Un carrier ordinaire de 1,25 à 1,50 francs par jour
Un carrier piqueur 2 francs
Un tailleur de pierre de 3 à 4 francs
Les prix des transport par mer :
Un chaland de port 15 à 20 tonneaux ou une gabare du même port mini de son agrès, mais sans son équipage est de 9 francs par jour
Le pilote sera payé 3 francs
Chaque marin 2 francs
Un tombereau de la contenance 0,5 m3 de pierre attelé à deux chevaux de force ordinaire avec son conducteur : 6,50 francs ; avec une contenance de 0,75 m3, attelé de 3 chevaux : 9 francs
Les travaux du phare se déroulèrent sans problèmes, et seront réalisés en deux ans et demi. Le 10 octobre 1836 la lumière du phare de l’île de Batz porte pour la première fois dans la nuit.
La fin du XIXème siècle voit apparaitre les merveilles de l’éclairage électrique, les ingénieurs des pont et chaussée travaillent sur l’électrification des phares. Suite à des essais concluant dans le nord de la France, il est proposé que le phare de l’île de Batz deviennent électrique. Mais il est alors nécessaire de produire localement l’électricité. Pour cela il faut une machine à vapeur qui transforme l’énergie de la combustion du charbon en force motrice et un générateur qui transforme à son tour l’énergie mécanique en énergie électrique.
Le 30 décembre 1882 était présenté le plan d’un vaste bâtiment destiné à recevoir les machines en vue de l’éclairage du phare de l’île de batz à l’électricité. Cette installation était complété par deux logements avec annexes pour les gardiens chauffeur, un dallage de captation pour les eaux avec réservoir et mur de clôture.
Le dallage de captation d’une surface de 633 m2 réalisé en dalle de granite de 12 cm d’épaisseur est suffisant pour assuré la consommation en eau des machines à vapeur évaluées à 450m2/an par l’intermédiaire d’un réservoir enterrée d’une contenance de 150 m3
L’ensemble des bâtiments est réalisé mais une lettre de l’inspecteur général directeur des phares et balises datée du 8 juillet 1886 annonce que » L’éclairage à l’électricité du phare de l’île de Batz parait désormais devoir être ajourné à bien longtemps, en supposant qu’on n’y renonce pas absolument »
L’électrification des phares, bien que techniquement maitrisé à cette époque, était nettement plus couteuse que l’éclairage au pétrole : machine complexes à maintenir, consommation importante de charbon, personnel nombreux et compétent à payer
Une vingtaine d’établissement prévu à l’électrification verront l’ajournement de leur projet en Bretagne Nord nous y trouvons également le phare du Cap Fréhel.
Toutefois, les performances du système d’éclairage au pétrole vont être augmentées, on peut lire l’avis au navigateurs suivant dans le Ouest éclair du 07 octobre 1900 :
« On mettra en service au phare de l’île de Batz le 15 octobre 1900, à l’heure de l’allumage des phares, le feu éclair émettant tous les 25 secondes un groupe de quatre éclats blancs avec bruleurs à incandescence par la vapeur de pétrole comprimée dont l’installation a été annoncée par l’avis n°917 de 1900.
La durée des éclipses sera de 3 secondes dans le groupe et de 15 secondes entre les groupes. La puissance lumineuse du feu sera de 25 000 becs carcel ; sa portée lumineuse 34 milles par temps moyen (visibilité annuelle 90%) la hauteur du foyer lumineux sera la même que par le passé. »
Note : le carcel est la plus ancienne unité de mesure de référence de l’intensité lumineuse 1 Carcel = 9,62 bougies décimales ou 9,74 Candéla
L’électrification du phare de l’île de Batz ne sera réalisé qu’en 1937, lorsque l’île de Batz sera relié au continent par un câble. Le réservoir d’eau du phare a été bien utile aux iliens pendant les périodes de sécheresse, lorsque les citernes des maison étaient à sec, avant que l’île ne soit reliée au continent par un tuyau arrivée d’eau depuis 1972.
Sources :
Archives départementales du finistère
Article de Jean Chauris : « Travaux maritimes à l’île de Batz » dans le Progres-Courrier de 1996
Phares de JC Fichou, Noel le Henaff et Xaviel Mével ed. de l’estran
A la fin du premier quart du XIXème siècle la situation des phares de Bretagne est la même que pendant le XVIIIème siècle.
