Cour d’assises de Bretagne
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Finistère
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3ème session de 1907
Présidence de M. Le Conseiller Fretaud
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Audience du 12 juillet
Vols qualifiés
Trois marins-pêcheurs de Porspoder comparaissent sous l’accusation de nombreux vols de langoustes ; ce sont les nommés : 1° Joseph Talarmin, 43 ans ; 2° François Talarmin, 35 ans et 3° Louis-Joseph Déniel, 35 ans.
depuis longtemps, des vols étaient commis dans le vivier du sieur Marzin, à Argenton, commune de Landunvez , lorsque, dans la nuit du 5 au 6 septembre 1905, les nommés François Talarmin et Louis-Joseph Déniel furent surpris au moment où ils ses disposaient à remplir de crustacés un sac, qu’ils laissèrent sur place. ils furent condamnés à un mois d’emprisonnement.
Les vols cessèrent pendant leur détention, mais recommencèrent après leur libération.
Dans la nuit du 20 au 2& février 1906, un gardien surprenait un malfaiteur qui prit la fuite, laissant dans le vivier du sieur Marzin, un sac contenant 18 langoustes, ce sac était exactement semblable à celui que les prévenus François Talarmin et Déniel avaient abandonné dans leur tentative du mois de septembre précédent. Des témoins relevèrent que quelques mois avant, ils les avaient surpris vers deux heures de l’après-midi, pieds nus, malgré le froid, se dirigeant vers le vivier de Marzin. Interpellés, les deux prévenus donnèrent pour motiver leur présence, une explication mensongère.
L’instruction a établi que les prévenus ont fait en 1903, 1904, 1905 et 1906 de nombreues et importantes expéditions de langoustes et de homards à divers facteurs aux halles de Paris. ces expéditions étaient toujours faites la nuit. Les caisses étaient portées au voiturier tantôt par Joseph Talarmin, tantôt par François Talarmin, tantôt par Déniel. elles étaient payées par les destinataires au moyen de mandats-poste. les prévenus ont nié ces envois, aussi bien que les payements ; ils ont prétendu ensuite que les crustacés provenaient de leur pêche ; mais il est établi que les quantités expédiées sont bien supérieures à celles qu’ils ont pu pêcher. D’autres part, les expéditions ont été faites à des époques où la pêche est interrompue et où on ne trouve de langoustes et de homards que dans les viviers.
Ces circonstances, jointes aux précautions prises pour dissimuler les envois et aux dénégations démontrent leur culpabilité.
Joseph Talamardin n’a pas d’antécédents judiciaires. La réputation des trois accusés est mauvaise sous tous les rapports.
Joseph Talarmin, François Talarmin et Louis Déniel, reconnus coupable avec circonstances atténuantes, sont condamnés : le premier à quatre ans de prison et chacun des autres à deux ans de la même peine.
Ministère public : M Le Marchadour
Défenseur, M Alizon de Servigny de Chabre fils.
Dans la Dépêche de Brest du 13 juillet 1907
Le père Noël est né à l’île de Batz le 05 aout 1867 !
Il porte le prénom de Paul Son père Jean François Noël est maitre au cabotage, natif de Billier, il s’installe à l’île de Batz en se mariant, le jour de la saint Sylvestre 1862 avec une ilienne Anne-Marie Beyer.
L’enfance du petit Paul est triste, ses deux frères ainés Jean-François né en 1863 et Baptiste né en 1865 décèdent respectivement à 7 ans et à 3 ans comme sa sœur cadette Jeanne née en 1875 qui décède à l’âge de 2 ans.
Le 27 septembre 1881, Paul a 14 ans, son père décède à l’âge de 50 ans , il est donc orphelin de père avec son frère Alexis ses sœurs Marie-Anne et Jeanne, née en 1877.
Est-il à cette époque mousse, devient-il plus tard capitaine au cabotage comme son père, certaines sources disent que le père Noël a été dans sa jeunesse matelot au long-cours et patron au bornage et dans l’état actuel de notre enquête nous ne le savons pas. Comme toujours, un certain flou existe sur la jeunesse du père Noël .
Toujours est-il que Paul Noël se marie à Ouessant, le 20 janvier 1895 avec Euphrasie Stéphan, la fille de Jean-Marie Stéphan d’un riche commerçant de l’île , il a 27 ans et est noté comme commerçant. Un petit Paul Marie naitra l’année suivante.
Ce mariage fera prospérer, les affaires du couple, tant à Ouessant qu’à l’île de Batz, Paul Noel a un esprit novateur, il fréquente les yachtmen de la baie de Morlaix il possède, à l’île de Batz un petit yacht : le Fœderis Arca, construit au chantier Pauvy à Carantec, qui remporte la coupe du Kreisker à Carantec en 1903. En 1908 il projette l’installation d’un service de vedettes à moteur à essence pour le passage de l’île de Batz, mais son projet ne voit pas le jour. Sur l’île de Batz il fait construire un hôtel, qu’il nomme comme de bien entendu l’hôtel Ker Noel .
A Ouessant il est impliqué dans différents commerces : un débit de boisson qui fait également épicerie et fourni du matériel pour les pêcheurs, il fait fonction de mareyeur sur l’île, il devient l’armateur d’une gabare pour le transport entre Ouessant et le continent.
A cette époque un caboteur à vivier le St Yves armé par le M. Hernandez le propriétaire des viviers de Roscoff fait régulièrement la navette entre Ouessant et Roscoff chargé de crustacés certainement, Paul Noël est peu etre à l'initiative de ce lien commercial et emprunte certainement ce bateau pour revenir sur l'île de Batz . Le père Noël fait construire une belle maison avec un jardin d’hiver, une mode l'île de Batz qu'il importa à Ouessant et fait rapidement parti des notables locaux, il se présente aux élections sur la liste progressiste en 1900, puis pour être assuré d’être élu il change de bord et se présente sur la liste cléricale de Jean-marie Malgorn en 1904 et il entre alors au conseil municipal il devient même conseiller d’arrondissement.
Ces recherches sur la vie du « père Noël » sont encore biens sommaires, mais je tenais à les publier avant le 25 décembre Si un lecteur a des informations complémentaires sur la vie de Paul Noel qu’il n’hésite pas à me les communiquer, je serai particulièrement heureux d’en savoir plus et de les publier sur ce site.
