Ile de Bréhat
Le 22 avril 1909
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur et suis heureux de vous faire connaître qu’aujourd’hui, vers 4h 30 du soir, le patron Colin Jean-Marie et son fils André, montant le bateau « insulaire » faisant la traversée de Bréhat à l’Arcouest par une tempête violente de S-E et fort courant, ont aperçu un petit bateau, assez mal appareillé, qui, venant de quitter Bréhat se rendant à Paimpol-kérity, avait été jeté par la violence du vent et du courant sur le rocher Roch Ourmelec à un mille environ de la pointe de l’Arcouest. Le bateau coula presque aussitôt et les deux hommes qui le montaient restèrent cramponnés au dit rocher qui allait bientôt couvrir totalement.
Colin, jugeant qu’il lui était impossible de pouvoir sauver ces deux malheureux avec son grand bateau, vu le très mauvais état de la mer et la violence du courant entre ces rochers si dangereux, s’empressa de venir prendre son canot pour pouvoir sauver ces naufragés.
Heureusement, que son frère Colin Olivier, patron du bateau « Petrel », et son matelot Le Maillot Pierre (jeune), qui avaient aussi vu le naufrage, faisaient toute diligence avec un canot pour rejoindre le bateau « Insulaire » afin de prêter vivement leur concours et arriver à temps pour sauver ces malheureux qui allaient infailliblement être noyés. Par leur empressement, leur grande connaissance des dangers, leur courage et leur dévouement, ils réussirent à sauver ces malheureux qui étaient voués à une mort certaine ; on les déposa à l’Arcouest, où ils reçurent les soins nécessaires.
En opérant ce sauvetage si périlleux, sous tous rapports, les Colin, qui sont d’excellents canotiers de la Société centrale, titulaires, chacun, d’une médaille de bronze et d’un témoignage de satisfaction de la Société pour faits de sauvetage antérieurs, ont fait preuve, en la circonstance, d’énergie et de grand dévouement qui mérite bien une récompense.
Ce serait avec joie que je verrais ces braves marins, mes chers concitoyens, récompensés selon leur mérite
Le président du comité local
Lemonnier
Maire
Annales du sauvetage maritimes du troisième trimestre 1909.
Commentaires
Le 22 avril 1909 , le coefficient de marée était de 109, la basse mer à Bréhat était à 15h48
L’armement Colin eut une pérennité importante à Bréhat, des 1880 Olivier Colin arme au passage , dans un premier des « vedettes à voile » qui étaient de jolis sloops qui armaient à la pêche ou au goémon en hivers, à partir de 1910 les Colin armèrent des vedettes à moteurs comme la « petite Bréhatine » ou la « fleur d’ajonc »
Le naufrage de la Marie-Thérèse
le 20 Août 1901
La famille Le Bras était allée passer la journée chez des amis, Mme Huin et ses fils, qui habitent Port-Béni en Pleubian. Après souper, ils décidèrent de rentrer à Tréguier. Les fils Huin proposèrent de les y conduire dans un canot qu’ils avaient loué pour la saison. Ils allèrent trouver Pierre Le Briand, marin retraité et lui dirent d’armer le bateau. Celui-ci fit remarquer que ce retour par bateau, étant donné le vent, l’heure tardive et la marée, n’était guère prudent, ils insistèrent et Le Briand céda en disant : « si nous buvons la goutte ça ne sera pas ma faute ! ». C’est donc sur la Marie-Thérèse, un vieux bateau jaugeant à peine deux tonneaux, que prirent place dix sept personnes.
La première partie du voyage s’accomplit sans incident. Poussé par un vent favorable, le bateau filait, remontant l’estuaire du Jaudy, quand, tout à coup, vers vingt heures trente, en face de la baie de l’Enfer, en Plougrescant, à la hauteur de la balise blanche, qui se trouve non loin de l’île Loaven, survint une brusque saute de vent. La voile changea de côté. Au lieu de larguer l’écoute Pierre Le Briand essaya de virer vent arrière. Tous les promeneurs furent projetés du même côté ; cette surcharge, jointe à la manoeuvre de Pierre Le Briand fit chavirer le bateau. Ils se retrouvèrent tous à l’eau. Quelques uns essayèrent de se cramponner à la quille du canot mais, sous le poids celui-ci coula à pic, au fond du chenal.
Les naufragés essayèrent de lutter contre vents, marée montante, mer forte et courant violent. Ils appelèrent au secours, mais il faisait nuit noire et personne ne pouvait les secourir.
Mr Léon Marillier parvint à saisir un aviron pendant que les fils Huin, à la nage, gagnaient, l’un une bouée, les deux autres l’île Loaven. Mr Marillier voyant une forme humaine auprès de lui, parvint à la saisir et à l’entrainer : c’était Mlle Jeanne Le Bras. Après avoir lutté pendant plus d’une heure, épuisé, il fut jeté sur un rocher couvert de goëmon et Jeanne Le Bras, un peu plus bas, sur la rive. Pendant ce temps, l’un des fils Huin, accroché à la bouée sur laquelle il s’était réfugié, était parvenu à saisir Mme Guyomarc’h, qui elle-même tenait son enfant dans les bras ; l’autre fils Huin, après avoir gagné l’île Loaven, ne craignait pas de se remettre à l’eau pour atterrir à Beg ar Vilin, en Plougrescant, et aller chercher du secours. Les forces vinrent à manquer au premier, il dit à Mme Guyomarc’h de se soutenir un instant sur le bord de la bouée, pendant qu’il se défaisait de ses vêtements. Il réussit à ôter son paletot et sa chemise, et à s’attacher, par ce moyen, à la bouée. Mais hélas, épuisée, Mme Guyomarch n’avait pu résister plus longtemps et disparut ainsi que son enfant.
Ce n’est que vers trois heures du matin que des cueilleuses de goëmon entendirent des appels et trouvèrent Léon Marillier. Elles donnèrent l’alarme et ne tardèrent pas à rencontrer les douaniers qui, accompagnés du fils Huin, se mirent à la recherche des naufragés et purent recueillir Léon Marillier, Henri et Robert Huin.
Dès cette journée du mercredi, les premiers cadavres furent retrouvés et transportés à Tréguier. La mer rejeta les autres corps sur les rivages de Pleubian, Kerbors et Plougrescant durant une dizaine de jours. Anatole Le Braz, nouvellement nommé Maître de Conférences à la faculté de Lettres de Rennes, arriva à Tréguier le lendemain du drame et y apprit la tragique disparition de huit membres de sa famille : Nicolas Le Bras (76 ans) son père Philomène Le Roux (56 ans) sa belle-mère Jeanne (17 ans), Mathilde (19 ans), Anne-Marie (29 ans) et Joséphine (37 ans) ses soeurs Joseph (32 ans) et Guy-Yves (4 ans) Guyomarc’h, ses beau-frère et neveu.
Les autres disparus sont : Suzanne Postel épouse Huin (46 ans) et son beau-frère Charles-François Duchesne (61 ans) Pierre Le Briand (62 ans) marin retraité Amélie Guillard (30 ans) et Charlotte Guénaire (17 ans) domestiques Léon Marillier, après plusieurs semaines
d’agonie, inconsolable de la mort de son épouse, décèdera en octobre.
Les membres de la famille Le Bras sont enterrés au vieux cimetière de Tréguier.
Anatole Le Braz ne figure pas parmi les disparus. Ayant été nommé à Rennes, à partir de la rentrée de 1901, il était allé à Rennes, avec sa femme, chercher un logement. Il a appris le drame, le lendemain, à Tréguier, dans une boulangerie, dans laquelle sa femme et lui sont allés prendre du pain car ils craignaient de ne pas en trouver à Port-Blanc. Anatole Le Braz a répondu aux touristes : " Ce ne sont pas ceux qui partent que je plains, ce sont ceux qui restent."Ses cheveux sont devenus tout blancs dans la nuit. Anatole Le Braz n'a jamais accusé la mer.
Rapport officiel du naufrage publié dans « la statistique des naufrages et autres accidents de mer survenu en 1901 »
« Marie-Thérèse », canot de 1tx92, immatriculé à Tréguier ; avait quitté Port-Béni, le 20 aout 1901, pour une promenade en mer, il avait à bord 17 touristes dont le propriétaire du bateau.
A l’entrée de la rivière de Tréguier, près de la balise de Guarivinou, le canot ayant gîté, probablement dans une rafale, les 17 personnes qu’il portait furent précipitées à la mer et disparurent. Cette scène avait eu lieu sous les yeux de riverains qui organisèrent immédiatement des secours, mais ceux-ci ne purent sauver que 4 des naufragés : 13 périrent et leur cadavres ne furent retrouvés que quelques jours plus tard.
Sources :
Les annales du sauvetage maritime , 4ème trimestre 1902
http://www.plougrescant.fr/IMG/pdf/kelo_2010v_bd.pdf
http://buan1.chez.com/buanaufrage.htm
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Canots de Bréhat et de Perros,
Le 22 décembre 1869, à huit heures du matin, les sémaphores de Bréhat, du Maout et de Port-Blanc, hissaient le pavillon noir et signalaient un grand navire en détresse, démâté, à 4 milles environ dans le nord-nord-est du phare des Héaux, le temps était très mauvais, le vent au nord, la mer grosse et rendue très dure par le courant de jusant. Le canot de sauvetage (de Bréhat) partit à dix heure du matin, sous la conduite du patron Colin, et arriva à midi et demi au phare des Héaux, ayant fait 8 milles et traversé des passages très dangereux. L'équipage, fatigué, sans vivres, trempé par des grains de grêle et de pluie, et n'apercevant rien, aborda au phare, pour se réconforter et demander des renseignements sur le bâtiment en détresse. Du haut du phare on ne vit rien, si ce n'est le cotre de l'état le Moustique, qui répondant comme le canot de sauvetage aux signaux de détresse, sortait de la rivière de Tréguier. Après avoir repris la mer et couru jusqu'à entrée de la rivière de Tréguier sans rien apercevoir, le canot fit route sur Bréhat, qu'il put regagner avant la nuit, grâce à la chaloupe à vapeur des ponts et chaussées, qui revenant de Saint-Brieuc, se dérangea pour lui donner la remorque.
Le canot de sauvetage de Perros était sorti en même temps que celui de Bréhat, avait croisé toute la journée dans le nord-est de l'ile Thomé, et l'équipage devait regagner le port, exténué de froid, de fatigue et de besoin, sans avoir aperçu le navire en détresse.
Ce navire était un trois-mâts l'Illustre Brunette, de 1100 tonneaux, qui, abandonné de son équipage, démâté et dégréé, s'en allait dérivant au gré du flux et du reflux. Il s'échoua dans la nuit suivante près de Ploumanac'h.
"Annales du sauvetage maritime" de 1870
Commentaires
Ce naufrage parait bien étrange, de par la taille du navire concerné, vers 1870 très peu de navire dépasse les 1000 tx, les grands navires de commerce sont bien connus, et un naufrage aurait laissé des traces.
Le nom du navire "Illustre brunette" est également très étrange, les noms des navires à l'époque étaient plus conventionnels.
En décembre 1869, les stations de sauvetage de Perros et de Bréhat sont récentes, celle de Perros a été inauguré en 1867 et celle de Bréhat en 1869
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Morlaix, le 18 décembre 1817.
A mon père.
J’arrive de la gauche de mon inspection, et je n’ai sous les yeux que morts et cadavres : depuis dix jours, je suis à cheval ou à la mer, et j’ai manqué deux fois de me noyer.
J’étais sorti le 8 de Morlaix, dans mon cutter, voulant aller à Brest voir M. Eu. En rade , nous trouvâmes vent contraire, et nous louvoyâmes toute la journée devant Morlaix. Pendant la nuit, le vent ayant un peu tourné, nous prîmes le large, et j’avais dépassé Roscoff, quand un grain accompagné de pluie et portant à terre, nous accueillit. Mon pilote, homme prudent, était d’avis de rentrer. Le capitaine disait qu’avec la marée nous pouvions gagner Brest. C’était aussi mon opinion, et j’insistai pour forcer de voile, lorsque l’apparition au large de quelques navires qui semblaient fortement battus par la bourrasque, ramena le capitaine à l’avis du pilote, et nous allâmes mouiller à l’île de Batz, vis-à-vis de Roscoff.
Grand bien nous en prit, car à peine étions-nous à l’ancre, que la tempête s’annonça avec une telle violence, que le navire n’était pas en sureté au mouillage. Poussés à la côte, nous aurions infailliblement échoué, si nous ne nous étions pas hâtés de gagner Roscoff en abandonnant notre ancre. Là, nous étions sinon tranquilles, du moins hors de danger.
