Dans la nuit du 07 au 08 octobre 1924, un coup de vent aussi puissant que soudain frappe l’ensemble de nos côtes. Nous allons découvrir a travers les articles de journaux d’époque et les rapports des canots de sauvetage les naufrages provoqué par cette tempête.
Dépêche de Brest du 10 octobre 1924
A Molène
Dans la nuit du 7 au 8 octobre, le sloop Eglantine, patron et armateur Louis Masson, du port de l’île Molène, a chassé sur ses ancres et s’est jeté à la côte, à la pointe nord-ouest de Lédénes de l’île Molène.
Ce bateau a subi des avarie dans la coque. L’équipage et de nombreux marins de Molène s’emploient aux travaux de renflouement, qui seront, semble-t-il couronnés de succès. pas d’accidents de personnes à signaler.
A Roscoff, le Reder Mor disparait, de nombreux bateaux naufragés
dans la nuit de mardi à mercredi, sans que l’on ait pu la prévoir, une tempête effroyable, comme rarement on en vit, s’est déchainée sur Rosscoff. ce fut un véritable cyclone qui parcourut le pays semant partout la dévastation. Un peu avant minuit, des vents du sud-ouest se sont mis à souffler et bientôt la haute mer venant, la tempête atteignait son maximum d’intensité.
Ancrés sur le plateau dit « Le Drezen », lieu de leur mouillage habituel, pendant la durée de la morte-eau, les bateaux de pêche ont été surpris par le terrible déchainement des vents. Ce n’est que mercredi matin qu’on a pu se rendre un compte exact de la situation.
Six bateaux ont chassé sur leur ancres et sont partis à la dérive. Ce sont : Reder Mor, patron Charles Roignant ; Docteur Infroit, patron Hyacinthe Roignant. Thérèse, patron Louis le Duc ; Jean bart, patron Alexandre Rohou ; les Mocos, patron Joseph Marron, et Lapous Mor, patron Baptiste Autret.
Les épaves des trois derniers bateaux viennent d’être trouvées sur la côte de Primel. jusqu’ici on est sans nouvelle des trois autres.
Quatre autres bateaux : l’Ariel, patron esprit le Mat ; Diveza, patron Henri Cueff ; souvenir patron François Corre et Saint-Louis, patron Emile Le Floch, ont été jetés sur les rochers ayant de sérieuses avaries. […] On peut dire que la situation des inscrits maritimes est lamentable, car leur seul gagne-pain est détruit pour longtemps.
On ne retrouva aucune épave du Reder Mor il disparut entièrement dans cette tempête
A Paimpol, la flottille des loguiviens
Au cours de cette terrible nuit, la flottille de Loguivy-Ploubazlanec, qui comprend une trentaine de bateaux, armés par des marins très expérimentés, véritables loups de mer, se trouvait dehors.
Une vingtaine de ces bateaux avaient pu se réfugier en baie de Perros-Guirec, où ils avaient mouillé l’ancre, mais sous la violence de la tempête, la plupart d’entre eux ont brisé leur chaine et sont partis à la dérive. Le plus grand nombre a pu, luttant contre la fureur du vent et des flots et au prix d’efforts inouïs, rentre à Perros, mais sur les rochers, aux environs de Trélévern et du Port-Blanc, six ou sept bateaux sont venus s’échouer ; heureusement, les hommes qui les montaient ont pu se sauver.
Le langoustier le Loguivien a pu avec son équipage au complet, complétement désemparé, sans voiles ni gouvernail, regagner Saint-Malo d’où le patron a pu télégraphier son arrivée à sa famille.
Le Flétan, patron Jean Riou, matelots Quériel et Fouquet, mousse Louis Le Guen est considéré comme perdu corps et bien.
On est sans nouvelles du Coz Illis, patron Bozec, mais nous espérons et souhaitons ardemment qu’avec son équipage, il a pu se mettre à l’abri dans une crique isolée, d’où le patron n’a encore pu signaler sa présence.
La population loguivienne, composée essentiellement de pêcheurs, est plongée dans la consternation ; elle est anxieuse et attend impatiemment des nouvelles.
Voici les nouvelles des bateaux qui ont été pris dans la tempête du 7 au 8 :
Flottille des loguiviens : en rade de Perros, le Joseph-Marie, le Saint-They, la France, la Jeanne d’Arc et, à Port-Blanc, le Flétan et l’Alarme sont allés à la côte. le Saint-Louis et le Lutin sont considérés comme perdus.
Cinq autres se seraient réfugiés en Angleterre. Ce seraient : Le Petit Jean, la Traviata, Miss Helyett, Le Colvert et la Reine des Anges.
L’auréole est allée s’échouer à Loguivy, sur le rocher le Tauvel.
Le dundée Hirondelle, au mouillage sous l’ïle à Bois ayant à bord le matelot Masson a chassé sur ses ancres et est allé s’échouer sur les rochers du phare du Paon à Bréhat. Le bateau est considéré comme perdu. Le Masson a pu être sauvé.
Le Libenter, revenant de Saint-Malo ayant deux hommes à bord ( le reste de l’équipage ayant regagné la terre), est allé s’échouer près de l’île à Bois. L’un des hommes, Le Thiec de Névez, inscrit à Concarneau n°3232 a été trouvé mort sur le pont ; l’autre a réussi à se sauver.
Le Raymond, patron le Maigat, a disparu à Bréhec, ayant cassé ses amarres.
A Plouha, l’Ideal et la Marie ont coulé à leur poste d’attache
Le rapport du canot de sauvetage de Porz Even nous fournis les informations suivantes
Porz Even
Le 8 octobre 1924, à 7h30 du matin, le sémaphore de Plouézec ayant hissé le pavillon de détresse et tiré deux coup de canon, le sous-patron Caous forma un équipage de fortune avec quelques canotiers et autres pêcheurs se trouvant sur les lieux.
A 8 heures le canot de sauvetage Léonce Reynaud quitte sa maison-abri et prend la mer dans de bonnes conditions.
La tempête souffle du Nord-Ouest et la mer est très grosse. Trois langoustiers du port de Portz-Even, surpris par la tempête, se trouve sur les roches.
L’un d’eux le Trimardeur, patron Caous, se trouve sur une roche dans le chenal de la Trinité. Le canot se rend près de lui et lui demande s’il abesoin de ses services, mais déjà l’équipage a réussi à l’aide de son canot, à se mettre à l’abri du danger sur les roches avoisinantes.
Le canot se dirige ensuite vers Saint-Riom où le Goeland N°2 patron le Roy (patron du canot de sauvetage) se trouve aussi au plein, mais sur un banc de sable. etant à l’abri et sans avarie l’équipage est resté à son bord.
Un troisième langoustier l’Auréole, patron Caous, est aussi sur des roches à la pointe de Plouëzec, le canot, s’y rend et réussit à l’accoster, non sans peine car à cet endroit la mer déferle ; malgré les avaries il n’y a quand même pas grand danger pour l’équipage qui veut rester à bord. Le patron de l’Auréole demande un remorqueur, le sous-patron se rend au sémaphore avec le canot prévenir le gardien chef afin que celui-ci fasse le nécessaire.
Le bateau naufragé ayant aussi demandé un câble et une ancre ainsi que de la voilure (tout ayant été arraché dans la nuit) le canot retourne à Portz-Even . il est en ce moment 11h30, un grand langoustier se rend près de l’Auréole avec tout le nécessaire et, à la marée montante, celui-ci est ramené au port.
Les deux autres langoustiers ayant flotté à la marée montante sont revenus au port par leurs propres moyens et aucun bateau ne se trouvant plus signalé, le canoty fut rentré dans la maison-abri à 13h30, le vent à ce moment a beaucoup calmé et la houle a diminué.
Le canot s’est très bien comporté ; en le mettant sur son chariot la conduite du gouvernail a été faussée, il n’y a pas eu de pertes d’hommes chez les pêcheurs mais seulement avarie et perte de matériel.
Le président du Comité de sauvetage
Evenou
A Tréguier
Comme il était à craindre, la tempête de l’avant dernière nuit a causé de nombreux sinistres en mer.
Le bateau Flétan, patron Riou, 25 ans, avec comme équipage Jean Quéréel 40 ans ; Louis Le Guen 15 ans ; Yves Fouquet 20 ans s’est perdu. On est sans nouvelles de l’équipage.
Le bateau l »Alarme, mouillé en rade de Perros, a brisé sa chaine et s’est jeté au plein. L’équipage a pu se sauver en canot.
Les bateaux Saint-They, patron le Guen ; Saint Louis, patron Bocher ; Joseph-Marie patron Vidament ; Lutin patron Riou sont perdu mais leurs équipages sont saufs.
A Saint Malo
[…] En mer, un sloop s’est échoué sur la grève du Minihic ; l’équipage a pu se sauver à la nage. Le trois-mâts goélette Saint-Briac, venant du Banc de saint-Pierre et Miquelon et mouillé en rade, a chassé sur ses ancres ; il a pu heureusement se maintenir à quelques mètres des rochers et grâce aux efforts du remorqueur de l’entreprise des travaux publics de l’ouest, rentrer au port sans trop d’avaries.
Un autre trois-mâts de Binic, la vagabonde qui venait de livrer sa pêche à son port d’attache, s’est échoué sur les rochers du Grand bey. mercredi matin, à marée basse, l’équipage a pu sauver les papiers du bord et les malles. vers 14 heures, le remorqueur des ponts et chaussées, patron Bucaille, a tenté de renflouer le navire en détresse, mais il n’a pu y parvenir, plusieurs voies d’eau s’étant déclarées ; il est actuellement considéré comme perdu. le canot de sauvetage s’est rendu sur les lieux malgré la mer démontée.
Un autre voilier s’est également jeté sur la grève de Saint-Cast ; il est dans une situation critique
Le ouest-Eclair édition de Rennes du 09 octobre nous fournis les précisions suivantes sur les deux trois-mâts à Saint-Malo
Le St Briac a pour Armateur M. Julien de Saint-Servan et comme capitaine M. Briot
La Vagabonde , capitaine Girard, armateur M. Galerne de Binic.
La Vagabonde faisait sa première campagne de pêche à Terre-Neuve était un ancien harenguier transformé, il revenait des bancs avec 2500 quintaux de morue ayant livré 1200 quintaux de première pêche à Saint Pierre
En Baie de Saint Brieuc
Les rapports des stations de sauvetage de St Quay Portrieux et d’Erquy nous donnent la description suivante du naufrage de la goélette Pleubiannaise
Erquy (côtes du nord)
Le 8 octobre 1924, à 10 heures du matin, le patron du canot de sauvetage Marie était prévenu, par le téléphone de Dahouet, qu’u trois-mâts était coulé dans le sud de Rohan, à 1 mille et dont l’équipage était réfugié dans la mature ; aussitôt, avec des hommes de bonne volonté, nous avons conduit le canot de sauvetage Marie jusqu’à la mer qui montait à ce moment ; on a élongé le câble du canot, et malgré la mer qui était très mauvaise, nous l’avons mis à flot. Il se dirigea alors vers les sinistrés mais il n’avançait pas vite à cause de la force du vent debout et de l’état de la mer : arrivés aux portes d’Erquy, nos canotiers ont rencontré le bateau de sauvetage de Portrieux qui fuyait devant le temps et qui avait l’équipage du trois-mâts Pleubiannaise ; alors notre bateau de sauvetage a fait route en même temps que celui de Portrieux sur Erquy où ils sont arrivés à 3 heures de l’après-midi. comme le chariot était resté dans la grève nous avons amarré le bateau dans le port jusqu’à 9 heures du soir heure à laquelle le bateau a été remisé dans l’abri.
Le président du Comité de sauvetage
Besnier
Portrieux (côtes du nord)
Le chef guetteur du sémaphore de Saint-Quay est venu le 8 octobre 1924, vers 9h30, me prévenir qu’il apercevait au S. 81 E. à environ 1 mille au sud du rocher Rohein, un trois-mâts coulé et des hommes paraissant se trouver dans la mâture.
Peu après , la mairie me prévenait qu’un coup de téléphone reçu de Dahouet annonçait un naufrage dans la direction des Roheins. le patron était porteur du renseignement.
Donné l’alerte au moyen du soufflet d’appel. Le canotiers rallient immédiatement, le port étant complétement à sec, la traversée dans la vase extrêmement difficile. malgré toutes ces difficultés le canot de sauvetage Chauchard prenait la mer à 10h15 et, à la voile, se dirigeait grand largue, puis les voiles en ciseaux vers le point signalé.
Grande difficulté pour ramener le chariot au-dessus du niveau de la mer par la vase et l’eau jusqu’à mi-jambe, vu la marée montante qui avait entouré le banc du bout de la jetée.
Arrivé vers 11h30, en vue du trois-mâts Pleubiannaise que nous aperçûmes un peu sous le vent. le guetteur du sémaphore de saint-Quay avait pu me crier de la jetée qu’il se trouvait à environ 1 mille au sud de Rohein, mais ses mâts n’étaient plus bien hauts sur l’eau. Le capitaine nous crie de nous défier des vergues. La vergues du perroquet est à fleur d’eau, l’eau au chouque des autres mâts, les brarres de flèche auraient crevé et fait chavirer le Chauchard.
Lancé notre aussière que la capitaine tourne au pied du mât de flèche d’artimon, où il s’est réfugié avec cinq hommes, sur un autre filin que nous lui lançon, il attacha lui-même ses hommes et nous les hâlons à bord l’un après l’autre dès qu’ils sont à la mer.
restait un homme seul au grand mât de flèche, cet homme était presque inanimé, et l’état de la mer empêchait d’approcher.
Réussi à lui passer un filin par l’étai du mât de flèche d’artimon au grand-mât, nous l’encourageons de notre mieux, et il réussit non sans peine à s’attacher et à se jeter à l’eau. nous le hâlons à bord du Chauchard ;
Quitté le lieu du naufrage vers 12h10 et mis le cap sur Erquy, 6 milles sous le vent (tandis que Portrieux était à 8 milles au vent), vu les soins nécessaires aux naufragés : trois d’entre eux surtout complétement exténués, ont été ranimés par le biscuit et le rhum de notre approvisionnement ainsi que leur camarades.
Pendant la traversée, l’équipage du Chauchard s’est démuni d’effets secs pour que les naufragés puissent se réchauffer. le médecin a dû faire des piqures à deux d’entre eux en arrivant à Erquy. Rencontré le canot de de la Société Centrale de sauvetagge des Naufragés d’Erquy, à environ 1 mille de l’entrée du port où nous arrivons vers 13h25. Nous avons reçu un excellent accueil à Erquy ; le garde maritime nous désigna un restaurant.