Nos côtes, malgré tout les dangers et une navigation importante sont bien obscures, la nuit seulement trois phares permettent au navigateurs de se repérer : le phare du Stiff à Ouessant, le phare de la pointe Sain-Mathieu et le phare du cap Fréhel.
Toutefois la situation des phares est en pleine évolution, le contre amiral de Rossel directeur de la commission des Phare avec son collaborateur le célèbre Augustin Fresnel ont établi en 1825 un ambitieux plan d’éclairage des côtes de France ne comprenant pas moins de 51 phares. C’est le début de plusieurs décennies de grands travaux ou les principaux phares de Bretagne Nord verront le jour.
Mais revenons à la description des phares existant et à venir tel qu’elle apparait dans l’un des premier livre des feux publié en 1829 sous le titre : « guide des marins pendant la navigation nocturne ou description générale des phares, fanaux , etc. construits pour la sureté de la navigation ». Son auteur M. Coulier décrit tous les phares du monde dans cet ouvrage de 229 pages
Saint-Malo (feu) . On établira sur le fort de la Conchée ou l’une des autres îles situées devant la rade de Saint-Malo un feu tournant à courtes éclipses ; ce sera un phare de troisième ordre.
Fréhel (Phare de cap) . Il y a sur ce cap un feu tournant composé de 8 grand réflecteurs à double parabole, illuminés chacun par deux lampes d’Argant. Il sert principalement aux bâtiments qui, venant de l’O, vont à Saint-Malo ou Granville. Il paraît qu’on propose d’apporter quelques changements à ce phare et d’y substituer un feu tournant à 16 demi-lentilles.
Saint-Brieuc (Feu). Ce sera un feu de port, de troisième ordre, dont l’établissement sera annoncé par la voie du Moniteur.
Bréhat (Phare). Ce phare sera du premier ordre, à feu fixe ; il sera très utile en ce qu’il indiquera le point de la côtes parsemée de roches, dont il ne faut pas approcher. On ne paraît pas encore fixé sur l’emplacement vrai de ce phare projeté.
Morlaix (Feu). Ce sera un feu de port, du troisième ordre, qui servira à faciliter l’entrée de la rivière.
Bas (Phare de l’île de ). Ce phare, de premier ordre et à feu tournant composé de 8 lentilles, sera très utile en ce qu’il marquera le point de la côte où l’on peut commencer à ce rapprocher de terre lorsqu’on se dirige à l’O, ou à s’en éloigner quand on va dans l’E ; on ne saurait prendre trop de précautions lorsqu’on passe près de cette côte dangereuse.
Ouessant (Phare). Ce phare est du premier ordre et à feu fixe, composé de lampes d’Argant munies de grands réflecteurs paraboliques. Il sert à faire connaitre l’entrée de Brest et à indiquer la route à suivre pour s’y engager, en se dirigeant sur le phare de la pointe Saint-Mathieu, placé à peu près dans le S-E du premier, pour entrer dans le goulet.
Saint-Mathieu (Phare de la pointe). Le phare de la pointe Saint-Mathieu ; près du Conquet, est un feu tournant et à éclipses ; ce qui le distingue du feu fixe d’Ouessant. La révolution à lieu en 7 minutes, pendant lesquelles il y a 4 apparition de lumière et autant d’éclipses.
A chaque intervalle de 105 secondes, on aperçoit un éclat de lumière blanche très vive dont la durée est d’environ 2 secondes. Cette lumière vive s’affaiblit jusqu’à ce qu’elle s’éclipse entièrement, pour croitre ensuite progressivement et reprendre son premier éclat.
Ce phare est à près de 6 lieues dans le S.E. du phare d’Ouessant et se distingue facilement de ce dernier.
Argenton (Finistère)
10 janvier 1902
Amiral,
Avant-hier 8 janvier, un marin pêcheur de Portsall est venu à cinq heures du soir, prévenir le patron Vidament, que le conducteur des ponts et chaussées Heurté et un ouvrier étaient partis le matin de Portsall pour alimenter le phare à pétrole permanent de Corn Carhai, construit sur un plateau de roches en dehors de Portsall.