Malgré le bruit infernal que faisait la mer qui brisait à l’entrée du port, voulant être prêt à appareiller au premier éclairci, j’étais resté à bord et profondément endormi, quand je fus réveillé par le capitaine qui me dit qu’on tirait le canon du coté de Plouescat. En effet, j’entendis successivement plusieurs coups qui ne pouvait être que ceux d’un navire en détresse. Je ne doutai pas que ce fût un des bâtiments que nous avions aperçu au large.
Il était environ minuit, et il faisait un horrible temps : pluie, grêle, vent, tonnerre, rien n’y manquait. Le cutter, ordinairement si paisible à cette même place, sautait si furieusement, que je croyais qu’il allait monter sur le quai. La nuit n’était pas à la promenade ; cependant, il fallait partir. Je fis mettre à terre, et pris un marin avec moi. Je n’avais pas mes chevaux, et en trouver à cette heure était difficile. Le receveur, M. Fallague, avait un petit bidet fort leste et d’un pied très sur ; il me l’offrit, et je l’acceptai. Un voisin m’en prêta un autre pour le matelot, mon jockey improvisé.
Prévoyant que j’en avais pour plus d’un jour à stationner sur cette côte, j’envoyait mon cavalier d’ordonnance à Morlaix, pour y chercher mes chevaux.
Ceci se passait dans la nuit du 9 au 19 décembre. Je cite cette date, car elle restera à jamais gravée dans ma mémoire.
La difficulté de me procurer des moyens de transport pour moi et mes gens, m’avait fait perdre du temps. Deux heures sonnaient quand je quittai Roscoff. La nuit était fort noire ; le vent toujours terrible, inquiétait les chevaux. Mon cavalier novice, s’amarrait aux crins à chaque rafale, croyant toujours, à ce qu’il disait être jeté à la côte.
Le canon avait cessé de tirer, ce qui me faisait croire que le malheur prévu était arrivé, et que le navire était brisé. Mon compagnon prétendait qu’on tirait encore, mais je n’entendais rien ; seulement, à chaque instant, nous croyions voir des ombres se glisser dans l’obscurité et disparaître dans les broussailles.
Des cris d’appel, hurlements sinistres et de mauvais augure, retentissaient sur tous les coteaux ; il était évident que les riverains étaient en marche : ils avaient flairé leur proie. En effet, quand nous arrivâmes à la hauteur de l’île de Sieck, la foule qui se portait vers un même point et quelques lumières que nous apercevions, ne me laissèrent aucun doute sur le lieu du naufrage. Mais comme tous couraient vers la côte et que nul n’en revenait, j’en conclus que le pillage n’avait pas encore commencé, et je conservais l’espoir que le navire n’était pas brisé.
Cependant, j’avançais toujours au milieu des bandes dont, à mon grand étonnement et contre l’ordinaire, les mouvements semblaient se ralentir à mesure qu’elles approchaient du but. Quelque fois même elles s’arrêtaient tout court, et leurs chuchotements mystérieux indiquaient quelque chose d’inusité ou autre que ce qu’elles espéraient.
Un cliquetis d’armes me fit reconnaitre qu’une escouade de préposés passait. Je les appelai ; je leur demandai où était le navire ? - là, me dit l’un d’eux. – où donc ? répétai-je ; je n’apercevais qu’un rocher. –Mais là, mon inspecteur ; vous êtes dessous. –Je levai les yeux. Sur une pointe de rocher, pointe que l’écume seule de la vague battait dans les temps ordinaires, était suspendu le navire droit comme sur un piédestal, et ce bâtiment, ainsi soulevé par une vague, était de quatre cents tonneaux. I je ne l’avais pas vu, je n’oserais le dire.
Néanmoins, la mer qui baissait, avait laissé à sec les abords du roc. La foule circulait autour, espérant toujours que la coque s’ouvrirait ; mais à l’abri de la lame, elle était là mieux que dans un bassin, et quelques douaniers, unis à l’équipage, suffisaient pour en défendre l’approche.
Ce navire n’ayant aucun canon, il était évident que ce n’était pas lui qui avait tiré. Nos pillards le savaient, car sitôt qu’ils eurent perdu l’espoir d’en arracher quelques bribes, abandonnant la place, ils se précipitèrent vers Plouescat.
Les brigadiers de ronde me confirmèrent que plusieurs vaisseaux y étaient en perdition. Je donne des ordres pour la garde de celui-ci n’y laissant que le nombre d’hommes indispensable, et j’envoie les autres sur les points où était le danger, en me dirigeant moi-même de ce coté. Le jour commençait quand j’arrivai à la hauteur de Plouescat. Je n’ai pas l’expressions pour peindre l’horreur du tableau qui se présenta à moi. La première chose qui me frappa fut la carcasse d’un bâtiment qui semblait une frégate, couché sur le flanc, et que la mer, en se retirant, agitait encore par moment, en lui faisant faire des soubresauts qu’on aurait pu comparer aux convulsions d’un mourant.
IL ne restait du gréement que des tronçons de mât. On voyait la ligne du doublage, et l’ouverture des sabords annonçant la présence de canons, vraisemblablement ceux qui appelaient du secours quelques heures avant.
Sur la mer, à perte de vue, surnageaient des pièces de bois, des barriques, des cordages. Sur la rive, même spectacle, et à chaque pas, des cadavres.
Au milieu de ce désordre, on voyait des hommes, des femmes, des enfants se ruant sur les débris, enfonçant les caisses à coups de hache ou de pierre, ou bien couchés sur des corps humains, non pour les secourir, mais pour les fouiller.
Les préposés, courant d’un groupe à l’autre, s’efforçaient, par des cris, des menaces, d’éloigner ces vautours qui reparaissaient d’un coté lorsqu’on les chassait de l’autre. Ceux qui avaient fait leur part, se sauvaient vers l’intérieur aussi vite que leur permettait le poids du ballot sous lequel ils ployaient. Ils allaient le cacher dans leur maison si elle était proche, sinon dans un champ de genêts, dans quelque fosse ou quelque trou de rocher.
D’autres plus lestes et moins chargés, fuyaient plus vite encore. C’était de l’or, des bijoux qu’ils avaient volés, dépouille des morts, des vivants peut-être, car tous ces naufragés n’arrivaient pas inanimés à la côte. Mes hommes en avaient déjà secouru plusieurs, et moi-même j’en fis relever quatre qui paraissaient conserver un reste de vie. Je m’étais trompé : sur trois, un seul parut se réveiller, mais pour se rendormir bientôt, et pour toujours.
Ce qui se passait au large n’était pas moins triste que ce qui nous entourait à terre. Trois autres navires luttaient encore contre la tempête, et luttaient en vain : une puissance fatale les poussait sur cette rive de fer. L’un d’eux talonnait déjà. On entendait les cris des hommes, cris sinistres, déchirants ! On les voyait faire des signaux de détresse, implorer la pitié, et nul moyen de les secourir. Pas une embarcation : à quoi aurait-elle servi ? Nous les vîmes mettre à la mer leur dernière chaloupe. Nous entrâmes dans l’eau pour aller à leur rencontre et leur jeter un grelin, mais tout fut inutile : La chaloupe sombra, pas un homme ne reparut.[3]
Le sort du navire fut bientôt décidé : abandonné à lui-même, il fut, en peu d’instants, mis en pièces. C’était un portugais de deux cent cinquante tonneaux. L’équipage pouvait être de dix hommes ; tous périrent.
Ce malheur, quelque grand qu’il fut, n’était rien comparativement à ce qui s’accomplissait plus loin. Un trois mâts anglais, nommé l’India, qui portait à la Colombie [4] des recrues pour la cavalerie et quelques autres passagers des deux sexes, en tout quatre cents et quelques personnes, comme nous l’apprîmes depuis périssait en ce moment même à quelques lieues de nous, sur la côte de Plouguerneau.
J’y courus à toute bride, mais le désastre était consommé. Rien n’était échappé : partout des cadavres. Je ne pouvais faire un pas sans que mon cheval ne fût arrêté par une figure d’homme à moustache. De loin en loin, on rencontrait un corps de femme ou d’enfant. Plus de vingt fois je suis descendu de cheval, plus de vingt fois j’ai posé ma main sur une poitrine et approché mon oreille d’une bouche. Pas un cœur ne battait, pas une bouche ne respirait. Beaucoup de corps étaient même défigurés par des blessures reçues contre les angles des rochers et des débris du navire.
Quand j’arrivai au lieu où l’India s’était brisé, ce bâtiment, qui devait être de sept à huit cents tonneaux, semblait avoir été haché. Ses mâts flottaient d’un coté ; de l’autre, ses vergues et ses huniers. Son gouvernail était à sec, avec une partie de sa proue. Ici encore, des malles, des ballots, des coffres de toutes formes surnageaient, s’entrechoquaient, figurant une vaste ruine mouvante.
Sur la rive, des caisses ouvertes, dont beaucoup remplies d’effets militaires. Ce qu’on y remarquait surtout, c’était des bonnets de laine aux trois couleurs : rouge, bleu et blanc. Déjà des centaines de paysans, hommes, femmes, enfants, s’en étaient coiffés. Ces bonnets, dont la forme était celle de nos bonnets de coton, donnait à ces figures un aspect qu’on aurait trouvé risible en toute autre circonstance.
Chose assez bizarre et qui pourtant s’explique par la conformation et la force de la volonté de certains animaux, c’est que sur les quatre cents et quelques personnes qui se trouvaient à bord, lorsque pas un ne se sauvait, une douzaine de porcs arrivaient à terre sains et sauf.
Cette nuit était fatale aux navigateurs : deux bricks de trois à quatre cents tonneaux furent aussi jetés à la côte presqu’à la même place. Le vent était pourtant un peu moins fort, mais la mer toujours horrible. Cependant, nous parvînmes à sauver quelques hommes, non sans peine. Un préposé reçut une forte contusion, et moi-même, saisi par une vague, j’ai été jeté sur une pièce de bois avec une telle violence, que j’ai cru que j’avais la tête fendue. Aujourd’hui encore, j’ai la moitié de la figure noire, comme si je m’étais battu à coups de poing.
Le nombre des navires naufragés, durant cette nuit sur la gauche de ma division, depuis Roscoff jusqu’à Abreuvack (Aberwrac’h), ou sur une étendue de douze lieues, est de six.
L’équipage d’un seul a été entièrement sauvé ; un autre a perdu seulement trois hommes On en a, comme je viens de le dire, relevé quelques autres, mais plus ou moins blessés. On peut estimer le nombre des morts à environ quatre cent quarante.
Quant aux cargaisons, celle du premier bâtiment, celui de l’île de Sieck, a déjà été en partie mise à terre. Elle n’est pas même avariée ; elle ne perdra pas un seul colis. L’argenterie du capitaine avait été volée, mais j’ai fait si peur aux riverains qu’elle a été restituée, ce qui est regardé ici comme un miracle.
Le Bâtiment ne peut être renfloué, quoiqu’il n’ait à sa coque d’autre avarie qu’un trou, celui de la pointe du rocher où il est resté accroché ; mais cette pointe est à plus de vingt pieds au-dessus du niveau des marée ordinaires : c’est la chose la plus singulière qu’on puisse voir. Le sauvetage a, d’ailleurs, été facile.
Il n’en a pas été de même de celui des autres : c’était à en perdre la tête. Je suis resté sept jours sur cette côte maudite, et pendant sept jours nous avons eu sur le dos des nuées de pillards qui arrivaient de plus de dix lieues et se succédaient sans interruption, sans laisser à mes gens une heure de repos ni jour ni nuit. Pas un de ces drôles ne se retirait sans emporter quelque chose ne fût ce qu’un morceau de bois.
J’avais pu, en mandant toutes les escouades disponibles, réunir à peu près deux compagnies. Quelques gendarmes et gardes-champêtres s’étaient joints à nous : en tout deux cent cinquante hommes. Qu’est ce que deux cent cinquante hommes sur une ligne de douze lieues envahie par quatre à cinq mille loups enragés, d’autant plus affamés qu’il y avait plus à prendre, et qui réalisaient textuellement le proverbe que l’appétit vient en mangeant ? J’ai usé une cravache de cuir sur leur dos, et fait tirer en l’air plus de cinq cent cartouches, mais ils tiennent peu compte des balles qui ne font que leur siffler aux oreilles.