D’après l’avis unanime, u compris l’avis du patron d’Erquy il était impossible vu l’état de la mer, de faire route le lendemain pour Portrieux.
appareillé d’Erquy, le 10 vers 3 heures du matin après avoir acheté des vivres à l’hôtel, et arrivé à Portrieux à 9 heures à la voile et à l’aviron. Mis à l’échouage en dedans du bout de la jetée à 9h 05. rentré le Chauchard dans la maison abri à 16h30
Le patron du canot de sauvetage
Grostête
La Pleubiannaise était un trois mât goélette de cabotage de 145 tonneaux, transportant 350 tonnes de charbon depuis Cardiff vers le Légué elle avait mouillé la veille devant le port de Binic en attendant d’avoir de l’eau pour rentrer au légué capitaine Chevanton monté par sept hommes d’équipage tous sauvés lors du naufrage.
La goélette chassa sur ses ancres et toucha sur les rochers du Rohein et coula par 12m de fond
La position de l’épave donnée par l’avis aux navigateur des 48°38’ 5’’ Nord et 2° 38’ ouest
Liens :
patrimoine maritime de Dahouet
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L’Éclaireur du Finistère Journal d’union républicaine paraissant le samedi en date du 3 février 1912 revient un drame qui s’est produit fin mars 1911 à l’île de Batz
Le drame de l’île de Batz
Une femme noyée
Le 31 mars 1911, Mme Riou, femme du gardien du phare de l’île de Batz, était trouvée noyée dans une crique, à 400 mètres environ de sa demeure.
La gendarmerie ouvrit une enquête ; M ; Le Borgne, médecin de marine, fit les constatations d’usage, remarqua sur le visage de la noyée de nombreuses contusions, mais conclut à une mort naturelle.
M. Riou, de son coté, expliqua que sa femme avait dû se lever la nuit, pendant qu’il surveillait les feux du phare, et aller retirer des filets qu’il avait tendu dans la journée : trompée par l’obscurité elle était sans doute tombée dans l’eau et s’était noyée.
Cette déclaration confirmait l’idée de mort naturelle déjà émise par le médecin.
Persuadé que Mme Riou avait été simplement victime d’un accident le maire délivra le permis d’inhumer et l’affaire parut close
Une dénonciation anonyme
Cependant nombre d’habitants de l’île gardaient la pensée qu’un drame s’était déroulé au phare dans la nuit du 30 mars.
Ils savaient que le ménage Riou n’était pas des plus uni, que les querelles éclataient souvent entre les deux époux ; il était encore de notoriété publique que Riou entretenait une correspondance avec une jeune veuve de Douarnenez, Mme Jaddé, née Louise Legonidec, âgée de 31 ans, dont le mari – singulière coïncidence- s’était noyé à Caen vers la fin du mois de février.
Quand ils apprirent que le gardien du phare allait épouser Mme Jaddé –le mariage a eu lieu récemment- l’idée leur revint avec plus de force que la mort de la première Mme Riou n’était peut-être pas seulement le résultat d’un accident.
Une lettre inculpant Riou fut adressée à M. le Procureur de la république de Morlaix, lettre qui contenait de tels détails que M ; Picart cru devoir l’adresser à M ; Rouquier, le chef de la brigade mobile de rennes, qui dépêcha à l’île de batz M. Glabecke, commissaire de la police de la sureté, avec mission de commencer une enquête.
En possession d’éléments qu’avait réunis M. Glabecke, le parquet, composé de MM. Picart, procureur de la république ; Le Clech, juge d’instruction ; Rolland, médecin légiste ; le Tous, commis greffier, et Picart interprète, se rendit à son tour à l’île.
Il consacra à ses recherches toute la journée de lundi et toute la journée de mardi ; quand il rentra à Morlaix, il rapportait des renseignements qui, à première vue, semblaient constituer contre Riou de graves présomptions.
Une enquête serrée
Voici dans ses grandes lignes, les résultats de l’enquête menée par le parquet :
M. Riou avait d’abord prétendu que sa femme, en allant au milieu de la nuit relever des filets, avait dû se blesser en tombant du haut des rochers qui bordent la côte, et que la mer l’avait ensuite roulée jusqu’à la grève, où on a retrouvé son cadavre.
O lui fit observer que cette version paraissait invraisemblable : les rochers en question n’ayant pas plus de 60 centimètres de hauteur et leur base se trouvant tapissée d’une herbe assez épaisse pour amortir une chute, il y avait peu d’apparence que Mme Riou eût pu, même en tombant se blesser assez grièvement pour ne pouvoir se relever.
Le gardien du phare émit alors l’hypothèse que Mme Riou aurait été brusquement terrassée par un malaise, une faiblesse subite, à l’endroit même où étaient les filets, et transporté par la mer à 300 mètres de là, dans la crique où on a retrouvé son cadavre.
Nouvelle supposition discutable, car Mme Riou, de constitution saine, n’avait jamais eu jusque là aucune indisposition, aucune faiblesse ; d’autre part, il parait établi que si elle était tombée près des filets , le flot l’aurait emportée non vers cette crique, mais au large ou vers l’île de Batz.
Il n’y a pas évidement de conclusions rigoureuses à tirer des déclarations du gardien de phare.
On peut admettre que, n’ayant pas été témoin de l’accident, il n’a aucune espèce de raison de savoir plus qu’un autre comment les choses se sont passées.
Autres présomptions
Malheureusement, d’autre présomption se dressent contre lui, tirées les unes de l’état du cadavre de Mme Riou, les autres de son attitude pendant la nuit du 30 mars et la matinée du 31.
Le cadavre
Lorsque le corps de Mme Riou fut ramené de la grève au phare, où on allait faire sa toilette d’enterrement, les personnes chargées de ce soin furent surprises de relever sur le visage de graves contusions ; une lèvre était tuméfiée, un œil meurtri et une blessure saignait si abondamment qu’il fallut arrêter l’épanchement du sang en bouchant la plaie avec du papier.
Dans la nuit du 30 mars, la mer avait été particulièrement calme ; les vagues se suivant lentes et moles sans secousses, n’avaient pu précipiter violemment le cadavre sur les rochers .
D’où provenaient alors toutes ces contusions ?
Des coups, sans doute, songèrent les personnes chargées de la toilette funèbre de la morte. Comme le gardien du phare passait pour un homme vindicatif, elles gardèrent pour elles leur idée.
Mais déjà la possibilité d’un crime était née dans l’esprit des habitants de l’île.
L’attitude du gardien de phare
L’attitude du gardien n’allait pas tarder à renforcer les présomption qui lentement s’amassaient contre lui.
En constatant l’absence de sa femme, lorsqu’il descendit du phare, M. Riou témoigna quelques inquiétudes. Il réveilla son beau-père et tous deux s’en furent à la découverte.
Ils battirent toutes les grèves environnantes fouillèrent toute la côte et par un malencontreux hasard ne laissèrent inexplorée que la seule crique ou gisait la morte.
Puis ils rentrèrent au phare, où M. Riou se mit, malgré son chagrin, à déjeuner tranquillement. C’est à cette besogne que le trouva occupé, vers 5 heures du matin, un gamin qui, se rendant sur la grève, avait vu le cadavre de Mme. Riou et venait tout bouleversé rendre compte au mari de la lugubre découverte.
« Ma femme est morte , cria Riou, dans un accès subit de désespoir, je ne veux pas lui survivre, je vais me noyer aussi » ;
3Ne faite pas ça », dit l’enfant, et cette simple parole tombée des lèvres de l’innocence, suffit pour rappeler à la raison le gardien du phare.
Non seulement il ne pensa plus à se « périr », mais moins de six semaines après la perte de sa femme, il trouva naturel que Mme Jaddé vint lui faire une visite pour le consoler
Une lettre accusatrice
Dès lors , le bruit se répandit que M. Riou « c’était fait veuf » pour épouser Mme Jaddé.
Le gardien chef du phare déclara que, quelques-jours avant le fatal accident, il aurait surpris une lettre de Riou, dans laquelle ce dernier écrivait à son amie de Douarnenez :
« Ma femme veut aller à Paris, elle fera le voyage, à moins qu’elle n’en fasse un, sous l’eau pour toujours ».
C’était là, si les termes de la lettre sont authentiques, un indice grave d’une préméditation de crime.
Le mariage enfin que vient de contracter M. Riou avec Mme Jaddé exactement dans les délais prévus par la loi, laissent penser qu’une si grande hâte de reconstituer son ménage n’implique pas de la part du gardien, un bien profond regret de la perte de sa première femme.
Dernières constatations
Le parquet a relevé de grave contradiction dans les dépositions de M ; Riou et de son beau-père.
Le premier a déclaré que sa femme s’est couchée le 30 mars, vers 10 heures du soir et s’est ensuite levée pour aller tirer les filets sur la grève.
le second, au contraire, affirme que cette nuit-là, Mme Riou ne s’est pas couchée et que son lit n’était pas défait. Où était alors Mme. Riou ?
D’autre part, un falot appartenant à M. Riou aurait été trouvé, resté debout, sur la plage, à coté du corps inanimé de la défunte.
Si ce falot avait été emporté par Mme Riou, elle-même, il est singulier qu’il ait subi l’assaut de deux marées sans avoir bougé de place et sans avoir été renversé.
Que faut-il croire
Voilà fidèlement reproduits les résultats de l’enquête. sont-ils concluants ?
L’autopsie pratiqué par M. Rolland, médecin légiste, n’a rien relevé, les chairs de la défunte étant en décomposition. on a pu simplement constater que le crâne ne portait aucune fracture des os.
Il n’y a donc de ce chef rien à retenir.
Quant aux charges rassemblées contre le gardien du phare, elles ne se composent que de suppositions et de déductions ;
Personne n’a surpris Riou en flagrant délit de mauvais traitement sur sa femme.
On ne relève contre lui aucun preuve formelle.
Il ne peut pas préciser dans quelles conditions sa femme a disparu, puisqu’elle est partie la nuit, sans le prévenir ; il est donc réduit, comme tout le monde, à des conjectures.
Les contusions relevées sur le visage de la défunte ? il reste à faire la preuve qu’elles proviennent de coups.
Son attitude ? il est possible qu’il n’aimât guère sa femme. il n’en résulte pas qu’il ait voulu s’en débarrasser.
On peut très bien ne pas aimer quelqu’un, le détester même, sans pour cela préméditer sa mort.
C’est justement, peut-être, parce que Riou n’aimait pas sa femme, qu’il n’a pas cru témoigner de regrets hypocrites et qu’il s’est empressé, lorsqu’il s’est trouvé libre de s’unir à celle qui avait toute son affection.
La lettre, elle-même, la terrible lettre, n’est pas une preuve définitive. Il faudrait avoir le texte complet, avec ce qui précède et ce qui suit la phrase incriminée, pour rendre un compte exact de la valeur des termes.
Il se pourrait fort bien qu’elle n’exprimât qu’un souhait peu cordial évidement, mais tout de même un souhait, c'est-à-dire rien qui indique une idée de meurtre.
la trame de soupçons qui enserre, à l’heure actuelle, le gardien du phare de l’île de batz, est donc encore bien fragile.
Il suffirait qu’une maille se rompit dans le réseau des présomptions, qu’uu rayon de clarté vint à luire dans toute cette obscurité pour modifier l’opinion.
Il y a là des objections qui méritent d’être discutées.
C’est ce qu’a bien compris le parquet qui tout en inculpant Riou d’assassinat n’a pas voulu le mettre en état d’arrestation sur des dépostions dont plus d’une pourrait être due à l’imagination populaire et a besoin d’être contrôlée ;
M. Glaberke, commissaire de police de la brigade mobile, qui a quitté l’île de Batz mardi en même temps que le parquet, va poursuivre l’enquête du côté de Douarnenez.
Le passé de Riou
Louis Riou est né à Poullan près de Douarnenez. il est âgé de 45 ans. il a servi dans la marine de guerre pendant 13 ans et en est sorti comme quartier maitre canonnier de 1ère classe à la suite d’un léger défaut de l’ouïe. il a pris part, à bord du Vauban, à l’expédition de Chine, dont il possède la médaille commémorative. depuis onze ans, il est gardien de feu à l’île de Batz.
Riou s’était marié en première noces à Marianne Mocaër, née à Cast, près de Quéménéven, le 7 mai 1866, trois enfants sont né de cette union.
le gardien attribue la lettre de dénonciation adressée au parquet à une vengeance. »
Un article paru au même moment dans la dépêche de Brest est nettement plus modéré dans son jugement Le reporter de la dépêche a interviewé le gardien Riou et a eu les renseignements suivant
« le 30 mars dernier, en quittant mon service à minuit, j’ai constaté, en rentrant chez moi, qu’elle n’était pas couchée. je me suis informé de la cause de son absence près de mon père, qui n’a pu me renseigner. apres l’avoir vainement cherché dans la cour ; puis m’être assuré que le fanal qui nous servait lorsque nous avions à relever nos filets n’était plus à sa place, j’ai pensé qu’elle l’avait pris pour aller retirer ceux que j’avais tendus. mon père et moi nous nous sommes dirigés vers « Aod ar Feunteun » en l’appelant et avons même réveillé un voisin M ; Moncus, qui nous a déclaré ne l’avoir pas vue.
Supposant qu’elle avait pu retourner au phare par une autre route, et ne voulant pas laisser les enfants plus longtemps seuls, nous sommes rentrés. ma femme n’était toujours pas là. Pressentant un accident nous avons passé, mon père et moi, le reste de la nuit à pleurer. vers quatre heures et demie du matin, en compagnie de Moncus, je me suis livré à de nouvelle recherches, mais sans obtenir de résultat. c’est peu après mon retour à la maison vers 6h30, que Moncus m’a appelé pour m’informer qu’il venait de retirer de l’eau le cadavre de ma femme. L’enquête a permis d’établir que la mort était accidentelle »
Par ailleur le SHOM nous indique que la marée était basse à 0h46 le 31 mars 1911 avec un coefficient de 104 pour la pleine mer du matin suivant
Aucune preuves ne pouvant être retenu contre le gardien Riou, et la suspicion de meurtre n’étant pas flagrante ,un non lieu est prononcé. L’histoire ne dit pas si il est resté par la suite gardien au phare de l’île de Batz.
Si un de mes lecteurs a d’autre élément sur l’affaire Riou je serai curieux de les lire et heureux de les publier.
Saint-Malo un dundée pris dans la tempête se jette au plein près du môle
Le capitaine était à terre. Sauvetage difficile de deux jeunes marins restés à bord
La tempête signalée par l’Ouest –Éclair devait croitre en violence au cours de la soirée pour atteindre son plus fort au cours de la nuit.
