La pêche au thon en Bretagne
A la fin du XIXème siècle la pêche au thon et sa mise en conserve se développe considérablement en Bretagne Sud. La pêche au thon blanc ou germon est une pêche semi-hauturière, les dundées thoniers partent une quinzaine de jour dans le golfe de Gasconne pour trainer leurs lignes aux accores du plateau continental à une centaine de milles des côtes.
Les thons pêché sont soigneusement saignés, vidés et rincée à l’eau de mer et sont suspendus, au bois de thons, amarrés deux par deux par la queue. L’équipage est vigilant à la bonne conservation du thon les recouvrant d’une bâche à la moindre averse, ou pour les maintenir à l’ombre si le soleil est trop violent. Malgré ces précautions il y a souvent de la perte, les poissons se dégradent en particulier quand le temps est à l’orage. Il arrive qu’un thonier après une bonne pêche soit obligé de jeter une grande partie de sa cargaison, les thons n’étant plus de qualité vendable. Pour vérifier la fraicheur, les acheteuses des usines sentaient le poisson avant de proposer de l’acheter, à l’arrivé à l’usine de conserve le thon était coupé pour vérifier sa qualité et c’est seulement après cette vérification que l’ensemble de la pêche était acheté au bateau.
Sur une saison de pêche, du mois de juin à fin septembre 15 pourcents du thon péché était en moyenne perdu[1] sur une saison, ce qui représentait un manque à gagner important pour les pêcheurs.
Face à ce problème, dans les années 30 certains pêcheurs font équiper la cale de leur dundée d’une grande glacière et embarque au départ une grande quantité de glace pilée. Mais ce mode de conservation du thon ne se généralisera qu’après la seconde guerre mondiale.
Une bonne idée
En 1926, dans le but d’apporter une solution au problème de conservation du thon entre la pêche et sa mise en conserve, un capitaine au cabotage de Pleubian, François Meudal expérimente une bonne idée, au lieu de rapporter la pêche vers l’usine de mise en conserve, il apporte la conserverie sur le lieu de pêche ! Il propose alors d’équiper son dundée de cabotage de tout l’équipement moderne d’une conserverie : chaudière, autoclave et sertisseuse. Pour son expérience de la conserve de poisson, il associe les compétences d’un autre innovateur M. Collet de Locquémeau patron d’une usine à sardine de la baie de Lannion. Il prend certainement dans son équipage un matelot spécialiste de la pêche au thon, c’est une technique qui ne s’improvise pas, nous n’avons pas retrouvé le rôle d’équipage de l’Idéal pour cette période.
Une grande chance pour la mémoire de cette expérience, le capitaine François Meudal a embarqué un appareil photo, il a fait à son retour un petit album commenté, André le Person lors de son enquête sur les caboteurs du Trégor a eu la chance de découvrir cet album et d’en faire une copie, j’en partage l’intégralité des photos en reprenant également les légendes.
Pour la description de la fabrication des conserves de thon d’empreinte les lignes suivantes à une publication de 1937 de C. Robert Muller « La pêche et la conserve du thon dans la Bretagne de l’Atlantique »
Techniques de conservation du thon
Sitôt pêché, le thon est tué par un coup de picot entre les deux yeux puis saigné et soigneusement vidé des « oreilles » sont découpées pour assurer une ventilation de l’intérieur après avoir été bien rincé à l’eau de mer il est mis à égoutter et à sécher pendant 24 heures.
Préparation
« À l’aide d’énormes couteaux très lourds et très aiguisés, décapage des nageoires ou ailerons, de la tête et de la queue […] découpage en deux ou trois tranches »
Cuisson
« Les morceaux de thon sont mis dans des casiers métalliques. la cuisson s’opère sur des morceaux moins imprégnés de la saumure préparatoire et qu’il n’a pas été besoin de sécher. Elle s’effectue dans une saumure aromatisée au thym, poivre et clous de girofles, qui se prolonge environ trois heures et fait perdre au thon 30 à 50% de son poids en eau et huile. Refroidissement. »
Parement et séchage
« Viennent alors des opérations de toilette, premier épluchage consistant à enlever l’arrête, la peau, le sang : c’est ce que on appelle : parer le thon. Séchage à l’air sur des claies d’osier à l’abri su soleil pour éviter le jaunissement. Nouvel épluchage de manière à enlever les restes de peau et à gratter les parties noirâtre ou celles sur lesquelles le sel de la cuisson s’est déposé ; Coupe en morceaux suivant la taille de la boite à remplir »
Mise en boite
Puis se succède, les dernières étapes du travail. Emboitage, Huilage des boites remplies : pour le thon la presque totalité se fait à l’huile d’olive : cette conserve chère supporte un prix d’huile de qualité, dont il ne faut d’ailleurs que très peu. L’huile d’arachide ne s’emploie guère que pour les miettes.
Sertissage assurant l’obturation et l’étanchéité de la boite.
Stérilisation dans des autoclaves chauffés à des températures allant de 110° à 115°, de manière à détruire les germes microbiens susceptibles d’être contenus dans la boite et de la faire bomber : il convient qu’elle dure plus ou moins longtemps suivant la taille des boites ; c’est là en fait un travail plus délicat qu’il ne parait à première vue.
Frottage à la sciure de bois pour enlever les traces d’eau et d’huile.
Visitage au son : si la boite sonne creux elle est retirée de la vente, car c’est un indice que le sertissage n’était pas étanche et que la conservation ne serait pas assurée
Encaissage
Commentaires :
L’Idéal fut armé deux saisons consécutives à la pêche et à la conserve de thon à bord en 1926 et 1927, entre juillet et septembre, au retour le matériel spécifique était débarqué et le dundée continuait au cabotage avec son équipage habituel. Même si cette expérience a prouvé que faire des conserves à bord était tout à fait possible ce ne fut certainement pas une grande réussite économique, le capitaine Meudal ne l’a pas poursuivi les années suivantes et ce fonctionnement original n’a pas été copié par d’autres patrons pêcheurs ou d’autre conservateurs.
Idéal est dundée de cabotage construit en 1912 au chantier d’Emile Bonne à Paimpol ayant les dimensions suivantes : 108 tonneaux de jauge brute dimensions en douanes longueur au pont : 25.29 m, largeur intérieure : 7.01 m, creux : 2.74 m il a été motorisé assez tôt, certainement au début des années 20. L’Idéal a continué sa vie au cabotage jusqu’à son naufrage sur les côtes du Pays de Galles en novembre 1938, mais ceci est une autre histoire.
Remerciement :
André le Person de Lannion pour avoir partagé ces photos recueillies lors de son enquête sur les voiliers caboteurs du Trégor dans les années 90.
Lien :
Dossier thon dans les annales de
Bretagne de 1937
Par Pierre Causse
Roscoff, aout 1932 – Par la fenêtre grande ouverte sur la mer, le projecteur du phare à éclipses de l’île de batz, à intervalles réguliers, vient jouer sur les murs de ma chambre.
A sa lueur j’ai pu regarder les aiguilles de ma montre. 3 heures, le jour va bientôt se lever mais déjà, le port endormi s’éveille.
Sur les pavés inégaux de la rue claquent les semelles cloutées des lourds sabots-bottes des pêcheurs.
Dans l’ombre ; signalés seulement par le grincement des avirons dans leur « tolets », les canots à travers les barques, qui se dandinent sous la houle, accrochées à leur « corps mort » se faufilent pour accoster les grands bateaux de pêche.
J’entends le bruit sourd des caisses de « rogue » hisses à bord et qui tombe sur le pont ; le coup de gong des bidons d’essence qui s’entrechoquent.
Les pêcheurs vont partir.
Habillé en hâte, une vareuse de gros molleton enfilée au-dessus d’un épais tricot, un pantalon de ciré, des sabots, je retrouve à la pointe de la jetée de Penn ar vil, le canot du patron Louis qui « m’espère » pour embarquer.
A la godille, balancé par l’effort du patron à la large carrure, le canot accoste le Louis-Madeleine et, par les crans des béquilles, nous montons à bord.
C’est un rude bateau, le Louis Madeleine. « Le meilleur de la côte de l’Aberwrach à Primel », disent son patron et ses cinq hommes d’équipage, qui en sont fiers.
Et moi, breton déraciné, amoureux de la mer, j’aime me retrouver sur son pont en compagnie de ces hommes que j’ai appris à connaitre depuis mon enfance, à estimer pour leur courage tranquille, leur héroïsme inconscient et l’âpreté de leur vie dont le citadin ignore les peines et les dangers.
Le moteur mis en route, le bateau sort du port, franchit la passe étroite, vire sur bâbord. Le jour se lève. La grand-voile et le foc sont hissés, amurés. Les poulies poussent leurs cris de goéland puis, bien au vent, incliné sur sa hanche, sous la double impulsion de l’hélice et de la brise, le Louis Madeleine sort du chenal de l’île de Batz et pique du nez pour saluer la première lame un peu dure qui venue du large, l’accueille hors de l’abri de la côte.
Louis est à la barre, une barre « franche », un peu tordue par une vague un jour de gros temps. Ses yeux bleus, fleurs claires dans le visage tanné par le soleil et le sel des embruns, scrutent la mer.
Je sais par expérience, qu’il faut de la poigne pour gouverner droit d’une main un bateau de douze mètre, et quand il vente, que les « ris » sont pris dans la voilure, seul un hercule breton peut maintenir le cap de son bateau entre les écueils qui le guettent, contre les courants qui l’entraine.
Mais les hommes qui sont à bord forment cette entité physique et morale qu’on appelle l’« équipage » sont taillés dans le même granit, des muscles surs roulent sous leur tricot. La mer, pour eux, est une vielle maitresse dont ils connaissent toutes les ruses et quand le grain menace ils bataillent en chantant des refrains de « cabestan » copiés sur des cahiers transmis de père en fils, et qu’aucun recueil n’a jamais réunis.
Nous allons relever les « cordes » que nous avons « mouillée » la veille.
Ici, dans ce coin de Bretagne, les marins qui font la grande pêche n’emploient pas de filets, mais des « cordes » : lignes de fond de plusieurs kilomètres de long, amorcées avec des « lançons » quand un coup de seine heureux a permis d’en ramener, avec de la « boëte », venue de Lorient dont les morceaux, semblables à des filets de maquereaux, sont accrochés à chaque hameçon pendant que le bateau s’en va vers ses lieux de pêche.
Immergées à l’étale d’une marée, elles sont relevées à la suivante. deux bouées signalent leur présence au creux es vagues, et en pleine mer, sans autre point de repère que la route, tracée la veille à l’aide d’un vieux « compas », les pêcheurs savent les retrouver quand la tempête le veut ou quand les courants ne les ont pas fait dériver trop loin.
La perte de leurs cordes, c’est pour eux une véritable catastrophe financière, une petite fortune que la mer emporte. Parfois, ils les recherchent pendant plusieurs jours et ne les retrouvent que cassées, emmêlées, avec les poissons qui avaient mordu « noyés » ou dévorés par les « poux de mer ».
Trois heures de route environ pour se rendre sur les fonds de plus en plus lointains, où les poissons, de plus en plus farouches, se tiennent éloignés de la côte, deux heures pour mouiller les cordes, trois pour regagner le port. Promenade quand il fait beau, lutte incessante quand le vent souffle, quand la brume tombe. Et que dire de la bataille pour rentrer les engins quand le bateau est pris dans un « coup de chien ».