Cependant, elles pouvaient les leur frotter de plus près. C’est ce qui arriva malheureusement : un homme fut tué. Cette balle venait de la carabine d’un gendarme, et ce ne fut que par ricochet qu’elle porta, car il n’avait pas ajusté. Toutefois, je me félicitai que le coup ne vint pas de mes gens. Ils sont presque tous du pays, généralement aimés des habitants avec lesquels, hors ces cas de naufrages, ils vivent en parfait accord. Mieux vaut que cette harmonie ne soit pas troublée. Les bourrades et coups de fouet n’ont jamais ce fâcheux résultat ; ils sont considérés comme simple avertissement ou correction paternelle, et presqu’un signe d’amitié.
Ils ne vous en veulent même pas trop de les empêcher de prendre. Mais c’est tout autre chose quand on les oblige à rendre ce qu’ils ont pris : cela les touche au cœur. Il semble qu’on les vole, qu’on leur ravit leur héritage, qu’on leur arrache l’âme. Dans la conviction de leur bon droit, c’est vous qu’ils regardent comme le brigand, le pillard, le spoliateur et presqu’un sacrilège, car vous leur ravissez le don de Dieu. Alors aussi leur désespoir n’a pas de bornes ; ils poussent des gémissements ils se roulent par terre, s’arrachent les cheveux. J’en ai vu un, dans sa rage, se jeter entre les jambes de mon cheval pour se faire écraser. Il avait l’air de dire : Puisque tu m’as pris mon bien, prends aussi ma vie.
Pendant une semaine, la côte fut couverte de cadavres ; la mer en rapportait sans cesse. C’étaient des pauvres soldats, et l’on ne se hâtait guère de les enterrer : c’était un travail et les gens d’ici, pas plus qu’ailleurs, n’aiment à travailler pour rien. Puis il s’agissait d’hérétiques. [5]
Les premier jours, dans le doute qu’ils fussent morts, je prenais les plus grande précautions pour ne pas marcher dessus ; mais on s’habitue à tout, et les jours suivants, je lançai mon cheval au galop sur la plage jonché d’hommes, et pourtant ma jument n’en toucha pas un seul : elle passait par-dessus sans les effleurer. Une seule fois, un jeune cheval, élève que je formais et que montait mon ordonnance, mit le pied sur un de ces corps demi-cachés sous les herbes marines, et il fit un tel bond qu’Henri, tout bon cavalier qu’il est, fut désarçonné.
Je ne dois pas omettre un trait dont j’ai été témoin et qui peint assez bien le caractère des habitants. Le capitaine de brigades de Pontusval, M. Massard de la Houssaye, est de ce pays. Il parle breton et joue du biniou (cornemuse), deux moyens d’influence morale sur les habitants. Au moment où l’un des navires venait de se briser et que les débris commençaient à arriver à la côte, Massard tire une ligne sur le sable, et après un petit discours en breton, il ajoute que le premier qui la dépassera, sera lié à un poteau qu’on voyait à quelque distance. Pendant une heure, nul n’approcha de cette barrière. Un seul s’y étant aventuré, Massard, qui est très robuste, le saisit, l’entraine, et réalisant sa menace, il l’attache au poteau, aux yeux de la foule silencieuse qui ne fit pas même un mouvement pour s’opposer à cette exécution un peu arbitraire.
Accablé sous la honte, le condamné, bien qu’attaché assez légèrement, ne bougea pas de son pilori. Il y resta une demi-heure, et pendant cette demi-heure la ligne fut respectée encore.
Elle l’aurait été probablement plus longtemps, si d’autre troupes de riverains plus hardis ou qui ne connaissaient pas Massard, son biniou et son éloquence, ne fussent arrivés. Ceux-ci franchirent la démarcation, les autres les imitèrent, et le pillage commença. Alors on aurait cru voir une ville prise d’assaut.
Jacques Boucher de Perthes
Lettre publiée dans ses mémoires intitulé « Sous dix rois – souvenirs de 1791 à 1860 – Tome troisième »
Commentaires :
L’auteur de cette lettre Jacques Boucher de Perthes est, en 1817, directeur des douanes à Morlaix et responsable d’un secteur allant de l’Aberwrach à la rive ouest du Trieux, avec un personnel de 600 hommes et plus de 30 cutters, lougres et canots armés.
[1] Le cotre des douanes, comme les bateaux de royale, embarque en permanence un pilote côtier : ayant une très bonne connaissance de la côte, il conseille le capitaine sur les dangers, les chenaux les mouillages, les courants et les marées.
[2] Le 9 décembre 1817, nous sommes en marée de vive-eau, le coefficient de la marée du soir est de 100, ce qui explique l’échouement très haut sur le rocher à proximité de l’île de Sieck.
[3] En 1817, aucun moyen de sauvetage institutionnel n’existe sur nos côte, souvent ce sont les pilotes lamaneurs qui répondent aux besoins de secours, mais leur moyens sont très limités, de simple canot creux à l’aviron. Les canots de sauvetage, insubmersibles et dédié uniquement à cette fonction commenceront progressivement à être mis en place à partir de 1866.
[4] Les anglais aide Simon Bolivar lors des guerres d'indépendance de la "grande Colombie".
[5] Les enterrements des cadavres étrangers rejetés par la mer posait des problèmes : étaient ils catholiques ou non ? dans le cas de non certitude de la religion ils n’était pas possible de les enterrer en terre consacrée, ils étaient donc enterrés en dehors du cimetière paroissial.
Je suis à la recherche de tout documents : archives, témoignages écrit, sur les naufrages de six navires entre l’île de Sieck et Plouguerneau dans le nuit du 9 au 10 décembre 1817 dont un navire portugais de 250 tonneaux, le trois-mâts Anglais India de 700 à 800 tonneaux à destination de la Colombie et de deux bricks de 300 à 400 tonneaux.
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Encore un terreneuvier qui coule
Perros-Guirec, 8 avril – Le navire Anne-Marie, capitaine Moreau, armateur M. Jean Legasse de Bayonne, jaugeant 140 tx 94 monté par 29 hommes, parti de Saint-Malo le 30 mars dernier à destination de Terre-Neuve a sombré ce matin, 8 avril vers 5 heures et demie, au large des Sept-Îles (à 7 milles environ entre Triagoz et les Sept-Iles).
Une voie d’eau s’était déclarée à bord et la pompe étant engagée, le sel dont il était chargé s’est fondu.
Tous les hommes se sont sauvés au moyen des dix doris du bord et à l’aide du bateau de sauvetage de Perros et du bateau pilote de Ploumanac’h.
Ouest éclair du 9 avril 1908
Rapport de sortie du canot de sauvetage
Perros-Guirec
9 avril 1908
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous confirmer la dépêche de notre Président M. Le Lay, vous annonçant la sortie effectuée hier par " l'Amiral Mallet (Athanase)", pour porter secours au brick-goélette "Anne-Marie", de Bayonne. Ce navire faisant route de Saint-Servan pour le banc de Saint-Pierre, avec 29 hommes d'équipage.
Une voie d'eau s'étant déclarée à bord, ne put être aveuglée, et hier matin, se trouvant à environ 5 miles au large des Sept-Iles, son navire ne gouvernant plus, le Capitaine fit des signaux de détresse.
Le navire coulant bas, une partie de l'équipage fut recueillie par un bateau pilote de Ploumanac'h qui se trouvai dans ces parages.
Une autre ne pouvant prendre place sur ce bateau se réfugia sur trois doris. Sur ces entrefaites l'"Amiral Mallet (Athanase)" faisait force de rames et arrivait bientôt sur les lieux du naufrage. Il prit les trois doris à la remorque et fut assez heureux pour les ramener à bon port, malgré la mer grossie par une forte brise du N-E, avec les 10 naufragés qui s'y étaient réfugiés.
L'équipage de l"Amiral Mallet (Athanase)" s'est montré plein de courage et d'entrain
Le secrétaire du comité local
De Lespinasse.
Armement du canot de sauvetage "Amiral Mallet (Athanase)": Briend (François), patron; Le Gac(Pierre), Suerren (François), Guillouzer (Louis), Lozaïc (François), Guillou, Boutier (Jean), Keromen (Joseph), Briand (Adrien), Maguer (Paul), Arzur (Pierre) et Menou (Yves) , canotiers.
Rapport du pilote le Goff
Perros-Guirec
26 avril 1908
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous informer que j'ai porté secours au navire "Anne-Marie", de Bayonne, qui a coulé le 8 avril à 5 miles au large des Sept-Îles. A 5 heures du matin, J'ai aperçu ce navire avec son pavillon en berne. Je suis sorti du port de Ploumanac'h avec une forte brise de N-E et je suis arrivé sur les lieux du naufrage après avoir couru bien des dangers.
J'ai recueilli le capitaine et ses sous-officiers, les derniers qui sont restés à bord; je les ai conduits dans le port de Perros-Guirec sains et saufs.
Le Goff François
Pilote
(Rapport transmis par M. Le Lay, lieutenant des douanes en retraite, Président du Comité Local de Perros-Guirec)
Commentaires :
François le Goff recevra la médaille de bronze du sauvetage pour ces faits de sauvetage.
Perros avait deux pilotes lamaneurs, l'un basé à la rade, l'autre à Ploumanac'h
Le canot de sauvetage "Amiral Mallet (Athanase)" a été en service à Perros (la rade) de 1904 à 1948, la station de sauvetage de Ploumanac'h n'a été crée qu'en 1912
Sources: Annales du sauvetage maritime 1er fascicule de 1906 édité par la "Société Centrale de Sauvetage des Naufragés"
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Roscoff (Finistère)
Rapport du comité de Roscoff à la Société centrale de sauvetage des Naufragés, sur les deux sorties faites par le canot de sauvetage de Roscoff dans la soirée du 3 et la nuit du 3 au 4 février pour porter secours au vapeur français Vendée de Nantes, naufragé sur les rochers de Santec, commune de Roscoff [1].
Première sortie
Le dimanche 3 févier, courant à cinq heure du soir, monsieur le commissaire de l’Inscription maritime à Roscoff recevait une dépêche des guetteurs du sémaphore de l’île de Batz [2], signalant un vapeur en détresse à trois mille dans le N-O et dérivant sur l’île de Batz.
Le comité aussitôt prévenu fit lancer le canot à cinq heures quarante-cinq. Il ventait en tempête du N.N-O, et le fort courant de flot de grande marée [3], poussé encore par la violence du vent rendait la sortie des plus difficiles. Néanmoins le canot de sauvetage, longeant la jetée de Roscoff, fit route à l’aviron pour essayer d’atteindre l’entrée ouest du chenal ; jusqu’à sept heures du soir l’équipage lutta et fit des efforts désespérés pour doubler la pointe du fort Lacroix [4], mais la force des grains de grêle et de neige était telle que le canot n’avait pu gagner au vent que huit cent mètres environ. Le patron le Mat, voyant ses canotiers exténués, se décida à revenir à l’abri de la jetée pour leur donner du repos, remplacé les plus fatigués et attendre le renversement du courant.
L’équipage était composé pour cette première sortie de : 1 Le Mat Esprit, patron ; 2 Roignant Charles 2ème patron ; 3 Saout Louis ;4 Créach Paul ;5 Masson Joseph fils ; 6 Auttret Victor ; 7 Le Mat esprit fils ; 8 Creignon Pierre ; 9 Kerenfors Jérôme ; 10 Le Duc Hervé ; 11 Grall Ollivier ; Provost Jean
A six heure cinquante-cinq, nouvelle dépêche des guetteurs de l’île de Batz ainsi conçue : « Perdu de vue vapeur signalé en détresse à deux milles S-O Dérive sur l’île de Sieck : perte presque certaine »
Deuxième sortie
La nuit et les grains de plus en plus fréquents rendaient la situation de plus en plus critique ( à la nuit les guetteurs avaient perdu de vue le vapeur). Essayer de franchir à cette heure les brisants de la passe ouest, c’était exposer à une mort certaine l’équipage du canot. Il n’y avait donc en l’état que deux partis à prendre : ou laisser le canot à l’abri jusqu’au jour ou profiter des dernières heurs de jusant pour atteindre l’entrée du chenal ; ce dernier parti n’était pas sans danger pour les sauveteurs, mais il offrait une dernière chance de salut pour les malheureux en détresse. Le patron le Mat et son vaillant équipage insistant pour le prendre, le comité local fut unanime pour l’approuver.
A dix heures et demie du soir, après avoir laissé à terre les trois canotiers Le Duc, Grall et Provost (que leur fatigue extrême rendait incapables) et les avoir remplacés par les nommés Frout Baptiste, Saout François et Guyader François, le patron le Mat reprenait la mer avec les autres hommes du premier équipage dans lesquels il avait toute confiance et le nommé Le Mat Jean-Marie.