Il n’y a pas de morts à déplorer, mais un navire gît en ce moment ensablé à quelques mètres du môle, en attendant que les assauts des prochaines marées si les vents de sud-ouest restent aussi violents, ne le projettent contre le mur du môle où il achèvera de se briser.
Voici comment cet accident de mer s’est produit. Le voilier Triton, dundée de 69 tonneaux, 12 de jauge brut, faisait le cabotage entre les côtes anglaises et françaises avait été surpris par le mauvais temps en Manche, alors qu’il se rendait de Shoreham au Légué, avec un chargement de pitch.
Le capitaine Daniel, inscrit à Paimpol, domicilié à Kerity, qui commandait le dundée, se trouvant en vue de Saint-Malo jugea prudent de relâcher et vint mouiller en rade. Il y avait, y compris le capitaine, cinq hommes à bord, la plupart du pays. Le capitaine Daniel s’empressa de venir à Saint6malo. Un des marins qui habite St-Servan suivit son exemple, ce qui amena le novice du dundée, le jeune Célestin Janu, habitant au Moulin Blanc à faire de même. Il ne restait donc plus à bord du Triton que deux marins, le matelot Gouarin de la Brouctière en Cancale, et le mousse Marcel Baron, dont les parents habitent rue Saint-Benoit à Saint-Malo.
La journée du jeudi avait été assez calme, mais le lendemain il était manifeste que la tempête allait reprendre.
Le capitaine Daniel ne parut pas s’en douter. Le remorqueur du port passant dans l’après midi près du dundée s’enquit à bord s’il voulait être remorqué dans le port de marée où il eut été complètement à l’abri, mais comme nous le disons plus haut, il n’y avait que deux jeunes marins sur le navire et il ne leur appartenait pas de prendre une décision pour faire entre le triton au port. Le remorqueur dut donc entrer à Saint-Malo.
Une scène émouvante
Cependant, les vents de sud-ouest continuaient de souffler avec une intensité croissante et vers 7 heures du soir, on put voir du môle, le Triton qui commençait à chasser sur ses ancres ; A ce moment, le capitaine Daniel pouvait encore demander le remorqueur qui l’eût amené en lieu sur, mais le capitaine du Triton ignorait ce qui se passait.
Les deux marins restés à bord, Gouarin et Baron, vécurent alors deux heures tragiques ; ils virent le dundée à bord duquel ils étaient, impuissants, poussé par les vents vers les rochers qui sont situés entre Pouilloux et le môles.
Le Sauvetage
Le navire franchit même ces rochers se faisant une déchirure assez large à la coque. Par bonheur, la mer baissait. D’ailleurs, la position critique du navire avait été aperçue du môle par les marins du port. L’un de ces derniers. M. Le Naour, embarqué sur le remorqueur savait qu’il y avait deux matelots à bord. D’accord avec un autre batelier. M. Hippolyte Giot, il résolut d’aller les sauver.
Il ne fallait pas songer à mettre un doris à la mer à la cale de Dinan, la frêle embarcation n’aurait pi doubler le môle, le doris fut donc chargé sur une charrette et transporté sur la grève de Bon secours, où MM. Le Naour Giot et Kercus embarquèrent aussitôt.
Le Doris put joindre le Triton, non sans difficultés, mais alors le matelot Gouarin et le mousse Baron se refusèrent à quitter le navire ne voulant pas, disaient-ils, abandonner leur poste. Il fallut leur démonter que leur présence à bord était devenue inutile, puisqu’ils ne pouvaient à eux deux manœuvrer le dundée et que d’autre part, ils couraient le risque d’être noyés à mer montante.
Le matelot et le mousse se rendirent à ces raisons et embarquèrent sur le Doris qui les ramena près de la porte St-Pierre, où le jeune Baron trouva sa mère.
Les deux marins étaient sauvés grâce à l’intervention rapide de MM ; Le Naour et Giot mais qu’allait devenir le Triton ?
Ce n’était déjà plus guère qu’une épave. A mer montante, la tempête faisant toujours rage, les vents allaient le jeter sur la petite grève située entre le môle et la Hollande presqu’à l’angle du bastion ST-Philippe, et la naissance du môle, il se couchait sur le flanc, s’ensablant assez profondément, parallèlement au môle. Dans la tourmente, le pont a été complètement rasé, et ce matin samedi à mer basse, on voyait un peu partout des débris de planches seuls les mâts continuaient à tenir.
Dans la matinée, on allait s’occuper à sauver du navire ce qui pouvait etre sauvé, notamment la voilure, le matériel du bord et la corne.
L’armateur du Triton, M. Briand, actuellement à Pleubian dans les côtes du Nord, prévenu dès ce matin de la perte de son navire, est arrivé dans la soirée à St-Malo. Le triton, immatriculé à Tréguier avait été construit en 1919, à ST Malo. C’était donc un navire solide. De fait, à la marée de ce soir samedi, il a tenu bon contre les vagues qui, pendant près de heures le submergeaient presque complètement.
Une foule considérable de curieux étaient massés sur les remparts aux abords de la hollande, pour jouir du spectacle de la mer en furie s’acharnant sur ce qui n’est plus qu’une épave.
Ouest éclair édition de Rennes du 25 novembre 1928
Le 27 novembre on apprend par le même journal que le commissaire de l’inscription maritime dépêche une enquête et interroge l’ensemble de l’équipage à l’exclusion du capitaine Daniel qui avait quitté Saint-Malo ;
Le 15 décembre le chargement de charbon est entièrement évacué de l’épave qui se disloque de plus en plus
En 1929, MM. Le Naour et Giot reçoive chacun un prix pour le sauvetage de 350 frs. Et Kergus 300 frs : Le 23 novembre 1928, à St Malo, vers 21 heures, par tempête et nuit noire ont amené un doris par des moyens de fortune et se sont porté au secours de deux hommes du dundée Triton mouillé à 300 mètres environs de terre. Vingt minutes après les deux hommes étaient retirés de leur position critique et ramené à Terre. Durant se sauvetage, les trois canotiers ont dû manœuvrer habilement pour ne pas chavirer et accoster le voilier la mer étant démontée.
L’épave ensablée restera en place plusieurs années et était à basse mer un espace de jeux pour les enfants fréquentant cette plage de Saint-Malo. Nous ne savons pas si le capitaine Daniel a été jugé par le tribunal maritime pour manque de prévoyance ayant provoqué le naufrage du Triton
Ploumanac’h Côtes du Nord
Reçu aujourd’hui, le 13 décembre 1933, vers 9 heures, un message téléphonique de M. Le Guyader membre du Comité du canot de sauvetage de Perros-Guirec, nous prévenant que le bateau mixte le Faucon, immatriculé à Lannion, jaugeant 7 tonnes, patron Denis Yves, était rentré à Perros-Guirec, vers 4 heures du matin, presque désemparé, la voilure déchirée et sans essence, avec un seul homme à bord.
Cet homme déclara, lorsqu’il put aborder, qu’il avait perdu son annexe, un youyou monté par trois hommes alors que, pris par une forte tempête d’est avec vent glacial, les hommes relevaient leurs lignes de fond à un demi mille environ dans le Sud-est de l’île Rouzic (archipel des Sept Iles), vers 18 heures.
Seul à son bord, malgré la violente tempête, cet homme continua à rechercher ses camarades jusqu’à environ 2 heures du matin, par temps très bouché à cette heure.
Épuisé, incapable de lutter contre les éléments, il décida de faire route sur le port de Perros-Guirec où il aborda à 4 heures, les voiles déchirées.
A la réception de ce message, pensant que les trois hommes se trouvaient depuis la veille dans une frêle embarcation sur une mer déchainée ou sur un des îlots des parages, grelottant, sans vivres, nous donnions ordre de lancer immédiatement le canot de sauvetage à moteurs Félix-William Spiers avec mission de se diriger vers le lieu indiqué ci-dessus et de contourner au besoin tous les îlots environnants.
En quelques minutes malgré la mer démontée, la manœuvre fut exécutée de façon parfaite (le canot de sauvetage a été lancé face au N-E. d’où soufflait la tempête).
Dès la mise à la mer, le patron Geffroy mit le cap sur la pointe Est de Rouzic. A quelques encablures de l’île, il aperçut un signal au mât de signaux du phare, mais qu’il ne put distinguer. Il s’approcha et remarqua que c’était un pavillon français, ce qui voilait dire que les hommes se trouvaient à l’île aux Moines.
En effet, ces hommes, après avoir cassé leurs avirons, avaient réussi, dans la nuit, ils ne savent pas trop comment, à atteindre l’île aux Moines.
Le patron Geffroy les ramena, vers 13 heures, au port de Ploumanac’h où leurs familles anxieuses les attendaient.
Malgré la violente tempête qui n’a cessé de souffler, le Félix-William Spiers s’est parfaitement comporté, les hommes sont revenus, transis de froid, grelottant, mais avec un moral excellent.
L’état de la mer ne permettent pas la rentrée du canot de sauvetage à l’abri, nous le conservons toujours à flot dans le port ou dans l’avant-port de Ploumanac’h, prêt à toute éventualité.
Le maitre principal pilote
Président du comité de sauvetage
Le Pierrès
Annales du sauvetage maritime du second semestre 1933
Commentaires :
Depuis 1932 la station de Ploumanac’h est équipé d’un canot de sauvetage à moteur le Félix-William Spiers, précédemment à la station du Palais à Belle-Île . Pendant la guerre en préparant un voyage vers l’Angleterre le bateau de sauvetage prend feu lors de la vérification du niveau d’essence dans les réservoirs et l’abri du canot est détruit par les allemands , au lendemain de la guerre l’abris et reconstruit et en 1949 un nouveau canot de sauvetage est baptisé Aimé-Hilda, déclassé en 1975 ce canot de sauvetage à été superbement restauré et remis dans son état d’origine et navigue toujours grâce à l’association Aimé Hilda
Liens:
Bateau de pêches de Perros Archives départementales des
côtes d’Armor (Travail de collectage de Guy Prigent)
En Mer – Hier matin[28 mai 1893], le bateau-pilote de notre station n°2, patron Duros, était sorti en croisière au large, monté par le patron et un homme d’équipage. Vers dix heures, Duros embarquait sur le steamer Parisien, qui allait à Brest, et laissait son bateau sous la garde de son matelot Menut François-Marie ; celui-ci, tout en faisant route à la voile pour regagner notre port, se mit à pêcher des maquereaux, à trois milles de l’îles Vierge. Tout à coup, la voile du bateau vint à changer. Menut, qui était debout à l’arrière, fut frappé à l’épaule par le gui de la grand’ voile et jeté à la mer. Le bateau continuait sa route, sans personne à bord. Menut, excellent nageur, nagea vigoureusement afin de le rejoindre.
Vains efforts ! Le bateau, poussé par une jolie brise, gagne sur lui. Menut ne se décourage pas ; il fait la planche, enlève ses bas, qu’il met dans sa poche de son pantalon, et sa vareuse de laine, qu’il jette sur son épaule, et d’une main il agite son suroit au-dessus de l’eau.
Un bateau de pêche de Plouguerneau qui se trouvait heureusement non loin de là, l’aperçut et à toutes voiles se dirigea de son coté ; Menut fut ainsi recueilli et reconduit à bord de son bateau, qui était déjà à une certaine distance.
Il était temps pour Menut qu’on vint à son secours ; il était à bout de forces, car il nageait, car il nageait depuis trois quarts d’heure. S’il avait eu moins de sang-froid, nous aurions eu un malheur de plus à déplorer. Menut est marié et père de neuf enfants.
Dépêche de Brest du 31 mai 1893
Commentaire :
Tous les marins ne savaient pas nager, mais certains nageaient bien, et les sauvetages effectués à la nage sont assez courant. Les cours du soir pour les marins-pêcheurs, l’organisation des Abris du marin encourageaient les jeunes mousse à apprendre à nager
Le 02 octobre peu avant une heure du matin, un trois-mâts de Granville, l’Yvette, venant de Camaret, où il avait relâché, a touché sur le plateau de la Grande Vinotière, en face du port du Conquet. Des vois d’eau se sont déclarées : l’équipage a mis à la mer trois doris et a essayé de remorquer le navire dans la baie des Blancs6sablons . trois hommes , dont le second du bord, ont débarqué dans la baie, pour chercher un secours possible. Le capitaine est allé vainement jusqu’à Ploumoguer demander assistance. De la grande Vinotière, le bateau est allé s’échouer, vers cinq heures du matin, sur la petite grève qui se trouve entre Ilien et Portsmoguer. L’Yvette est un navire de 400 tonneaux environ, chargé de 80 000 morues et ayant un équipage de 24 hommes. On espère que le bateau pourra être renfloué. L’administrateur du Conquet M. De Casanove, est allé sur les lieux pour enquêter, in n’y a pas d’accident de personne.
Dépêche de Brest du 04 octobre 1909
Le canot de sauvetage du Conquet est intervenu, en voici le rapport de sortie daté du 03 octobre
Hier matin, vers 5 heures, le patron Goaster fut prévenu par le gardien de phare de la pointe de Kermorvan qu’un doris contenant trois hommes venait d’accoster à la petite grève de Pors Pabu.
Ces hommes déclarèrent que vers minuit un trois-mâts morutier du port de Granville avait touché sur la Vinotière. C’était le trois-mâts Yvette, monté par 24 hommes d’équipage, venant de Saint6pierre et Miquelon avec son plein chargement de morues.
Le capitaine, aussitôt après avoir touché, s’aperçut que le gouvernail était démonté et que son navire faisait beaucoup d’eau par l’arrière. Il essaya de gagner la côte, mais ne gouvernant plus, il ne put atteindre que la Pointe de Brenterc’h où il toucha sur les rochers. Ce naufrage est dû à la brume.
Comme il faisait calme plat, le bateau fut drossé par le courant, très fort e, en raison de la grande marée.
Le canot de sauvetage fut mis sans difficulté à l’eau et se dirigea vers le lieu du sinistre. Il trouva le long du bord un autre doris contenant trois hommes. Le reste de l’équipage avait gagné la terre avec ses bagages. Seul, le capitaine était resté à bord jusqu’au moment où le trois-mâts a coulé.
L’équipage, moins trois hommes et le capitaine qui s’étaient dirigés vers le sémaphore de Corsen, fut ramené au Conquet par notre canot de sauvetage, qui rentra dans le port vers 8h30 du matin.
Il y a lieu de féliciter l’équipage du canot de sauvetage pour cette sortie qui a été effectuée avec la plus grande discipline et le plus grand calme.