Deux hommes à l’avant hâlent sur les cordes, qui leur scient les mains. ils sortent de l’eau, remontés des grands fonds, les congres, anguilles colossales, qui fouettent l’air dans leur agonie et peuvent casser une jambe d’un coup de queue, les raies géantes, « blanches » ou « bouclée », les « roussettes », véritable petit requin, les turbots ou les « juliennes » poisson fins, appréciés des gourmets.
Le bateau roule et gémit. Un homme est au moteur et les paquets de mer l’envoient rouler sur les cylindres brûlants. Le patron, à la barre, manœuvre. Un matelot décroche les poissons qui mordent et ne veulent pas mourir. Un autre les égorge, boucher marin dégouttant de sang que lavent les embruns.
J’ai vu le Louis-Madeleine rester cinq heures sur place pour rentrer ses huit kilomètres de « cordes », regagner le port en hâte, toutes voiles dehors, à plein gaz et rater de cinq minutes le départ du train de marée. J’ai vu pêcher trois mille kilos de poissons et les marins, qui escomptaient une belle paye, faire le calcul de leur bénéfices à l’arrivée du mandat du marchand de Paris.
Défalcation faite de l’essence, de la « boëte », de l’emballage, du transport, qui sont à leur charge, il ne restait pas lourd. Si peu qu’un ouvrier de la ville aurait haussé les épaules dédaigneusement en établissant, au tarif horaire, le salaire de famine qui correspond à douze heures de corps à corps avec cette terrible jouteuse qu’est la mer. Si peu que les parisiens qui mangent du poisson ne peuvent l’imaginer et que les femmes des pêcheurs se désolent en songeant aux moins d’hiver où la tempête interdit tout travail.
Propriétaire de son bateau, seul maître après dieu à son bord, encore que nul galon sur sa vareuse de laine ne confirme l’autorité que son expérience lui a acquise sur ses hommes, le « patron » comme eux est payé « à la part ». L’équipage est une communauté qui partage primes et profits, mais la balance est bien lourde d’un côté, bien légère de l’autre.
Les marins sont fiers et n’aiment pas qu’on dise qu’ils gagnent mal leur vie. Mais je sais que cette vie de fatigue et de périls rapporte trop peu d’argent, qu’ils sont parfois découragés et qu’ils auraient bien besoin que le ministre de la Marine Marchande s’intéresse aux conditions trop peu connues de leur existence. il faut faire quelque chose pour les pêcheurs et faire vite si l’on ne veut pas que l’un après l’autre ne désarment les bateaux bretons et ne s’éteigne peu à peu cette forte race de matelots, pépinière de notre Marine de guerre.
Journal l’Intransigeant du 13 aout 1932
Cet article bien dans le ton des années 30, quelque peu folklorique mettant en scène le marin pêcheur breton comme un héros est aussi est témoignage ethnologique sur le travail du bord reprenant le vocabulaire spécifique de la pêche en le mettant entre guillemets. Cet article daté de 1932, témoigne aussi des difficultés financières de la pêche artisanale, les années 30 sont des années de crise pour la pêche bretonne beaucoup de documents en témoignent.
La pêche à Roscoff c’est développé avec l’ouverture du marché de l’exportation avec arrivée du chemin de fer à Roscoff en 1883. Cette ligne permet l’exportation des crustacés homards et langoustes du vivier et également du poisson. Les marins pêcheurs roscovites se spécialisent dans la pêche aux cordes, lignes de fond autrement appelées palangres. Le chantier Kerenfors de Roscoff développe un type de sloup adapté à la pêche aux cordes, le type évolue, les bateaux grandissent vers des bateaux creux à voute d’une douzaine de mètres particulièrement rapide et manœuvrant aujourd’hui bien représenté par la réplique du Reder Mor troisième du nom, tous les trois au jeune patron mordu de régates Louis Guyader.
Apres la guerre de 14 la pêche aux cordes reprend de plus belle ; les patrons voient de plus en plus l’intérêt d’avoir un moteur à bord pour relever les palangres et également pour faire route les jours de calme et ne pas louper le train du soir pour l’expédition de la marée vers Paris. Les marins-pêcheurs roscovites font alors construire dans les années 20 une nouvelle génération de grands sloups cordier motorisés. Les formes évoluent, ce sont surtout les chantiers de Carantec qui vont créer ce nouveau type en particulier le chantier Moguérou la longue voute fine disparait au profit d’une voute carrée caractéristique des cotres de Carantec. Le franc bord est important la tonture est assez rectiligne. Mais les pêcheurs restent fidèles aux bateaux creux (absence de pont étanche) pour des bateaux dont les plus grands font prêt de 12m de coque.
Quelques cordiers, cette liste n’est pas exhaustive et est basée sur les bateaux encore armés à Roscoff en 1937. En 1926 Armand Frout fait construire à Carantec le Sidélu 18.26 tx et François Maron le Roc’h Glaz 16.6tx, en 1928 Louis Frout fait construire à Carantec le plus grand cordier le Louis-Madeleine 24.24tx et Esprit le Mat l’Ariel II 19.53 tx à Roscoff au chantier de Félix Le Corre qui avait repris le chantier Kerenfors. l’Ariel II est différent des autres et reste relativement proche des anciens cordiers à voute d’avant la Guerre de 14 comme Poupoule, Jeanne d’Arc ou Reder Mor III, ce sera le dernier grand cordier à voute de Roscoff.
La motorisation des petites unités de pêche en est à son début et il existe une grande variété de moteurs certain sont à essence d’autre à huile lourde (Moteur Diesel) mais tous sont de faible puissance et l’inscription maritime réclame du patron ou au minimum d’un matelot le passage d’un « permis de conduire pour le moteur » le Sidélu a un moteur à essence Baudouin de 20CV, le Louis madeleine un 25Cv Bolinder, le Roc’h Glaz un Climax 10/12CV à huile lourde et l’Ariel II un moteur Renault à huile lourde également. Ce sont vraiment des bateaux mixte voile et moteur, tous gardent un gréement important avec une généreuse grand-voile, une trinquette et un foc sur bout dehors amovible généralement rentré au port. L’usage du flèche semble abandonné.
Certain de ces cordiers continueront pendant la seconde guerre ; ils ont laissé à Roscoff le souvenir de bateaux très marins pouvant sortir par tous les temps.
Les eaux de la Manche en Bretagne nord sont riches en zooplancton, l’apport des estuaires et le marnage important contribuent à son développement. Les poissons pélagiques se déplaçant en bancs fréquentent les eaux de Bretagne nord. On peut y trouver quelquefois en grande quantité des poissons venant de l’atlantique comme les sardines, d’autre plus courant en Manche comme les maquereaux ou les mulets. Le hareng venant de mer du nord n’est pas très courant en Bretagne. Mais en hiver il peut descendre jusqu’à la côte bretonne comme le montre cet article sur les pêches exceptionnelles de janvier 1877.
Le hareng dans la baie de Cancale
Depuis près de deux mois, les propriétaires des pêcheries de la baie de Cancale trouvent, à chaque marée, des quantités si considérables de harengs retenus dans leur parc que, pour un grand nombre d’entre eux, c’est une véritable fortune.
Les pêcheries de Cherrueix, du Vivier et de Saint Benoit des Ondes, ont été particulièrement favorisées. on nous cite un pêcheur qui, dans une seule marée, n’a pas pris moins de 10 000 de ces poissons.
Tous les jours de nombreux wagons de harengs sont expédiés sur la capitale et autres lieux.
Nous faisons des vœux pour que ces bancs de harengs continuent encore à se laisser prendre dans les pêcheries de la baie pendant quelques semaines, car c’est là une vraie manne du ciel pour nos laborieuses populations maritimes, qui ont tant souffert par suite de la mauvaise de pêche dernière [Pêche sur les bancs de Terre-Neuve], et des tempêtes qui se sont succédées depuis quelques temps sur nos côtes.
Dans le propagateur des Côtes du Nord du jeudi 1er février 1877
En 1877, de nombreuses pêcheries sont encore en activité en baie de Cancale, Ces pêcheries construites en fascines de bois sont de tradition ancienne, en 1780, selon la carte des ingénieurs du Roy de la baie de Cancale, il y a 40 pêcheries numérotées, sur l’estran devant le Vivier et Chérrueix.
Liens :
Un article très intéressant de Nicolas Miliot sur le site Dielette sur les Pêcheries de la baie de Cancale
Les pêcheurs aux cordes ou palangres, ont la nécessité de se fournir en boëtte fraiche régulièrement afin de boëtter les nombreux hameçons. Pour la pêche, la boëtte fraiche est de meilleur rapport que la boëtte salée.
Sur les bancs de terre-Neuve, la pêche à la morue, nécessite quotidiennement une grande quantité de boëtte ; la morue est vorace et est moins regardante sur la qualité de la bouette que d’autres espèces pêché sur le littoral. A terre-neuve est utilisé, le capelan pour les pêches sédentaires, le hareng salé ou non, et enfin les bulots pêché localement sur les bancs.
Cette fourniture en boëtte mobilise beaucoup les pêcheurs, la conservation de cette boëtte également. Si seulement ils avaient de la boëtte qui se conserve fraiche longtemps.
En 1907, un ingénieur chimiste de Lorient, propose une méthode de dessiccation du poisson pouvant s’appliquer à la boëtte, cette méthode révolutionnaire semble prometteuse. Voyons ce que l’on en disait dans la presse à l’époque.
La Boëtte
Une belle découverte scientifique
Nous avons parlé dans la « Dépêche » du 23 septembre dernier de la découverte d’un produit merveilleux destiné à la conservation indéfinie de la « boëtte ».
La boëtte, appât indispensable pour capturer à l’hameçon le poisson de mer, ne pouvait, jusqu’à présent servir qu’à l’état d’absolue fraicheur.
Nos pêcheurs, principalement les terreneuvas, savent combien il est difficile parfois, de s’en procurer, même à des prix souvent élevés, sinon abusifs.
Aujourd’hui les marins n’ont plus rien à craindre en ce qui concerne la putrescibilité de leurs appâts, car un ingénieur chimiste distingué, M Emile Bohon, vient de trouver après de laborieuses et minutieuses recherches, le remède si ardemment souhaité.
A ce sujet l’éminent vulgarisateur et chroniqueur scientifique qu’est Emile Gautier a écrit, dans un journal parisien, les lignes suivantes, qui certainement, ne pourront qu’intéresser nos lecteurs et particulièrement ceux du littoral.
Grand émoi dans le monde des travailleurs de la mer !
Il faut avouer qu’il y a de quoi.
Ne vient-on de trouver le moyen de conserver indéfiniment la « boëtte », autrement dit les proies vivantes qui servent à amorcer les lignes à poisson ? Et je vous prie de croire que ce n’est pas une petite affaire.
Quelles que soient sa provenance et sa forme et sa forme, qu’il s’agisse de « margattes », de lançons, de capelans, d’encornets, etc, la « boëttes » ne se conserve pas. En quarante-huit heures elle est gâtée : non seulement le poisson n’en veut plus, mais c’est une infection dans tous les sens de ce vilain mot.
D’où la nécessité de s’en approvisionner au jour le jour.