A deux heures du matin le canot atteignait la pointe Ouest , côté sud de l’île de Batz ; aucun feu n’indiquait la position du navire, il y avait impossibilité absolue, du reste, à franchir dans l’obscurité les brisants de la passe ouest. Le patron Le Mat se décida alors à jeter l’ancre à l’entrée d’une petite crique dite Pors Reter et y attendre le jour. On avait parcouru trois milles. Mais à ce moment le vent sauta N. N-E, l’ouragan se déchaina dans toute sa force, l’ancre commença à chasser et les lames du brisant poussée par un ressac furieux, venait briser continuellement sur l’arrière du canot. La position devenait critique, l’ancre fut levée et sans hésitation le patron dirigea son canot dans l’intérieur de l’anse où il mouilla par une brasse d’eau.
Au jour profitant d’une espèce d’accalmie le patron le Mat put se rendre compte de la position du vapeur qu’il aperçut coulé dans le sud des récifs du toc (Rocher de Santec) en Roscoff. Sa mâture (Goélette latine) émergeait à trois mètres au dessus de la pleine mer, son fanal de position, éteint, pendait au mât de misaine et son pavillon français en berne flottait en loques à son grand mât. Un mille et demi environ séparait le canot de sauvetage du navire naufragé, qui d’après les renseignements fournis depuis par les guetteurs dut faire côte vers huit heures du soir. Le vent hala le N-E et l(ouragan reprit toute sa force. Le ressac balayait les rochers sur lesquels le canot de sauvetage eût été broyé s’il eût essayé de les explorer. Tout était fini, nos sauveteurs avaient fait leur devoir.
Le patron Le mat et ses canotiers interrogèrent une dernière fois l’horizon, ils ne virent rien, il était alors huit heures du matin. A neuf heures le canot était assez heureux pour atteindre sans avaries, par une mer affreuse, le port de Roscoff ; il n’était que temps. Les familles et le comité ne voyant rien paraitre au jour n’étaient point sans inquiétudes. L’équipage épuisé, presque anéanti par le froid, était à bout de forces.
Neuf heures et demie -La tempête continue, le canot a été monté dans sa maison abri et tout est prêt pour une nouvelle sortie si quelque navire en détresse était signalé. Le canot s’est bien comporté et l’équipage a toute confiance.
Midi -L’état de la mer ne permet pas d’approcher l’épave qu’on suppose être Vendée de Nantes, d’après quelques notes trouvées à la côte, allant de passage à Rouen.
Une heure - La côte est couverte d’épaves (barrique de vin).
Le président du comité,
Ludovic le Dault
Le brick X, de Nantes , capitaine Gatineau , allant de Bayonne à Newcastle, avec un chargement de poteaux de mines, s’est perdu corps et biens dans la nuit du 3 au 4 février sur la côte nord de l’île de Batz. Le drame a eu lieu la nuit sans témoins . on trouve des cadavres […]. Nous sommes encore sous l’impression des malheurs récents. On retrouve à l’instant les épaves d’un autre navire, encore inconnu, ce qui porte à trois le nombres des navires perdus corps et biens devant Roscoff et l’île de Batz dans la nuit du 3 au 4 février. Encore un drame sans témoins et toujours au milieu de la nuit. C’est une fatalité !
Le Président L. Le Dault
Commentaires :
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Roscoff (Finistère)
Le 27 décembre 1907
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance le récit de sauvetage suivant :
Le 22 décembre 1907, dans l’après midi, le patron Méret, de la « Rafale », montée par quatre hommes, partait de Carantec pour aller à la pêche aux congres dans l’ouest de l’île de Batz.
En passant par les Lavandières et les roches de Santec, à toucher le petit « Counn » qui brisait, il a attrapé un coup de mer qui l’a fait sombrer.
Le patron Cocaign Henri, de la « Clotilde », qui revenait du large, ne voyant plus ce bateau qu’il apercevait depuis quelque temps, a fait route dans sa direction. Il se trouvait au moment du sinistre à une distance de 200 mètres environs. Arrivé sur le lieu, il a vu deux hommes sur l’eau. Il s’est dirigé sur celui qui paraissait le plus affaibli et, au moment où il allait disparaitre, ses hommes l’ont pris, avec une gaffe pour l’attirer le long du bord et l’embarquer.
L’autre naufragé se trouvait à une petite distance ; ils lui ont lancé un bout de filin qu’il n’a pu saisir.
Sur ces entrefaites le « Reder Mor », patron Guyader Louis, qui prenait aussi les passes de l’île, ne voyant plus le bateau qui venait en sens inverse, et entendant des cris, supposa un sinistre et vint vers les appels. En arrivant sur les parages il aperçut un naufragé qui ne faisait plus de mouvement et qui allait couler. La mer était clapoteuse, le bateau se trouvant sous le vent et ne gouvernant plus, le patron voyant qu’il ne pouvait pas atteindre ce malheureux demanda un hommes de bonne volonté, bon nageur, pour aller à son secours. Immédiatement le nommé Sévère François se fit amarrer par une ligne et, sans hésitation, se jeta à la mer au milieu des brisants et réussit à saisir le naufragé. Les matelots restés à bord les halèrent alors à eux et embarquèrent les deux hommes.
La « Clotilde » et le « Reder Mor » , après avoir exploré les lieux de l’accident, ne voyant plus rien, décidèrent de rentrer à Roscoff le plus tôt possible pour donner des soins aux naufragés, après avoir engagé un troisième bateau, le « Reder Mor I » à y séjourner dans l’espoir que les deux marins disparus reviendraient sur l’eau. Ce bateau est rentré plus tard après d’inutiles recherches.
Je me permets de vous signaler la conduite héroïque de Sèvère qui n’a pas hésité à se lancer à la mer au milieu des brisants par un ressac des plus violents.
Je mentionne aussi la conduite des équipages des « Reder Mor » et de la « Clotilde », dont les patrons n’ont pas hésité, au risque de se perdre, à se lancer dans les brisants pour sauver leurs semblables. Le patron de la « Clotilde », Cocaign, est un de nos bon canotiers quiu a déjà à son actif plusieurs sauvetages.
Le président du local
Salaün
Capitaine au long cours.
Commentaire :
Le Reder Mor, 15,88 tonneaux immatriculé M1226, à Louis Guyader est tout neuf lors du sauvetage il a été lancé en 1907, c’est le troisième du nom le Reder Mor I un sloup de taille plus modeste 8,54 tonneaux, immatriculé M968 a été construit en 1897 pour Louis Guyader.
Source : Annales du sauvetage maritime tome XLIII du premier trimestre 1908
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"En 1813 ou 14, deux cétacées vinrent échouer sur cette plage déserte (Saint Michel en grève) Ils étaient de l'espèce des 70 individus que l'on prit en janvier 1812, sur la cote de Ploubazlanec, auprès de Paimpol, et que M Cuvier nomma alors Dauphin-Globiceps, à cause de la sphéricité de leur tête. Ils forment une espèce nouvelle pour les naturalistes, et ne ressemblent en rien à ceux qui, jusqu'à ce jour, avaient échoué, tant sur les côtes de ce département, que sur celles du Finistère. Depuis, et en 1818, 20, 22 et 29, on a pris sur nos côtes deux cent cinquante de ces animaux, que l'on a vendus 16010 francs. Des vingt sept derniers, échoués dans les côtes du Nord, on a extrait vingt-deux barriques d'huile, du prix de deux cents francs la barrique.
Le plus grand des cétacées qu'un vent de nord-est poussa en 1812, sur la côte de Ploubazlanec, pesait cinq mille livres et avait dix-neuf pieds de long sur dix de circonférence.
C'était une femelle: sa peau avait trois lignes d'épaisseur, elle était élastique et d'un gris foncé. Le lait qui jaillissait spontanément et par instants de ses mamelles, bien qu'elle fût morte, était d'un blanc fauve, de consistance presque sirupeuse, et d'une saveur fade. Ces animaux poussaient un cri plaintif, semblable à une sorte de mugissement, et ils vécurent jusqu'à quatre et cinq jours, quoique privé de leur élément. Leur sang avait la couleur de la teinture de cochenille; leur chair ressemblait à celle du bœuf, elle avait le goût du foie de nos animaux de boucherie, et plusieurs chiens en mangèrent sans répugnance.
M. Le Maout en envoya un jeune à Paris; c'est ce sujet bien conservé qui a servi à M. Cuvier, pour en déterminer l'espèce […]
Privée de son huile, et mise à macérer dans un courant d'eau vive, la chair du Dauphin-Globiceps se transformerait, selon M Le Maout en adipocire, substance analogue au blanc de baleine, et que l'on emploie aujourd'hui dans la fabrication de la chandelle dite diaphane. Les os traités par la carbonisation pourraient prétend il, être converti en noir animal, dont l'usage est maintenant si répandu.
Le hasard seul ajoute M. Le Maout, nous a procuré ces diverse captures, mais ne serait-il pas possible de les rendre plus fréquentes, en nous instruisant de la manière dont on prend les dauphins et les baleines, dans les mers du nord et du sud, cela nous affranchirait du tribut que nous payons au pays, d'où nous vient l'huile."
Habasque "notions historiques, géographiques, statistiques et agronomiques sur le littoral du département des Côtes du Nord" 1832
Petit commentaire:
La chasse au globicéphale ne s'est pas développée, par la suite, dans les côtes du nord et nous n'assistons pas, aujourd'hui au massacre de ces animaux comme aux Féroé.
Toutefois, à bord des caboteurs à voile, le harpon faisait souvent parti du matériel embarqué, le ragout de marsouin paraissait quelquefois à la table du bord et était particulièrement apprécié.
De nos jours, quelquefois, des bancs de globicéphale fréquentent paisiblement nos côtes. Un copain, pêcheur amateur, m’a rapporté le passage, vers le 15 juin de cette année, de cinq globicéphales entre les Sept Iles et la côte, dans le sud des noires de Rouzic, faisant route vers le NE. En 1990, un banc de 15 à 20 individus a remonté le Trieux jusqu'à Lézardrieux.
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Port-Blanc (Côtes du Nord)
Le dimanche 30 septembre 1900, vers neuf heures du matin, MM. Lucien Monod et Blunt, artistes peintres se rendaient (comme ils le faisaient presque journellement), à l’île Saint-Gildas pour leurs études de peinture.
Au moment du départ, le vent était au S-S-O à un ris ; l’île étant située à environ un mille du quai, le trajet ne fut pas long, dix minutes ou un quart d’heure au plus.
Vers neuf heure quarante-cinq, le bateau « Franco-Russe » mouillait à une cinquantaine de mètres des rochers de l’île. A ce moment la grand’voile était bordée à plat et on s’apprêtait à l’amener, lorsque tout à coup survint une forte rafale qui, prenant le bateau en travers, le fit chavirer. (A ce moment, le bateau n’était pas encore venu à l’appel de son ancre et se trouvait en travers au vent).
MM. Monod, Blunt et l’équipage furent projetés à la mer et le youyou qui était heureusement à la remorque, fut saisi par l’équipage, qui vint dès qu’il pût au secours de ces messieurs.
M. Monod qui ne savait pas du tout nager et qui, par la suite de douleurs à une jambe, ne pouvait guère se mouvoir dans l’eau ; fut soutenu à la surface par M. Blunt, vigoureux et excellent nageur qui le maintint dans cette position jusqu’à l’arrivée du youyou, qui le prit alors, et le débarqua dans l’île où il fut soigné par Mme. Duportal, son propriétaire.
Dans ces conditions, M. Blunt a sauvé d’une mort certaine, son ami M. Monod, qui allait infailliblement périr sans le secours qui lui a été apporté.
Rapport du syndic de Port-Blanc, transmis par M. le Commissaire de l’Inscription Maritime à Tréguier
Note :
Hector Lucien Monod (1867-1957), artiste-peintre fut un parent éloigné de Théodore Monod.