Le secrétaire du Comité local
Docteur Péthiot
Armement du canot de sauvetage « Mallat Desmortier » : Le Goaster Pierre, patron ; le Goaster Jean, Le Goaster Joseph, Frédéric, Cuillandre, Roudaut, Grovel Lucas, Riou Thomas, Riou Jacques et Miniou canotiers
Annales du sauvetage maritime du 4ème trimestre 1909
Mais, le navire est en fâcheuse position sur les rochers de la pointe du Brenterc’h, et quelques jours plus tard un coup de vent se produit.
L’Yvette démontée par la tempête.
Nous avons raconté, dans notre numéro du 4 octobre, le naufrage du trois-mâts morutier Yvette, de Granville qui a fait côte près de la pointe Corsen, en face du Conquet ; ce navire allait de Camaret à Fécamp avec un chargement de 80 000 morues.
Le navire a essuyé les bourrasques qui durent depuis plusieurs jours et les vagues l’on démoli complètement.
En raison de l’état de la mer, il a été impossible de sauver la cargaison, qui va être emportée par la mer et disséminée sur les grèves. On prend des mesures en conséquence.
Dépêche de Brest du 11 octobre 1909
Rapport du canot de sauvetage
Commentaires :
Après une campagne de 5 mois, sur les bancs de terre-neuve, et un retour en trois semaines le plus dur est des fois l’atterrage sur les côtes françaises, on dénombres plusieurs naufrages
Le 02 octobre 1909 nous sommes en vives eaux la basse mer du Conquet est à 0h45 et la pleine mer à 6h34 avec un coefficient de 112, le courant de flot se sépare sur le plateau de rocher de la Grande Vinotière, une tourelle de 18m avec un feu fixe blanc y est établie depuis 1898. Malgré cela par petit temps et brume le terre-neuvier n’a pas pu s’en éloigner et Yvette talonne donc à proximité de la basse-mer,
Liens :
Blog de Jean-Pierre Clochon sur l’ histoire du Conquet article sur
la Grande Vinotière
Un sloop disparaît corps et biens au cours d’une soudaine bourrasque à cinq milles de la côte
Deux frères, l’un patron du canot de sauvetage Georges Bréant et l’autre canotier meurent en laissant deux veuves dans le plus complet dénuement
Un drame de la mer, particulièrement est survenu dimanche[18 mai 1930] à proximité de Brignogan.
Deux hommes, unanimement aimés de la population, courageux et travailleurs sont disparus en mer avec leur bateau, corps et biens. Deux familles et six petits enfants sont brutalement plongés dans la tristesse.
Dimanche matin vers 8 heures ; M. Yves Pont, 43 ans, patron du canot de sauvetage Georges Bréant, de la station de Pontusval, en Brignogan, quittait le port dans le sloop Marie, dont il est à la fois le propriétaire et le patron pour aller relever ses casiers. Il était accompagné de son frère M ; François-marie Pont matelot.
La mer était assez forte ; cependant ; il ne semblait pas y avoir le moindre danger à s’éloigner du port. Les casiers se trouvaient à cinq milles à l’ouest de Pontusval. Le vent soufflait Ouest-nord-ouest.
Le drame
Le sloop Marie n’était pas seul au large. D’autre barques étaient venues dans les environs, ou s’y trouaient encore.
Yves Pont et son frère avaient accompli leur travail. Cela, on en est certain.
Tout à coup entre 11 heures et midi, un grain d’une extrême violence s’abattit au large. La houle se creusa dangereusement. Dès lors, la Marie était sur le chemin du retour, avec quatre ris à sa voilure.
De la côte, on ne soupçonnait pas le drame qui allait se dérouler. Le grain avait perdu de son intensité, en abordant la terre.
A deux milles par l’avant de la Marie se trouvait un autre sloop les Moccos, patron Yves Broudin qui, lui aussi se hâtait de rentre à sa base.
Vers 11h45, à peine à trois milles de terre, M. Yves Broudin remarqua tout à coup que la barque des frères Pont n’était plus en vue. Inquiet, faisant courageusement front à la tempête, il fit demi-tour. Certain qu’un malheur venait d’arriver, il croisa longtemps, malgré le danger que cette opération comportait, sur les lieux de la disparition. Il ne put découvrir le plus léger indice susceptible d’expliquer un naufrage si soudain.
Gagner le port au plus vite et donner l’alarme, seule solution possible. Le patron Broudin abandonna donc les recherches sans espoir.
Aussitôt arrivé à Brignogan, il alerta le sous-patron du canot de sauvetage, M. François Favé, beau-frère du propriétaire de la Marie.
A 13 heures. Le Georges Bréant était mis à la mer. Sous les ordres de M. François Favé, embarquaient MM Jean-Marie et Jean-Baptiste Favé (également beaux-frères de M.Pont), Jean-marie Hellegoët, Jean-marie corfa, Jean-Louis Fallaun, Jean-Marie Premel, tous canotiers réguliers ; MM Joseph Pont (Cousin germain des victimes) Jean-Marie Henri Euzan (fonctionnaire des PTT) et Eugène le Guen, tous volontaire.
Recherches vaines
Le départ du Georges Bréant fut émouvant. La nouvelle du nafrage de la marie s’étant aussitôt répandue dans le pays.
Mise en éveil, mme François-marie pont, qui habite une petite ferme à proximité du hangar du canot de sauvetage, apprit fortuitement le tragique événement. Folle de douleur, elle se précipita pour assister au départ des courageux sauveteurs.
Debout sur la cale, la malheureuse criait dans le vent : « François ! François ! Tu es là, dans la mer « .
Il fallut la ramener chez elle, brisée, anéantie. Depuis elle ne cesse d’appeler le disparu…
Par très grosse mer, le Georges Bréant, jusqu’à 17 heures, croisa sur les lieux de la disparition ; ses recherches, comme celles entreprises quelques heures plus tôt par le Moccos, furent absolument vaines. Rien, pas la moindre petite épave. Pas un corps…
Force fut de revenir au port. Tout espoir semble devoir être dès lors abandonné.
Hypothèses
Comment expliquer un naufrage aussi brutal ?
La Marie, dit M ; Le Bihan, le très dévoué syndic des gens de mer et président du comité local de la société de secours aux naufragés, était en excellent état. Mais là-bas, il y a des courants extrêmement violents. Il est très possible qu’une lame sourde ait fait chavirer le bateau en une seconde. Cette hypothèse parait être la plus acceptable. Il en reste une autre : M Pont naviguait vent arrière. Il avait, dit on pris quatre ris dans sa toile ; mais le vent était si violent que malgré cela, sous la poussée d’une rafale, la marie a pu véritablement «piquer une tête » dans une vague ». On ne peut croire que M ;Yves Pont ait pu faire une faute de manœuvre. Cet homme était connu comme l’un des meilleurs marins des environs.
Devenu, ainsi que nous le disions plus haut patron du canot de sauvetage ce qui atteste sa valeur, il comptait 26 ans de navigation ?; pendant la guerre, il patrouilla les mers comme chef de quart sur des chalutiers chasseurs de sous-marins. Ce drame est bien dû à la fatalité.
Une immense douleur, et une misère à secourir
Mme François-Marie Pont, plongée dans le plus complet abattement, pleurait hier, soutenue par une pauvre vieille maman qui, d’un coup, vient de perdre ses deux fils… a coté d’elle, un enfant de trois ans qui ne peut pas comprendre les malheur qui frappe son toit.
Plus tragique encore la situation de Mme Yves Pont ; autour d’elle dans le foyer désert, cinq enfants ; Un sixième à venir bientôt, et pas d’argent. C’est la ruine totale.
M. Yves Pont, homme sobre, travailleur courageux, avait acheté à crédit sa petite barque de quatre tonneaux, ses agrès et ses fournitures. Faute de revenus suffisants, il n’avait pu assurer la Marie.
Tout est perdu. De plus, si les corps des malheureux marins ne sont pas retrouvés, ni l’épave, la petite pension de veuve de marin-pêcheur ne sera peut-être pas versée à la pauvre maman que dans dix-huit mois, faute de témoignage formel permettent d’établir la « déclaration constante de décès » En attendant, elle ne recevra qu’un secours minime.
Une souscription est ouverte à la Dépêche de Brest pour venir en aide à tout ces petits enfants, dont l’ainé n’a que dix ans .
Patron du canot de sauvetage, M. Yves Pont n’a jamais hésité à risquer sa vie pour sauver ceux qui se trouvaient en détresse. Il était à un poste d’honneur. Ses petits ont droits qu’on se souvienne.
Avant de partir pour la pêche, François-Marie Pont avait réveillé sa petite fille pour l’embrasser. Jamais il n’agissait ainsi. Ce fut comme un obscur pressentiment dans son cœur de père et de marin.
P-M Lannou
Dépêche de Brest du 20 mai 1930
Morlaix
Ce matin [8 aout 1891] , vers one heure, le nommé Lavalou Pierre, Cultivateur, demeurant à Coat-Forn, en la commune de Lanmeur, passait sur le quai de Tréguier, monté sur une charrette attelée de deux jeunes chevaux et chargée de froment. Arrivé près des magasins de Mme Morilleau, son fils, le conducteur de la charrette, voulut se garer d’un camion qui venait en sens inverse et modifia la direction de son attelage. Que s’est il alors passé ? Est-ce un coup de guide donné maladroitement ? les chevaux ont-ils été effrayés ? C’est ce qui est le plus probable . toujours est il que le cul de la charrette est venu heurter le garde-corps qui a cédé sous la pression et, en un instant, Lavalou, ses chevaux et la charrette ont été précipités dans le bassin.
Le sieur Prigent François, âgé de 29 ans, patron de la barque l’Etoile du Matin, de l’île de Batz, qui avait été témoin de l’accident, s’est bravement porté au secours de Lavalou, qui se trouvait engagé sous la charrette et qu’il a sauvé d’une mort horrible. Lavalou, en se débattant, avait saisi Prigent par les jambes et paralysait les efforts de son sauveur, qu’il allait entrainer avec lui au fond du bassin, quand le canot de l’Etoile du Matin est survenu à temps. Aussitôt, bien qu’épuisé, Prigent a plongé à trois reprises coupant avec son couteau le harnachement des chevaux. Ces derniers, libres enfin, se sont livrés dans le bassin à une folle natation, s’approchant par moments du bord qu’ils fuyaient ensuite, effrayé sans doute par les cris des personnes qui cherchaient à leur porter secours.
Finalement, un des chevaux s’est laissé saisir près de la maison Baron et a été ramené, complètement épuisé, au moyen d’une gaffe, à la cale du quai de Tréguier. L’autre cheval, qui s’abstenait à rester au large, n’a dû son salut qu’au nommé Le bail Jean-François Marie, quartier-maitre canonnier, demeurant à la Fôret, en Plouégat-Guerrand, qui s’est jeté à la nage et a pu le ramener, non sans peine, à la cale de la venelle de La roche, quai de Léon.
Cet émouvant sauvetage avait attiré sur les deux quais une foule énorme, qui a vivement félicité Prigent du courage de la hardiesse et du sang-froid dont il a fait preuve. Sans son dévouement, il est certain que Lavalou et ses deux chevaux mouraient noyés. Le gendarme maritime, qui se trouvait présent, a inviter Prigent à se rendre au commissariat de marine, et nous savons que le courageux sauveteur va être l’objet d’un rapport spécial, après enquête qui s’est faite aujourd’hui ; une récompense est due à Prigent, et nous avons le ferme espoir qu’il ne l’attendra pas longtemps.
La présence à Morlaix de navire de fort tonnage empêche de vider le bassin et de repêcher la charrette. Quand au chargement, estimé environ 400 fr. , il est complètement avarié. C’est une grosse perte pour Lavalou, mais il doit s’estimer heureux d’en être quitte à si bon compte.
Vers conq heures, un ancien marin, nommé Guernigou, dans le but de reconnaitre la position de la charrette, s’est jeté à l’eau du coté opposé, ce qu’on ne peut expliquer que par l’état d’ébriété dans lequel il se trouvait. Ses forces n’ont pas tardé à le trahir et il allait disparaitre, quand il a pu saisir une perche qu’on lui tendait. Guernigou en sera donc quitte pour un bain un peu prolongé. Mais que diable allait-il faire dans le bassin ?
Dépêche de Brest du 9 aout 1891
Une dizaine de jours plus tard
Bassin vidé
Ce n’est que ce matin que le bureau du port a pu procéder au sauvetage de la charrette et des marchandises de Lavalou, tombées dans le bassin, le 8 courant, Cette opération avait attiré sur le quai de Tréguier de nombreux curieux.
La charrette n’(avait pas d’avarie ; mais les sacs de froment étaient en piteux état, Ils sont complètement perdus et ne pourront servir qu’à engraisser la volaille où les compagnons de Saint-Antoine.
Dépêche de Brest du 18 aout 1891
Le Trovoada
L’épopée de la pêche islandaise de Paimpol commence en 1852 par la première campagne à Islande au départ de Paimpol d’un navire nommée l’Occasion. Mais ce navire avant de pêcher de la morue dans les eaux froides de l’Islande a eu un passé singulier.
Le certificat suivant l’atteste ::
« Monsieur Louis Morand demeurant en la ville de Paimpol a dit et affirmé par serment que le navire « l’Occasion » appartenant au port de Paimpol et jaugeant 94 tonneaux 35 centièmes… nommé précédemment « le Trovoada » provenant de prise brésilienne, opérée par le brick-aviso de l’État « le papillon » le 18 juin 1846 ; la dite prise déclarée valable par l’ordonnance du 23 novembre 1847 après avis du Conseil d’tat et mise en adjudication à Brest le 18 décembre 1848.. en vertu de laquelle il est devenu … propriétaire unique. »
Revenons sur la prise du Trovoada Quelles sont les circonstances qui ont portées la marine Française à capturer ce navire brésilien.
La traite des noirs, cet odieux commerce, a été dès 1807 condamné par l’Angleterre devenue abolitionniste. Sous la restauration la France rejoint l’Angleterre sur ce point et Louis XVIII interdit la traite en 1818 mais reste partisan de mesures progressives. La France adopte une attitude de façade, mais n’engage pas de moyens pour réprimer la traite. De nombreux armements français en particulier de Nantes continuent ce « commerce » illicite Des conflits avec le Royaume Unis apparaissent sur les droits de visites des navires. Chaque nation ne pouvant en théorie contrôler que les navires naviguant sous son pavillon.
C’est seulement à partir des années 1840 que la France met en place une flotte importante avec des instructions claires pour réprimer la traite entre les côtes d’Afrique et l’Amérique du Sud. A cette époque la traite interlope n’existe quasiment plus en France, par contre elle reste pratiqué par d’autres pays, au rang desquels se trouve, le Danemark, La Sardaigne, Le Portugal ou le Brésil.