Or, c’est là une sujétion qui, négligeable (quoique fâcheuse) pour la pêche côtière, peut prendre, le cas échéant, les proportions d’un désastre, lorsqu’il s’agit de la grande pêche, et en particulier, de la pêche à la morue, telle qu’elle se pratique en Islande et à Terre-Neuve.
Il faut, en effet, « ipso facto_, que les pêcheurs se divisent en deux bandes ; ceux qui pêchent la morue et ceux qui pêche la boëtte ». Et comme, rien qu’à Terre-Neuve, il n’y a pas moins de cinq millions d’hameçons à garnir chaque jour, voyer ce que la pêche à la boette peut occuper sans profit immédiat, d’hommes et de bateaux !
C’est par des centaines de mille francs, par millions, peut-être, en fin de compte, que se chiffre, à chaque campagne, les frais de cette besogne »à côté » . Supposez, par contre, que la boëtte pouvant se conserver sans altération pendant quelques mois, on pendant quelques semaines, on ait la faculté d’en emporter un stock à bord de chaque goélette ou dans chaque « doris ». Plus de chômage, plus de temps de perdu, plus d’effort gaspillé ! Tout le monde est sur le pont, en permanence, et donne le maximum de travail utile, sans qu’il soit besoin de distraire une partie de l’équipage et une partie des embarcations en vue d’expéditions intéressés d’où l’on ne revient pas toujours, sans qu’il y ait à craindre de lasser échapper l’aubaine d’une pêche miraculeuse, C’est l’évidence même.
Malheureusement de tous les « trucs » proposés et mis à l’essai depuis un temps immémorial pour la conservation de la « boëtte », aucun n’a surnagé, le jeu n’en valait presque jamais la chandelle.
Seul le froid artificiel donnerait des résultats satisfaisants s’il était pratique. mais un navire frigorifique coûte les yeux de la tête. d’autre part, une usine frigorifique installée à terre, en outre qu’elle serait également dispendieuse, aurait toujours, par-dessus le marché, le grave tort, de n’être pas à l’immédiate portée des pêcheurs, obligés encore, pour venir s’y ravitailler, de dépenser un temps dont ils n’auraient pas de peine à trouver un meilleur emploi « time is money ». Finalement, en désespoir de cause, l’on se contente de saler la boëtte. Mais ce n’est qu’un palliatif qui, en réalité, ne remédie à rien, car c’est à peine s’il retarde un tant soit peu la décomposition fatale. C’est reculer pour mieux sauter.
Telle était la situation, il y a six mois. Mais cet été il s’est produit un changement à vue.
D’expérience faites, de juin à septembre, au large de la côte d’émeraude, par des pêcheurs de Cancale et de Saint-Malo à l’instigation et sous le contrôle d’un jeune chimiste , M Emile Bohon, dont tous les ichtyophage feront bien de retenir le nom, il apparait qu’il est possible à l’aide de procédés chimique de conserver indéfiniment la boëtte, sinon à l’état frais, au moins à l’état reviviscent aussi bonne que la boëtte vive.
Rien donc n’empêchera plus d’emmagasiner, après dissection cette boëtte de conserve et d’emporter au bout du monde toute une cargaison, de quoi défrayer toute une campagne de pêche, sans avoir à redouter ni de se trouver à court, ni d’être empoisonné.
A la différence de la poudre sans fumée, cette boëtte ne se décompose pas spontanément. Tant qu’elle reste au fond de cale, en barils, ou même à l’air libre, indifférente à l’action du temps comme à celle de la température, elle ne bougera pas plus que du bois, du sable, ou toute autre matière inerte. mais par contre, une fois venue l’heure de s’en servir, il n’y a qu’à la mettre à macérer pendant quelques heures dans l’eau de mer pour qu’elle « reverdisse » et récupère l’aspect, la couleur, l’odeur et toutes les propriétés de la boëtte pêchée du matin.
Les poissons eux-mêmes s’y trompent. je parle des poissons de la baie de Saint-Malo, qu’on a, sinon consultés, au moins mis à l’épreuve à maintes reprises. Non seulement raies et turbots, congres et brèmes « mordent » à qui mieux mieux, mais semblent même préférer la boëtte bohonisée à la boëtte fraiche.
Or, les poissons de la Manche passent à bon droit pour être autrement difficiles que la morue, dont la voracité d’avale-tout-cru, ne renâcle même pas, le cas échéant, devant une rondelle de caoutchouc ou un morceau de tige de botte.
Aussi l’émoi est grand de Boulogne à Brest et surtout à Saint-Malo, qui a eu les prémices de la chose. Cet émoi a même gagné les pouvoirs publics et je crois savoir que l’administration des pêches va ouvrir une enquête si ce n’est déjà fait.
Rien de plus logique, rien de plus rationnel.
Comment les pouvoirs publics pourraient-ils se désintéresser d’une question dont l’importance est telle qu’à l’époque ou jadis l’entente cordiale n’avait pas encore mis du coton dans les coins, elle a failli plus d’une fois nous brouiller avec l’Angleterre !
Le fait est que l’irritante question du « french shore » sur laquelle les gens de Terre-Neuve se sont montrés si intransigeants se confondait avec la question de la boëtte.
Les usines frigorifiques de là-bas faute de pouvoir vivre par elles-mêmes bénéficiaient d’une subvention inscrite au budget national.
S’il est vrai, comme tout le monde en est persuadé chez nous, que le problème de la conservation de la boëtte est définitivement résolu, une véritable révolution va s’accomplir dans une industrie où le chiffre d’affaire n’est pas inférieur bon an mal an, à une quinzaine de millions et qui, non seulement fait couramment vivre dix à douze mille hommes et leurs familles, mais est encore une incomparable école de marins.
Ce qui est en jeu, par conséquent, par conséquent, en outre de l’intérêt direct des sympathiques populations du littoral, c’est l’intérêt de la défense nationale. C’est l’alimentation et la fortune publique, c’est même la santé des petits enfants souffreteux à qui l’huile de foie de morue peut seule apporter le confort et le salut.
Autant de raisons pour que le devoir du gouvernement de la République soit de faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre les choses au pont.
Il n’aura garde d’y faillir, conclut notre éminent compatriote.
De notre côté ajoutons que le ministre de la Marine a fait demander à l’inscription maritime de Saint-Malo des renseignements sur le procédé de conservation de M. Bohon et aussi les procès-verbaux relatifs aux expériences faites courant de l’été passé par l’équipage de la bisquine « Véloce » du port de Cancale, patron Louvet.
Un officier général, M. L’amiral Richard d’Abnour rapporteur et membre du comité technique de la marine, est déjà très au courant de cette affaire ayant commandé la division navale de Terre-Neuve, pendant plusieurs années.
Nous avons vu chez M. Girard Essicart, armateur à Cancale, des « margattes » conservée depuis trois mois ; nous en avons mis à macérer dans l’eau et au bout de quelques heures elles ont repris leur fraicheur primitive.
Nous sommes persuadés que dans un avenir très proche, les armateurs emploieront exclusivement ce produit, de même que les pêcheurs de nos côtes, pratiquant la pêche à l’hameçon.
Charles Allo Dépêche de Brest du 6 novembre 1907
Voici les détails, publiés dans la Dépêche de Brest du 23 septembre 1907, des essais fait à bord de bisquine Véloce de cancale
Apres les instructions fournies par M. Bohon à l’assemblée des armateurs et des exemples donnés à l’appui. Il fut décidé que cette boëtte, conservée depuis plusieurs mois, serait utilisée pour la pêche dans les petits et dans les grands fonds. Un armateur de Cancale, M. Victor Quéma fut chargé par ses collègues et amis de choisir parmi les meilleurs pêcheurs ligneurs de cancale, le plus expert en cette matière, pour effectuer la pêche de nuit et de jour au moyen de lignes boëttées par ce nouveau procédé.
M louvet, patron de la bisquine Véloce N°768, du port de la Houle-Cancale, fut désigné pour poursuivre ces expériences en haute mer.
Le 5 septembre, M Quéma priait l’ingénieur Bohon de bien vouloir remettre à Louvet un baril de boëtte destiné à boêtter des lignes dans les parages des Minquiers. Par la même occasion, M Quéma demandait à M. Bohon de lui fournir un autre baril de boëtte dont on se servirait pour la pêche dans les parages des Roches-Douvre et au large, endroit propice pour tendre des lignes amorcées avec cette nouvelle boëtte.
Dans la nuit du 5 au 6 septembre, le Véloce tendit 28 pièces de lignes de 116 mètres dans la partie nord du Vieux Banc ; ces lignes étaient boëttées avec des margattes conservées (seiches).
Environ 150 kilogrammes de congres et 150 kilogrammes de poissons de différentes espèces furent capturés en peu d’instants. On pêchait alors dans les petits fonds.
Dans la journée du vendredi 6 septembre 16 pièces de lignes amorcées au moyen de congres conservés furent jetés dans la partie sud-est des Roches-Douvres. deux heures après, l’équipage du Véloce hissait à bord 300 kilogrammes de Hâs et poissons divers.
Détails curieux, sur les pièces de lignes boëttés avec de l’appât frais, aucun poisson n’avait mordu.
Le Véloce rallia le port de Saint-malo où le patron Louvet et deux de ses matelots MM Joseph Hautchamp et Louis Léveillé établirent un rapport détaillé sur ces deux expériences de pêche. A seule fin qu’aucun doute ne put persister sur l’efficacité de ce moyen de conservation de boëtte, le patron Louvet déposa son rapport au bureau de la marine et fit ensuite une déclaration verbale au président du syndicat des armateurs.
Beaucoup d’armateurs ont l’intention de se servir, l’année prochaine, sur les bancs de terre-Neuve, de ce nouveau produit, dont on vante les qualités.
Des armateurs cancalais sont volontaires pour faire faire des essais à bord d’un de leur navire terre-neuvier pendant la campagne de 1908.
Toujours est-il qu’aucuns résultats de ces essais n’ont pas été publiés en 1908 et que l’on n’attendit plus jamais parlé du procédé Bohon ; Ce procédé était-il inapplicable à bord des navires, ou trop couteux pour être rentable ou bien était –il qu’une supercherie ? Nous ne le savons pas !
Un lundi de Pâques au Conquet
La flottille de langoustiers
Le Conquet a vu, hier, une affluence de touristes , qui permet de juger de quelle vogue est désormais assurée cette coquette station balnéaire, tout proche de Brest, depuis que le long et pénible chemin d’autrefois a été changé en une agréable promenade faite dans les confortable voiture de la Compagnie des tramways du Finistère.
Dès le premier départ, à sept heures du matin, les voitures sont prises d’assaut et pendant toute la journée, les trains se succédant d’heure en heure emmèneront les touristes, dont quelques-uns s’égrèneront au long des plages de Trégana, Pors-Milin, le Trez-Hir.
Mais la majorité des promeneur se rendait, hier, au Conquet, beaucoup à cause de la situation exceptionnelle de ce port sur la mer Atlantique et un peu en raison de la bénédiction de la flottille de pêche à la langouste sur les côtes d’Angleterre, cérémonie émouvante pour les croyants et pleine de pittoresque pour les amateurs de poésie.