Sources et liens :
Ouessant sous la IIIème république 1880-1914 Laurent Garroy Édition des régionalismes 2013
Centre Généalogique du Finistère
Chambre d’hôte le Kéo Ouessant, une ancienne maison de Paul Noël
Smogleur était le terme employé au XIXème siècle pour désigner les hommes et les navires s’adonnant à la contrebande maritime entre la Grande-Bretagne et les côtes de France.
La contrebande d’alcool , mais également de tabac et de thé était pratique courante à Roscoff, Jacques Blanken , la raconte fort bien dans son livre sorti au printemps 2015 « Contrebandiers,
smogleurs en Manche : histoire d'un commerce interlope »
Cette contrebande historique participa à la prospérité des négociants de Roscoff, elle s’arrêta vers 1830.Mais dès qu’un produit est interdit ou lourdement taxé, il existe à nouveau de la contrebande, j’ai trouvé dans la presse ancienne cette affaire de contrebande de poivre en grains en baie de Morlaix en 1902 : laissons parler les journaux d’époque.
« Une affaire de fraudes. – le bruit courrait, avant-hier, qu’une grave affaire de fraudes venait de se produire aux environs de Morlaix.
Nous avions volontairement gardé le silence sur cette affaire, afin de ne pas gêner l’action de la justice.
des indiscrétions ayant été commises, et le fait étant connu maintenant, nous, pouvons livrer à nos lecteurs le résultat de notre enquête.
Un yacht anglais débarquait récemment à Térenez, en avant de la rivière de Morlaix, 70 sacs de poivre, pesant 3 150 kilos.
Ces marchandises provenaient d’un entrepôt du Havre, d’où ells furent ensuite dirigées sur Jersey.
de ce dernier endroit, le chargement fut embarqué sur le yacht anglais en question pour être débarqué en fraude sur la côte.
On débarqua ensuite ce chargement dans un canot, pour être entreposé dans quelques maisons du littoral, et conduit ensuite à la gare de Ploouigneau, en petite vitesse, dans quatre voitures différentes. Le lieu de destination était la gare du Mans.
Le service de la douane fut prévenu trop tard pour effectuer la saisie et ne pouvait plus opérer légalement, car il était en dehors de ses rayons.
Un inspecteur des douanes s’est rendu aussitôt à la gare du Mans pour y attendre les instructions supérieures.
A ce moment, la saisie n’était plus possible, car l’action des douanes se trouvait en dehors des rayons délimités.
Un inspecteur de Morlaix est venu prendre, à Brest, les instructions du directeur des douanes, puis s’est rapproché du parquet de sa résidence, pendant qu’un employé supérieur de l’administration de Brest se rendait au Mans pour conférer, de son coté, avec le procureur de ladite ville.
Entre temps, le directeur des douanes de Brest demandait des instructions à l’administration de Paris.
Après avoir vainement attendu que les destinataires du chargement de poivre se présentent pour en prendre livraison. Le parquet du Mans a procédé, par commission rogatoire du parquet de Morlaix, à la saisie des sacs.
On sait que le tarif général du poivre est de 218 francs les 100 kilos, ce qui élève donc la fraude à 7 000 ou 8 000 francs. L’affaire est entre les mains du parquet de Morlaix.
On ignore encore le nom du destinataire du chargement, qui s’est fait, d’ailleurs, probablement inscrire sous un faux nom. »
La dépêche de Brest du 23 février 1902
un mois plus tard, en mars 1902, le yacht anglais le « Furcheur » est saisi à Carantec par la patache de la douane de Morlaix :
« Carantec Saisie d’un yacht. – Hier matin d’administration des douanes a saisi dans notre port un yacht de plaisance, qu’elle a immédiatement fait conduire à Morlaix et amarrer quai de Léon, devant le poste des douanes.
Cette saisie se rapporte à une grosse affaire de fraude sur les poivres en grains, dont a déjà parlé la Dépêche et qui est à l’instruction. »
La dépêche de Brest du 23 mars 1902
Les protagonistes de ce trafic sont arrêtés et passent, en octobre de la même année, devant le tribunal Civil de Morlaix voici le résumé du procès dans le journal « l’Eclaireur du Finistère »
Tribunal Civil de Morlaix
Audience du 17 octobre 1902
« L’affaire de fraude ou étaient inculpés différentes personnes de la ville et des environs, MM. Charles Homon, Vincent Le Deunff, Charles Leriche, Jean Troadec, Joseph Broudic et Jean-Pierre Marzin, s’est close par la condamnation des inculpés.
Nous croyons inutile de développer les circonstances de cette affaire, qui est présente à toutes les mémoires d’autant plus que les faits ressortent d’eux même du jugement reproduit ci-dessous.
Rappelons cependant qu’en dehors des actes de fraude soulignés dans les considérants, M. Charles Homon a été au cours du procès incriminé de quelques autres faits frauduleux sont on n’a pas eu de preuve suffisamment certaines. tels, par exemple, l’importation de Jersey à Carantec, à bord de la Henriette, d’une certaine quantité de café ; d’une expédition, sous le faux nom de Prigent, de 16 sacs de poivre à la gare de Pleybert-Christ ; de différentes importations de denrées coloniales dont les quantités restent indéterminées.
Après le réquisitoire du procureur de la république et les brillantes plaidoiries des Maitres Tilly-Kerveno, le Hir et Henry ( ce dernier nouvellement inscrit au barreau plaidait pour la première fois), le tribunal, statuant en premier ressort, a rendu le jugement suivant :
Charles Homon, Vincent Le deunff, Charles Leriche, Jean Troadec, sont convaincu d’avoir conjointement, dans la nuit du 15 au 16 février 1902 à Térenez, commune de Plouezoc’h débarqué et importé frauduleusement en France 3157 kilos net de poivre, à bord du Furcheur.
Charles Homon, Joseph Broudic et Jean-Pierre Marzin sont convaincus d’avoir conjointement en aout 1899 sur la grève de Carantec, débarqué et importé frauduleusement 16 sacs de poivre pesant 979 kilos, 17 sacs de poivre pesant 1041 kilos, 20 sacs de café pesant 1170 kilos ; CH. Homon, Joseph Broudic, J-P Marzin, d’avoir en aout 1900, sur la grève de Carantec, débarqué et importé frauduleusement des denrées coloniales de quantité et de valeur indéterminée.