Un grand marin, Édouard Bouët-Willaumez envoyé pour différentes missions sur les côtes d’Afrique à partir de 1834, il devient gouverneur du Sénégal de 1842 et 1845 Il est embarqué à bord de la frégate Pénélope comme commandant des quatorze bâtiments de la division navale des côtes occidentales d'Afrique de 1848 à 1850. Il est le héro français de la répression de la traite des noirs.
En 1846, une frégate, des corvettes, des bricks, des goélettes et quelques petites unités à vapeurs composent la flotte de la division navale d’Afrique. Pour les bricks aviso et goélette aviso, la recherche de vitesse est manifeste, les formes sont fines, le maitre couple est en V profond, la voilure est généreuse. Ils sont bien proche des navires négriers interlopes, les chassés et les chasseurs se ressemblent.
« Le papillon, de 20 canons est armé à Rochefort […], il appareille de ce port pour rallier les côtes d’Afrique le 11 janvier 1846, il touche l’île de Gorée(Dakar) le 23 février et en repart le 17 avril. Le 22 mai, il est dans les parages de St Paul de Luanda (Angola], point extrême de sa croisière »
Le Brésil est en 1846, bien qu’ayant une loi interdisant la traite depuis 1830, pratique la traite à une très grande échelle. Un rapport de la marine Française publié dans les Annales Maritime et coloniale de 1849 indique qu’en 1847 155 000 esclaves ont été importé d’Afrique, 55 000 pour Rio de Janeiro, 50 000 à Bahia, 20 000 à Pernambouc et à Pararibo, 20 000 à Saint Paul et 10 000 à Rio Grande du sud.
Ce trafic est pratiqué par un nombre estimé de 150 navires transportant de 350 à 400 noirs et même 1000 pour des navires à vapeur. Ces navires sont armés par des grosses compagnie, la compagnie Ramos en possède 30.
« Ce sont, en général, des navires élégamment construits et solidement gréés, parmi lesquels figurent même depuis quelque temps un certain nombre de bateaux à vapeur »
L’Occasion :
« La Trovoada, brick-goélette, brésilienne, arrêtée le 18 juin (1846) non loin du cap Padron (Congo), après une chasse qui a duré plusieurs heures, par le brick-aviso le Papillon, commandé par M. Gressien, capitaine de corvette. La Trovoada est arrivée à Brest le 17 septembre dernier. »
Le Trovoada n’a pas d’esclaves à bord, mais il est suspect les papier du bord ne sont pas à jour, et l’équipage est nettement plus nombreux que sur le rôle d’équipage, lors de la poursuite des armes ont été jetées par-dessus bord. Il est donc arraisonné pour piraterie.
Le brick goélette Trovoada est ramené au Cap Padron le 24 juin, et expédié à l’île de Gorée le 24 juin avec un équipage de prise et par pour Brest le 29 juin ou il arrive seulement le 17 septembre.
Le capitaine du Trovoada le brésilien Cardoza da Silva protesta le 15 janvier 1847 contre la prise de son navire, le capitaine et l’équipage ne semble pas avoir été fait prisonnier
Le 26 mars 1847, le sort du navire passe devant la Commission des prises qui déclare « le fait de piraterie imputé au dit navire Le trovoada n’existe pas et … dès lors la prise de ce navire ne saurait être déclarée valable ».. Mais cette décision est cassée par le Conseil d’état le 23 novembre 1847 « Considérant … que le navire … était armé et qu’en outre le rôle d’équipage portait un nombre inférieur à celui des hommes dont la présence a été constatée au moment de l’arrestation »
Conservé à Brest par la marine, le navire est mis en adjudication le 18 décembre 1848, cela fait 2 ans et demi qu’il a été arraisonné, il ne doit pas être en bon état et a certainement pas été vendu cher. D’autre sources indique que ce brick-goélette a été construit en 1843 en Norvège, cela peut paraitre étonnant, la Norvège n’ayant pas une tradition négrière contrairement au Danemark. Louis Morand armateur à Paimpol l’achète et le renomme Occasion et l’arme au cabotage de 1849 à 1851
Louis Morand, est instruit par M Faudacq (le père du peintre) alors capitaine des douanes à Dunkerque, sur l’intérêt de la pêche à la morue sur les côtes islandaises. Cette pêche est régulièrement pratiqué par les pêcheurs de Dunkerque.
Cet armateur prend l’initiative d’armer le Brick Goélette Occasion pour la pêche à Islande sous le commandement d’un capitaine dunkerquois qui formera l’équipage local au technique de pêche en dérive. C’est en 1852 le premier navire de Paimpol armé pour Islande, et commence cette épopée.
On apprend sur le site du musée mémoire d’Islande
Pour cette campagne de 1852, l’équipage de 15 hommes est le suivant :
François Druel, capitaine de Dunkerque
Jean-Marie Caous second de Ploubazlanec
Pierre Floury, lieutenant de Ploubazlanec
Hervé Poirier, saleur de Paimpol
Yves Thas, décolleur. De Paimpol
Joseph Guillou, décolleur de Ploubazlanec
Augustin Georgelin, matelot habilleur de saint Brieuc
Jacques Pivert, pêcheur de Ploubazlanec
Yves Lidou, pêcheur de Ploubazlanec
René Mâle, pêcheur de Ploubazlanec
Jean Le Roux, pêcheur de Ploubazlanec
Rolland Tanguy, pêcheur de Ploubazlanec
Pierre Quéréel, novice de Ploubazlanec
Jean-Marie Bocher, , novice de Ploubazlanec
François Loguivy, mousse de Ploubazlanec
Cette première campagne est couronnée de succès, partie le 1er avril , elle sera de retour le 23 septembre 1852 en ayant pris 29 577 morues, et en ramenant 21 barriques d’huile.
Pour la seconde campagne en 1853, l’Occasion est sous les ordres du capitaine Caous, et revient le 12 septembre 1853. Elle est accompagnée de l’Argus de 62 tonneaux, avec 16 hommes sous les ordres des capitaines Le Page, puis Hamon. L’Abeille de 61 tonneaux, avec 6 hommes fera office de chasseur.
Suspicion de baraterie
En 1854, L’Occasion repart à Islande sur le commandement du capitaine Caous, on apprend d’après le récit du capitaine Hamon de l’Argus de Paimpol que l’Occasion se perdit en baie de NordFiord le 16 mai 1854 « un ouragan au fond de la baie le fit chasser sur ses ancres et il fit côte où, en peu d’instant, il fut défoncé »
Le canot de l’Argus leur porte secours et son équipage « contribua beaucoup à faire sauver la pêche du navire » L’équipage de l’Occasion et le capitaine Caous rentra en France à bord du navire chasseur le lougre « la jeune Louise » de l’armement Morand.
Le capitaine de Frégate Barlatier-Demas, commandant la corvette à voile de l’État « Expéditive » en station en Islande émet des doutes sur la perte de l’Occasion.
Il écrit dans un rapport pour le ministère de la marine
«20 aout 1854… Dans mon rapport… expédié de Reykiavik par la voie de Liverpool, je rendais compte à votre Excellence [ministre de la marine] de la perte de la goélette de Paimpol « l’Occasion ». Ce navire complètement défoncé et à moitié rempli de sable et de graviers avait été abandonné par son patron et déclaré innavigable par les autorités danoises… J’avais envoyé un officier visiter le bâtiment, bien décidé, au cas où il eut été réparable, à le remettre en état de retourner en France… il est fâcheux que le patron ait fait ainsi complètement abandon de son navire. Il me savait sur la côte et son armateur avait sur place un autre navire qui m’eût rencontré pour peu qu’il m’eût cherché : j’étais alors à réparer les pêcheurs à 6 lieues de là, à Farkenfiord et si j’eusse été prévenu à temps, j’eusse pu au moins sauver la mature, la voilure et tous les objets de quelques valeur »
Dans une autres correspondance datée du 10 octobre
« Je dois appeler l’attention de votre excellence sur la facilité avec laquelle les capitaines et les équipages abandonnent leurs navires. Ces deux bâtiments [La Marie de dunkerque est venue à la côte dans le même coup de vent] ont fait côte dans des baies fermées où il ne peut jamais y avoir de mer de manière à compromettre le salut d’un équipage … Dès qu’un navire est échoué, chacun s’occupe de ses effets… Une fois tout ce qui leur appartient en sécurité, ils ne s’occupent pas le moins du monde des navires qui, pour la plupart du temps, pourraient êtres renfloués par leur propre moyens »
En marge de ce document la note suivante « c’est de la baraterie déguisée sous un autre nom »
La baraterie est une fraude aux assurances, par destruction volontaire d’un navire et fausse déclaration de naufrage. Elle est lourdement condamné.
On peut émettre l’hypothèse suivante : malgré, un beau succès des deux campagnes de pêche à Islande du brick-goélette Occasion, le capitaine Caous , c’est bien aperçu que le navire n’était pas adapté aux tempête de l’atlantique nord, les formes de l’ancien négrier sont certainement trop fines, l’élève t’il bien à la lame, tient il bien la cape, sa mature est certainement trop élancée et que sa perte, en sauvant l’équipage et la pêche pouvait être une bonne chose. Toutefois ce navire différent des caboteurs et des terre-neuviers de l’époque influencera
Une demande d’information est demandé par le ministère de la marine au près de l’inscription maritime de Paimpol pour savoir si le navire était assuré au dessus de sa valeur.Mais, apparemment, l’affaire ne va pas plus loin, et ni le capitaine Caous ni l’armateur Louis Morand ne seront pas inquiété.
L’Occasion restera dans les mémoire comme le premier Islandais de Paimpol et Louis Morand restera dans les mémoire l’armateur pionnier de cette épopée Islandaise et comme maire de Paimpol qui a considérablement développé le port et la ville de Paimpol.
Sources et liens :
L’article d’André Louaver intitulé « à propos de l’Occasion » paru dans les Carnets du Goélo N°11 1995
Musée mémoire d’Islande à Ploubazlanec
annales maritimes et coloniales de 1847
annales maritimes et coloniales de 1849
« La répression de la traite des Noirs au XIXe siècle » Serge Daget
la traite illégale dans l’histoire en images
"Description nautique des côtes occidentales d’Afrique" Bouet Willaumez
"Commerce et traite des noirs aux côtes occidentale d’Afrique" Bouet willaumez
Au printemps 1904, une terrible « affaire » à bord d’une goélette des bancs l’Amélie Julia eut un échos massif dans la presse. Cette affaire fait des gros titres, tous les journaux s’en emparent et font des articles à sensation.
Le 28 février 1904, les gendarmes de cancale arrêtent à Euloge Nouazé et son frère Henry au domicile de ce dernier à St Méloir des Ondes pour le motif suivant violence sur un membre d’ équipage et les déferrent devant le tribunal correctionnel de Saint-Malo. Euloge Nouazé était pour la campagne de 1903 patron de la goélette Saint-Pierraise Amélie Julia et son frère Henry en était le second. Les goélettes St-Pierraise, font parti de ce que appelle à Saint-Malo, l’armement colonial, ce sont des petites goélettes franches qui pêchent sur les bancs de terre-neuve à partir de Saint-Pierre, leurs équipages capitaines compris viennent de Bretagne nord pour la saison, faisant la traversé depuis Saint-Malo sur un grand navire à vapeur. Les morues salée en vert sont déchargée à Saint-Pierre pour être séchées et acheminée vers l’Europe ou les Antilles par des navires à voile dit « chasseurs ». En hivers ses goélettes sont désarmées localement, elle ne font jamais le voyage vers les ports Français
Mais revenons à la dramatique « affaire de l’Amélie-Julia »
Voici le récit qu’en donne le reporter du journal le XIXème siècle dans son numéro du 14 février 1904
Un drame sur un morutier
A bord de l’ »Amélie-Julia » - Un double assassinat en mer – Les deux versions
Nos lecteurs ont appris, par une dépêche de Saint-Malo que nous avions publiée dans nos nouvelles maritimes et coloniales, l’enquête que le parquet de Saint-Malo venait, à la demande du ministre de la marine, d’ouvrir sur la mort du matelot du bateau de pêche l’Amélie-Julia faisant la croisière de Terre-Neuve, M. Édouard Josmin. L’enquête officieuse vient d’être terminée. L’instruction va entrer va entrer dans une phase active. Dans quelques jours, les deux inculpés, les frères Nouazé, seront interrogé par M. Martin, juge d’instruction du parquet de Saint-Malo.
Voici, résumées aussi brièvement que possible les graves accusations portées contre les frères Nouazé :
Mme Deslandes, la sœur de M. Édouard Josmin, accuse le second de l’Amélie-Julia d’avoir tué son frère. L’acte de décès, dressé par le capitaine du bord, M. Nouazé affirmait que la mort était due à une forte attaque de dysenterie. Mais la croisière terminée, les matelots de l’Amélie-Julia, qui venaient de rentrer à Liscorno /(Côtes du Nord), leur pays natal, déclarèrent spontanément au maire de ce village que M. Édouard Josmin avait été tué, dans des circonstances particulièrement atroces, par le second du bord, Henri Nouazé, frère du capitaine.
Le maire avertit la gendarmerie. Mme veuve Josmin, et Mme Deslandes portèrent les faits à la connaissance du ministre de la marine, qui, après une enquête préliminaire, vient de saisir le parquet de Saint-Malo.
Un récit Tragique
Mme ; Deslandes qui demeure rue Lecourbe, a raconté à notre confère Le Matin que M ; Édouard Josmin s’était engagé à bord de l’Amélie-Julia pour étudier sur place les mœurs des « Terre-neuvas » ; le capitaine Nouazé somma à deux reprises M. Josmin de renoncer à son projet de « venir les espionner » ; mais M. Josmin tint bon et partit.
Le drame qui s’est déroulé en mer, et qu’ont rapporté les matelots de l’Amélie-Julia est poignant.
Édouard Josmin, tenu en suspicion par le capitaine et le second, était à chaque instant maltraité et battu, et son état devint tel que ses compagnons décidèrent de le faire évader. Mais un jour qu’il était seul sur le pont, Édouard Josmin fut jeté à la mer par le second. Les matelots sauvèrent le malheureux que le second frappa mortellement d’un coup d’épissoire. Le capitaine fit hisser le corps au sommet du mâts et l’y laissa exposé pendant 24 heures à titre d’exemple.
Ajoutons qu’un autre matelot nommé Gaffrique, succombé aux mauvais traitements que lui ont fait subir les frères Nouazé dont l’atrocité n’a pas de qualificatif.