A midi, il était presque impossible de trouver une place dans les hôtels pourtant si vastes du Conquet. Chacun put néanmoins se réconforter convenablement à bon compte.
Il en ressort pas moins une leçon dont sauront profiter, nous en sommes convaincus, les hôteliers si intelligents du Conquet : c’est que pendant toute la saison ils feront bien de prendre leurs précautions, car les brestois, certains de trouver bon gîte et bon couvert, n’hésiteront pas à aller passer leur dimanche au bord de mer.
A 2h1/2, un train amène de nouveau plus de cent voyageurs, qui se dirigent en hâte vers le port, où tout à l’heure aura lieu la bénédiction de la flottille.
Une foule énorme se presse déjà sur les quais. Le temps est beau et la brise, un peu fraiche fait flotter gracieusement les pavois des petits bâtiments ancrés dans le port.
La mer est malheureusement un peu basse, ce qui enlève un peu de charme à l’aspect général du paysage.
Le cadre reprend toute sa magique puissance si l’on reporte les yeux vers le large, où des moutonnements d’écume indiquent l’emplacement des roches et des îles.
Dans le port se trouve ancrés et pavoisés les bâtiments suivants :
Augustine, 6 tx, patron le Gall ;
Ave Maria, 8,64 tx, patron Guénaff ;
Bernadette, 5,46 tx, patron Jean-Louis Lucas ;
Clocher du village, 8,11 tx, patron Malgorn pilote n°2 ;
Dom Michel, 6,10 tx, patron Isidore Menguy ;
Dom Michel, 6 tx, patron Jean-François Riou ;
Gracieuse, 7,05 tx, patron Pierre Goaster également patron du canot de sauvetage ;
Jeanne d’Arc, 7 tx, patron Jean-Louis Lucas
La Louise, 2,55 tx, patron Yves Léon ;
Eugène,3,86 tx, patron Eugène Floch de l’île Quéménez
Léonie, 3,75 tx, patron Gillet de l’île de Trielien
Marie, 3,13 tx, patron Cornen, de la presqu’ile de Kermorvan ;
Marie-Augustine,3,22 tx patron L’Hostis, ravitalleur des Pierre-Noires ;
Marie-Jeanne, 2,63 tx, patron Melazar
Marie-Jeanne, 3,08 tx, patron Sylvestre Riou
M-J-C, 7,65 tx, patron Jean Grovel ;
Mirabeau, 2,71 tx, patron Jean-Louis Goaster ;
Noël, 4,48 tx, patron Diderot ;
Notre-Dame d’Espérance,7,82 tx, patron Grovel ;
Notre-Dame de Rumengol, 4,61 tx, patron Perrot ;
Notre-Dame de Trézien, 6,54 tx, patron Lucas ;
Notre-Dame des Victoires, 7,40 tx, patron Bernuguat ;
Reine des flots, 3,77 tx, patron Menguy ;
Reine Isabelle, 8,37 tx, patron Le Bousse pilote n°1 ;
Routembeck, 2,60 tx, patron Quéméneur, de l’île Balanec ;
Sainte-Anne, 7,20 tx, patron Gendrot
Sainte-Anne D’Auray, 9,10 tx, patron Pierre Goaster ;
Sainte-Barbe, 6,03 tx, patron Jean Goaster
Saint-Jean, 7,88 tx, patron Taburet
Notre-Dame des Flots, 8,64 tx, patron Jacques Riou
Jean, 2,48 tx, patron Léon ;
Saint-Louis, 7,89 tx, patron Louis Goaster ;
Saint-Louis,2,43 tx, bateau de plaisance propriétaire M ; Ferron ;
Sans-Souci, 7,17 tx, patron Jean Gendrot ;
Six Amis 3,20 tx , patron Topy
Sainte-Anne, 3,70 tx, patron Pierre Kervarec ;
Véloce,3,31 tx, patron Gillet de Trielien ;
Deux frères, 11,61 tonneaux, patron Bouété ;
Etoile, 9,69 tx, patron Salou, île Béniguet ;
Etoile de la Mer, 10,36 tx, patron Riou ;
Eclipse, 21,53, patron Causeur ;
Louise, 23,53 tx, patron Miniou [vapeur de Ouessant]
Saint-Michel, 10,01 tx, patron Bernugat
Cosmopolite,15,34 tx, patron Jean Gendrot ;
Dom Michel, 17 tx, patron Louis le Goaster ;
Confiance en Dieu, patron François Menguy ;
Reine de France, 19 tx patron Pierre Goaster ;
Germaine, 9,03 tx , patron Yves marie Lucas ;
Ces six derniers bâtiments sont armés pour la campagne de pêche aux langoustes. [Angleterre]
A 3h10, la procession débouche sur le quai, bannières en tête. Un minuscule bateau, quelque ex-voto, sans doute, est porté processionnellement par deux adolescents. Les prêtres s’avancent, et le recteur d’un geste large, bénit la mer et les bateaux dont les hommes sont sur le pont, découverts et incliné.
A ce moment, plusieurs salves sont tirées. La procession repart, hommes et femmes chantant des cantiques et des prières liturgiques. La cérémonie impressionnante même pour des profanes, est terminée.
Nous avisons des patrons pêcheurs, et, tout en trinquant, nous leur demandons quelques détails sur la prochaine campagne.
- Nos bateaux, nous disent-ils, sont armés, prêts à partir. Nous n’attendons que le moment favorable pour lever l’ancre. Ce peut être demain comme dans quinze jours.
La campagne de pêche aux langoustes sur les côtes d’Angleterre ne se pratique que depuis trois ou quatre ans. La première année, les anglais nous voyaient d’un très mauvais œil, bien que nous nous tenions rigoureusement dans la limite des eaux territoriales. Aujourd’hui les anglais sont revenus de leurs préventions et nous accueillent avec beaucoup d’amabilité lorsque nous sommes obligé de relâcher pour nous ravitailler.
Les anglais commencent même, eux aussi, à pratiquer cette pêche. Nos port de relâche, sont Penzance, Saint Yves et les îles Scilly. Chacun de nos petits bâtiments est monté par trois hommes et un mousse.
Nous pratiquons la pêche aux casiers garnis avec des poissons pris sur les lieux de pêche : dorades, lieus, grondins, etc. Il nous faut lever les casiers toutes les deux heures. Mais ce qui augmente notre tâche, ce qui nous fatigue au-delà de tout ce que l’on peut s’imaginer, c’est la veille constante de jour et de nuit que nous sommes obligés de faire pour ne pas être coupé par les bateaux à vapeur qui passent continuellement.
Une fois nos casiers levés, on place les langoustes dans nos bateaux, aménagés en viviers. Lorsque le produit est assez abondant il faut lever l’ancre pour aller vendre notre pêche. Nous nous rendons soit à Cherbourg, Saint-Malo, Argenton, Camaret, Brest, etc, où nous avons la chance de vendre quelquefois très rapidement à des mareyeurs.
- Mais pourquoi, demandons-nous, n’avez-vous pas eu l’idée de vous associer, de remettre le produit de la pêche à un bateau excellent marcheur qui se chargerait de convoyer vos langoustes et de les écouler dans des lieux de vente que vous auriez assurés préalablement ?
Nous n’y avons pas songé. personne ne nous a, d’ailleurs, parlé de cela. Il est évident que cela vaudrait mieux, car nous ne perdrions pas un temps précieux. Ce sera à étudier. (Voilà, soit dit entre parenthèses, pour M. l’administrateur de la marine ou pour tout autre homme d’initiative, un projet à faire éclore, puisque la graine jetée en excellent terrain, ne demande qu’à germer.)
- Les langoustes anglaises, continuent, nos interlocuteurs, sont meilleures que celles d’Espagne : elles sont plus pleines, plus savoureuse et la vente en est facile. La campagne finit fin septembre, époque à laquelle nous rallions le Conquet pour désarmer. Chaque campagne moyenne ne rapporte que 800 à 900 francs par bateaux. quelquefois, on fait moins.
L’hiver, nous pêchons aussi la langouste au large du Conquet avec nos petits bâtiments ; nous appelons cette pêche la campagne de îles.
- Où écoulez-vous cette pêche d’hiver ?
- Elle est peu abondante, mais nous trouvons à l’écouler sur Pari et sur Brest.
- En somme vous n’êtes pas trop mécontents de votre sort ?
- Si nous le comparons à celui de nos frères de misère, non Malgré tout, il est des plus précaire.
-Tenez, monsieur, me dit un brave patron pêcheur, vous qui avez un journal, vous devez bien prêcher pour nous, signaler ce qu’il manque à notre port !
- Je veux bien, si cela peut vous être utile.
- Je crois bien que cela peut nous être utile, d’autant plus que voici le conseil général qui va se réunir.
-Allez-y, mon brave.
-Eh bien, dites aux conseillers et à la marine que les pêcheurs du Conquet sont unanimes à réclamer des chaines traversières. Il en faudrait trois de façon à faire tenir les ancres. le port du Conquet est un fond de galets et nos ancres chassent.
Ces chaines seraient non seulement utiles pour les pêcheurs, mais encore pour les bateaux de commerce et les goémoniers qui viennent apporter leurs produits à l’usine Levasseur. Ce dernier, qui a de l’influence, devrait bien nous aider sans cette juste réclamation. Il faudrait aussi construire une digue en avant de celle qui existe. Mais il faudrait, nous dit-on, de 80 à 100 000 francs, dont 20 000 seraient demandés à la commune du Conquet : Pourra-t-elle les donner ?
La marine aurait, elle aussi, intérêt à voir construire cette digue, qui servirait d’abri à ses torpilleurs en cas de mauvais temps ce qui leur est impossible à l’heure actuelle, dans le port qui assèche à marée basse.
Nos interlocuteurs continuent à nous exposer leurs doléances. Nous ne pouvons ici que les transmettre tout en souhaitant qu’elles reçoivent un accueil favorable en haut lieu.
Mais voici l’heure de retourner à Brest. les trains avait été dédoublés de telle façon que tous les promeneurs ont pu rentrer à temps sans bousculade et sans retard.
D’ailleurs, pour la saison d’été, le matériel de la compagnie des tramways sera considérablement augmenté, ainsi que l’a décidé l’assemblée générale des actionnaires dans sa réunion de novembre 1903.
Pour terminer, félicitons la compagnie des tramway brestois, qui avait assuré un service intensif sur la ligne Brest-Saint-Pierre Quilbignon. cette compagnie a enfin compris qu’il est de son intérêt de faire ses efforts pour assurer la correspondance avec les tramways du Conquet. Mieux vaut tard que jamais.
Henry Calais Dans la dépêche de Brest du 5 avril 1904
Commentaires :
La pêche aux crustacés : homards et langoustes au Conquet a démarré dans la seconde moitié du XIXème sous l’impulsion des « Paimpolais ». En effet à partir de 1852, des pêcheurs de Loguivy ont commencé à prospecter les fonds de l’Iroise à bord de leur petit lougres. Plusieurs d’entre eux vont s’installer en famille au Conquet et y faire souche créant des lignées de pêcheurs. Dans la liste des bateaux ci-dessus on retrouve pour les patron les noms des « Paimpolais » comme les Lucas, Goaster, Riou, Grovel, Menguy ou Gendrot. Jean-Pierre Clochon décrit bien sur son blog d’histoire du Conquet, s’arrivée et l’implantation des pêcheurs de Loguivy.