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Hier, sur les cinq heures, un homme pâle, effaré, et les vêtements trempés d'eau de mer, accourait à Roscoff et venait réclamer des secours, annonçant que quatre personnes, dont on n'avait pas encore retrouvé les cadavres, étaient noyées, et que quatre autres, retirées des eaux, étaient gravement malades. L'émotion produite par cette affreuse nouvelle est impossible à décrire, car par ce beau temps beaucoup do monde était en mer et chacun tremblait pour les siens. Mais de nouveaux renseignements fixèrent bientôt les incertitudes, on annonça que c'était le Grand-Casimir qui s'était brisé sur des rochers. Ce vieux bateau que l'on aurait dû condamner depuis longtemps, car il avait trente- six ans de construction, avait été vendu, il y a quelques mois, au prince de Galitzine, qui, obligé de quitter Roscoff, l'avait laissé à la disposition de son ami le vicomte de Fleury qui faisait souvent des promenades en mer avec quelques personnes. Hier, après le. Déjeuner, il emmena avec lui sept personnes et les deux hommes d'équipage, dont un est pilote, Le temps était beau quoique la brise fût forte, et ils restaient sur les côtes entre l'île de Batz et la pointe de Santec, Le pilote qui cependant doit bien connaître la rade, ne calculant pas que le ressac creusant profondément les lames, mettait les rochers presque à découvert malgré la haute mer, voulut passer quand même, au lieu de prendre la passe. Le bateau vint heurter violemment le rocher des Capucins, et comme il était vieux, il ne put résister au choc et sombra immédiatement en s'entrouvrant. Tous les passagers disparurent sous les flots. Cependant un jeune Russe, M. Grégoire, fort bon nageur, plein d'énergie et de sang-froid, ne s'éloigna pas du lieu du sinistre, et, avec un dévouement sans égal, il porta secours aux naufragés le bout-dehors du bateau émergeait seul il y attacha une jeune Américaine, en lui recommandant d'attendre patiemment les secours qu'il allait chercher; de plus, il parvint, en se dévouant toujours, à faire accrocher à ce même mât Mme Hennessy, mère de la jeune fille; un autre homme, le domestique du vicomte do Floury, s'était également réfugié au même endroit. Puis les premiers soins donnés, le jeune Russe luttant toujours contre les flots, fit accrocher M. de Fleury, paralysé d'une jambe, à un mât qui flottait, et une fois toutes ses mesures prises, il songea à gagner la terre pour aller chercher du secours. Pendant ce temps, le drame se déroulait. Mme Honnessy qui à chaque instant plongeait dans la mer par le mouvement du mât, couvert incessamment par la vague, finit par lâcher prise; elle se cramponna alors aux pieds d'un de ses voisins, qu'elle entraîna au fond de l'eau le malheureux parvint à se dégager; la pauvre femme revint à la surface et voulut le saisir de nouveau, heureusement pour lui, elle ne prit que son chapeau, et elle disparut emportée par la vague. Le pauvre de Fleury voguait sur son mât vers la terre, mais une vague énorme le roula, et comme, ainsi que nous l'avons dit, il était paralysé d'une jambe, il ne put regagner son épave et périt aussi. Plus loin, grâce encore au Russe, M. Grégoire, M. et Mme Potter, étaient parvenus à se réfugier sur une roche. Craignant d'être enlevé par la lame, M. Potter, excellent nageur, fit monter sa femme sur son dos et essaya de gagner la côte; mais il avait trop présumé de ses forces, et bientôt ces deux Anglais que tout le monde aimait ici disparurent dans les flots. La mer tenait quatre victimes qu'elle ne rendit qu'à l'état de cadavres. Le jeune Russe à peine à terre, quoique le corps affreusement déchiré par les rochers, prit une voiture et vint chercher à Roscoff des secours pour les survivants. Les médecins partirent, et les trois naufragés malades Mlle Laïla Hennessy; M. Hennessy, le pire, qui s'était sauvé à l'aide de deux avirons, et Justin, le domestique de M. de Fleury, rentraient bientôt en voiture à Roscoff. Les cadavres ne purent être ramenés que plus tard, à cause des constatations légales
Article du Le figaro du 06 septembre 1880 N° 250
Cet article est pratiquement repris dans Le journal illustré du dimanche 19 septembre 1880
Commentaires :
Hyacinthe Kerenfors, le constructeur de Roscoff construit pour son compte, en 1846, un cotre de plaisance à clin de 4tx. ce qui est très novateur pour l’époque. Le nom de ce bateau est « Casimir » Ce cotre se fait particulièrement remarquer, par sa rapidité, aux régates de Brest de 1849 que Hyacinthe kerenfors remporte haut la main
D’après la description du naufrage le prince de Galitzine, de la grande noblesse russe, achète début 1880 un vieux cotre de 36 ans , donc construit en 1844. Il le nomme le Grand Casimir en l’honneur du roi Casimir III de Pologne et de Russie.
Le Grand Casimir était-il l’ancien Casimir de Hyacinthe Kerenfors ? Une future recherche au SHM Brest dans les registres de l’inscription maritime de Roscoff fournira, peut être, des éléments complémentaires sur ces deux Casimir.
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Une chasse au macareux en Bretagne
Grand amateurs de chasse en mer, nous projetions depuis longtemps, mon ami Ch. D… et moi, d'aller visiter les côtes de Bretagne. […]
Si nous ouvrons la Chasse au gibier à plumes, du docteur Chenu, petit traité d'ornithologie précieux pour tout chasseur, nous y trouvons la description suivante du macareux: "Le macareux ou perroquet du nord a les joues et les côtés de la tête d'un blanc grisâtre; le dessus de la tête et le dos noirs; un collier de même couleur sur le cou; le dessus du corps blanc. Pattes rouge orangé Bec singulièrement comprimé sur les côtés, gris bleuâtre à la base, jaune au milieu, rouge à la pointe et présentant trois sillons à la mandibule supérieure et deux seulement à l'inférieure, et une rosace jaune aux commissures. Longueur, 0m, 30. "
La description est fort exacte et donne suffisamment l'aspect de l'oiseau. Nous ajouterons seulement, pour le chasseur, que le macareux est de la famille des plongeurs, comme les pingouins et les guillemots et se nourrit comme eux de coquillages et de poisson.
Mais où trouver l'oiseau? […] nous nous adressâmes à Delasalle, le naturaliste de la rue des Saints-Pères, qui nous avait donné l'idée de cette chasse. Il nous apprit qu'il avait reçu, dix ans auparavant, d'un de ses clients, quantité de macareux; qui lui étaient expédiés de Perros-Guirec, petit port des Côtes-du-nord, et que la chasse avait eu lieu dans un ilot du groupe des Sept-Iles, situé à quelques milles au large.
Forts de ces renseignements et bien munis de cartouches, nous quittions Paris le soir du 15 mai 1880, veille de la Pentecôte, et nous nous dirigions sur Plouaret, station de la ligne de Brest. Le lendemain matin, nous montions en voiture, nous allions déjeuner à Lannion et nous arrivions à deux heures au port de Perros. On nous avait indiqué l'hôtel du Levant; nous y descendîmes. Ce n'était pas luxueux; mais nos chambres étaient propres et n'offraient pas de trace d'humidité; nos fenêtres donnaient sur le port, nous apercevions devant nous la mer et à gauche la pointe de Perros et quelques-unes des Sept-Iles, et nous n'avions que le quai à traverser pour nous embarquer.
Il ne fallait pas songer à prendre la mer ce jour-là, la journée était trop avancée; il en fut de même le lendemain, car le vent soufflait grand frais du nord-est, c'est-à-dire du large, étant donnée la position de Perros, et les vagues brisaient avec fureur.[…]
L'arrière-port était alors à sec et nous pûmes examiner sur la vase les embarcations qui composaient la flotte de Perros. Parmi elles nous remarquâmes une barque non pontée, de quinze pieds de quille environ, paraissant bien construite et bonne marcheuse. C'était la Gazelle. Le patron avait, nous dit notre hôte, l'habitude de promener les amateurs, et conduisait souvent, au mois de juin, à l'ile Rougie (sic), des chasseurs nantais qui venaient faire la guerre aux calculots. Les calculots, c'étaient nos macareux. Le hasard nous servait à souhait. Nous nous mîmes immédiatement en rapport avec le patron Jézequel et il fut convenu que dès le surlendemain, si le temps le permettait, nous partirions à marée descendante pour l'île Rougie, emportant avec nous notre déjeuner. C'était une excursion d'une dizaine d'heures environs, le trajet demandant de une heure à trois heures, selon le vent.
Le surlendemain, au petit jour, nous quittâmes le port. Le vent était tombé et c'est à peine si une faible brise gonflait nos voiles. Au cours du trajet, le patron, encore vigoureux malgré son âge, dût même se mettre aux avirons avec son matelot Théodore. Le défaut de vent nous empêcha de poursuivre un grèbe et quelques guillemots que nous aperçûmes en route, et de longer certaines roches affectionnées des cormorans. Enfin, après avoir laissé sur la droite l'île Thomé et ses falaises, et sur la gauche, mais au loin, les roches pittoresques de Ploumanach et l'île aux Moines, la plus importante du groupe des Sept-Iles, nous vîmes se dessiner nettement et grandir l'île Rougie, le théâtre de notre chasse future.
L'île Rougie n'est autre chose qu'un ilot désert de deux cents mètres de long environ sur quatre-vingt de large et cinquante ou soixante de haut. Au bas c'est un chaos de rochers que l'on ne peut accoster que par une mer très calme; puis le sable et la terre végétale apparaissent, donnant naissance à une herbe courte et rougeâtre que rongent quelques lapins étiques qui se sont ça et là creusé des terriers. C'est précisément dans certains de ces terriers que les macareux viennent déposer leurs œufs au mois de mai, après en avoir expulsé les habitants.
Arrivés à quelques centaines de mètres de l'île, nous découvrîmes sur l'eau quelques oiseaux isolés dans lequel nos jumelles marines nous firent reconnaitre à leur bec rouge des macareux. Nous nous dirigeâmes sur l'un d'eux, il nous attendit bénévolement; un coup de plomb n°6, tiré à trente pas, mît fin à ses réflexions philosophiques; Nous en tuâmes deux ou trois autres à l'eau ou au vol sans changer notre route, et enfin nous accostâmes l'île par le côté le plus facilement abordable.
Il fallait toutefois prendre de grandes précautions pour ne pas défoncer l'embarcation. Pendant que nos matelots la maintenaient le long d'une roche, nous sautâmes à terres, suivis de l'un d'eux, et l'autre poussa au large. Passant alors de rochers en rochers, nous accrochant des pieds et des mains, nos fusils préalablement mis en bandoulière, nous gagnâmes la terre ferme. Nous eûmes alors à escalader l'île, et l'ascension n'était rien moins que facile, bien que le terrain fût sec. Elle était même dangereuse et plus d'une fois nous glissâmes sur l'herbe du sommet non sans une certaine émotion; j'en appelle aux souvenirs de mon compagnon de chasse qui, à un moment donné, une pierre ayant manqué sous son pied, se sentait descendre lentement vers le bord escarpé de la falaise, sans trouver aucun point d'appui.
Peut-être eussions-nous reculé, mais notre matelot nous prévint, sous forme d'encouragement, que les terriers des macareux étaient pour la plupart sur l'autre versant, et qu'il nous fallait arriver là pour faire chasse. Nous continuâmes donc. Des goélands, des mouettes, voire même des oiseaux de proie, planaient sur nos têtes, profitant de l'impossibilité momentanée où nous nous trouvions de nous servir de nos armes. Enfin nous arrivâmes au but.
Nous étions redescendus sur le bord d'une sorte de falaise assez basse. Sous nos pieds étaient creusés les terriers occupés par les macareux, et notre matelot se mit en devoir d'explorer les trous au moyen d'un bâton muni d'un crochet. Hélas! La saison n'était pas assez avancée. Les oiseaux ne couvaient pas encore, ils se tenaient à la mer et nous pûmes les apercevoir de l'autre côté de l'île en bandes nombreuses, plongeant à l'envi l'un de l'autre pour conquérir leur déjeuner. Trois ou quatre seulement partirent de leurs trous, nous offrant l'occasion de coups plongeants et nous rappelant le tir du lapin au furet. Nous ramassâmes nos victimes et deux gros œufs blancs, l'espoir de deux familles de macareux, et nous regagnâmes la barque, déterminés à poursuivre notre gibier sur son élément.
C'était le plus sage; en commençant par là, nous nous serions ménagé une chasse plus belle et moins fatigante. Nous étions à peine dans la barque, occupés à déjeuner à l'abri des rochers, que quelques macareux vinrent, en sifflant comme des macreuses, passer et repasser près de nous. Leur vol est fort rapide lorsqu'ils sont lancés et il faut avoir soin de les tirer bien en avant du bec. Nous en tuâmes ainsi quelques-uns, nous en manquâmes un plus grand nombre. Puis, levant l'ancre, nous appareillâmes, nous dirigeant sur une bande que nous apercevions un peu plus au large et bien décidés à ne tirer qu'à belle portée sur des oiseaux qui n'étaient pas effrayés. Six macareux restèrent sur l'eau aux premiers coups, nous en abattîmes un autre au vol. L'un d'eux, blessé seulement, se mit à plonger, et c'était chose curieuse que de voir cet oiseau s'enfoncer à pic dans nue eau si limpide que le regard le suivait facilement à vingt pieds de profondeur. Enfin, un coup de fusil l'arrêta dans sa fuite désespérée.