L’émotion en Bretagne
La mort affreuse des matelots Josmin et Gaffrique a causé dans tout le pays une profonde impression. Depuis Guingamp jusqu’à Paimpol, il n’est bruit que de ces atrocité.
Quatre des anciens matelots de l’Amélie-Julia, Joseph Briant, Christophe Lefèvre, le novice Jouzon et le mousse Labia, qui habitent Lannebert et les villages environnants ont confirmé à un rédacteur du matin le récit de Mme Deslandes.
La nuit le capitaine empêchait Gaffrique et Josmin de se reposer, affirme Jean-Marie Perrin, matelot, de Saint-Benoit des Ondes, lequel, de même que que le Chalouy, 18 ans de Lannebert ; Victor Jouan 18 ans de Guingamp et Prosper Lemarchand, 35 ans, accusent formellement les frères Nouazé d’avoir causé la mort de Gaffrique et Josmin.
Un autre marin de l’Amélie-Julia, Louis Lechalonny, qui fut rapatrié avant la fin de la campagne, a raconté ceci :
« Comme les autres, j’ai été battu et j’ai vu souvent maltraiter Josmin et Gaffrique. Heureusement j’eus la chance d’être admis à l’hôpital de Saint-Pierre et Miquelon vers le milieu de la campagne et d’être proposé pour le rapatriement. Quelques jours avant le départ pour la France. Le capitaine vint à l’hôpital et demanda au médecin de l’autoriser à m’emmener de nouveau à bord. Le médecin s’y refusa et, devant moi lui dit : vous en avez déjà tué deux. Vous feriez encore mourir celui-là. Vous ne le reprendrez pas. » Et je fus rapatrié, termine Louis Lachalonny. C’est moi qui le premier, en arrivant au pays ai raconté ce qui se passait sur l’Amélie-Julia.
Le mousse François Labia, après avoir raconté les souffrances et la mort affreuse de ses deux compagnons, a ajouté :
C’est un miracle que nous-mêmes ayons pu échapper aux deux misérables ! Dans quelques jours, nous reprendrons la mer. Plaise au ciel que nous retombons pas sous la coupe de pareil gredins.
Mme Deslandes s’est constituée partie civile par l’organe de Me Albert Salmon, avocat à la Cour d’appel de Paris. Ce dernier vient de demander au parquet du procureur général que le dossier de l’instruction soit expédié à Paris pour lui être communiqué.
Récits contradictoires
Comme toujours, en pareil cas, les dépositions recueillies par les magistrats furent contradictoires. Tandis que certains des anciens « terre-neuvas » accusent formellement les frères Nouazé d’autres opposent le démenti le plus formel à ces affirmations. D’autres encore. Tout en demeurant favorables à leur capitaine, reconnaissent cependant que les frères Nouazé avaient des habitudes de brutalité.
Le patron battait quelquefois les hommes lorsqu’ils ne voulaient pas travailler, dit Alfred Sort, matelot, demeurant à Paramé.
Eugène Beaulieu prétend n’avoir jamais vu son capitaine frapper Josmin et Gaffrique mais reconnait « qu’il leur donnait parfois des gifles »
Un jeune homme de 19 ans, Bihen déclare que les deux matelots ne sont pas morts de coups reçus mais ajoute : « jamais je ne retournerai faire campagne avec les frères Nouazé »
Quant à ceux-ci, ils nient tous les faits qui leur sont reprochés. Euloge s’indigne et jure qu’il a soigné Gaffrique, qu’il lui adonné des œufs, du lait concentré, et qu’il ne l’a jamais frappé. Henri reconnait que Josmin est tombé à l’eau, mais dit qu’il a été sauvé par lui-même.
Le témoignage du mousse
Le journaliste Louis Fabulet, rencontre le mousse Labia et écrit l’article suivant dans le « Journal des débats politiques et littéraires » du 01 avril 1904
Le drame de Terre-Neuve
On se défie toujours un peu du fait-divers à interviews flambantes, dont les détails semblent grossis pour flatter l’imagination et la curiosité du public. Aussi, lorsque ces jours derniers, me trouvant l’hôte d’un château voisin de Lannebert et de Liscorno, tout au fond des Côtes-du-Nord, je résolus d’aller voir François Labia, le petit mousse de l’Amélie-Julia, j’avoue que je parts l’esprit sceptique et la moue à la lèvre. D’autant plus que personne là-bas, châtelains ni paysans, à pas trois kilomètres, ne savait un mot de l’affaire. […]
Le voici justement. François Labia, qui revient avec sa serpe du champ où il est allé couper des brassées d’ajoncs d’or. Il serait fort joli s’il n’avait l’os du nez écrasé. Sa tête ronde de Breton éclairée de deux grands yeux intelligents et pleins de claire lumière. Il a quinze ans et demi. Je le fais asseoir sur un banc, entre l’ami qui m’a amené en ces parages et moi, dans le logis sombre qu’éclaire en face de nous le visage bon de la grand’mère, de la vieille Bretonne habituée aux duretés de la vie et aux choses de la souffrance et de la mort. Mon ami est un des derniers gentilshommes bretons parlant admirablement la langue celtique, et se trouve, auprès du petit et de la grand’mère, le plus sur des interprètes . […]
Pour en revenir à François Labia, au petit mousse de Liscorno, eh bien ! hélas ! tout est vrai : Josmin et Gaffrique torturés, tué à petit feu ; leur cadavres, qui n’étaient plus que plaies, exposé sur le sel, pendus au grand mât, par ces deux frères, capitaine et second, ces hommes de vingt-cinq anas, ces deux brutes infâmes, qui méritent le pire châtiment. Tout est vrai :le petit François Labia, torturé lui-même pour être venu au secours des autres et avoir pansé leurs blessures avec un courage inouï de la part de cet enfant. Ce nez a été écrasé d’un coup de gaffe. Je prend la jeune tête ronde dans mes mains, et, du pouce j’écarte les cheveux : le crâne est sillonné de longues cicatrices blanches toutes nues. Le corps est, parait-il, émaillé des traces qu’ont laissées les coups d’épissoir et ceux des martinets cinglants faits de lignes à pêcher. Le pauvre adolescent fut journellement déshabillé, fouetté, meurtri, lardé pour des peccadilles, pour avoir mis un peu de beurre en trop dans la soupe ou n’apporter point assez vite le diner. L’imagination des tortionnaires n’alla-t-elle pas, un jour, jusqu’à lui faire nettoyer de sa langue la chatte du bord qui venait de mettre bas. L’enfant rougit en racontant de tels faits.
Mais voyons, François, les autres hommes de l’équipage assistaient donc à tout cela sans rien dire ?
Ils étaient tous de cancale, du même pays que le capitaine et le second. Ils ne pouvaient rien dire. Nous autres, nous n’étions que quatre des Côtes-du-Nord..
N’as-tu jamais rien écrit de ces faits à ta grand’mère ?
Cela n’aurait servi qu’à lui faire du chagrin sans m’être utile.
Mais tu faisais la pêche de Saint-Pierre, ta goélette revenait à terre de temps en temps, pourquoi ne t’es-tu jamais plaint ?
Parce que personne ne m’aurait écouté et que je craignais de perdre toute ma campagne..
Le tribunal de Saint-Malo renvoi le procès à la cours d’assises de Rennes
Après l’instruction du dossier par le tribunal correctionnel de Saint-Malo, l’affaire étant trop importante le procès des frère Nouazé pour meurtre sera renvoyé devant la cour d’assise de Rennes
Arrêt du 1er mars 1904, de la cour d’appel de rennes (chambre d’accusation) , renvoyant les frères Nouazé devant les assises d’île et Vilaine
Les nommés Gaffrique (Hyacinthe) et Josmin (Édouard) naviguaient en qualité de marins sur la goélette Amélie-Julia armée pour la pêche à Terre-Neuve, ayant pour patron le nommé Nouazé (Euloge) et pour second le nommé Nouazé (Henri) frère du précédent.
Ces deux marins moururent à bord de la goélette, au cours de la campagne de pêche 1903, le premier le 30 avril, le deuxième le 12 aout. Gaffrique d’une congestion occasionnée par le froid et Josmin de la dysenterie, si l’on en croit les énonciations, très sommaires d’ailleurs du journal de bord.
Sur une plainte émanant des familles de ces marins, le parquet du tribunal de Saint-Malo ouvrit une information sous l’inculpation de meurtre contre le patron et son second, qui lui étaient dénoncés comme ayant, par des coups, des violences et des mauvais traitement répétés causé volontairement la mort de Gaffrique et de Josmin.
Des témoignages recueillis résultent les faits suivants :
C’est pendant l’armement de la goélette à Saint6pierre qu’on commencé à l’égard de leur victimes, les brutalités des deux prévenus, qui leur reprochaient leur peu d’aptitudes pour le travail ; ils leur portaient fréquemment des coups de pieds, des coups de poings, et les frappaient avec tous les objets, gaffes ou autres instruments qui leur tombaient sous la main.
Un jour. Nouazé (Euloge) a poussé brutalement le jeune Gaffrique de façon à le faire tomber sur un picqueu. Une autre fois, il l’a soulevé en le tenant par les deux oreilles. Du 15 au 30 avril, jour de sa mort, il a été vu plusieurs fois la face ensanglantée ; Le 24 avril, se sentant à bout de forces et ne pouvant accomplir le travail qu’on exigeait de lui, il fut contraint à coups de poings, par les deux prévenus, de monter sur le pont. Le 29, à la suite de sa chute sur le picqueu, il descendit au poste, la figure ruisselante de sang, mais les frères Nouazé l’y suivirent et l’obligèrent à remonter sur le pont. Incapable de se tenir debout. Il tomba quatre ou cinq fois et redescendit ; le lendemain il mourut.
Le malheureux Josmin a été l’objet de violences analogues ; un jour, peu de temps avant sa mort, le second lui ayant reproché de ne pas pêcher assez promptement l’encornet lui appliqua un coup d’épissoir si violent sur la figure que le sang qui en ruisselait le rendait méconnaissable. Du 15 juillet au 12 aout, jour de son décès, il fut continuellement roué de coups. Dans les premiers jours d’aout se trouvant sur le pont, il fut brusquement jeté à la mer par Henri Nouazé et des témoins rapportent même que celui-ci le repoussait avec une gaffe pour l’empêcher de remonter à bord.
Il n’a reçu aucun soin avant de mourir. La nuit même de sa mort, Henri Nouazé l’avait fait monter sur le pont, bien qu’il ne fut pas de quart ; un de ses camardes, voyant qu’il ne tenait pas debout, l’envoya se coucher dans le poste où il fut trouvé mort quelques heures après.
Les deux prévenus, dont la brutalité est notoire, ont en outre, le second surtout, indignement maltraité plusieurs autres matelots, et notamment le mousse, faits à l’occasion desquels ils ne sont pas poursuivis.
Il résulte des faits et des circonstances qui viennent d’être sommairement exposés, que la mort d’Hyacinthe Gaffrique et d’Édouard Josmin se rattache directement aux coups et aux mauvais traitements qu’ils ont subis et qu’on ne doit pas chercher ailleurs la cause.
Il s’ensuit que si c’est de bon droit que M. le juge d’instruction de Saint-Malo a écarté la prévention de meurtre, c’est à tort qu’il a renvoyé devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de coups et blessures simples, les frères Nouazé qui sont justiciable de la cour d’assises. L’opposition à cette ordonnance était donc absolument fondée de la part de la partie civile.
Considérant que ces faits sont qualifiés crimes par la loi pénale, qu’il résulte de la procédure des charges suffisantes pour motiver la mise en accusation des prévenus et ordonner leur renvoi aux assises.
La cour.
Réformant parte in qua .l’ordonnance de renvoi.
Dit qu’il y a lieu d’accuser :
En premier lieu Nouazé (Euloge Jean-Marie) et Nouazé (Henri Euloge François) d’avoir au cours de l’année 1903, en mer, sur le banc de Terre-Neuve, à bord de la goélette Amélie-Julia, volontairement porté des coups et fait des blessures à : 1 Gaffrique (Hyacinthe) ; 2 Josmin (Édouard) ; lesquels coups portés et blessures faites sans l’intention de leur donner la mort la leur ont pourtant occasionnée.
En deuxième lieu. Nouazé (Henri Euloge François) d’avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu , commis une tentative d’homicide volontaire sur la personne de Josmin (Édouard) ; laquelle tentative, manifesté par un commencement d’exécution, n’a été suspendue ou n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.
Crimes prévus et punis par les articles 309,2, 295, 304 du code pénal de la compétence des cours d’assises, aux termes de l’article 231 du code d’instruction criminelle.
Et les renvoie devant la cours d’assises du département d’Ille et Vilaine pour y être jugés suivant la loi.
Le procès des frères Nouazé
Le procès devant la cour d’assises de Rennes se déroule le 19 et 20 novembre 1904.
Les minutes complètes du procès sont transcrites dans « la revue des grands procès contemporains » de 1904. La lecture des 34 pages du procès est passionnante. Je n’en retrace ici que les grandes lignes
Le greffier donne lecture de l’acte d’accusation. L’acte d’accusation est pratiquement semblable à l’arrêt ci-dessus, la culpabilité des frères Nouazé ne semble pas faire de doute.
L’audition des témoins est complète
Les accusés sont interrogé sur les faits, ils restent ferme et déterminé « Tout ce dont nous accuse l’équipage est faux, dit Euloge ; Oui j’étais dur au travail et j’exigeais beaucoup, mais j’étais dur pour moi-même. J’étais patron M. le Président, et j’avais des gens point facile à mener » L’équipage reste sur témoignage relatant les violences seul le matelot Beaulieu change son témoignage et devient favorable aux accusés
10 témoins sont entendu à la requête de la défense : armateur, capitaines au long-cours indique que les frères Nouazé et en particulier le patron Euloge sont des marins exemplaires.
Puis vient la plaidoirie de la partie civil par maitre Albert Salmon
L’avocat rappelle que ce procès n’est pas le procès des conditions de vie à la pêche à Terre-Neuve bien celui de deux cas particulier Henri et Euloge Nouazé. Il base principalement sa plaidoirie sur les témoignages de l’équipage.
Le réquisitoire soutenu par le substitut au procureur général, est également clair sur la culpabilité des frères Nouazé.
C’est alors que le procès bascule avec la plaidoirie de maitre Hamard pour la défense des accusées. Pour insuffler le doute dans l’esprit des jurés il attaque. Il bat en brèche les récits plus ou fantaisistes parus dans la presse. Il attaque les témoignages de l’équipage et encore plus les personnalités de Gaffrique et de Josmin . Il cherche à démontre que l’affaire des « bourreaux de la mer » n’est que légende. Et que les victimes sont décédé de maladie comme bien d’autre sur les bancs.