En 1904, le Conquet arme un nombre important de bateaux, 43 à la pêche, ils sont à cette époque tous gréé en sloup. On voit bien dans la liste la grande variété des tonnages, les plus petits sont des bateaux creux ou demi-ponté avec un tillac jusqu’au mât. Seul quelques-uns sont pontés, ce sont eux qui font la pêche à la langouste sur les côtes anglaises. les pêcheurs anglais recherchent surtout pour leur clientèle locale les homards alors que les bretons les langouste qui est plus à la mode en France. Ils vont même jusqu’à s’échanger mutuellement une langouste pour un homard. Il y a à cette époque deux pilotes au Conquet : Le Bousse avec son sloup Reine Isabelle, 8,37 tx pilote n°1 et Malgorn avec son sloup Clocher du village, 8,11 tx pilote n°2 Le patron L’Hostis, est missionné par les Phares et Balises pour ravitailler et faire la relève des gardiens du phare des Pierre-Noires avec son petit sloup de 3,22 tx Marie-Augustine.
Le reporter de la dépêche s’étonne du manque de mutualisation des moyens entre pêcheurs pour le transport des langoustes vers les ports de vente en France. Les conquétois et encore plus les loguiviens sont pourtant habitué depuis plusieurs dizaines d’années aux transports des crustacés pour le négoce. Mais ce sont les négociants ou mareyeurs qui arment des caboteurs à vivier pour faire du collectage au près des pêcheurs, La pêche leur est donc acheté sur les lieux de pêche. Plus tard les mareyeurs Ouhlen du Diben et de Roscoff armeront des bateaux pour aller chercher la pêche sur les côtes anglaises.
En régate à bord du grand sloup creux de 7,05 tx la Gracieuse le patron Pierre Marie Le Goaster est à la barre il a gardé l’habitude des gars de Loguivy du port du chapeau son fils Albert en avant du banc porte le béret le couvre-chef à la mode chez les pêcheurs. Remarquer la pompe en bois et son banc de pompe et le point d’écoute de grand-voile sur un rocambeau de gui (Photo du site Jean-Pierre Clochon)
Liens :
Pour l’histoire du Conquet le blog incontournable de Jean-Pierre Clochon
Le tramway Brest Le Conquet(Wikipédia)
Le mouillage du Conquet vers 1900, au premier plan un bateau kerhore cabané pour la nuit, au second plan un beau sloup ponté de la génération de ceux qui pêche en sur les côtes anglaises sur la gauche un fort sloup creux adopte une peinture originale de fausse batterie blanche et noire (Coll particulière)
Commentaires
Ce reportage remarquable sur la pêche aux casiers en osier mérite quelques commentaires.
Ce film pédagogique provient des archives Pathé Gaumont montre le sloup Alouette LC 3862 de l’Aber Wrac’h en situation de pêche. ils sont deux à bord , le patron et un matelot
Pour les besoins du film la séance a été filmé au mouillage à l’abri dans l’aber alors que les lieux de pêche sont sur les plateaux de cailloux à l’extérieur. La manœuvre sur les casiers se faisait bien évidement sous voiles.
La découpe et la mise en place de la bouette est bien visible contrairement au commentaire la bouette n’est pas mise au fond du casier mais amarrée sur le goulot par un brin osier bien souple passé dans le tressage du goulot et coincé sous quelques brins d’osier.
La pêche montre en même temps homards et langoustes, ce qui n’était pas courant, les homards étant dans des fonds moins profond que les langoustes, le casier typique pour la pêche à la langouste sont cylindrique en lattes de châtaignier.
Pour retirer les homards et les langoustes du casier le pêcheur les font passer la queue en premier contrairement à la séquence filmée
Les casiers utilisés sont assez grand et sont plus les casiers à araignée, ces casiers en osiers ont été utilisé pour la pêche au homard jusqu’aux années 70 où ils furent remplacé par des casiers en plastiques. Les casiers étaient fait par les pêcheurs eux même en fin d’hiver avec des branches d’osier de l’année, je reviendrai dans un prochain article sur la fabrication de ces casiers.
La pêche à la morue autour de Terre-Neuve est pratiquée par les marins de Bretagne nord depuis le début du XVIème siècle. Saint-Malo le principal port morutier a construit son activité économique sur cette pêche. Mais d’autre ports de la baie de Saint-Brieuc, le Légué Binic Portieux, mais aussi Paimpol , Tréguier ont également été actif sur la pêche à la morue.
Pour la pêche à Terre-Neuve on peut distinguer deux type de pêche et de conservation , la pêche à la morue verte et la pêche à la morue sèche. La pêche dite à la morue verte se fait au large sur les bancs de Terre-Neuve, jusqu’au début du XIXème elle se pratique à la ligne directement depuis le bord du navire en dérive lente, telle qu’elle restera pratiqué plus tard en Islande. ou progressivement au XIXème siècle, avec des lignes de fond, appelées cordes, mouillées depuis des chaloupes puis les doris à partir de 1880, le navire morutier restant au mouillage. Le poisson est travaillé à bord du navire morutier aux retour des petites embarcations et est salé « en vert » dans la cale.
Le second type de pêche est la pêche dite de la morue sèche. Cette pêche est pratiqué depuis le littoral. un établissement est installé dans une anse, la pêche se pratique à la ligne ou quelquefois à la senne avec des chaloupes. Le poisson est débarqué travaillé à terre puis mis à séché sur les graves (plage de galets) ou sur les claies de bois.
Terre-Neuve est une colonie anglaise et en période de paix, les français sont autorisé à installer des établissements provisoires uniquement habités lors de la période pêche. La partie du littoral utilisé pour cette pêche est appelé French Shore.
L’animation suivante décrit bien cette technique de pêche et de conservation:
Les havres du french shore
Au XIXème siècle le French Shore est la côte nord de Terre-Neuve de nombreux havres naturel sont utilisés, dans un premier temps le premier capitaine à s’installé était nommé « amiral » et désignait les emplacements pour les autres. Ce système d’attribution des places était décrié et les armateurs adoptèrent une attribution par tirage au sorts tous les 5 ans L’attribution des emplacement était alors édité dans un registre avec le nom de l’armateur et le nom du navire. Ce registre était imprimé et publié chaque. Un inventaire et une cartographie avait été établie en 1821 avec le support de la marine Royale. Ces plans de chaque havre permettent de délimiter chaque emplacement et d’avoir des informations sur les mouillages des navires. Le navire entre à l’abri et mouille soit à l’évitage, certainement affourché, soit embossage sur 4 amarres ou plus.
L’exposition Terre-Neuve Terre-neuvas 2013 2014 qui a été à Rennes, St Brieuc , St Malo et Granville a fait développer une application internet passionnante permettant de visualiser chaque havre
et d’en avoir la description : A la découverte du french shore
Documents indispensables pour les capitaines de nombreuses copies de ses plans ont été faites et certaines sont parvenues jusqu’à nous grâce aux archives, elles sont plus ou complètes ou détaillées
Navires au french shore en 1832
Le registre d’attribution des places du french shore de 1832, nous permets de nous faire une idée sur le nombre de navires leur tonnage et sur les ports d’armement et les armateurs.
Sur les 220 emplacements définis, 152 sont utilisés en 1832, la côte ouest est délaissée et certain de ses havres sont réservés aux goélettes de St Pierre qui n’entrent pas dans cette attribution.
En 1832, 169 navires viennent de métropole vont au french shore, 124 sont de Bretagne nord, 47 de Saint-Malo, 21 de Saint-Servan, mais la baie de St Brieuc n’est pas en reste 18 navires de Binic, 15 du Légué, 5 de Portieux, 7 de Paimpol et 3 de Treguier. Les navires hors de la région viennent en large majorité de Granville qui arme 41 navires.
Les armateurs arment souvent plusieurs navires pour le french shore, à Saint-Malo les frères Fontan est le plus important armateur avec 17 navires mais la Veuve Guibert et ses fils de St Servan le talonne de prêt avec 14 navires
Le tonnage des navires va de 44 tonneaux à 440 tonneaux, mais avec un tonnage moyen de 153 tx ils ont généralement un tonnage inférieur à 250 tx Ce sont souvent des brick ou des petits trois-mâts barque. Quelque fois deux navire sont associés sur le même établissement un petit qui ramène les hommes et une partie de la pêche et un grand qui va livrer la morue sèche avec un équipage limité
Cet article, rédigé en 2004 par Loïc Ollivier de Ploumanac’h pour l’association Bag Ploumanac’h, est inclus en annexe de l’inventaire du patrimoine maritime des côtes d’Armor dans la fiche sur la commune de perros Guirec « Outil de pêche : filet de pêche au mulet » sur le site des archives départementales des Côtes d’Armor. Les aquarelles illustrant la technique de la pêche à l’attrape sont aussi de Loïc Ollivier
Je le publie sur ce site avec l’aimable autorisation de Loïc Ollivier et de Guy Prigent, chargé de mission mer et citoyenneté au conseil général des Côtes d’Armor
La pêche aux mulets "à l'attrape"
Propos recueillis le 2 mai 2004 auprès de :
François Salvi, René Ropars, Roger Lissillour, Marcel Briand, Pierre Le Gaouyat, Joseph Lemeur, Louis Ropars, Louis et Anaïs Maisonneuve.
Avec le concours de Louis Morvan (à l´origine du projet de pêche à l´ancienne), Alain Le Louet, Jean Marcel, Keraudren et Loïc Ollivier
Un peu d´histoire
Cette pêche était pratiquée à une époque où Ploumanac´h était encore un petit village typique, isolé, où les gens vivaient essentiellement des revenus de la pêche locale pratiquée sur la côte et des produits de la terre. Un monde fermé qui commençait à s´ouvrir doucement au tourisme, un tourisme réservé à la grande bourgeoisie parisienne qui venait de découvrir la beauté sauvage de ce site et qui allait devenir un des endroits les plus convoités et les plus visités du littoral breton.
Cette technique très particulière de pêche aurait été apportée par des pêcheurs de Brest. Durant la guerre 1914-1918, de nombreux soldats blessés sur le front étaient soignés dans des hôtels de la région, réquisitionnés pour être transformés en hôpitaux. L´un de ces soldats, brestois d´origine, avait coutume de se promener sur la côte durant sa convalescence. Au cours d'une de ses promenades, il avait observé que d´énormes bancs de mulets se déplaçaient à toucher le rivage, en un point particulier propice à leur capture. Quelque temps plus tard, au printemps 1919, on vit entrer dans le port de Ploumanac´h un petit cotre noir arborant les lettres BR peintes en blanc sur l´étrave. Le bateau, au nom de "Mor Vran" ("Corbeau de mer") immatriculé à Brest, était manœuvré par trois hommes. Il y avait à bord un filet de forme inusitée ainsi qu´une longue perche munie d´un réa. Un jour, les enfants du village qui jouaient dans la lande, observèrent que le bateau était mouillé à dix mètres de la côte. Un filet frappé sur l´extrémité de la perche le reliait au rocher sur lequel un homme assis semblait scruter l´eau. Dans le bateau, les deux autres attendaient. Ainsi, pendant plus d´un mois, tous les jours en opérant de la même façon, le Brestois ramenait cent cinquante kilos de poissons qu´il livrait au mareyeur local. Dans le village, les esprits s´échauffaient et les pêcheurs locaux, jalousant une telle réussite, se mirent à espionner l´intrus. Ils finirent par découvrir sa façon de procéder et ne tardèrent pas à revendiquer la zone de pêche. Après de violentes altercations avec les pêcheurs locaux, qui se livrèrent à un véritable combat naval, sous la forme d'un duel à coups d'avirons sans concessions, le Brestois, vaincu et meurtri, dû céder sa place. De ce jour, on ne le vit jamais plus dans les parages. Les pêcheurs de Ploumanac´h purent alors appliquer la technique tant convoitée (anecdote tirée de l'ouvrage "An Distro").