La mer étant devenue très grosse dans la journée, le bateau qui avait conduit le conducteur et son ouvrier avait été forcé de rentrer pour ne pas être démoli sur les brisants de l’île.
Le phare de Corn Carhai est une simple tourelle et on accède à la lanterne par un escalier en fer placé à l’extérieur. Le conducteur et son ouvrier n’avaient donc pour se réfugier que la lanterne et étaient sans provisions. La mer restant grosse, ils risquaient de rester dans cette triste situation quatre ou cinq jours, peut-être davantage.
Le patron Vidament en mon absence n’hésita pas à appeler son équipage et à six heures partait au secours des prisonniers du petit phare. Il arriva au pied du mur vers sept heures, alluma des torches que le conducteur distingua très bien. La mer était très grosse et il était impossible d’accoster sous peine de voir le canot se briser. Aussi le patron Vidament, mouilla et attendit une embellie, tout en donnant confiance au conducteur et à son ouvrier.
Vers la basse mer, deux bateaux de Portsall, arrivèrent aussi au pied du phare et les bateaux profitant d’une embellie et toujours sous la surveillance et avec l’aide de l’équipage de la « Marie-Russe » purent accoster et embarquer de conducteur Heurté et son ouvrier. Le patron ne quitta le phare du Corn Carhai que lorsque les deux bateaux furent en route pour Porsal et après s’être assuré qu’il n’y avait aucun danger pour eux. Le conducteur Heurté remercia le patron de son dévouement et le chargea de remercier en son nom et au nom de l’Administration qu’il représente, la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés. Le canot rentrait à Argenton à deux heures du matin.
Le président du Comité local
Victor Marzin
Armement du canot de sauvetage « Marie-Russe » : Vidament Rolland patron ; Créach Jean-Marie sous patron Guéna Joseph, Provost Yves, Alleyot Yves, Bernes Louis, Hélies Alexandre, Le dall Auguste, Coatanéa Victor, Perhirin Michel, Mayeur François, Jaouen Jean-Marie, matelots du canot de sauvetage.
Commentaires
Le feu de Corn Carhai commencé en 1898, est construit en béton il est haut de 16,50 m.
Il fait parti des premier feu permanent à l’huile minérale, il est mis en service le 16 septembre 1901, son feu est à trois éclat blanc (8 à 13 secondes) . A cette époque, les feux sans gardien posent de gros problème de fiabilité, et nécessitent de nombreuses interventions.
Pour améliorer la fiabilité du feu, en 1926 il sera alimenté par de l'acétylène et en 1936 il sera alimenté au gaz.
C’est à proximité de Corn Carhai que se brisa en 1978 le supertanker Amoco-Cadix, provoquant l’énorme marée-noire encore bien présente dans nos mémoires.
Source : Annales du sauvetage maritime du premier trimestre 1901.
Lien sur le sauvetage à Argenton : http://snsm.argenton.free.fr/
Dans le cadre du plan d'éclairage des cotes de France commencé en 1825, un décret de Napoléon III du 12 mai 1860, ordonne la construction d'un certain nombre de phare destiné à sécuriser la navigation en manche. Le phare des triagoz sera le troisième phare des cotes du nord construit en mer sur un rocher après le phare des héaux de Bréhat et celui du grand Léjon;
Il sera allumé le 15 novembre 1864.
Les plans du phare sont dressés par l'ingénieur Dujardin.
Etabli sur un rocher isolé en mer. Le phare est construit sur une base rocheuse qui s'élève à 8 mètres au-dessus des hautes mers. Tour carrée de 8 mètres de côté extérieur sur 20 mètres de hauteur en moellons avec chaînes et corniches en pierre de taille avec vigoureux bossages rustiques. L'intérieur était constitué d'un vestibule et de trois chambres voûtées avec cheminées dont l'une était réservée à l'ingénieur de passage. La cuisine était située, plus tard, sur le rez-de-chaussée obligeant le gardien à sortir pour y accéder. Le dernier étage servait de magasin pour les lampes et l'huile. Travaux commencés en 1861, sous la direction de l'ingénieur Pelaud., et terminés en 1864. Coût : 252 700F. L'appareil de troisième ordre produit un feu fixe varié de 30 en 30 secondes par des éclats alternativement blancs et rouges. Coût 35 000F. Cloche pour temps de brume. Les travaux sont effectués en régie car les deux soumissions restèrent infructueuses. La roche sera arasée pour y installer une petite cabane avec en son centre un mât vertical permettant le débarquement des matériaux à partir de la crique située au Nord ou sur le rocher. La construction est exécutée en moellons avec chaînes, socles, encadrement et corniches en pierre de taille en granit de Ploumanac'h et de l'Ile Grande. L'atelier de taillage se situait à terre à 21 km du chantier, le transport se faisait par gabare à voile. Phare présenté à l'exposition universelle de 1867.