La marée montait déjà depuis quelques heures, il fallait partir pour arriver au port à la pleine mer. C'est ce que nous fîmes, tirant encore quelques coups de fusil en route, nous promettant de recommencer la partie.
Nous la recommençâmes en effet le lendemain. Cette fois le vent s'était un peu élevé, et la Gazelle, justifiant son nom, s'élançait légèrement sur les vagues, portant toute sa toile, foc, misaine et taille-vent. C'était un vrai plaisir que de se sentir marcher avec cette vitesse. Arrivés au large de l'île Thomé, nous filâmes une ligne à l'arrière de la barque, avec l'espoir de prendre en route quelques dorades semblables à celles que nous avions vues, la veille, rapporter au port par les pêcheurs. Mais nous n'avions pour amorces que des débris de sardines trop vieux; la boette ne valait rien. Aucune secousse ne se fit sentir à la main attentive qui tenait la ligne et nous ne tardâmes pas à laisser celle-ci pour les fusils.
Au pied de l'île Rougie, à l'endroit même où nous avions mouillé la veille, une longue bande d'oiseaux apparaissait, se détachant en blanc sur les eaux vertes où se dressaient les rochers. Les macareux étaient fidèles au rendez-vous. La bande composée d'une cinquantaine d'individus nous laissa arriver à belle portée. Mal lui en prit; nos quatre coups, prenant les oiseaux en écharpe au moment où ils s'envolaient, en abattirent une demi douzaine. Nous réussîmes à tirer de la même façon plusieurs autres bandes dans le courant de la journée. Bref, notre succès fut plus grand encore que celui de la veille. Soixante macareux, deux huitriers, quelques tourne-pierres et goélands, tel fut le bilan de nos deux jours. Je ne parle pas des oiseaux blessés ou mêmes tués raides et emportés au large par les courants; je ne dis rien non plus d'un magnifique homard et d'une araignée de mer achetés à des pêcheurs qui venaient relever leurs casiers près de nous.
La chasse eût été beaucoup plus belle si elle eût eu lieu un mois plus tard. Vers la fin de juin, en effet les macareux ont leurs petits à nourrir: ils se livrent à un va-et-vient continuel entre la mer et le nid, et, à en croire nos matelots, le chasseur caché au pied des roches peut à peine suffire à charger et à tirer, et peut facilement brûler une centaine de cartouches en quelques heures.
Si vous ne craignez pas le mal de mer et si vous voulez goûter de cette chasse, partez donc vers le milieu ou la fin de juin, prenez la ligne de Bretagne jusqu'à Plouaret et de là gagner Perros. A défaut du patron de la Gazelle, que je vous recommande, vous trouverez bien quelque matelot et quelque barque pour vous conduire à l'île Rougie, si le temps est favorable. Mais n'oubliez pas d'emporter une bonne provision de cartouches et de munitions car vous risqueriez fort de ne pouvoir vous en procurer à Perros, à une époque où la chasse est fermée depuis longtemps.
Mais que fait-on de son gibier, me direz-vous? Si vous avez des amis collectionneurs d'oiseaux, vous leur ferez grand plaisir en ajoutant à leur collection une paire de macareux. L'oiseau est rare partout ailleurs qu'à l'île Rougie et peut-être dans quelques autres ilots de Bretagne, et il figure avantageusement dans une vitrine avec son bec rouge qui le fait ressembler à un perroquet, sa cravate noire et son ventre blanc.
Si non, vous n'aurez plus qu'à faire cadeau de votre gibier à votre matelot, à moins que vous ne préfériez le manger vous-même.
Les pêcheurs mangent le macareux, mais j'avoue franchement que l'envie d'y goûter ne m'est point venue, je connaissais trop ce genre de nourriture de ce perroquet de mer. Voulez vous en tâter cependant?
Voici la recette donnée autrefois par la Chasse Illustrée: "Ecorcher les oiseaux, les couper en morceaux, les assaisonner de poivre, de sel et d'huile, mettre le tout à cuire doucement dans une marmite à l'étouffée et servir chaud. " Peut-être arriveriez-vous de cette façon à faire disparaître le goût huileux qui s'attache à la chair des plongeurs. Je doute toutefois que vous ne fassiez jamais du macareux un mets digne des éloges de Brillat-Savarin.
H. Tissier
Extraits d'un l'article paru dans "La chasse illustré" du 7 mai 1881 (collection personnelle)
Commentaire
Suite à des chasses massives dénoncées dans la presse, une prise de conscience de l’opinion publique entraina l’interdiction par arrêté préfectoral de cette chasse en 1911 en créant la réserve des Sept Iles.
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Rouen (Seine_Inférieure)
15 septembre 1908
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que le vapeur anglais « Oilfield », de Newcastle, armateurs MM. Hunting & Son, de Newcastle, capitaine James O’Neill, vient d’arriver à Rouen ayant à son bord les deux marins Delépine (Eugène) et Kermeleuc, faisant partie de l’équipage de la goélette «Normande» de Saint-Pierre et Miquelon, qu’il a recueillis en mer.
La goélette était mouillée entre le grand banc et le Bonnet Flamand (île de Terre-Neuve). Le 18 aout, vers 5 heures du matin, Delépine (Eugène), âgé de 36 ans, demeurant à Plouer (Côtes du Nord), et Kermeleuc (Jean-Louis), âgé de 19 ans, né à saint-Brieuc (Côtes du Nord) , s’embarquèrent sur une doris pour aller relever les lignes de pêche mouillées la veille au soir. Le temps était assez beau, une bonne brise de S-E régnait ; dans la matinée le vent augmenta et souffla en tempête, la mer devint démontée et la doris fut emportée à la dérive. Vers 7 heures du main, le capitaine de la goélette leur signala de allier le bord. Les hommes nagent pour rallier leur bord, mais la mer les pousse au large.
De la goélette, une autre doris est filée avec une ligne pour leur porter secours, mais elle disparait et les deux malheureux continuent à lutter contre cette mer en furie .
Vers les 3 heures du soir , Kermeleuc aperçoit une fumée à l’horizon et dit à son matelot : « Bonne affaire , voilà un vapeur ». Ils nagent pour couper la route à ce sauveur ; maintenant ils distingue la coque et la cheminée peinte en noir avec trois bandes horizontales rouges . Le vapeur avance rapidement, les naufragés font force de rames vers lui. Ils en sont à une dizaine de mètres, c’est le salut ! Les malheureux crient. Lèvent en l’air leurs avirons : le capitaine du vapeur les regarde, leur sourit et continue sa route. Tragique instant ! Delépine et Kermeleuc rendus furieux par cette lâcheté montrent leurs poings au capitaine clamant leur désespoir ils se mettent à genoux. C’est en vain.
Les voici de nouveau abandonnés sur ce vaste Océan en furie. Kermeleuc est abattu. Il n’a que 19 ans et il faut que son matelot lui remonte le moral. Delépine lui fait remarquer qu’ils se trouvent sur le passage des vapeurs venant d’Amérique et qu’une rencontre heureuse est possible. « il y a seize galette de biscuit enfermés dans les deux boites en fer et nos quatre litres d’eau également dans des boîtes en fer ; donc nous ne mourons ni
de faim ni de soif. »
« Pour le moment, ajouta Delépine, il faut aller au plus pressé. » C’est alors qu’ils prirent la manette contenant les lignes de pêche, l’amarrèrent à l’extrémité de la bosse du canot et la jetèrent à la mer pour leur servir d’ancre flottante. La mer est démontée et la doris continue ainsi à tanguer pendant les journées des 19, 20 et 21.
Chaque jour, les deux pauvres naufragés explorent l’horizon. Trois jours et deux nuits sans sommeil se passent sans que l’on aperçoive aucun navire.
Enfin le 21 aout, vers 4 heures du soir, une fumée blanche apparaît à l’horizon, cette fois c’est le salut. L’officier de quart, M John Johnson, à bord de l’ « Oilfield » qui a pour consigne d’explorer l’horizon toutes les demi-heures, signale un point noir dans le Nord-Ouest. La mer est toujours démontée, néanmoins le commandant O’Neill ordonne de changer de route et de se diriger sur ce point noir. Les naufragés, à bout de force, peuvent à peine faire des signaux de détresse. L’ « Oilfield » vire autour de la doris pour la protéger des effets du vent et de la mer et pouvoir l’accoster.
Les matelots anglais W.E. Atkins et Hans Anderson descendent, au moyen de cordes, dans la doris, amarrent les deux naufragés et on les hisse à bord ; l’embarcation elle-même est hissée à bord. A bord de l’ « Oilfield », nos compatriotes ont été l’objet des soins les plus dévoués. Le commandant O’Neill les fit se restaurer, les matelots leur offrirent des vêtements et leur prodiguèrent pendant le reste de la traversée les témoignages de la meilleure camaraderie. Bien plus, au moment du débarquement à Rouen, l’équipage, le commandant en tête, a fait une collecte dont le produit a été remis aux deux naufragés pour subvenir à leurs premiers besoins.
Le 29, par une violente tempête, l’ »Oilfield » changea de nouveau sa route pour aller offrir ses services au vapeur anglais « Mount Le banon », de Glasgow, qui demandait du secours. Mais le capitaine de ce vapeur s’étant arrangé avec le capitaine d’une goélette française remercia par les signaux le capitaine de l’ « Oilfield ».
Dans cette occurrence, la conduite du capitaine O’Neill est absolument digne d’éloges. Ce sont des actes qu’il faut encourager en récompensant les auteurs.
Je suis heureux, Monsieur le président, de signaler à votre haute bienveillance la conduite du commandant O’Neill et son équipage et d’une façon toute particulière, de l’officier de quart, M John Johnson et des deux marins anglais qui sont descendus dans la doris pour recueillir les deux naufragés.
Le capitaine de port
Lespierre
Lieutenant de vaisseau de réserve.
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Morlaix, le 2 juillet 1817
[…]On les appelle les Sept-Iles. L’une d’elle, L’ile Rousic, vis-à-vis Perros, est peuplé par les macareux qui y viennent au printemps pour faire leur ponte. Alors, l’ile entière est couverte de ces oiseaux qui l’affectionnent parce que la terre en est meuble et légère, et qu’ils ont la flaccidité de s’y creuser des trous. Cependant, pour s’éviter cette peine, ils s’emparent quelquefois du terrier d’un lapin qu’ils chassent de son logis à l’aide de leur bec tranchant. Le malheureux propriétaire, sans asile, est alors obligé d’errer sur la plage jusqu’à l’époque où ces usurpateurs quittent l’ile et retournent à Terre-Neuve avec leur progéniture.
Il est assez difficile de concevoir comment le macareux, dont les ailes sont courtes et le corps pesant et qui, dans ses migrations, ne s’arrête jamais, dit-on, peut accomplir un aussi long trajet. Probablement qu’il ne met pas plus de cinq à six jours dans s traversée, et dès-lors qu’il fait au moins deux cents lieues par chaque vingt-quatre heures. Il profite toujours pour partir, d’un temps fait et d’un vent favorable. Toutefois, en ceci les animaux se trompent comme les hommes, et les milliers de cadavres de ces oiseaux voyageurs que rapporte la vague après les tempêtes ou les changements subits des vents, prouvent que leur prudence mise en défaut ne les préserve pas toujours d’accidents.
A l’entrée du terrier du macareux, on voit son œuf qu’il vient exposer au soleil. Cet œuf est à peu près de la grosseur de celui d’une poule. Lorsqu’on approche pour s’en saisir, l’oiseau sort fièrement du trou, et se présente pour le défendre. A l’aide de son bec dur et tranchant, il parvient souvent à repousser son adversaire, fût-ce un homme. Il rentre alors dans son terrier, entrainant l’œuf qu’il pousse légèrement en arrière, sans cesser de faire face à l’ennemi.
Du reste, la chasse est facile et toujours fructueuse, pour peu qu’on en ait l’habitude. Dans ces iles, qui semblent être le quartier-général des volatiles de mer, on pourrait en tuer, dans un jour, la charge d’un bateau.