La pêche "à l'attrape" aurait été pratiquée également par les pêcheurs de Port Blanc. Elle se poursuivra jusque vers les années 1958/1960.
Cette pêche était communément pratiquée, selon les dires des anciens, surtout au mois de mars et mois de novembre, c´est-à-dire à la fin de l´hiver lorsque les bateaux sortaient de leur torpeur après avoir été immobilisés plusieurs mois, et au début de l´hiver avant que ces mêmes bateaux ne soient désarmées pour ce repos forcé. C´était une pêche dont les revenus étaient salutaires et venaient compléter ceux provenant de la pêche pratiquée à la belle saison, une façon de joindre les deux bouts et d´améliorer l´ordinaire.
Il faut noter qu´à cette époque, les gens étaient très solidaires entre eux. Des actions collectives étaient souvent menées pour faite face aux dures conditions de vie, et notamment pour ce type de pêche qui imposait que les équipages se regroupent. En général, pour la pêche courante à Ploumanac´h, chaque bateau était manœuvré par un équipage de deux personnes en moyenne. Pour la pêche à "l´attrape", il était nécessaire de constituer un équipage de quatre personnes pour un seul bateau.
En effet, le bateau en pêche était positionné près d´un rocher, l´étrave orienté vers l´Est. Le Filet appelé "l'attrape" était disposé entre le bateau et le rocher. Pour manœuvrer le filet, deux personnes étaient débarquées sur le rocher et deux autres restaient à bord. Le bateau était maintenu à l´aide de trois mouillages, un à l´avant, un à l´arrière et un autre par le travers tribord ou bâbord selon que le bateau était situé au Nord ou au Sud du rocher. Le site le plus fréquemment utilisé était "Roc´h ar Zehou Di" ("Rocher à droite") appelé également « Rocher aux mulets » dont la pointe est orientée Est-Ouest. Cette roche qui découvre à pleine mer se trouve sous le camping du Ranolien, entre "Roc´h an Dar" ("Rocher aux poux de mer") et "Roc´h hu", dans le prolongement de la petite baie de "Toull Tommder" (trou à chaleur). Cependant, la pêche pouvait se faire à d´autres endroits :
A basse mer contre "Roc´h hu" : Rocher avancé
A pleine mer contre "Beg Roc´h Hoan" : Rocher du château du diable.
En outre, des règles strictes étaient convenues et respectées par l´ensemble des pêcheurs. En effet, un tour était attribué à l´avance sur une semaine ou deux semaines, un jour était réservé pour un bateau et son équipage, à l´exception du dimanche. Si les conditions météo venaient à contrarier toute tentative de sortie, le tour était perdu pour l´ensemble de l´équipage et il fallait attendre le tour suivant. Lorsqu´un bateau en pêche était surpris par le mauvais temps, selon sa taille, il regagnait soit Perros-Guirec soit l´abri de Pors Rolland.
Le filet par lui-même était de forme rectangulaire. La partie haute qui restait à la surface était dotée de flotteurs de liège ; l´angle situé à l´avant du bateau était manœuvré par un va-et-vient frappé à l´extrémité du bout dehors ou d'une perche, l´autre angle était saisi par un orin tourné simplement à une tête de roche. La partie basse (partie immergée) était maintenue au fond à l´aide un va-et-vient frappé sur deux cailloux qui servaient de lest (Min Pen), l´un saisi à l´arrière du bateau, l´autre en vis-à-vis sur le rocher. Le filet pouvait être comparé à un « carrelet » actuellement utilisé sur la côte atlantique, sorte d'énorme épuisette de forme carrée, manœuvrée à partir d´un ponton de bois.
Un coup bien envoyé pouvait permettre de hâler trois cent livres de poisson d´un seul coup. La manœuvre pouvait se répéter plusieurs fois au cours d´une marée lorsque le poisson était abondant. Parmi les mulets, on pouvait trouver également du bar et du saumon. Un saumon de quarante-deux livres fut pêché selon cette technique, et l´événement fut d´ailleurs relaté officiellement dans un journal local de l´époque. Le poisson ainsi pêché était acheté par le mareyeur local "Padel" ou un mareyeur de Lannion "Madame Ancelin". A cette époque, le mulet était plus goûté que le lieu.
Le matériel
Le filet de forme rectangulaire mesurait environ dix mètres de long sur huit de large. La maille était de cinquante millimètres (Mesure de la diagonale) et formait soit un carré de trente-quatre millimètres de côté. La partie supérieure qui restait à la surface de l´eau était dotée de flotteurs en liège sur toute la largeur et sur une partie des deux longueurs sur environ trois mètres allant du haut vers le bas. Lorsque le filet était immergé, la ralingue basse du filet était maintenue horizontalement à trois ou quatre mètres du fond. La ralingue à chaque coin du filet était terminée par un œil facilitant l´amarrage des orins aux différents va et vient
Pour un bateau de cinq mètres, une perche pouvait être disposée à la place du bout dehors à l´avant du bateau. Elle débordait le bateau de sa longueur, donc cinq mètres environ, par conséquent on disposait de dix mètres (coque et perche) pour établir le filet.
Sur le bateau, l´un des angles de la partie supérieure du filet était saisi sur un va-et-vient dont la cosse coulissante était frappée à l´extrémité de la perche. Ce va-et-vient permettait à l´équipier situé à l´avant d´envoyer ou de ramener le filet à la demande. Sur le rocher, l´autre angle supérieur du filet était saisi par un orin en direct qui était amarré à un petit éperon rocheux (deux tours, plus une demi-clé à capeler).
S´agissant de la partie basse du filet, sur le bateau, l´un des angles était saisi sur un va-et-vient dont la cosse coulissante était frappée sur un caillou servant de lest appelé "Men Pen" (15, 20 kg) ; deux bouts, également frappés sur ce Min Pen, permettaient de régler l´immersion de la partie basse du filet à partir de l´extrémité arrière du bateau.
L´autre angle de la partie base manœuvré à partir du rocher par le veilleur était saisi à un va-et-vient dont la cosse coulissante était également frappée sur un Men Pen plus léger (dix kg environ). Ce même va-et-vient permettait conjointement de régler la profondeur d´immersion de Men Pen et d´envoyer ou de ramener le filet.
La technique de la pêche à "l´attrape" :
Le filet était donc disposé entre le rocher aux mulets et le bateau, la partie immergée à l´arrière et la partie émergée (en surface) à l´avant. L´axe du bateau était toujours orienté est-ouest, l´étrave orientée est. Le bateau était positionné soit au Nord soit au Sud du rocher selon le type de pêche souhaité. Les bancs de poissons se déplaçaient le long de la côte du Nord vers le Sud ou inversement avec le flot ou le jusant. On avait coutume de pêcher le saumon côté Sud.
Il existait deux races de mulets, le mulet à ouïes jaunes, venant du Sud, très nerveux et très sauteur, et le mulet à ouïes noires, venant du Nord.
On ne pêchait pas par vent d´est, mais uniquement par vent de Sud ou sud-est.
Les deux hommes débarqués sur le rocher avaient pour rôle de manœuvrer les orins sur le rocher. L´homme qui manœuvrait la partie basse, scrutait et surveillait l´arrivée du poisson. C´était le "veilleur", et son rôle était capital car de lui dépendait la réussite de la pêche. Il fallait garder le silence et éviter de faire le moindre bruit sans quoi on risquait d´effrayer le poisson et le banc pouvait s´écarter définitivement. Ainsi, après de longues heures d´attente, lorsque le banc était repéré et qu´il s´approchait de la zone de pêche, le veilleur annonçait « Veille ! » (C´est-à-dire "attention"), les quatre équipiers se tenaient prêts. Lorsque le poisson se trouvait au niveau de la nasse, le veilleur criait "Hale" ! et immédiatement les deux hommes chargés de la partie supérieure du filet filaient à la demande, les deux hommes chargés de la partie basse du filet remontaient rapidement le filet au-dessus de la surface de l´eau à l´aide des va-et-vient aux deux cailloux. A noter que le poisson qui se trouvait prisonnier avait tendance à se regrouper dans la deuxième partie du filet (partie basse du filet), pour ce faire, le filet était saisi en son milieu par deux bouts, l´un raidi à terre, l´autre raidi à bord. Par conséquent, lorsque la deuxième partie du filet était hissée au-dessus de l´eau, les deux hommes ramenaient le filet avec son chargement. Les deux pêcheurs sur le rocher laissaient filer à la demande tout en maintenant le filet tendu au-dessus de l´eau.
Le dispositif subira par la suite des évolutions qui permettront notamment de refermer la deuxième partie du filet, tel un rideau à l´aide de coulisseaux frappés sur la ralingue à partir du milieu pour aller vers le bas. Une fois refermé, le filet s´apparentait à un sac qui emprisonnait définitivement l´ensemble du poisson.
Les manœuvres de mouillage
Lorsque le bateau avait rejoint le lieu de pêche, les mouillages étaient d´abord disposés avec ou sans annexe .
Lorsque le bateau était positionné au Sud du rocher aux mulets, les ancres pour maintenir l´avant et l´arrière étaient d´abord mouillées, l´une à l´Est et l´autre à l´Ouest, l´ancre Sud ensuite par le travers Tribord, l´étrave orientée vers l´Est. En raidissant le traversier Sud, on pouvait écarter le bateau au fur et à mesure que le bateau descendait. Chacune des ancres était frappée par bout au niveau de la pioche, l´autre extrémité du bout était amarrée à une bouée, de façon à désengager l´ancre au moment du départ.
Tout le dispositif de pêche avait été soigneusement disposé à bord avec le lest, le tout prêt à être filé. Les deux hommes de veille étaient descendus sur le rocher avec les bouts de manœuvre lorsque l´état de la mer le permettait, sinon ils étaient débarqués avec un simple bout doté d´une touline. Une fois le bateau positionné, les orins de manœuvre ainsi que le lest étaient hâlés depuis le rocher. Le lancer de la touline depuis le rocher permettait de récupérer les bouts restés à bord. Le filet pouvait alors être déployé.
Une journée de pêche :
Par une grande marée, la pleine mer du matin étant à huit heures, il fallait appareiller avant le jour pour être à poste avant l´étale et pêcher avec la descente. Par conséquent, il fallait faire route depuis le port, à la voile ou à l´aviron (peu de bateaux étaient motorisés à l´époque), positionner le bateau et déployer le filet. Cette technique de pêche pouvait également se pratiquer par morte eau.