En conséquence, le tribunal pronance confiscation de 70 saces saisie en dépôt à l’entrepôt des douanes de Morlaix ; de la voiture et du cheval de Jean Troadec, ayant servi au transport des 70 sacs : du yacht le Furcheur ; de la voiture et du cheval d’Homon, ayant servi au transport des denrées coloniales énoncées ; d’un moteur à pétrole servant au yacht le Furcheur ;
Condamné par corps Homon, Le Deunff, Broudic, Leriche, Troadec à une amende solidaire de 19 728r. 96, égale du double de la valeur à l’acquit des marchandises versées en fraude en juillet ou aout 1902, ainsi qu’au paiement du double décime et du demi décime ;
Condamne Homon, Broudic, Marzin à une amende de 1 000 fr. pour versement frauduleux d’aout 1900 ;
Condamne Homon à un an de prison ; le Deunff, Broudic, Leriche, Troadec , Marzin à six mois de prison.
Il sera sursis à la peine d’emprisonnement pour Troadec.
Les condamne en plus au frais. »
L’Eclaireur du Finistère, journal d’union républicaine paraissant le samedi du 25 octobre 1902
Commentaires :
Dans les souvenirs de la fille du gardien de phare de l’île Louet Louis Réguer « Au Pied du Phare » il est indiqué « pour la contrebande, Louis Raimon était le roi, il possédait un petit yacht rapide, le Furcheur, et il allait au large de l’Île Ricard attendre les bateaux qui le ravitaillaient en poivre et autres denrées prohibées. Le plus difficile était de débarquer la marchandise à l’insu des douaniers » Il y a peut-être une confusion, bien compréhensible pour des souvenirs d’enfance écrit bien des années après, entre le nom du yacht et pratiquait la contrebande et celui du canot qui débarquait
Nous ne savons pas exactement qui était le patron et l’équipage du yacht anglais Furcheur et de la Hernriette. L’histoire ne dit pas non plus ce que sont devenu le yacht Furcheur et le bateau Henriette, un lecteur du site en sait peut-être plus .
« Le sloop Protégé de Notre-Dame des Victoires, capitaine Ernot, partant du port de Tréguier avec un chargement de pommes de terre à destination de Porsmouth, le lundi 28 mars, a fait cote vis-à-vis le banc de Saint-laurent, sous le Questellic. c’est par suite d’une fausse rafale qui l’a surpris au moment où il virait de bord que ce navire c’est vu jeter à la côte.
Au moment où la mer baissait, le Protégé a glisser sur une roche et a coulé au milieu du chenal.
L’équipage du côtre de l’Etat Canard sous les ordre de M. Gorie, chef de timonerie, s’est porté immédiatement au secours du bâtiment naufragé et a pu le ramener au quai de Tréguier sans grande avarie.
ce naufrage fait le plus grand honneur à ces braves marins. »
Dépêche de Brest du 08 avril 1887
Commentaires :
La navigation en « rivière » est courante pour les voiliers de cabotage, en Bretagne, nombre de ports de cabotage sont des petites villes sur des estuaires ou rivière à marée, tel Morlaix, Lannion, Treguier, La Roche Derrien, Lézardrieux, Pontrieux, Dinan.
Cette navigation, ce fait avec le courant de marée, les voiliers remonte la rivière avec le flot et la descende avec le jusant. Ils partent du port à la pleine mer ou en début de descendante. La navigation en rivière n’est pas facile sauf quand le vent est dans l’axe et que le bateau navigue au portant. Sur le Jaudy, rivière de Tréguier, orienté globalement nord-sud, par vent d’ouest, les rafales peuvent être surprenantes par leur direction et leur forces. L’art de la navigation en rivière à la voile fait part des savoirs faire des marins caboteurs
Le Protégé de Notre dame des Victoire, a parcouru ½ mille depuis le quai de Tréguier quant à la hauteur Kestellic, la ou les rives sont escarpées, une rafale le pousse à la côte il s’échoue et la marée descend. L’équipage est sauf en rivière les voiliers remorquent toujours le canot du bord. mais le chargement de pomme de terre nouvelle, nous sommes fin mars, légume à haute valeur commerciale est certainement perdu.
Le côtre de l’Etat Canard, construit en 1865, assure principalement le contrôle des pêches sur les quartiers maritimes de Tréguier Paimpol et St Brieuc, en particulier au moment de la drague des huitres sur la rivière de Tréguier. Au XIXème siècle, il est courant que les marin de l’Etat, ou les équipages des bateaux des douanes aide les pêcheurs ou la caboteurs en péril.
Le naufrage du « Guy Ferryville »
Toutes les recherches pour découvrir les corps des noyés sont demeurées vaines
Il y avait de la brise lorsque le Guy Ferryville avait quitté l’Aberwrac’h pour se rendre à l’île Béniguet. Le patron Antoine Appriou, avait formé le projet d’aller avec son mousse Jean-Marie Treguer faire la récolte de ce petit goémon frisé, appelé dans la région « pioca » sur les roches de l’archipel molènais.
Ces roches qui devaient bien se découvrir du fait de la grande marée, ne sont guère visitées et portent une toison brune qui offre une récolte abondante. comme le « pioca » est celui des goémons qui se vend le plis aisément et le plus cher, le patron comptait bien tirer un excellent profit de son entreprise.
Il y avait de la brise disions-nous lorsque le bateau prit la mer ; mais Antoine Appriou, ancien second-maitre de manœuvre en avait vu d’autre et il était plein de confiance dans les qualités nautiques de sa barque construite à Concarneau il y avait 3 ou 4 ans. voilé en misaine, son sept mètres avait déjà résisté à bien des coups de vent depuis qu’il se livrait à la pêche au trémail aux abords de la rivière de Saint-Pabu comme à celle du goémon aux abords des ilots d’alentour.
Cependant le « suroit » s’était fait plus violent dans l’après-midi d’avant-hier, tandis que le Guy Fréminville doublait la pointe de Corsen. la mer aussi avait grossi et Antoine Appriou avait juger prudent de venir s’abriter dans la baie des Blancs-Sablons dans une petite crique située derrière la pointe de Kermorvan
Le seul témoin du naufrage nous dit …
Il attendait là, à l’ancre, le moment de repartir quand arriva la barque Normandie, patron Victor Riou, du Conquet qui s’apprêtait à lever ses casiers dans le voisinage. Désireux lui aussi d’attendre une accalmie, M. Riou ‘en vint attacher on bateau au Guy Ferryville.
Une conversation s’engagea. Entre pêcheurs on ne pouvait parler que de pêche. il fut cependant question des courant qui existent entre le continent et les iles, de leur inversion au moment des changements de marée ainsi que de leur puissance aux époques des grands mouvements d’eau comme ceux qui se produisent en ce moment.