Quant à moi, chasseur inhabile, étourdi par cette multitude d’oiseaux criards qui m’entouraient comme une nuée de moustiques, je ne leur faisais pas grand mal, car je ne savais de quel côté diriger le canon de mon fusil.
En butte aux sarcasmes de mes compagnons mieux acclimatés ou plus adroits, je pris un bâton, et je me moquai d’eux à mon tour, car le produit de ma chasse eut bientôt excédé le leur.
Le grand pingouin apparait, dit-on, de temps en temps sur cette côte. On sait qu’il ne vole pas ; il arrive ainsi du nord en nageant et en plongeant. Ceci a pu avoir eu lieu autrefois, mais aujourd’hui que cet oiseau est devenu rare, je doute fort qu’il se montre encore en Bretagne.
Au printemps, les pêcheurs vont parcourir les rochers et les îlots du littoral pour y recueillir des œufs qui, lorsqu’ils ne sont pas couvés, sont une assez bonne nourriture : c’est, pour eux, la manne du désert.
Les débris de naufrages sont poussés vers les Sept-Iles. Cette mer, hérissée de rochers, est une des plus orageuses du monde. Pendant la tempête, les lames s’y élève à une hauteur que je n’ai pas vue ailleurs.
Un jour, nous partîmes de Perros pour aller à l’ile Rousic. Au moment où nous sortons de la rade, nous vîmes rentrer les pêcheurs ; ils prévoyaient le gros temps. Notre embarcation était un canot non ponté, de 18 pieds de quille. L’équipage consistait dans le pilote et trois matelots. A environ une lieue au large, nous fûmes accueillis par un grain. Le pilote me demanda s’il fallait continuer. Je lui dis de tâcher de nous mettre à l’île la plus voisine. Mais la brume qui s’éleva, nous la fit perdre de vue. Bientôt nous cessâmes de voir le continent, quoique nous n’en fussions pas à deux lieues. Le vent augmentait de moment en moment, et la pluie tombait par torrents. Nous étions au milieu du chenal ; La mer, resserrée entre la côte et les Sept-Iles, y est toujours fort houleuse. En cet instant, elle était terrible. Les matelots commençaient à faire des signes de croix, et les Bretons ne s’intimident pas facilement. Notre situation était effrayante. Plusieurs fois la mer nous couvrit entièrement ; nous étions littéralement entre deux eaux : à tout instant, nous nous attendions à êtres engloutis.
Enfin, le temps s’éclaircit. Nous sortîmes des brisants, nous trouvâmes une mer plus tranquille. Vers dix heures, nous abordâmes à Rousic. Je montai sur le point le plus élevé de l’île ; la brume était dissipée. Le spectacle était magnifique : les vagues, se brisant contre les rochers, s’y perdaient en vapeurs blanches. Le soleil, qui reparaissait par moment à travers les nuages dont il rendait la teinte plus sombre, formait un contraste étrange.
Le vent mugissait toujours. Les macareux, effrayés et sortant par milliers de la terre minée par leur terriers et qui enfonçait sous nos pas, volaient silencieux, et se croisaient en tout sens, se heurtant contre nous, puis s’abatant dans nos jambes. Les coups de fusil qu’on tirait pour éloigner cette troupe incommode, produisaient l’effet contraire : une multitude d’autres oiseaux venaient tourbillonner autour de nous avec n bruit assourdissant.
Vous voyez que les macareux ne sont pas les seuls habitants ailés de Rousic : les hirondelles et pies de mer, les mouettes, les goélands, les cormorans y son aussi en grand nombre, et l’on ne peut faire un pas sans rencontrer des œufs sur le gazon ou même sur le roc vif. Là, le les apercevant pas toujours, nous y fîmes plus d’une omelette.
On trouve aussi à Rousic, mais non fréquemment, des nids de faucons, et de la meilleure espèce.
Le soir, la mer redevint calme, et nous retournâmes à Perros.
Jacques Boucher de Perthes
Inspecteur des douanes à Morlaix
Publié dans « Sous dix rois, souvenirs de 1791 à 1860 tome 3 »
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Roscoff, 15 septembre 1816.
A M. d’Eu, directeur des douanes , à Brest
Monsieur et cher directeur,
Je viens, pour l’honneur de la France, de recevoir une très bonne volée de coups de poings, et c’est tout froissé et tout meurtri de ma victoire et noir de mes lauriers que je vous écris. Vous prendrez dans la lettre ce qu’il y a d’officiel, car je n’ai pas le temps de la recommencer.
Que le commerce interlope, ou la fraude que les Anglais font au préjudice de leur compatriotes sous le patronage de la France, soit une opération utile à celle-ci, et qu’en cette qualité elle l’encourage et lui consacre spécialement le port de Roscoff, c’est ce qu’elle a droit de faire sans doute, puisqu’elle le fait. Je ne demanderai pas si la chose est morale ; il suffit qu’elle soit légale ou régularisée par la réciprocité. Mais d’après cette réciprocité même, puisque nous n’allons pas canonner les Anglais sur leurs côtes, je ne voit pas de raison pour qu’ils se permettent envers nous cette petite licence dont il est question ni au tarif, ni dans la charte octroyée, ni dans le traité de commerce, et je pense pas qu’on en ait fait un article secret du traité de paix.
C’est donc par un abus de pouvoir que, depuis un mois environ, un brick de guerre anglais croise devant Roscoff pour y dépister les smogleurs et même les pourchasser de boulets qui, sans s’inquiéter des limites, du cordon sanitaire et de la prohibition à l’entrée, arrivent sur notre territoire. Les Smogleurs prétendent que ceci nuit à leur industrie et chiffonne leurs voiles. Les préposés assurent que cela les ennuie bien plus encore, parce qu’un boulet, au lieu de tomber à terre, pourrait tout aussi bien tomber sur la tête et déformer leur schako.
Pour mettre un terme à ces plaintes, j’ai été, avec notre cutter, croiser fièrement devant l’anglais et lui montrer mes canons. Mais j’en ai huit petits, et il en a vingt gros. J’ai dix-huit hommes, et il en a soixante quinze. Néanmoins, j’ai envoyé à bord du brick le second du cutter, pour signifier au capitaine anglais qu’il eût à sortir de nos eaux et respecter le droit des gens.
Le capitaine anglais reçut fort bien mon envoyé, le régala d’un verre de rhum, promit tout ce qu’on voulut, et le lendemain canonna de plus belle les contrebandiers et, par ricochet, le royaume de France.
J’avais quitté Roscoff et je me dirigeais vers Morlaix, quand le bruit du canon m’arrêta. Je retournai à Roscoff. Lorsque j’arrivai, la nuit était venue. Le port était rempli de smogleurs ; cependant, à quelques ivrognes près, chantant et hurlant, tout y était tranquille, je supai et me couchai.
A six heures du matin, j’étais encore au lit, quand un marin du cutter vint me dire qu’un canot anglais était entré dans la passe et qu’il y sondait.
Je m’habille à la hâte , je cours sur le port, et je vois mon anglais achevant paisiblement son opération. On aurait cru qu’il avait été chargé , par notre ministre de la marine, de relever nos côtes.
Il s’agissait de déloger ce savant hydrographe. Je fais, à l’instant, armer le canot ; je prends dix hommes, matelots et douaniers ; je me jette à bord, et nous ramons vers l’anglais.
Il vit notre manœuvre, et il s’empressa de lever l’ancre, car, pour plus de commodité, il avait mouillé.son appareillage fut opéré lestement, pourtant pas assez, car nous gagnions sur lui. Déjà nous n’en étions plus qu’à une portée de fusil. Il faisait force de rames ; c’était en vain : nous approchions toujours.
Il était évident qu’il tâchait de nous conduire sous le feu de son brick qui n’aurait pas manqué de nous régaler du boulet d’avertissement ; mais en ce moment, le brick avait porté sa bordée au large, et, mangés comme nous étions par la terre, ile ne pouvait voir ce qui se passait. La question demeurait donc entre nos deux chaloupes. La nôtre avait l’avantage de la légèreté ; restait à savoir si elle aurait la force.
Bientôt nous fûmes bord à bord. Les anglais firent mine de se défendre, mais nous étions chez nous, ce qui donne toujours une certaine assurance.
Armés jusqu’au dents, mes hommes sautent à l’abordage. Nous allions taper, quand l’officier anglais fit signe qu’il voulait parler. Je lui dis que je ne l’écouterais qu’à terre , et que, de gré ou de force, j’allais l’y conduire. Il répondit qu’il irait, si je voulais laisser son embarcation et ses marins continuer leur route. J’y consentis. C’était le plus prudent, car nos prisonniers auraient pu s’apercevoir qu’ils étaient plus nombreux que nous. Il monta donc dans mon canot ; le sien gagna le large pour attendre le signal de venir le reprendre, signal qu’ils ont pu attendre longtemps, comme vous allez le voir.
Nous ramâmes vers le port. Mon intention était, lorsque nous serions à terre, d’envoyer mon officier au commissaire de marine pour qu’il pût s’expliquer avec lui, car l’infraction qu’il avait commise concernait moins les douanes que la police maritime ; mais j’avais compté sans mon hôte, et une réception que je ne prévoyais pas nous attendait à terre.
L’officier, homme de moyen âge et d’assez bonnes manières, satisfait de ce que son embarcation et son équipage n’avaient pas été retenus, semblait avoir pris son parti.
L’ayant invité à déjeuner, j’avais fait diriger mon canot sur le point le plus rapproché de l’hôtel. A mesure que nous longions les smogleurs amarrés au quai, je m’aperçus qu’en reconnaissant l’uniforme anglais, les capitaines s’empressaient de masquer la poupe de leurs navires, et que les équipages, sautant à terre, se portaient en grand nombre vers l’endroit où nous devions débarquer. Ne voyant à ceci qu’un mouvement de curiosité, je n’y faisais pas grande attention.
Nous prîmes terre. L’Anglais me suivait, et je lui montrais le chemin, quand tout à-coup les smogleurs se mettent à grogner d’une manière toute particulière et qui ne n’eût paru cocasse si je n’avais pas vu pâlir mon officier.
Il veut renter dans le canot, mais un groupe lui coupe le passage, et nous voilà entourés de cette troupe de bandits dont les gestes me firent comprendre que ce n’était pas pour nous complimenter qu’ils étaient là.
Cependant, mes marins, voyant notre embarras, sautent sur le quai. Ils écartent les Anglais, et un peu en poussant, un peu en menaçant, ils parviennent à se frayer un passage, mais non jusqu’à nous qui étions au plus épais de la mêlée.
Sans doute ce n’était pas à moi qu’en voulaient ces étrangers, et pourtant ma position n’en était pas meilleure. Je désirais sauver l’Anglais devenu mon hôte ; il se tenait près de moi comme je lui avais recommandé, un bon tiers des coups de poings à lui destinés m’arrivaient par ricochet, et je vous réponds que les poings anglais sont durs.
Mes hommes parvinrent enfin à nous dégager, et nous gagnâmes l’hôtel où je fis prestement entrer l’officier. J’espérais qu’on nous y laisserait en repos ; je me trompais encore ; les smogleurs nous y suivent, et leur nombre s’augmentant de toute la canaille du pays, il se forme devant la porte un rassemblement formidable.
D’instant en instant, la question se compliquait, car dans de telles situations, plus on est, moins on s’entend. Responsable de l’Anglais que j’avais amené là, il ne s’agissait pas de reculer : il fallait l’arracher à cette tourbe furieuse, et le sauver à tout prix.
Je descends, et je demande aux criards ce qu’ils veulent. Un de leurs capitaines fait faire silence, puis me dis fort tranquillement qu’ils voulaient tuer l’officier, et qu’ils le tueraient certainement, parce que s’il retournait en Angleterre, il les ferait tous pendre ou conduire à Botany Bay ; ajoutant que, pour sauver un homme, je ne pouvais en sacrifier cent, et ruiner autant de familles, car leurs bâtiments aussi seraient confisqués ou sciés.
A ceci, je ne savais trop que répondre. Je leur dis, en anglais, qu’on allait interroger l’officier, et que si, en effet, il avait reconnu leurs navires, il serait pris des mesures pour qu’il ne puisse leur nuire.
Ils méditèrent un instant sur ces paroles, et pensèrent sans doute que c’était une promesse de faire fusiller notre homme sans retard, car ils parurent contents. Je crois même qu’ils se fussent retirés, si quelqu’officieux, comme il s’en trouve partout, ne leur avait pas expliqué qu’on ne fusillait pas si lestement en France, et qu’il faudrait du temps.