A midi, les femmes ou les enfants apportaient la soupe, en traversant la lande par le Ranolien ou en venant par Pors Rolland. Très fréquemment, la brouette faisait partie du voyage, car outre le repas, elle contenait également plusieurs mannes en osiers ("Manikin") pour charger le poisson pêché du matin, le rapporter au village et tenter de le vendre le plus rapidement possible. L´un des hommes du bateau prenait l´annexe et venait à la godille prendre le repas et les mannes en faisant le tour du rocher par le côté opposé à la zone de pêche.
A la fin de la journée, le filet, les lests et les bouts de manœuvres étaient à bord pour y être soigneusement rangés. Les hommes, qui avaient séjourné sur le rocher, étaient embarqués et les mouillages relevés. Lorsque tout était en ordre, le bateau quittait la zone de pêche pour regagner le port de Ploumanac´h, soit en souquant sur l´aviron, soit à la voile. Arrivé au port, après avoir débarqué le poisson, le filet était débarqué également pour être mis à sécher sur le grand rocher derrière la maison des pêcheurs Ti Ruz.
Loïc Ollivier 2004
Pour découvrir de vive voix cette technique et voir les dessins de Loïc Ollivier une causerie est organisé par Guy Prigent du conseil Général des côtes d’Armor sur ce thème par le dimanche 1er mars 2015 à Penvenan
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Pêches magnifiques
Les grands froids ont déterminé dans l’immense baie du Mont Saint-Michel la venue du large, de quantités énormes de mulets et de bars.
Depuis longtemps, les pêcheurs cancalais ne les avaient vu venir en si grande abondance ; aussi en profitent-ils pour leur livrer une guerre acharnée et lucrative.
Avant-hier, le bateau Krüger, patron Outy, a pris dans sa senne 10.000 mulets et 900 bars. Les mulets ont été vendus 900 francs et les bars 2.100 francs à des expéditeurs, qui les ont immédiatement fait diriger sur les halles centrales de Paris.
Dans une seule semaine, ce même bateau a pris pour 5.000 francs de marée. C’est un résultat magnifique.
D’autres bateaux sillonnent aussi la baie et font des pêches vraiment miraculeuses.
Du haut des falaises, des guetteurs scrutent la surface de la mer et sitôt qu’ils aperçoivent un banc de mulets, ils désignent aux barques l’endroit où il se trouve.
Dépêche de Brest du vendredi 15 février 1907
Commentaires :
Le Krüger est une petite bisquine demi-pontée ayant les dimensions en douane suivante 6,65m de longueur 2.76 de bau creux de 1,43m pour une jauge de 4,77 Tx construit par Joseph Lhotellier à la Houle appartenant à Paul Outy Cette petite Bisquine disparu en perte totale du bateau en juillet 1918.
Thierry Huck, historien local de Cancale apporte pour notre site les précisions suivantes
Ceux qui s’adonnaient à cette activité étaient nommés les “muletonniers” (muleton = petit mulet)
La senne : Elle était utilisée le long de la côte, plus généralement l’hiver (mais pas exclusivement) et de jour bien entendu. Un guetteur sur le haut de la falaise parcourait la côte tandis que
deux ou trois hommes le suivant en mer en doris. Dès qu’il apercevait un banc de mulets (une motte) il faisait signe à l’embarcation qui s’approchait silencieusement et entourait les poissons.
Une fois le piège posé, il arrivait qu’on les effarouche en “battant” à l’intérieur (faire du bruit à grands coups d’avirons) pour qu’ils se précipitent plus vite dans la nasse. La senne était
ensuite tirée la terre avec l’aide du guetteur qui avait rejoint les pêcheurs. Au début du 20ème siècle, il y avait trois groupes qui pratiquaient
cette pêche et il arrivait que des conflits s’élèvent entre les pêcheurs.
Les trémails : Activité qui se pratiquait de jour ou de nuit été comme hiver. Le but n’est pas prendre des mulets, mais il arrive qu’ils soient pris en grand nombre. Bars, rougets, lieus, vieilles, sèches... Sont les prises recherchées. En général 4 pièces de trémails ( soit 200 mètres) sont tendues dans différentes criques de la côte. Si elles sont éloignées, on part en canot avec le doris en remorque où les trémails sont prêts à être filés. Pas question de s’approcher trop près du lieu de pêche. Le canot est mouillé à bonne distance et c’est à l’aviron que l’on rejoint la crique où seront posés les filets. La nuit surtout, pas un mot, aucun feu, pas de cigarette et parfois même les avirons garnis de chiffons pour ne faire aucun bruit. On jette pas les trémails, on les dépose dans l’eau en avançant le plus silencieusement possible. Une fois la crique barrée le doris se déplace à grand coup d’avirons à l’intérieur pour effaroucher le poisson. L’embarcation est montée par deux ou trois hommes. Les prises sont démaillées tout de suite et les trémails prêts à être filés pour le coup suivant, dans un autre endroit sauf si la quantité de poissons est importante. Dans ce cas, on retourne au canot pour démailler et stocker les prises. J’ai souvent entendu les témoins d’une pêche extraordinaire non loin de la pointe du Grouin où, une nuit, sur une seul coup de filet, 53 bars se sont trouvés piégés ; la manne représentait un poids de 350 kgs !! Ils étaient tous sur le même calibre... C’était il y a plus de 50 ans.
Thierry Huck et Aristide Delarose ont fait un superbe travail de recherche en archives sur l’histoire maritime de Cancale ils ont publié dans les cahiers de ma mémoire de l’ Association des Amis des Bisquines et du Vieux Cancale, une mine formidable d’histoire maritime locale.
Site de Aristide Delarose sur l’histoire de Cancale
Paimpol le 16 janvier 1903
La pêche aux crustacés
Depuis quelques années, les langoustes et les homards se font rares sur nos côtes de la Manche et de l’Océan.
La pieuvre ou minard n’est certes pas étrangère à cette dépopulation, car son apparition a coïncidé avec la disparition de ces précieux crustacés.
Chaque année vers les premiers jours d’avril, de nombreux bateaux sont armés par les marins de Loguivy et de Pors-Even, havres de pêche importants du quartier de Paimpol, et font voiles vers Rochebonnne, Belle-Île, l’île de sein et Ouessant où ils se livrent à la pêche de la langouste, du homard et du dormeur.
Ces dernières années, l’exploitation de ces hauts fonds a été peu lucrative. Aussi, en 1902, les pêcheurs de Loguivy et de Pors Even résolurent-ils d’aller tenter la chance aux îles Sorlingues, près des côtes anglaises.
Les débuts furent pénibles et presque décourageant. Montés sur des bateaux de 8 à 15 tonneaux, la plupart non pontés, ces hardis marins, après avoir traversé la Manche mouillèrent leurs casiers sur les haut fonds des Sorlingues, mais les courants très fort en ces parages en enlevèrent un grand nombre ; cependant, quelques bateaux, plus heureux, firent une assez bonne pêche pendant deux ou trois jours, après quoi, la marée se faisant sentir, tous rallièrent Loguivy.
Le deuxième voyage fut plus heureux. Au début, chaque homme prenait de 30 à 40 langouste par jour, mais une tempête survint et obligea tous les navires à chercher un abri sur la côte anglaise. A peine furent ils mouillés dans un certain port que l’autorité du lieu les obligea à en repartir sur le champ, malgré leur protestations et le paiement des droits de port. Ils furent donc obligés de prendre le large avec deux ris dans les voiles. Ils abordèrent à l’entrée du canal Saint Georges, près de saint-Yves.
Les habitants leur firent bon accueil et leur indiquèrent de hauts fonds très poissonneux. En effet la langouste abondait, chaque marin en prenait en moyenne 50 à 60 par jour de pêche. Les homards étaient moins nombreux, mais ils étaient échangés sur place avec les anglais, qui donnait deux langoustes pour un homard.
A chaque marée, si la pêche avait été assez fructueuse, les bateaux revenaient en France livrer leur poissons, puis repartaient sur les lieux de pêche.
Ainsi près de 15 à 20 000 crustacés ont été apporté à Loguivy, d’où ils ont été ensuite expédier, soit directement à Paris soit à Granville ou même à Cherbourg. Le prix de chaque langouste variait de 3fr. 50 à quatre francs et même davantage.
En résumé, si nos braves marins ont eu de la peine, ils en ont été heureusement récompensés, ce qui, malheureusement n’est pas toujours le cas.
la « Dépêche de Brest » du 18 janvier 1903
Au début de la saison 1903, les pêcheurs sont nombreux à partir pour les côtes anglaises
On lit dans la dépêche de Brest du 22 avril 1903 :
Les bateaux de pêche de la station de Loguivy sont partis depuis samedi dernier. Une trentaine d’entre eux ont fait voiles pour les îles Sorlingue (Angleterre) et deux ou trois pour l’île de sein ;
Il reste à Loguivy une quinzaine de cotres prêts à appareiller pour les mêmes destinations. Trois cotre neufs sont prêts également ; ils reçoivent en ce moment leurs voiles et agrès dans le bassin de Paimpol. Tous ces navires vont se livrer à la pêche de la langouste et du homard.
Les résultats globalement bon ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. En fin de saison de la langouste on lit dans la dépêche de Brest du 25 septembre 1903
Trente et un bocqs, composant la flottille loguivienne, sont rentrés des Sorlingues, où ils ont pratiqué la pêche aux crustacés.
Le résultat a été assez bon ; Quelques navires ont eu jusqu’à 220 langoustes ; mais, par contre, d’autre n’en avaient que 80 ou 100. la moyenne était de 130 à 160.
La langouste prise dans ses parages est de belle taille et se vend très bien.
D’autres bocqs s’étaient rendu à l’île de sein où la pêche a été assez bonne également, mais la langouste était de petite dimension et ne trouvait acquéreurs, dans les ports de vente qu’à de faibles prix : 22 à 25 francs la douzaine, tandis que les pêcheurs des Sorlingues vendaient la leur 33 à 36 francs la douzaine.
Tous ces navires vont repartir aux sorlingues, la dernière fois de cette année, vers le 25 et le 26 courant.
1904 une mauvaise année
En 1904 la saison est moins bonne on lit dans la dépêche de Brest du 17 mai
La charmante et importante station de pêche de Loguivy était en fête hier ; c’était son pardon annuel. Le temps étant au beau fixe, beaucoup de monde des enivrons et surtout de Paimpol s’y était donné rendez vous.
Les homardiers étaient rentrés des Sorlingues de belle-iles et de l’île de sein, formant une flottille de 40 beaux navires.
Les braves pêcheurs sont un peu désolés ; les crustacés se font rares sur les côtes anglaises ; en outre, le mauvais temps les empêche de mouiller leurs casiers. Ceux d’entre eux qui se sont rendus à Belle-Île ont fait meilleure pêche, mais en revanche, la langouste est plus petite et sa valeur marchande en est réduite d’autant.
Il est probable que les côtes anglaises vont être désertées, du moins pour un moment. Le départ des navires va avoir lieu incessamment.
Cette mauvaise année pour la pêche se confirme dans la dépêche du dimanche 31 juillet 1904
La pêche ne donne pas beaucoup, les marins s’en plaignent avec juste raison.
Une quinzaine de sloops, qui s’étaient rendus sur les côtes anglaises, sont rentrés hier ; le résultat de la pêche aux crustacé a plutôt été médiocre. A l’encontre des parages de l’île de sein, la langouste ne parait plus sur les fonds, où on a capturé une première fois, de sorte que ce sont de nouvelles recherches de hauts fonds que les pêcheurs sont obligés de faire chaque fois et il y passent une bonne partie de leur temps.