Vers 16h45 Antoine Appriou manifestant le désir de lever l’ancre pour gagner Béniguet, Victor Riou tenta de l’en dissuader
« Je lui dis qu’il n’était pas prudent de s’en aller ainsi vers de tels parages car le vent continuait de souffler avec une force accrue et la mer grossissait toujours il ne voulut point m’entendre.
Il me fallut donc lâcher on bateau pour m’apprêter à me diriger vers me casiers. La mer était pleine à ce moment.
Je les vis hisser leur voile et pointer ver le large. Il y avait tout au plus trois minutes qu’ils étaient en marche lorsqu’une rafale survint si violente qu’elle renversa complétement le bateau.
J’étais à une cinquantaine de mètres. Mais en mer et sans voile, cette simple distance ne se parcourt pas vite. Je vis le patron et le mousse s’efforcer de s’accrocher à la coque mais il n’avaient là qu’un mauvais appui car le bateau disparut sous les flots entrainant son équipage.
Cela n’avait duré qu’un très court moment. Quand j’arrivai sur les lieux il ne restait plus rien. Je ne pouvais croire à une disparition si soudaine et si complète. Peut être l’un d’eux avait-il été entrainé par des cordages et réussirait-il à se dégager. Pendant trois quarts d’heure je suis demeuré là, croisant en tous sens, m’efforçant de découvrir quelque chose entre ces flots agités mais c’est vainement que j’explorai la mer.
Tout espoir de sauver quelqu’un à ce moment étant perdu, je mis le cap sur le Conquet où je vins donner l’alarme. »
L’intervention du canot de sauvetage
Rapidement mis au courant du naufrage, le patron du canot de sauvetage Nalie-Léon Drouhin, Aristide Lucas rassemblait immédiatement une partie de son équipage et procédait au lancement. Le patron Victor Riou, qui avait repris place dans sa barque , allait accompagner les sauveteurs pour leur donner toutes indications utiles.
Sur les hauteurs de la falaise les habitant de l’antique petite cité maritime suivaient le opérations avec émoi. Combien de fois n’ont-ils pas vu partir ainsi dans des circonstances tragiques le patron Aristide Luca et ses dévoués canotiers !
Hélas cette sortie allait être sans résultat. Longtemps parmi les flot et sous la pluie, le Nalie-Léon Drouhin croisa sur les lieux du naufrage il ne put rien découvrir.
Cependant sur la côte, M Riou. syndic de gens de mer au Conquet, qui avait avisé le autorités, avait organisé avec le maréchal des logis chef Le Cozic, ses gendarmes et des pêcheurs, l’exploration de grèves et de la plage de Blanc-Sablon. Nous avons dit que leurs recherches se poursuivent jusqu’à 22 heures sans aucun résultat.
Hier matin M. Riou, syndic, signalait qu’un canot renversé flottait aux abords de la pointe de Kermorvan. Le Nalie-Léon Drouhin on équipage et M. Victor Riou repartirent à 7 heures. Il s’agissait de l’annexe du Guy Ferryville que les sauveteurs redressèrent, vidèrent et revinrent conduire sur la cale du Conquet. Puis ils retournèrent dans la baie qu’ils explorèrent toute la matinée. Il ne furent pas plus heureux. La barque doit reposer sur un fond d’environ 14 mètres et comme l’eau était toute troublée, il était impossible de rien apercevoir.
Les victimes
La découverte de l’annexe avait permis d’identifier la barque naufragée aini que ses occupants. On put donc ainsi aviser les familles du malheur qui les frappait Antoine Appriou, 37 an, marié, père de famille, était retraité de la marine où il avait servi en qualité de second-maitre de manœuvre. Il était domicilié au Broennou en Landéda.
Le mousse Jean-Marie Treguer, 18 an, habitait également Landéda avec sa mère, veuve.
Nous présentons aux familles si cruellement éprouvées nos bien sincères condoléances.
La Dépêche de Brest du 30 juin 1938
La coque du « Guy Ferryville » a été ramenée au Conquet
Les corps des naufragé demeurent introuvables
Elle ne manquait pas de tragique cette ortie du canot de sauvetage du Conquet Nalie-Léon Drouin, qui s’en allait rechercher le Guy Ferryville, coulé dans les conditions que nous avons relatée dans la baie des Blancs-Sablons. En effet, les familles des deux victimes du naufrage, le patron Antoine Appriou et le mousse Jean-Marie Treguer avaient tenu à accompagner les sauveteurs.
Le patron Victor Riou, de la barque Normandie, qui avait rapporté que les deux hommes avaient coulé en même temps que le bateau on pouvait supposer qu’ils avaient été entrainé par les cordages. Les parents devaient-ils assister à la découverte des cadavres ?
Le patron Aristide Lucas, du Nalie-Léon Drouin et son équipage avaient déjà la veille vainement tenté de retrouver. La mer était encore trop grosse et l’eau par conséquent trop truble pour qu’il fût possible de discerner une coque de cette dimension par un fond d’une dizaine de mètres.
Enfin avant-hier la position du Guy Ferruville ayant été déterminée, le canot de sauvetage dans les conditions que nous indiquons, était reparti. Il parvint à le déplacer, à le rapprocher de la côte, à sauveter le mât, la voile et divers engins, mais ne put le renflouer.
Dans la soirée, vers 18 heures, M. Prosper Goachet, patron de la gabare Paul-Georges, du Conquet, allait renouveler la tentative. Son bateau, qui fait le transport du sable, des galets, de la soude entre les îles, Le Conquet et Brest est mieux outillé pour une pareille tentative. Grace à son mât de charge, il réussit à amener à fleur d’eau le Guy Ferryville. Et il put constater que les corps des deux naufragés ne s’y trouvaient pas .
Maintenant l’épave, il doubla la pointe de Kermorvan et la haute mer aidant, il gagna le fond du port du Conquet. Le Gur Ferryville repose à présent sur un fond de sable, à hauteur de l’étroit barrage qui permet d’accéder aux Blancs-Sablons. Le flancs tribord crevé, Le plat bord arraché, la coque hachée par le frottement sur les pierres durant son immersion, l’infortuné bateau ne pourrait être utilisé de nouveau qu’après de très sérieuse réparations.
La Dépêche de Brest du 03 juillet 1938
Le 9 juillet on retrouve le corps du patron Antoine Appriou, on peut lire dans la Dépêche du 10 : « Le cadavre du patron Antoine Appriou a été découvert hier matin par un jeune homme de 17 ans, Jean Saliou. ce dernier se promenait sur la grève de Pors-Liogan, vers 7h45, quand il aperçut un corps flottant près du rivage. il le tira par les pieds et vint l’échouer sur la grève.
les gendarmes du Conquet furent prévenus et se rendirent sur les lieux ainsi que le docteur Boennec. le praticien, après examen du cadavre, presque méconnaissable, conclut que la mort remontait à une dizaine de jours.