Le verdict :
Le président des assises délibère avec le jury, il débâtent sur neufs questions sur la culpabilité d’Euloge Nouazé et de Henri Nouazé . Le débat est rapide ils sortent de la salle des
Délibération au bout d’une demi-heure.
Concernant Euloge Nouazé, le verdict est négatif sur toutes les questions. Pour Henri Nouazé seul les coups et blessures à Josmin sont retenu, mais le jury déclare que ces coups et blessures n’ont pas occasionné sa mort.
En conséquence de ce verdict. M. le président des assises prononce l’acquittement d’Euloge Nouazé et ordonne sa mise immédiate en liberté.
La Cour condamne Henri Nouazé à la peine de dix mois d’emprisonnement, peine qu’il a déjà effectuée en préventive, il sort également libre du tribunal.
Commentaires :
Le verdict est bien clément pour « les bourreaux de la mer », le capitaine Euloge Nouazé acquitté et son frère Henri condamné pour violence à une peine de prison qu’il a déjà effectué en préventive. Ce verdict est bien dans l’esprit du temps, la hiérarchie, l’autorité d’un capitaine doit être respecté quel que soient se abus de pouvoir. Le verdict de ce procès servira d’exemple aux équipage qui retourneront sur les bancs encore plus résignés. Euloge et Henri retourneront naviguer sur les bancs. Henri décédera en mer en 1912. On remarque également que l’inscription maritime, organe de la Marine assurant le suivi professionnel de tous les marins est bien absente du procès.
Le rôle de la presse, dans cette affaire a été important. C’est tout d’abord le journal parisien le Matin qui mène l’enquête et publie plusieurs articles à sensation puis toutes la presse nationale et régionale s’en empare. D’un bout à l’autre de l’échiquier politique, les journaux dénonce le drame de terre neuve. L’humanité et la Croix utilise le même titre « les bourreaux de la mer » et relate les faits de manière étonnamment similaire. Mais bien sur leur analyse, du contexte global diffère on peut lire dans l’humanité « nous savions déjà que ces malheureux endurent les souffrances d’un climat glacial pendant les huit mois de leur dure campagne ; nous savions qu’ils sont exposés aux violences des tempêtes et aux abordages des transatlantiques Et nous savions, que le poisson et l’eau de vie remplace la nourriture saine à bord des bateaux ; et nous savions que pour ce métier épuisant un salaire misérable leur était donné […] Mais à toutes ces misères, nous savons maintenant qu’il faut ajouter les brutalités sauvages des patrons »
Le moindre journal de province reprend cette affaire et amplifie des fois les faits. Le traitement de l’affaire au préalable par journaux a certainement influencé le procès d’assises. Le jugement des frères Nouazé était déjà fait dans la presse.
Cet éclairage médiatique de 1903, à travers cette affaire ne donne qu’une vision partielle de la vie des terre-neuvas. Bien sur, ils sont dans un environnement dur, les relation entre les hommes sont également dures , ils sont confrontés aux blessures, aux accidents, et à la mort mais dans une large majorité de cas la vie à bord n’est pas aussi détestable. Toutefois, les goélettes de l’armement colonial ont mauvaise réputation. Ces petits bateaux armés à la va-vite sont souvent dans un état déplorable. Le recrutement des patrons et des équipages laisse souvent à désirer. Les meilleurs équipages partent sur les terre-neuviers de Saint-Malo.
Le bateau Alphonsine, appartenant au patron Théodore Masson, a été enlevé de son mouillage, dans la nuit de samedi à dimanche (1er au 2 octobre 1904), dans des circonstances jusqu’à présent inexplicables.
On a vu l’Alphonsine mettre à la voile, vers onze heures, samedi soir ; personne n’y a prêté attention. Du reste, peu de monde se trouvait éveillé à ce moment.
Ce matin , le patron Masson, ne voyant plus son bateau, s’est mis à sa recherche, lorsque le sémaphore de l’île de Batz l’a signalé au large, manœuvrant en dépit du bon sens.
Aussitôt, le patron de l’équipage du Sainte-Union prit la mer pour aller à la recherche de l’Alphonsine ; quelques hommes s’étaient armés dans la crainte d’avoir affaire à des malfaiteurs qui auraient volé le bateau.
Au bout de deux heures, ayant atteint l’Alphonsine, ils constatèrent qu’il n’y avait personne à bord ; le bateau naviguait sous sa trinquette. Les filets avaient été en partie jetés à la mer ; le lest avait été chaviré pour enlever deux ou trois énormes pierres qui étaient au fond et dont les personnes qui ont enlevé le bateau ont dû se servir pour se noyer après se les êtres attachés au corps.
Le bateau a été appareillé en coupant le câble de l’ancre.
Samedi soir, le vent était sud-ouest, c'est-à-dire favorable à une fuite vers l’Angleterre ; dimanche matin, au contraire, il tourmentait d’est, ce qui a fait rétrograder le bateau.
On suppose le fait imputable à deux ou trois malfaiteurs qui se voyant dans l’impossibilité de réussir, ont préféré se noyer .
La dépêche de Brest du mardi 04 octobre 1904
Nous trouvons les éléments complémentaires sur l’enquête dans la dépêche de Brest du lendemain le mercredi 05 octobre
L’enlèvement mystérieux de l’ "Alphonsine"
Voici de nouveaux renseignements sur cette singulière affaire :
L’Alphonsine, bateau de trois tonneaux environ appartenant au patron Théodore Masson, était fixés à la deuxième bouée, en dehors du port. Elle fut enlevée dans la nuit de samedi à dimanche. M. Menut, sous-brigadier des douanes, était de service sur le quai jusqu’à 11h1/2 au plus tard.
M. Messimy, de Roscoff, s’y promenait également à cette heure. Ils n’ont rien remarqué de suspect. Le bateau de la douane, venant de l’île de Batz, est rentré à minuit. Les hommes qui le montaient n’ont rien vu non plus d’anormal. Par contre, du bruit a été entendu par d’autres personnes, qui ne peuvent rien préciser.
L’Alphonsine fut aperçue, à neuf heures du matin, par le sémaphore de l’île de Batz, où s’était rendu le patron Masson. Vers 10h1/2. La sainte Union, patron Louis Guyader, conduite par les matelots Alphonse Dirou et Laurent Jacq et l’équipage du bateau enlevé, rejoignait celui-ci à quelques milles au nord de l’île.
Tout ce qu’on a écrit concernant le lest, la trinquette, etc, est exact. Mais il convient d’ajouter que la trinquette était fixée sur le taquet au moyen de trois demi-clefs, alors que les marins d’ici l’attachent par deux tours morts, qu’on avait ajouté les béquilles à la drome, mises d’habitude du coté de tribord ; qu’une section nette avait été faite à l’amarre un grelin de 18 millimètres de diamètres.
Cette dernière remarque fait supposer une plaisanterie d’un goût plus que douteux ou plutôt un enlèvement. Les deux premières tendraient à prouver que les auteurs du méfait sont des personnes étrangères au pays, n’ayant pas la pratique de l’art nautique. Toutefois, comment s’expliquer que ces personnes, ignorant les passes si délicates de Roscoff, aient osé s’y engager par une nuit sombre ? A moins que leur ignorance même n’excuse leur audace.
Pour appuyer l’hypothèse de quelque malfaiteur, pressé de fuir le continent, certain font observer que l’heure probable de l’enlèvement coïncide avec l’arrivé à Roscoff du dernier train de Paris, onze heure.
Autre version : une goélette anglaise Mermaid, appareillait dimanche matin, à sept heures. L’Alphonsine n’aurait-elle pas servi à des déserteurs pour l’attendre au large ? Mais, outre que les guetteurs qui ont suivi son départ affirment n’avoir vu aucune barque l’accoster, cette entente placerait le capitaine anglais dans un si mauvais cas qu’elle parait impossible.
Faut-il plus simplement en croire l’un de nos amis, pessimiste enragé, qui veut que deux jeunes gens, cette nuit –là, ayant fait ensemble un beau rêve, se voient empressés d’y mettre fin pour ne pas le voir se dissiper au retour du soleil ?
On lit dans la dépêche de Brest du vendredi 13 octobre 1911
Lundi soir à quatre heures, M. Paul Caroff, 25 ans , habitant au lieu dit Poulmavic, atterrissait sans encombre à la pointe de Perharidy. Ayant besoin de se restaurer, il quitta sa drome pendant quelques minutes. La drome rompt son amarre et part à la dérive. Paul Caroff se jette à la mer. A peine avait-il fait 80 mètres qu’il perd ses forces et appelle au secours. Deux cavaliers mettent à l’eau leurs chevaux et tentent d’atteindre Caroff, mais les bêts perdent oied. Tout secours devient impossible. Peu après Caroff disparait. Un bateau qui se trouvait à 500 mètres environ, fait des recherches et découvre le cadavre qui avait séjourné près d’une heure dans l’eau.
Commentaires :
Cette pratique de fabrication de drome pour transporter le goémon de rive coupé sur le littoral est très ancienne. Une drome est un tas de goémon coupé maintenu par un réseau de cordages dérivant comme un radeau guidé par un ou deux hommes munis de grandes perches.
Cette pratique est dangereuse, et a provoqué de nombreuses noyades si la drome se disloque ou si l’homme glisse et tombe à la mer. La marine dans son règlement de 1853 exige que chaque drome soit accompagnée d’un canot. Mais c’est rarement le cas , au mieux un canot « surveille et assiste » plusieurs dromes.
Chaque endroit du littoral, entre l’aber Ildut et Bréhat a sa façon de faire ses dromes, celles de Roscoff sont toute en longueur. Les paysans de la commune font leur coupe de goémon dans les « cailloux de Santec » dans l’ouest de la presqu’île de Perharidy, les dromes sont ramenées avec le courant de flot jusqu’au port de Roscoff, Elles ont de la route à faire entre les rochers, passer la pointe de Perharidy en dedans de la Roche au loup, Roléa , passer devant l’anse de l’aber et devant le petit port du Vil, longer la ville de Roscoff et longer le vieux môle et enfin entrer dans le port. Pour aider la drome à parcourir ce chemin plusieurs hommes et femmes la tirent par l’intermédiaire de cordages plongés dans l’eau jusqu’à la taille et quelquefois aidés par un cheval.
Les coupes de goémon de rive sont réglementées par des dates fixées en début d’année par le conseil municipal autorisant une coupe de printemps sur quelques jours de grande-marée. Sur certaines communes une seconde coupe d’automne est autorisée. C’est ce cas en 1911 Le lundi 9 octobre basse mer est a 14h coef 102. Les coupes de goémon mobilisent un grand nombre de personnes, Tous les paysans sont là, hommes femmes et enfants sont à la grève.
Le terme drome est issu du vocabulaire maritime, il a deux significations selon le dictionnaire abrégé de marine du capitaine de frégate Bonnefoux 1834 : Réunion des pièces de mâture de rechange d’un bâtiment et Réunion de pièces de bois ou de barriques que l’on amarre ensemble, quand ou veut les mettre ou les laisser à Flot
Hier le 14 courant (janvier 1877), le bateau de sauvetage de Roscoff est sorti pour aller recueillir l’équipage du navire français Paquebot-Victorine, capitaine Le Neveux, venant d’Angleterre chargé de houille à destination de Nantes.
Le 13 courant, le commissaire de l’inscription maritime de Roscoff a reçu avis venant de Plouescat, que ce navire était démâté à environ 7 milles au nord de la baie de Kernic , et paraissait être mouillé.
L’administrateur a avisé immédiatement l’équipage du bateau de sauvetage de Roscoff, qui s’est empressé d’aller à la recherche de celui du Paquebot-Victorine, composé de six hommes.
Vers neuf heures du matin, le 14 janvier, ils ont atteint ce navire qui ne tenait plus que d’une ancre, et sont montés à bord ; ils ont immédiatement installé avec deux bouts de vergue deux mâts auxquels ils ont adapté les lambeaux de voiles qui restaient à bord ; en virant l’ancre, la chaîne a cassé ; il n’y avait à bord qu’une autre faible ancre. Ils ont pris la direction de l’île de Batz, favorisés par les vents du sud-ouest et d’ouest, et sont rentrés au port de l’île de Batz, à deux heures avec le navire et son équipage sain et sauf, sans autres pertes que les mâts, les voiles et le gréement.
L’équipage est dans les meilleures conditions de santé.
L’équipage du bateau de sauvetage de Roscoff, composé d’intrépides et courageux marins de la localité, n’en est pas à sa première épreuve ; à plusieurs reprises il a montré son énergique dévouement et vient de confirmer de nouveau son intrépidité.
Malgré le vent contraire, la tempête, la grosse mer, le bateau a réussi, à franchir la distance de Roscoff à la baie de Kernic, qui le séparait de 14 à 15 milles à la rame.
Le capitaine de ce navire a témoigné toute sa reconnaissance aux braves marins qui l’on arraché, lui et son équipage, à une mort certaine
Journal des débats politiques et littéraires du 18 janvier 1877
Rapport de la station de sauvetage de Roscoff
Le 14 janvier le canot de sauvetage de la station de Roscoff fait une sortie heureuse ; il ramène dans le port de l’île de Batz le navire Paquebot-la-Victorine, avec les 6 hommes qui formait son équipage. La station n’eut connaissance de la situation dangereuse de ce bâtiment que dans la soirée du 13 ; la nuit était profonde et le navire à 15 milles du port ; le canot fut cependant mis à la mer à quatre heures du matin, et à neuf heures, arrivait le long de la goélette mouillée à 9 milles de la côte de Plouescat. Les vents soufflaient O. –S.-O. grand frais, la mer était grosse ; neuf hommes du canot de sauvetage montèrent à bord, établirent une mâture de fortune et virèrent les ancres. Les chaînes cassèrent l’une après l’autre et, sans le canot de sauvetage, la goélette se serait perdue corps et biens sur les roches de Plouescat. Les canotiers établirent leurs voiles, le canot prit en outre la remorque et le convoi put atteindre l’île de Batz au milieu de grains de N.O ; d’une grande violence.