Ce n’était pas ainsi qu’ils l’entendaient. Le vacarme recommença de plus belle. Je voulus péroere derechef, mais je ne pus jamais me faire écouter, et je vis que mes coquins s’apprêtaient à faire le siège de la maison. Pendant que ceci se passait, mon pauvre Anglais, qui connaissait de longue date la férocité de ces smogleurs, tous gens de sac et de corde, et qui ne doutait pas qu’ils ne le hachassent s’ils arrivaient jusqu’à lui, faisait piteuse mine. Ce n’était pourtant pas un poltron, tant s’en faut ; mais en vérité, on aurait eu peur à moins, et l’aspect de ces bêtes féroces gorgées de gin, leur poings fermés, leur bouche écumante, leur yeux hagards ou rouge de sang, avait quelque chose d’effrayant.
Je me souvins que l’auberge avait une porte de derrière. Je dis à l’hôte de faire atteler une voiture couverte que je lui connaissais. Heureusement qu’elle était là, et le cheval aussi ; elle fut bientôt prête. On y fit monter l’Anglais enveloppé d’une blouse de roulier, et tandis que sur le devant nous amusions l’ennemi, il fila droit sur Saint-Pol, avec mon cavalier à coté de lui.
Il s’agissait maintenant de nous débarrasser du rassemblement : c’était chose essentielle et non moins délicate, car en s’apercevant que la proie leur échappait ils étaient gens à démolir la maison et çà assommer ceux qui étaient dedans.
Dès le commencement de la scène, j’avais donné l’ordre de réunir tous les hommes disponibles de la brigade de Roscoff et de celle des environs, mais ils n’arrivaient pas. Enfin leur tambour se fit entendre ; ils parurent bientôt. Quelque hommes de bonne volonté s’était joints à eux, et soit que cette force respectable imposât aux assaillants, soit qu’ils ne fussent un peu dégrisés, je m’aperçus qu’ils étaient plus calme.
Alors je fis ouvrir les portes, et je permis aux capitaines d’entrer. Quand ils y furent tous, je leur dis qu’ils avaient fait du bruit pour rien ; que l’officier était parti ; qu’on allait le mettre en prison à Morlaix, et que s’il retournait en Angleterre, on exigerait une caution ou sa parole qu’il ne les dénoncerait pas. J’ajoutai qu’entouré comme il l’était, il n’avait pu lire le nom d’aucun bâtiment. La vérité est que le pauvre homme n’y songeait guère.
Les capitaines sortirent pour dire ceci aux équipages. Quelques uns grognèrent encore, mais ce fut le petit nombre ; bref tous ces ivrognes s’en furent cuver leur eau de vie, et moi j’allai mettre des compresses à mes plaies.
Je vais, à Saint-Pol, rejoindre mon officier. Je l’emmènerai à Morlaix quand la marine l’aura interrogé. Je pense que c’est au consul de sa nation qu’il doit être remis, et que notre ambassadeur à Londres aura à porter plainte au gouvernement Anglais pour cette infraction aux traités existants. Il faut un exemple : si l’on tolère que les croiseurs nous canonnent en temps de paix et sonde les passes de nos ports, il n’y a pas de raison pour qu’ils n’établissent pas la traite chez nous, et n’enlèvent nos paysans pour remplacer les nègres de leurs colonies
Jacques Boucher de Perthes
Dans « Sous dix rois, souvenirs de 1791 à 1860 tome troisième »
Commentaires :
Dans l’état actuel de mes recherche, je ne connais pas la fin de l’histoire, une plainte a-t-elle été remontée au près du gouvernement Anglais.
Je ne connais pas , non plus, le nom de l’officier Anglais ni celui du Brick
Smogleur
Fraudeur ordinairement anglais qui viennent chercher en France des eaux-de-vie, des soieries et quelques autres articles pour les introduire illégalement dans le pays. Le gouvernement français honore les smogleurs d’une protection spéciale et les aides de son mieux à faire chez eux ce qu’il défend chez lui. Voyez la décision ministérielle du 9 juin 1825 et les circulaire n°790 et 922.
« Petit glossaire, traduction de quelques mots financiers, esquisses de mœurs administratives » par Jacques Boucher de Perthes 1835
Jacques Boucher de Perthes
Inspecteur des douanes responsable de la division de Morlaix de 1816 à 1824, il deviendra un des pères de l’étude de la préhistoire
La division de Morlaix est importante elle a 85 lieues (470km) de développement de côtes ; plus de trente cutters, lougres et canots armés, et un personnel de sis cents hommes.
En 1807 la principalité des douanes de Morlaix va de la rive droite du Trieux, de Pontrieux à l’Aberwrac’h
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Roscoff, le 29 novembre 1912
Aujourd’hui, 29 novembre 1912, à 8 heures du matin, le sous brigadier des douanes Danlos, de service sur la côte, nous a fait savoir que trois bateaux de pêche, en détresse, se trouvaient mouillés sous le fort de Bloscon.
Immédiatement le bateau de sauvetage, « Commandant Philippes de Kerhallet », fut lancé à la mer et alla leur porter secours.
En même temps appareillait aussi, dans le même but, le bateau de pêche « Reder Mor », marchant plus vite que le bateau de sauvetage, passa à côté des deux premières chaloupes qui lui firent signe d’aller à leurs compagnons qui se trouvaient plus en danger.
Sur ces entrefaites, le canot de sauvetage était arrivé à côté de l’une des chaloupes et lui donna l’aide de deux hommes pour lui indiquer les passes de Roscoff.
Le « Reder Mor » également donna deux hommes au dernier bateau. Quand au troisième, il appareilla et est entré au port par ses propres moyens.
En ce moment la tempête faisait rage ; malgré cela tous les bateaux ont pu se rendre au port, sains et saufs, à 9h30.
Les trois barques, «Berthe Hélène», « Sainte-Anne» et «X» sont de Douarnenez. Ils faisaient route pour le havre quand, surpris la nuit, par la tempête, ils vinrent se réfugier dans la baie de Pempoul, à 3 heures du matin.
Les équipages de ces bateaux se composaient de vingt-six hommes.
Le président du Comité de Sauvetage
A. Salaun
Capitaine au long-cours
Rapport extrait des annales du sauvetage maritime du quatrième trimestre 1912
Remarques :
1. Je pense que les chaloupes ont été contrainte de mouiller au vent de la côte, par un coup de vent de NE du coté de l’actuel port en eaux profondes de Roscoff.
2. Un lecteur du site aurai t’il une explication sur le périple de ces chaloupes douarnenistes fin novembre 1912 entre Douarnenez et le Havre
Liens :
Histoire du sauvetage à Roscoff par Jean Pillet
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Voici le rapport du sauvetage publié dans les « Annales du sauvetage 1920 second semestre »
Carantec (Finistère)
Le 17 avril 1920
Dimanche dernier, 11 avril, il est encore arrivé un malheur parmi les pêcheurs. Un nommé Pauvy, jeune homme de dix-huit ans, s’est noyé en revenant de la pêche, son bateau Baronne, patron Menet, ayant sombré dans un tourbillon de vent du sud-ouest au bout de l’île callot. Heureusement que le Jouet des flots, patron Simon François, Matelot Dluz Yves, le seul bateau qui était sorti ce jour là avec la Baronne, faisait route pour rentrer, et à peu de distance sous le vent. Bien qu’il fut pris aussi dans le même tourbillon il a pu arriver à temps pour sauver Menet qui se tenait très difficilement sur l’eau et qui perdit connaissance pendant que les sauveteurs le hissaient dans leur bateau. Malgré toutes leurs recherches ils n’ont pu retrouver le matelot Pauvy.
C’est à leur courage et à leur décision que Menet doit la vie.
Grogeart
Administrateur de l’inscription maritime à Morlaix
Le Jouet des flot, venait juste d’être lancer, cette même année par le chantier Pauvy de Carantec pour François Simon. J’ignore si ce pauvre matelot Pauvy, décédé dans ce naufrage était parent avec Jean Pauvy le charpentier naval.
François Simon pratiquait avec son matelot la pêche aux crustacés, homards et langoustes avec une vingtaine de casiers en osier. La langouste étaient abondante certaine année, un bateau , en une marée de septembre 1919 prit dans ses filets 320 petites langoustes de 400 grammes entre Ti Saozon et la roche du Taureau. Les petites langouste se vendaient mal, les mareyeurs leur préféraient les grosses langoustes rouges pêchées sur les côtes du Portugal.
Le mareyeur débordé par cet arrivage aurait répondu au pêcheur : « encore de ces saletés-là ! que voulez vous que j’en fasse ? »
Le jouet des flots navigue à nouveau dans les eaux de la baie de Morlaix, ou l’on peu admirer ses jolies formes et son plan de voilure particulièrement développé.
Sources et liens :
Annales du sauvetage maritime
Bateaux des côtes de Bretagne nord Jean le Bot Edition des 4 seigneurs 1979
bulletin-paroissial de Roscoff Abbé Feutren
http://www.roscoff-quotidien.eu/histoire-bulletin-paroissial.htm
Page facebook du Jouet des flots : Jouet des Flots
Nous allons voir une affaire étrange: une suspicion de baraterie aux Triagoz.
Les faits:
Le 20 juillet 1890, vers 10h du soir, par un temps brumeux et très sombre, à proximité du plateau des Triagoz, l'équipage de du lougre Espérance abandonne le navire et se sauve dans le canot du bord.
L'Espérance est un vieux lougre de cabotage de 42 tonneaux, armé à Paimpol. Il est à cette date âgé de 34 ans. Son équipage est de quatre personnes. Ce lougre est parti du havre à destination de Brest avec une cargaison de blé, farine et de son.
Le lendemain de son abandon, le lougre Espérance a été rencontré en mer par le vapeur anglais Commerce qui l'a remorqué à Jersey ou le navire a été visité par des experts. Ceux-ci ont constaté l'existence d'un trou plus grand en dehors qu'en dedans et paraissant fait avec une tranche à bois. En raison de ces faits, le capitaine, les deux armateurs qui se trouvaient à bord et le mousse ont été poursuivis sous l'inculpation de baraterie.
Par la suite, Ils ont été acquittés.
Baraterie : Malversation d'un capitaine, patron ou maitre de navire; soustraction de marchandises ; action quelconque faite au détriment de ses armateurs, assureurs ou associés. La baraterie peut avoir lieu de complicité entre le capitaine et l'armateur contre les assureurs.
Sources:
Revue maritime et coloniale Tome 114 1892.
Dictionnaire de marine du Vice-amiral Willaumez 1831.
Les documents ci-dessous sont des extraits pour les quartiers maritimes de Bretagne Nord des analyses annuelles des naufrages publiée dans « La revue maritime et coloniale ».
Ils ont été établis grâce au publications trimestrielles de « La revue maritime et coloniale » disponible en ligne sur le Web par Google Books.
Sur la période concernée de 1898 à 1909 seule 10 années d’analyses sont disponibles.
Ces document sont riches en renseignements : Nom et type de navire, jauge, âge du navire , équipage, circonstances du naufrage, moyens de sauvetage, nombre de victimes et de personnes sauvés.
Le 9 aout 1903, par un temps clair, un grand vent et une grosse mer, le sloop « Notre Dame des victoire », bateau neuf de 4,93 tx, armé à la petite pêche prenait par aux régates de Roscoff, avec un équipage de cinq personnes.
Au moment de doubler la roche Tête d’Oignon point de repaire dans la zone de régates, le canot eut le vent coupé par un autre bateau. Il ne gouverna plus, et une forte vague le lança sur la roche ou il se défonça.
Quatre personnes furent sauvées par les bateaux voisins. Malheureusement un équipier se noiera dans ce naufrage.
Extrait de la "Revue maritime" Tome 163, octobre 1904
La balise de l’Oignon dans le chenal de l’Île de Batz, existait en 1903, mais le balisage était latéral, elle avait alors un voyant conique de couleur rouge.
La balise de l’Oignon était souvent utilisé comme marque de parcours en régate. Dans les années 50 elle fut tordue par un gros sablier lors d’une régate de l’île de Batz.
Le nom en Breton de cette roche est Penn Ognon soit Tête d'oignon.
Les pêcheurs Roscovite étaient des mordus de régates, le choix du nom de ce bateau le montre.
Je n’ai pas actuellement d’autres renseignement sur le « Notre Dame des victoire » sur son patron et son équipage.
Cette journée du 9 aout 1903 fut dramatique pour le patron qui perdit un matelot et son bateau tout neuf.