La famille qui habite au Broennou, en Landéda, fut également avisée. elle reconnut le corps du malheureux pêcheur grâce aux vêtement qu’il portait le jour de sa disparition. »
Nous ne savons pas si le corps du novice Jean-Marie Tréguer a été retrouvé.
Commentaires :
Autour de ce drame de mer, décrit par le journaliste de la Dépêche de Brest on voit bien la solidarité des gens de mer face aux malheurs.
Un drame touchant deux jeunes marins, choque encore plus la communauté littorale. Antoine Appriou très jeune retraité de la marine à 37 ans, les marin ayant fait 15 ans de « Royale » peuvent prétendre à une retraite, semblait promus à un belle avenir avec son bon canot de construction récente le Guy Ferryville.
Le Guy Ferryville était un canot à misaine demi ponté de 7m construit à Concarneau.
Sans vouloir expliquer trop hâtivement le naufrage, le franc bord des canots à misaine est moins important que celui d’un sloup de l’Iroise de la même taille. Le gréement de canot à misaine composé d’une seule voile de grande surface et moins divisé de celui d’un sloup avec ses trois voiles . Un sloup du Conquet ou de Molène se couche moins facilement dans une rafale alors que la bateau n’a pas encore de vitesse qu’un canot à misaine
Liens :
article sur le Paul-Georges du magnifique blog de Jean-Pierre Clochon sur l’Histoire du Conquet
Archives en ligne de la Dépêche de
Brest
Un hydravion égaré dans la brume se fait remorquer
Lundi vers 10 heures du matin, un hydravion portant le numéro 29 et la lettre E, venant de Cherbourg et allant à Brest, égaré dans la brume très épaisse et dans la brume très épaisse et dans l’impossibilité de continuer sa route, fut dans l’obligation d’amerrir à quelques milles au noroit de l’île de Batz.
A ce moment passait le sloop à moteur « Ariel II » du port de Roscoff, patron Esprit Le Mat, qui se rendait sur les lieux de pêche. Le lieutenant de vaisseau commandant l’hydravion héla le bateau de demanda sa position. Celle-ci ne paraissant pas très sure, l’officier demanda au patron de l’Ariel de lui prêter assistance afin de le remorquer dans un lieu sûr.
Le patron et l’équipage acceptèrent spontanément à lui porter aide. Les opération présentèrent quelques difficultés car en cours de route la remorque de l’Ariel se rompit, ils réussirent quand même avec celle de l’hydravion à conduire celui-ci au mouillage de Malvoc, en l’île de Batz, en lieu sûr. les occupants de hydravion étaient au nombre de cinq. deux d’entre eux s’étant embarquer à bord de l’Ariel furent très heureux d’accepter de la part des marins une partie de leur provisions, car l’hydravion était dépourvu de vivres. L’officier commandant ce dernier remercia chaleureusement le patron et l’équipage de l’Ariel de leur entraide paternelle et de leur précieux concours et leur promit d’adresser à la préfecture maritime de Brest un rapport signalant leur belle conduite. de notre côté, nous tenons également à adresser à M. Le Mat et à son dévoué équipage, nos très sincères félicitations, car sans leur aide efficace, l’hydravion risquait fort de subir de très graves avaries
Dépêche de Brest du 11 juin 1936
Commentaires :
ce n’est pas la première fois que des pêcheurs de Roscoff viennent assister un hydravion qui a amerri en urgence , en effet l’île de Batz est un point de repère pour la navigation aérienne en particulier entre Cherbourg et Brest.
Dans les années 30 la Marine française est bien doté en hydravion, certain navire on des catapultes pour les faire décoller.
Le débarquement des marchands d’oignons interdit en Angleterre
Depuis le 1er janvier [190], est mise en vigueur en Angleterre, une loi appelée l’Aliens Act, contre l’immigration des étrangers. elle a pour but d’empêcher l’installation, en terre anglaise, d’immigrants dépourvus de ressources qui viennent y grossir l’armée des meurt-de-faim et , malheureusement aussi, l’armée du crime.
Or, l’application de cette loi vient d’avoir un résultat inattendu. les marchands d’oignons de Roscoff, Cléder, Saint-Pol de Léon, etc., qui passent chaque année plusieurs mois en Angleterre pour écouler les produits de la terre bretonne, ne sont plus autorisés à débarquer là-bas.
cette situation cause un grand préjudice à nos cultivateurs. M. Joubert courtier maritime à Plymouth, a adressé une réclamation à ce sujet au consul général de France à Londres. Il cite le cas d’un petit voilier français arrivé à Plymouth avec un chargement d’oignons et 17 marchands roscovites. En vertu de l’Aliens Act, toute la compagnie a été consignée à bord jusqu’à ce que M. Le secrétaire d’Etat, à qui on avait télégraphié le cas, ait accordé la permission de laisser débarquer les passagers. sans doute, la permission ne s’est pas fait attendre. cependant, elle n’a été accordée que pour cette fois.
Il semble pourtant que les marchands d’oignons donnent une garantie suffisantes aux prévisions de l’Aliens Act, puisqu’ils débarquent avec leur marchandise et non pour demander du travail en Angleterre.
Le consul général de France à Londres, M. Auzepy, a appelé l’attention de notre ambassadeur sur ce cas, ainsi d’ailleurs que sur un certain nombre d’incidents plus ou moins fâcheux qui se sont produits à cette même occasion, et il a reçu l’assurance que tous ces faits allaient être soumis au Foreign-office, afin d’obtenir, s’il est possible, dans l’application du nouveau règlement, les adoucissements auxquels les intérêts en cause ont très légitiment droit
Il est évident que ces incidents ne peuvent être dus qu’à une application maladroite de la loi et que nos compatriotes ne verront pas se fermer cette source de bénéfices ; les malheureux roscovites ont déjà été suffisamment frappé par la catastrophe de l’Hilda, pour que cette nouvelle calamité leur soit épargnée.
L’éclaireur du Finistère, Journal d’union républicaine (Morlaix) du samedi 3 février 1906
Commentaires :
Apres être remonté jusqu’à l’ambassade de France à Londres cette « affaire » se régla rapidement et , les johnnies purent vendre normalement leur oignons en faisant du porte à porte comme les autres années.