Le canot était monté par le patron Le Mat esprit ; et les canotiers Péron Jean-Marie ; Masson Joseph ; Le Mat Jean-Marie ; Corre François ; Créach Paul ; Kerenfort Auguste ; Saout Louis ; Creach Jean-Marie ; Duc Hervé ; Poullaouec Hippolyte ; Guyader Louis.
les annales du sauvetage maritime de 1877
Commentaires
Le 14 janvier 1877 la pleine mer de Roscoff est à 5h01 coefficient 69, l’équipage met à l’eau le canot environ une heure avant la pleine mer et fait route à l’aviron vers l’ouest en profitant du jusant, mais en rencontrant une mer plus formée, par l’action du vent contre courant. Ils mettent 5 heures pour parcourir 15 milles soit une moyenne de 3 noeuds, ce qui est relativement rapide à l’aviron contre le vent. La basse mer est à 11h26, le canot de sauvetage sous voile misaine et tapecul remorquant la goélette sous gréement et voilure de fortune profite du courant de flot pour rejoindre l’île de Batz
Ces témoignages d’époque indiquent que cette goélette a été mise à l’abri au port de l’île de Batz. A-t-elle été remorqué par la suite pour être regréé ou a elle été remâtée sur place, on ne le sait pas.
De 1866, date de la création de la station de Roscoff à 1897, année de son remplacement, le canot de sauvetage de Roscoff est l’Armand Behic, un canot de 9,78 de type anglais construit au havre au chantier Augustin Normand, il fait partie des premiers canots installés dans les stations de la côte il porte le numéro 4.
En 1877 pas d’autre station de sauvetage, la station de sauvetage de Brignogan à Pontusval ne fut ouverte qu’en 1882 et celle de l’île de Batz seulement en 1893.
Lien , sur l’histoire de la station de Roscoff par le docteur Jean Pillet : Roscoff au quotidien
Le 12 février, les pêcheurs du Port-Blanc, en Penvenan (côtes du nord), ont conduit dans ce port un navire abandonné qu’ils avaient trouvé à l’entrée. Ce navire, nommé l’Aimable Marie-Lorinne, de st Waast, était en bon état ; sauf la perte de son gouvernail. Il n’y avait ni canot ni papiers à bord. Les conjectures les plus diverses circulaient sur les causes de ce sinistre et sur le sort de l’équipage, quand, dans la même journée, le mot de l’énigme fut connu et toutes les inquiétudes dissipées. Pendant qu’on se rendait à Tréguier, prévenir les chefs de l’administration de la marine et celle des douanes, le capitaine et l’équipage arrivaient sur les lieux reprendre possession de leur navire. Voici ce qui était arrivé :
Le capitaine Deloeuvre, du navire l’Aimable Marie-Lorinne, parti du Pouliguen avec un chargement de sel pour Carentan , et faisant route pour cette destination, avait été désemparé de son gouvernail. La mer était affreuse, le gouvernail de fortune qu’il avait établi ne pouvant agir suffisamment, il s’en allait à la dérive, lorsqu’il aperçut non loin de lui une bisquine fuyant aussi devant le temps, à laquelle il fit des signaux de détresse. Ce navire, nommé le Saint-Nicolas, de Tréguier, était commandé par le capitaine Lebail, qui ne fit pas défaut à l’appel de ses frères en danger, et qui après bien des efforts, parvint à s’emparer d’une remorque, au moyen de laquelle il entreprit, quoique très éloigné de Perros, de remorquer l’Aimable Marie-Lorinne dans le port ; mais sa téméraire entreprise ne put être couronnée d’un entier succès, et le vent et le navire qu’il remorquait l’ayant jeté assez près des côtes pour qu’il courût lui-même de très grands dangers, il fut obligé d’y renoncer après quatorze heures de luttes et de fatigues, et de venir mouiller à l’entrée du Port-Blanc, après quoi il prit à son bord l’équipage et l’amena à Perros. La conduite du capitaine Lebail est digne des plus grand éloges et ce n’est qu’à son courage opiniâtre et en exposant sa vie et son navire qu’il est parvenu à sauver l’Aimable Marie-Lorinne et son équipage
Journal des débats politiques et littéraire d (22 février 1853)
Commentaires :
Le Saint-Nicolas de Tréguier est une bisquine, elle est certainement armée au cabotage, en ce milieu de XIXème siècle, il est assez difficile de faire la distinction pour le cabotage entre lougre, bisquine et chasse-marée tout trois correspondent a des bateaux de tonnage moyen grée de voiles au tiers généralement sur 3 mâts : le mât de misaine, le grand mât et le mât de tapecul. Ils sont également quelquefois appelés trois-mâts breton ou trois-mâts fou.
Ce petit article n’indique pas le type de navire qu’était l’ Aimable Marie-Lorinne. Mais il doit être de tonnage semblable à celui du Saint-Laurent pour que son capitaine ai décidé de le remorquer. Il peut être gréé en sloup ou également en bisquine , gréement beaucoup utilisé en Normandie.
Excellent site des collections maritimes des musées du département de la Manche
Dans une pétition du 6 janvier 1791, la ville de Saint-Pol de Léon, après avoir fait état de la déchéance dans laquelle la révolution l’avait placée (perte de l’évêché et du chapitre, d’une juridiction considérable, d’un séminaire, etc…), demandait en compensation l’établissement de l’école des élèves de la marine qui venait d’être crée à Vannes. La municipalité alléguait que Vannes était déjà favorisée par d’autres établissements et que Saint-Pol offrait pour les élèves de cette école de nombreux avantages que Vannes n’avait pas : bon air, facilité d’une nourriture variée par ses légumes, proximité de deux ports de mer : Roscoff et Pempoul ; logement tout trouvé dans le séminaire.
Le 21 décembre 1791, Saint-Pol obtenait satisfaction : M Thévenard, ministre de la Marine, envoyait à Saint-Pol le sieur Lévêque, examinateur hydrographe, afin d’étudier la question d’accord avec la municipalité. Le séminaire fut reconnu trop vaste et de trop grande valeur (on l’estimait alors à 12 000 francs) ; on décida de placer la nouvelle école dans la maison prébendale occupé par le sieur Troërn « cy-devant, grand-chantre de la cathédrale », estimé à 3 000 francs seulement. Toutefois comme le grand-chantre habitait encore cette maison, on plaça provisoirement l’école dans l’une de salles du séminaire. Gabriel floch menuisier, fut chargé d’évaluer le prix du mobilier scolaire, lequel, sur les conseils de l’examinateur hydrographe, fut ainsi composé :
Quatre tables d’environ 12 pieds de long sur 3 de large, avec pieds solides en bois de sapin, avec tiroirs et bancs des deux cotés : 200 livres.
La table du professeur, son siège, son pupitre, son tiroir et une petite estrade le tout en bois de sapin : 36 livres ; six chaises communes : 9 livres.
Une armoire en sapin avec six tablettes et son tiroir pour serrer les cartes et instruments, le tout ferré : 60 livres. Un poêle avec des tuyaux : 100 livres. Diverses tablettes avec le tableau de démonstration mis en place : 12 livres. Bois de chauffage 60 livres.
Un mois plus tard, le citoyen Gaspard Dreppe, professeur d’hydrographie se présentait à la maison commune, muni d’un brevet qui le chargeait à Saint –Pol de « l’enseignement des jeunes gens se destinant à la navigation et au commandement des bâtiments de commerce »
Dès ses débuts, l’école est prospère : en décembre 1792 elle compte une trentaine d’élèves ; Le professeur Dreppe jouit de la considération de ses concitoyens ; […]
Le premier examen d’hydrographie a lieu le 15 février 1793. Le jury se compose de Dreppe et de trois enseignes du port de Morlaix : Julien, Le Drezenec et Hamon. Un seul candidat se présente pour le titre de maitre au petit cabotage. Pierre Marzin. A l’unanimité, il est reconnu apte à remplir ces fonctions après avoir été interrogé sur la manœuvre, sur les sondes, la connaissance des fonds, le gisement des terres et écueils, les courants et les marées, l’usage de la boussole et de la carte réduite.
Quelques mois auparavant, Louis Monge, examinateur hydrographe, avait été chargé par son frère Gaspard Monge alors ministre de la Marine, d’une tournée d’examens sur le littoral Monge arriva à Saint-Pol le 31 aout 1792 pour examiner les prétendant au grade d’aspirant. Aucun candidat ne s’étant présenté, Monge, pressé refusa d’examiner les candidats au titre de maitre au petit cabotage et continua sa tournée. Le 27 avril 1793 Pierre Le Gall-Kervea et Tugdual Kernor, élèves de l’école d’Hydrographie, viennent prêter serment avant de se rendre à Brest pour subir les épreuves du con cours d’aspirant de la marine militaire.
C’est à dater de cette époque et jusqu’à l’année 1796 que l’école semble être en pleine activité ; il en sort un très grand nombre de maitres au cabotage et quelques aspirants. Parmi tant d’autres, citons cette lettre écrite par la municipalité le 29 ventose, an II au ministère de la Marine :
Républicain,
Les citoyens Hervé-Marie Briand, Hervé Le gall, Charles Budoc, Jean-Marie Coroleur déclarés suffisamment instruits pour être faits maitres au petit cabotage. Nous t’invitons, à leur faire passer sans délai leurs lettres d’admission.
Salut et fraternité.
Le professeur Dreppe qui, si l’on s’en tient aux résultats de l’école, se montra infiniment plus capable que ses successeurs, ne jouit pas longtemps, à St-Pol de la considération qui l’entoura à son arrivée. Esprit calme et tempéré il fut bientôt en butte aux tracasseries de l’abbé Dumay, farouche républicain, mais esprit chagrin, constitutionnel et violent.
En février 1793, lors du passage à St Pol des commissaires de la convention Dreppe se vit suspendu de ses fonctions d’officier municipal et dénoncé comme « homme suspect et dangereux, qui professait trop ouvertement des sentiments antirépublicains »
Destitué de ses fonctions de professeur et arrêté. Dreppe fut appelé à se défendre des accusations lancées contre lui : il le fit si bien que la municipalité dut reconnaitre qu’on devait le distinguer de ceux qui faisaient « profession ouverte d’incivisme » et qu’elle fit retirer les lettres ordonnant sa destitution. Revenu en grâce, Dreppe, qui avait été momentanément remplacé par Trobert, professeur de physique au collège, reprit ses cours comme par le passé.
Un fait dira l’importance qu’avait atteinte l’école d’hydrographie de Saint-Pol, comme centre d’examen en 1794, le passage de Monge à Saint-Pol pour un examen, ayant été retardé de deux décades, le maire en avisait les municipalité de Roscoff, île de batz, Lesneven, Landunvez, Lanildut, Morlaix Ploudalmézeau, Porspoder, Le Conquet Lannion et Tréguier [certainement les municipalité d’origine des candidats aux examens] . […]
Mias l’école avait atteint son apogée ; quelques années plus tard, ce fut le déclin. Le 14 prairial an VII [2 juin 1799] l’administration municipale se plaint des élèves ; « jeunesse dissipée » qui ne fait « plus aucun progrès ». ces jeunes citoyens, dit-elle, « tourne en plaisanterie et en ridicule les avis que leur donne le professeur ».
Le 10 brumaire de l’an VIII [1er novembre 1799], la municipalité se plaint au professeur Pinard du citoyen Kermarrec élève à l’école d’hydrographie qui « affecte de ne plus assister aux fêtes décadaires ». on ne trouve pas de traces d’examens d’hydrographie à Saint-Pol à cette époque ; l’établissement est convoité par plusieurs villes, dont notamment Morlaix et Tréguier. Cette dernière finit par l’emporter et l’an IX voit pour Saint-Pol la suppression d’une institution qui lui avait fait honneur pendant près de dix années.
Article d’histoire locale de monsieur C.Moal dans la dépêche de Brest du 09 janvier 1927
Commentaires :
L’objectif des écoles d’hydrographie était la formation théorique des marins pour qu’ils puissent se présenter aux examens de capitaine au long cours ou à ceux de maitre au petit et grand cabotage.
Bien qu’existant ponctuellement avant l’ordonnance de Colbert de 1681. On peut considérer que c’est grâce à cette ordonnance que ces école sont créée dans les grands ports du littoral du royaume de France. En 1785 il y en a 25 : Dunkerque, Calais, Saint-Valéry-sur-Somme, Dieppe, Le Havre, Rouen, Brest, Morlaix, Saint-Malo, Lorient, Auray, Vannes, Nantes, Le Croisic, Rochefort, La Rochelle, Les Sables, Marennes, Bordeaux, Bayonne, Toulon, Marseille, La Ciotat, Les Martigues.
L'ordonnance du 1er janvier 1786, due au Maréchal de Castries, réorganise l'enseignement maritime, soumet les écoles à une Inspection générale, détermine l'objet des leçons, exige des examens sérieux pour les élèves et précise les conditions de recrutement des professeurs. La même ordonnance supprime les pilotes hauturiers et décrète que le capitaine a seul la responsabilité de la conduite du navire en haute mer. Sous la révolution l’ordonnance de 1791, garde le même esprit et ne modifie que des points de détails.
Pour se présenter aux examens, les candidats doivent avoir 25 ans, 5 ans de navigation aux commence et deux campagne dans la royale. Beaucoup d’entre eux on plus de dix ans de navigation derrière eux étant embarqué à l’âge de 12 ans comme mousse.
Mais revenons au contexte local de l’école d’hydrographie de Saint Pol de Léon. Cambry dans « Son voyage dans le Finistère » déplore qu’il n’y ai pas d’école d’hydrographie à Morlaix et vante les mérites de Gaspard Dreppe
N’est il pas singulier que dans ce port de mer important, on ne trouve ni maitre de mathématiques, ni maitre hydrographie ? un très habile homme, le citoyen Dreppe, donne des leçons sur les deux parties, à St. Paul de Léon, mais il n’a que seize écoliers ; il en instruioit un plus grand nombre à Morlaix.
En 1799 Dans l’almanach national de France
Les examinateurs hydrographes de la marine sont : C Monge, l’ainé, C L’Evêque et C. Monge le cadet
Pour la Bretagne
Grandes Ecoles :
Port Malo, professeur Lecerf
Brest, professeurs Duval Leroy Lancerin
Nantes, professeur Rollin
Les écoles secondaires :
Saint Brieuc, professeur Curot
Morlaix, professeur Dreppe
St Pol de Léon professeur Pinard
Audierne professeur Vautier
Vannes professeur Boyer
Le Croisic professeur Simonin
Gaspard Dreppe fut un homme brillant. A la suite de son intervention comme professeur d’hydrographie à Saint-Pol il créé ou plus exactement il recrée, car cette école existait au XVIIIème siècle l’école d’hydrographie de Morlaix ou il enseigne dès la création de l’école vers 1799.
Sa descendance continuera dans le domaine maritime. Son fil né en 1787 Joseph Marie Gaspard Dreppe intègre la promotion de polytechnique de 1804 ou il est diplomé comme ingénieur de 1ere classe de construction navale
En 1816 on le retrouve comme sous-ingénieur du génie maritime à Brest. Il est fait Chevalier de la légion d’honneur et ingénieur de première classe à Rochefort en 1835.