Description architecturale :
Hauteur au dessus de la mer : 15 m.
Taille générale : 29 m.
Hauteur de la focale : 26,50 m.
Description : Tour carrée en maçonnerie de granit rose de Ploumanac'h' h apparent avec encorbellement et chaînes d' angle. Demi-tourelle en saillie accolée à la façade et échauguette. Trois
chambres voûtées.
Description technique :
1ère optique : 15 novembre 1864 : feu blanc varié par des éclats alternativement blancs et rouges toutes les 30 secondes de focale 0,50 m.de 3ème ordre.
Cloche de brume.
Autres optiques : 01 janvier 1885 : modification du feu, secteur rouge. 18 octobre 1904 : renforcement du feu, incandescence par le pétrole, focale 0,50 m. 01 octobre 1924 : nouvel appareil plus
puissant, feu blanc à 2 occultations 8 secondes focale 0,92 m à 1 secteur rouge. 1948 : feu à 2 occultations toutes les 6 secondes, secteurs blanc et rouge, focale 0,70 m
- Juillet 1981 : fanal à entretien extérieur de 0,25 m de focale.
Cuve à mercure : 1904.
Combustibles :
Huile végétale : 1864.
Huile minérale : vers 1875.
Vapeur pétrole : 1904.
Electrification : 1981.
Automatisation : 1985.
- Etat actuel : Fanal entretien extérieur. Optique de focale 0,25 m en verre taillé. Feu d'horizon 360°. Feu à 2 occultations groupées 6 secondes. Lampe halo 180w. 1 aérogénérateur.
Le phare a perdu sa lanterne lors de l'installation de l'aérogénérateur. Cette lanterne est exposée à la subdivision de Lézardrieux.
1863. Les travaux en sont au troisième étage, les pierres de tailles sont transportées à la voile depuis Ploumanac'h ou l'ile Grande par des gabares d'une quinzaine de mètres gréé en cotre.
Les deux gabares sont solidement amarrées par quatre aussières frappées sur des organeaux scellés dans la roche, l'une au sud de la roche l'autre au nord. Les matériaux sont hissés grâce à trois mats de charge, l'un pour le mouillage sud, l'autre pour celui du nord et le dernier au sommet de la tour Chaque mat de charge est équipé de palan et d'un treuil à manivelle à axe horizontal
1864, les travaux en sont à la corniche, le vapeur des ponts et chaussée est au mouillage, au sud de la roche, sur un corps mort, la manœuvre d'approche des gabares n'était certainement pas facile lorsque la mer était formée.
Vers 1890, Le vapeur "la confiance", des ponts et chaussées en visite au Phare, les débarquements en canot ne sont pas aisés.
Vers 1900, à base mer, le mat de charge au sud est encore en activité, il sera remplacé par un mat de charge au nord au dessus de la cale d'accès, ce mat de charge sera utilisé au moins jusqu'à l'automatisation en 1985.
Plateau des Triagoz extrait de la carte marine : « De l’ile de Batz aux Sept Iles »
Sources:
Inventaire du patrimoine de Bretagne, commune de Pleumeur Bodou:
http://archives.cotesdarmor.fr/asp/inventaire/pleumeur/Geoviewer/Data/html/IA22006098.html
Ministère de la culture base Mérimée:
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr
Jean-Christophe Fichou, Noël Le Henaff, Xavier Mevel. « Phares, histoire du balisage et de l´éclairage des côtes de France » Editions Le Chasse-Marée/Armen, 1999 .