Cet article du mois de février montre que les départs de Roscoff s’étalaient sur plusieurs mois commençant en juillet avec la nouvelle récolte d’oignon et se terminant vers février avec les dernier navires transportant oignons et johnnies.
Rapport du vapeur de sauvetage Yvonne de Royan
J’ai l’honneur de vous remettre ci-joint le rapport sur la sortie de l’Yvonne » du 11 juin 1907, à l’effet de porter secours à la goélette « Aline » de Paimpol, drossée par le courant et la grosse mer sur les roches des Pierrières, à Saint-Palais.
A 9h15, le poste des douanes hissait le signal : « Allumez les feux », ordre aussitôt exécuté. En même temps, je prenais connaissance de la dépêche, le canot Henry était amené sur mon ordre et amarré à l’arrière de l’Yvonne », le corps était paré à filer ; à 10h25, l »Yvonne » était en pression et larguait son corps-mort.
A 11h10 je faisais armer le « Gabiou-Charron » N°5 et me mettais en correspondance avec le capitaine de la goélette, lequel me disait : « qu’il était prêt à donner sa remorque » ; comme des lignes avaient été prises en prévision, on les élongea immédiatement. Le navire était pris par son talon sur le talus des roches les Pierrières, le cap à l’0.S.O., l’avant à flot .
Je manœuvrai pour prendre la remorque lorsqu’un cri général s’éleva du bord : « Nous coulons. » En effet, l’Aline » soulevée par un gros brisant venait de se démolir et glissait le long du talus des roches, elle coulait à vue d’œil ; j’abandonnai aussitôt l’idée de remorque et le canot de sauvetage accostait à nouveau l’Aline » et cela au milieu des plus grands dangers, car la mer brisait furieusement ; nous recueillîmes les six hommes, le capitaine en dernier , qui au moment où il fut sauvé avait de l’eau jusqu’à la ceinture. Rien n’a pu être sauvé, tant le naufrage a été rapide.
Ayant recueilli naufragé et canots, je suis resté quelques minutes pour bien constater que l’ »Aline » était coulée et je fis route pour Royan, où l’ « Yvonne » était à poste à 1h30
L’équipage naufragé a déjeuné à bord de l’Yvonne ».
Il a été perdu dans cette opération deux pièces de ligne de canon porte-amarre qui restées frappées sur la remorque et une dame du canot de sauvetage.
Je suis heureux de vous signaler, Monsieur le Président, l’entrain, le courage et le dévouement de tout mon personnel qui a rempli son devoir de façon parfaite.
Le capitaine de l’ « Yvonne » Guerre
Commentaires :
La goélette Aline est un navire chasseur. Les navires chasseurs de Terre-Neuve ou l’Islande, ne pratique pas la pêche à la morue, ils apporte sur les lieu de pêche un chargement de sel, le courrier et des vivres frais et ramènent en France, sous sur les ports de Bordeaux ou de la Rochelle la première pêche de morues. Ces navires sont généralement un peu plus fin et meilleurs marcheurs que ceux affectés à la pêche et sont armés avec un équipage réduit de 5 à 7 hommes pour une goélette à hunier.
L’Yvonne est un ancien chalutier à vapeur acheté, le 17 décembre 1901, par la Société Centrale de Sauvetage et prêté à la Compagnie BORDEAUX-OCEAN pour assurer le sauvetage à l'embouchure, en 1907 il est renommé AMIRAL LAFONT.
Roscoff le 02 avril 1912
Ce matin, à 8h40, le sémaphore de l’île de batz signalait à l’inscription maritime de Roscoff qu’une goélette latine française, à huit milles au nord de l’île de batz avait son pavillon en berne et paraissait avoir le feu à bord.
A 10h30, le sémaphore télégraphiait que le navire venait de sombrer au nord-nord-ouest et que l’équipage ralliait la terre avec ses doris.
A la première alerte, des bateaux de Roscoff, parmi lesquels nous citerons le canot de sauvetage le Plutéus, bateau à vapeur du laboratoire, le Reder-Mor patron Lecocq et la Jeanne d’Arc patron Cueff se portaient au secours du navire en péril. avant l’arrivée d’aucun d’eaux, le bateau avait disparu dans les flots.
Voici les renseignements que nous avons recueillis sur place : la goélette Batavia, d’une contenance de 70 tonneaux, armateur Amice, capitaine Julien Amice, armée à Saint-Malo le 22 mars dernier, était parti de ce port le 30 mars à deux heures de l’après-midi, ayant à son bord 19 hommes d’équipage ; elle se rendait à Terre-neuve pour la pêche à la morue. c’était un vieux bateau ayant 25 ans d’existence. Au nord-ouest d’Ouessant une voie d’eau se déclara à bord. pendant 48 heures, les hommes firent fonctionner les pompes et manœuvrèrent de façon à se rapprocher du premier port se trouvant sur leur route. En vue de l’île de batz, le capitaine se rendant compte que toute tentative pour continuer était inutile – Il y avait plus d’un mètre d’eau dans la cale- donna l’ordre à ses hommes de s’embarquer sur les doris et ne quitta le bord qu’après avoir mis le feu à son navire, comme le commandent les règlements. les doris furent mis à la remorque des bateaux de secours et tout l’équipage sain et sauf put être ramené à terre. les marins seront rapatriés par les soins de l’inscription maritime
Dépêche de Brest du 3 avril 1912
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En 1909, la goélette Batavia rapatrie de St Pierre à St Malo l’équipage du navire terre-neuvier Turène de Fécamp qui a coulé sur les bancs, l’entraide entre marins est bien actif.
Les bateaux qui interviennent sont différents : deux voiliers, le canot de sauvetage de Roscoff à l’aviron et le yawl mixte du laboratoire. Les patrons pêcheurs de Roscoff n’hésitaient pas à porter secours avec leur sloops cordiers, comme le Reder-Mor et la Jeanne d’Arc qui participèrent à plusieurs sauvetages. Le canot de sauvetage de l’île de Batz n’a pas été mis à l’eau pour ce sauvetage nous en ignorons la raison.
Les navires terre-neuviers, partant avec un chargement de sel dans la cale, une voie d’eau leur était souvent fatale, l’eau faisant fondre le sel et créant une saumure épaisse rendant les pompes inefficaces.