En outre les courants étant très fort, il n’est possible de mouiller les casiers que pendant deux, trois ou quatre heures par chaque marée. Pour ses raisons, les côtes anglaises vont sans doute être définitivement abandonnées.
1905 la liste des bateaux loguiviens
On lit dans la Dépêche de Brest
Chaque année, le lundi de Pâques est jour de fête à Loguivy. C’est ce jour qu’a lieu la bénédiction de la flottille de pêche aux crustacés.
Cette années, quelques navires devant appareiller avant l’époque habituelle et se rendre soit à Belle-Île, à l’île de sein ou sur les côtes anglaises, la bénédiction, toute simple, a eu lieu avant leur départ, de sorte qu’aujourd’hui il n’y a eu aucune cérémonie religieuse, mais l’animation n’en pas moins grande ; c’est le vrai départ qui a lieu. Il y a encore, dans le port, une trentaine de sloops et de côtre prêts à faire voiles.
Les 120 marins qui les montent font les derniers préparatifs de départ. Tout cela est très pittoresque et beaucoup de curieux, dont quelques Ouessantines, bien reconnaissables à leur coiffure, assistent aux intéressantes évolutions de la sortie du port.
Voici comment se compose la flottille pour l’années 1905 :
Navires destinés au transport des crustacés :
Saint-René, capitaine Le Guen ; Notre-Dame de la vieille église, capitaine Lidou ; Hélène, capitaine Richard ; Liberté, capitaine Brésil ; Zéphyr, capitaine Michel.
Navires pêcheurs :
Saint-Christophe, patron Hégarat ; Saint-Louis, patron Menguy ; Aimé-Joseph, patron Calvez ; Deux frères, patron François Corfdir ; Espérance, patron Jean Caous ;Jeanne d’Arc, patron Corfdir ;Louise-marie6anne, patron Jean Riou ; Flétan, patron Jean Le Berre ; Sainte-Barbe, patron Jean Corfdir ; Saint Antoine de padoue, patron Jean Le Guen ; Yves-Joseph, patron Joseph Bocher ; Éclair, patron Guillaume Corfdir ; Langouste, Patron Louis Caous ; Anne-Marie, patron Bellec ; Joseph-Marie, patron François Le Guen ; Émeraude, patron Pierre Calvez ; Sainte-Anne, patron Lestic ; Saint-Jean, patron Jean Bocher ; Saint-Yves, patron Jean-François Le Guen ;Confiance, patron Jean Le Guen ; Père de Famille, patron Louis Le calvez ; Farfadet, patron Guillaume Morvan ; Petit-Jean, patron Calvez ; Jean François, patron Yves Vidament ; Marie-Catherine, patron Guillaume Vidament ; Saint-Yves, patron L’Hostis ; Marie patron Caous.
Toutefois les années suivantes des retours à la pêche dans les parages des Sorlingues seront régulièrement fait, plus ou moins couronnées de succès. Les années 1906 et 1907 restent marqué par des tempêtes et des naufrages
En avril 1906, on lit dans la dépêche de Brest
« Le retour des bateaux de Loguivy, qui vont à chaque marée faire la pêche aux crustacés sur les côtes d’Angleterre, a été marqué par un naufrage.
Le sloop Yves-Joseph, qui se rendait au port, a été aperçu pour la dernière fois à la hauteur des Sept-Îles par son propriétaire, M. Bocher, patron du sloop Saint-Yves qui lui-même a eu beaucoup à souffrir de la tempête le mercredi 18 avril, à trois heures du matin.
Le sloop Yves-Joseph était monté par quatre hommes : Jean-Marie Lestic, âgé de 40 ans, patron ; Yves-Marie le Du, 31 ans matelot ; Toussaint-Marie Libouban, 36 ans matelot, et Jean-Marie Lestic, quinze ans , mousse fils du patron.
Ces quatre marins, dont la mort malheureusement parait certaine habitent à Ploubazlanec et laissent trois veuves et onze enfants.
Le 19 octobre 1907.
Pendant la tempête d’hier le bateau homardier Gilbert, patron Bellec, de Loguivy Ploubazlanec, en cherchant un abri dans la rade de Falmouth, s’est jeté à la côte sur les rochers qui sont à l’entrée. L’équipage est sauvé
Sources et référence
AR Vag Voile au travail en Bretagne Atlantique Tome II Langoustiers et caboteurs
Chapitre IX de « Technique et pratique des grandes pêches maritimes » par G. Massenet Editeur Augustin Challamel Paris 1913
Pêche de la langouste et du homard
Armement Loguivien (Port de Loguivy près de Paimpol)
Navires employés (sources chantiers le Chevert Paimpol)
Le port de Loguivy arme, annuellement, environ 60 bateaux à vivier pour cette pêche. Leurs caractéristiques sont les suivantes :
Longueur de quille : 9 à 10 m.
Longueur de tête en tête : 14 à 15 m.
Largeur au fort : 3 m. 90 à 4 m.30
Longueur du vivier : 3 m. 60 à 4 m. 30
Creux : 1 m. 70 à 1m. 80
Capacité du vivier : 1600 à 1800 pièces
Tirant d’eau AR : 2 m. 80 à 3 m.
Tirant d’eau AV : 1 m. 66 à 1 m80.
Déplacement : 40 à 50 tonnes en charge normale
Jauge brute : 18 à 22 tonnes
Jauge nette : 12 à 15 tonnes
Surface du safran : 1 m2 80 à 2m2
Barre franche
Surface de dérive en charge normale : 22 m2 à 25 m2
Maitre couple : 4 m2 à 5 m2
Chaine de 14 à 16 mm logées dans le gaviot sous le poste : 125 à 150 mètres
Ancres - Il y en a trois de 125, 100, 30 kg, à jas de fer
Apparaux de mouillage - Bossoirs, chaine formant bosse avec dormant au bossoir et courant fixé à un verrou formant mouilleur.
Apparaux de relevage – Treuil à engrenages
Embarcation – Un canot de 3 m. ou 3 m. 33 ; poste de mer sur le panneau
Compas – Un compas de route sur l’AR du roof, protégé par un capot métallique ( Quelquefois en tôle ! On conçoit ce que vaut un compas ainsi protégé )
Gréement – En boc (les nouveaux, plus grands, en dundée), avec 120 à 150 mètres carrés de toile (Foc, trinquette, grand-voile et flèche)
Position du centre de voilure théorique – A 1/50 de la longueur sur l’AV de la verticale du centre de dérive(Très ardent)
Équipage – En général : 1 patron, 2 hommes et un mousse
Disposition Intérieures – (Voir plan fig 63 et 64)
Ces bâtiments, à cause de leur cargaison périssable, doivent être rapides. Leur lignes sont fines. Ils n’ont pas d’exposant de charge, sont balancés et lestés avec soin. Fortement tonturés et très défendus de l’avant, ils peuvent affronter des temps très dur.
Ils présentent, comme particularité, l’installation du vivier. La cale est divisée en deux parties par un pont étanche, situé en dessous de la flottaison. La partie inférieure forme le vivier, toujours en communication avec la mer. Il est limité AV et AR, par des cloisons étanches ou pignons.
La pression exercée sur le pont du vivier et la force vive des coups de tangage sont atténuées par la présence de deux couloirs ou goulots étanches, allant du vivier au pont supérieur : les parois de ces goulots sont inclinées pour faciliter l’introduction des crustacés et l’accès aux extrémités du vivier. Le fond du vivier est cimenté à hauteur de la carlingue. Le pont de vivier est sur barrot, ou mieux en dos d’âne (voir plan du Zant Ivy) de construction plus robuste.
Pêche
Appareils – Les appareils de pêche sont le grand et le petit casiers. Le grand casier (fig.66) se compose de tringles en bois fixées sur des cercles de barriques et donnant l’aspect extérieur d’une tonne. Il est fermé, à ses deux extrémités par des fonds en filet percés d’un trou central. Sur la partie cylindrique est une porte permettant de retirer le poisson facilement et de préparer l’amorce. Ces casiers se mouillent, en général, par paire, réunis par une patte d’oie se fixant à une touée unique supportée de distance en distance par des lièges et terminée à deux bouée écartées de 10 mètres environ (fig67.)
Le petit casier (fig. 68) est à fond plat en osier et composé de lattes d’osier formant cloche au dessus du fond et repliées pour former un entonnoir à la partie supérieure. On le manœuvre à l’aide d’une patte d’oie fixée à une seule touée dont la longueur et la disposition dépendent du fond (fig. 68).
Amorçage – On amorce à l’aide du poisson frais pris à la ligne : lieu, dorade ou maquereau, que l’on introduit dans le casier. On prend ces poissons sur place.
Manière de pêcher – Les casiers, amorcés, sont mouillés sur le fond convenable et relevés à intervalles fixes : de 2 en 2 heures pour les grands casiers, une seule fois par 24 heures pour les petits. Les crustacés, pêchés sont introduits dans le vivier. On prend des langoustes, homards, tourteaux.
Époques préférables pour la pêche – Les navires ne restent armés que pendant les mois de juin, juillet, août et septembre. Ils ne pêchent que 8 jours par quinzaine pendant la période de morte eau : les courants sont trop forts en vive eau.
Lieux de pêche – On pêche sur les plateaux au large de Paimpol, tels que Barnouic, Roche Douvre, Sept Iles ; certains navires vont à l’île de Sein ou dans les parages des Sorlingues
Moyenne de pêche – Au début de la saison, la pêche moyenne est de 30 à 50 pièces par sortie et en pleine saison de 100 à 200.
Vente des produits – Ces ventes se font sur les marché de Saint-Malo et Saint-Servan à des prix variables, oscillant de part et d’autre de 60 francs la douzaine.
Salaires des équipages – Les hommes sont généralement embarqués à la part : le bateau a une part et quart, chaque homme une part et le mousse un quart de part.
Navigation
Sauf pour les navires allant aux sorlingues, la navigation a lieu continuellement en vue des côtes et on peut facilement repérer sa position par les points ou feux en vue.
Pour aller aux Sorlingues la route vraie est le N 60° O environ. Il sera souvent préférable de faire route plus Nord pour venir reconnaitre la côte anglaise que l’on suit ensuite jusqu’aux Iles. Au surplus la route dépend du vent, aucun de ces bateau n’ayant de moteur.
G Massenet Inspecteur général d’hydrographie 1913
Commentaires
Les dessins de cet article sont les illustrations originale de ce chapitre du livre sur les Grandes pêches maritimes
L’auteur de ce chapitre ne distingue pas les deux types de homardiers existant à Loguivy à cette époque, les plus grands, pontés pêchant principalement la langouste aux grand casiers, les plus petits , bateaux creux de 8 à 9 mètres de coque pêchant principalement le homard sur les plateaux du nord de Bréhat et faisant également la pêche au congres et éventuellement la récolte du goémon. Certain patrons étaient propriétaire de deux sloups un grand et un petit qu’il utilisaient alternativement en fonction de la saison et du type de pêche.
Les grand casiers en lattes de châtaigniers sont dédié à la pêche aux langoustes les petit en osier à celle des homards.