Un terrible accident de mer, qui a occasionné la mort des quatre enfants Derrien, fils et fille du fermier de l’île Saint Gildas en Penvénan, est venu douloureusement émotionner la commune de Penvenan et la population riveraine du Port-Blanc et de Buguélès
Derrien avait un canot pour communiquer avec la grande terre, et par lequel ses enfants se rendaient habituellement à l’école pour y suivre les classes des instituteurs. En prévision des jours où une mer trop houleuse n’aurait pas permis le passage, il possédait à Buguèles une petite maison d’habitation où ses enfants se rendaient.
Mercredi 25 octobre [1877] les enfants restèrent à Buguéles. Le lendemain jeudi vres huit heure du matin, ils embarquèrent avec les frères Joseph et Jean Maillot, âgés l’un de dix-sept ans, l’autre de quatorze, qui devaient les conduire chez leur parents. A la distance de 10 mètres environ d’une petite île qui se trouve entre Saint-Gildas et Buguéles, le canot trop chargé de toile fut assailli par une rafale de vent et chavira.
Les enfants Derrien ne purent lutter contre la mort et coulèrent immédiatement ; les frères Maillot se sauvèrent à la nage. A dix heures, les cadavres de ces infortunés furent trouvés et exposés dans la maison de Buguéles où leurs parents, en proie au plus violent désespoir, vinrent les reconnaître.
Le Canot fut retrouvé vers onze heures par le pilote Cloarec par 3 mètres d’eau dans le nord-est de Saint Gildas ;
Dans le « Journal de Tréguier »
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L’île Saint Gildas, au nord du Port-Blanc est accessible à basse mer depuis Buguèles, la distance à parcourir en bateau à pleine mer de Buguéles a la cale de Saint Gildas est un peu plus grande qu’un mille nautique. Le canot à certainement coulé à proximité de la minuscule île aux moutons à l’entrée de l’anse de Pellinec ou à côté de l’île aux marsouins .
Au XIXème siècle l’île appartient à la famille Duportal de Goasmeur, en 1848 Casimir Duportal de Goasmeur fait agrandir la ferme en y faisant construire une écurie et une étable à l'usage de la métairie de l'île. l’île de 28 hectares a alors une ferme prospère, qui fut endeuillé par ce bien triste naufrage.
Un affreux sinistre s’est produit dans la soirée de vendredi, vers 7h du soir, à environ trois milles au large de la baie de Paimpol. Le navire Agile, capitaine Marion, appartenant au port de Binic et armé pour la pêche d’Islande, a été surpris par le calme et entrainé sur un écueil par un courant violent. environ trois quarts d’heure après avoir touché, le navire a chaviré, engloutissant huit hommes de l’équipage. Les autres naufragés, au nombre de quatorze, ont pu gagner soit dans le canot, soit à la nage, les rochers voisins du lieu de la catastrophe et ont été recueillis dans la nuit.
Ce sinistre s’est produit dans des conditions véritablement épouvantables. huit marins, partis le matin plein d’espoir et de forces, ont été engloutis sans avoir essuyé la moindre tempête, avant même d’avoir navigué une journée entière !
les victimes sont toutes originaires de la côte ouest de la baie de Saint-Brieuc, et notamment de Plouha, Binic et Saint-Quay
Dépêche de Brest du 06 mars 1889
Commentaire :
En mer, le plus dangereux c’est la terre ! Le départ des goélettes vers Islande peut etre difficiles, les parages de Bréhat sont semés de plateaux de rochers, les courants de marée sont particulièrement fort.
Beaucoup de goélettes partent le même jour, il n’y a pas toujours de pilote lamaneur disponible pour chaque bateau. L’histoire ne dit pas si un pilote a embarqué, lorsqu’il y en a un à bord il débarque du navire dans le nord de Bréhat.
L’article indique que le lieu du naufrage se situe à 3 milles de la baie de Paimpol, c’est certainement dans l’est de Bréhat, des parages pas facile avec des plateaux comme les Echaudés ou Men Marc’h plus au nord il y a la Horaine ou immédiatement dans le nord de l’île le Pen Azen, cela a pu également se produire du côté de Cain ar Mons au S.E de Bréhat. Je n’ai pour l’instant trouvé aucune précision sur le lieu exact du naufrage.
L’Agile a appareillé le matin à pleine mer de Binic, elle a profité du courant de jusant. A-t-elle mouillée à la renverse de courant, par manque de vent toujours est-il qu’ en une douzaine d’heure la goélette n’a parcouru d’approximativement 18 milles, ce qui est fort peu.
Pour les conditions de marée au moment du naufrage, le 1Er mars 1889, est le jour de la nouvelle lune nous sommes donc en vive-eau, la PM est aux alentours de 6 heures du soir , à 7 heures le jusant est établi . on peut également supposer que la goélette Agile a fait côte dans le nord de Bréhat ou sur les ilots dans l’Est-ce qui expliquerai la faible distance pour ceux qui ont pu se sauver à la nage.
A cette époque, les goélettes faisant la pêche à Islande n’ont qu’un seul canot. Ce canot est bien sur trop petit pour embarquer l’ensemble de l’équipage même par temps calme ou il peut tout au plus une dizaine d’hommes pour un équipage de 22 à 25 marins. Quelques années plus tard, l’inscription maritime imposera d’avoir deux canots à bord pour pouvoir embarquer tout l’équipage en cas de naufrage.
En 1800 le vice-amiral Antoine Thevenard dans « mémoires relatifs à la marine » dans une note « sur les noms de différents lieux des côtes de Terre-Neuve et du Labrador »décrit des attaques de pêcheurs malouin par des sauvages en voici la description (orthographe d’époque du livre a été respecté).
« Cap Noir (Pointe Noly) C’est ici que la première rixe se passa ente les Maloins et les Esquimaux qui s’en sont vengés pendant 168 ans. La paix ne s’étant rétablie à la baye des châteaux qu’en 1756 par l’entremise des capitaines Tolin et Galiot, de Saint-Malo, j’en suis le témoin. Vers 1488, des Esquimaux vinrent à l’ance du cap Noir qui fait face à l’entrée nord du Querpont, et l’équipage d’un navire maloin s’y rendit pour trocquer avec eux. Les premiers faisaient le guet de nuit, suivant l’usage, lorsque la sentinelle entendit du bruit parmi les sauvages ; et craignant une surprise subite, fit feu, dont la femme d’un chef des sauvages fut tuée. depuis cette époque, les esquimaux passaient annuellement le détroit de Belle-Isle pour faire excursion sur les pêcheurs à la côte de Terre-Neuve, et navigeaient sur leurs canots de peaux de loups marins, long de 26 pieds sur 26 pouces de large, et pointus des deux bouts. J’étais au Querpont lorsqu’en août 1753, ces anciens ennemis égorgèrent vingt hommes composant les équipages maloins de cinq bâteaux capelanniers, qui s’étaient rassemblés sur la rive de l’ance de cap d’Oignon, pour se fêter entr’eux à la fin de la pêche. J’y fus envoyé sur une des pataches armée de pierriers, d’espingoles, et vingt fusiliers, et n’y trouvai plus que les cadavres nuds et jetés dans la mer.
L’année suivante, ces sauvages tuèrent six hommes, équipage de deux bateaux qui pêchaient vers les îles du sacre. Les navires maloins qui tenaient deux pataches armées veillant sur ce parage, étaient dans ce même moment à demi-lieue de distance. je commandais l’une d’elle en course, à voiles et rames, faisant six nœuds de chemin sur ces massacreurs qui fuyaient avec une vitesse qui égalait la mienne ; il abordèrent au rivage de l’ance du cap d’Oignon, y abandonnèrent leur canots et s’enfuirent au travers du bois sur les montagnes. je saisi six de ces canots en faisant feu vers l’entrée du bois, mais sans espérer de pouvoir les poursuivre avec succès. ces embarcations contenaient leur bagages, consistant en carquois, flèches et harpons pour pêcher : en casaques de peaux d’oiseaux nommés moyaques, dont les plumes étaient en dehors, en chemises ou tuniques à manches faites de vessies d’oiseaux ou de poissons dont les lanières qui composaient ce vêtement ; étaient très artistiquement assemblées et finement cousues avec des nerfs aussi déliés qu’un fil. La forme des casaques était absolument telle que l’espèce de capuchons ou cabans dont se servent les marins provençaux »
Ce récit du vice-amiral Thévenard est interprété dans sa biographie, comme quoi il aurait été à la tête d’une expédition de destruction de village inuits
Robert Lanteigne Étudiant au certificat en histoire, Université du Québec à Montréal analyse cette description dans un mémoire intitulé
« Le mythe Thévenard et les conflits entre pêcheurs malouins et les Inuits au Petit Nord de 1749 à 1765 »
De 1852 à 1854 Antoine Thevenard, natif de Saint-Malo est lieutenant sur le senau La Comète de Saint-Malo armé par Pétel à la pêche à la morue sédentaire au Petit-Nord ce navire est commandé par son père également prénommé Antoine, comme il en témoigne dans son récit, il est juste témoins d’un massacre perpétué par les inuit et n’est nullement le responsable de la destruction d’établissements inuits
La carrière maritime d’Antoine Thévenard fut particulièrement longue et riche et mériterai un long étude. Ses « mémoires relatifs à la marine » publiés en 1801 montrent bien l’éclectisme de l’homme éclairé du siècle des lumières comme le montre sa biographie sommaire de 1824.
En cette fin juillet 1905, la saison de l’exportation des oignons vient juste de commencer, de nombreux voiliers de cabotage sont au port de Roscoff, l’activité sur le vieux quai et dans la ville de Roscoff est importante des centaines de charrettes apportent leur chargement d’oignons de toutes les communes environnantes. Vers le 22 du mois de juillet nous sommes en pleine morte eaux, les bateaux ne flottent plus à pleine mer, ils « amortissent » avec leur chargements les affréteurs se plaignent que les oignons s’échauffent dans les cales et craignent un dépérissement des cargaisons.
On lit dans le ouest Eclair du 29 juillet :
« Navires immobilisés - Il y a actuellement à Roscoff quatorze navires prêts à partir et qui sont immobilisés dans le port par suite du manque de profondeur d’eau. Il en résulte une perte considérable pour nos agriculteurs ; ces navires ont en effet à bord 1200 tonneaux d’oignons qui finissent par s’échauffer.
Si en plus le calme surprend les bâtiments en cours de route, à l’arrivée dans différents ports anglais, beaucoup d’oignons seront pourris. tous les ans , en morte eau la même chose de produit »
Les johnnies, jeunes paysans du pays de Roscoff partant vendre les oignons en Grande-Bretagne embarquent par groupes à bord des voiliers de cabotage. Les cafés de Roscoff ne désemplissent pas avant les départs.
Le 29 juillet la marée augmentant, les voiliers commencent à pouvoir partir de Roscoff A la pleine mer de l’après–midi les huit voiliers de cabotage suivants quittent le port : « André », cap. Cabon pour Portmadoc ; « Anne » capt. Noga pour Newcastle ; « Anne-Sophie » capt. L’Hostis pour Yarmouth ; « Louise » capt. Petitbois pour Grimsby ; « Chouan » capt. Lisillour, pour Cardiff : « Réussite » capt. Perrin pour Aberdeen ; « Henry Rivière » capt Merer pour Cardiff et « Gustave » capt. Michel pour Newport
Pour le dundée Le Chouan , ce départ va se solder par un échouement
On lit dans le Ouest Eclair du 31
« Échouement du « Chouan »
Samedi soir à la marée de trois heures, le dundée français « chouan » capitaine Lissilour, sortant du port avec un chargement de 95 tonneaux d’oignons, 4 hommes d’équipage et 15 passagers, à destination de Middlesbrough (Angleterre) s’est jeté par une fausse manœuvre sur la roche Méanet à l’entrée du port où il est resté jusqu’à la marée d’hier. il vient de rentrer avec une forte voie d’eau. le chargement d’une valeur de 14 000 francs est presque tout perdu, et n’est assuré que pour 6 000 francs. Le déchargement a commencé ce matin »
Les circonstances de cet échouement sont singulières, on les découvre à la lecture du journal Ar Bobl du 5 aout 1905, journal bretonnant et bilingue dont le rédacteur en chef est F Jaffrennou plus connu sous le nom de Taldir
« Le dundée Chouan des Sables-d’Olonne Capitaine Lissilour, sortait samedi du port, avec un chargement de 100 tonnes d’oignons pour Middlebourg.
Par suite d’une fausse manœuvre, il s’est jeté sur la roche de Menaned, à l’entrée du port. ce bateau s’est fait une voie d’eau et vient de rentrer pour décharger ses oignons et réparer ses avaries.
Le Chouan avait accepté un pilote. en cours de route, le pilote ayant rappelé au capitaine que le pilotage était de 10 francs, et le capitaine ne voulant lui donner que 5 francs, le pilote dut débarquer.
Quelques minutes après, le navire échouait, il est assuré pour 6 000 francs ; le chargement est estimé, dit-on à 14 000 francs. »
Toujours est-il que le renflouement est rondement mené, certainement avec l’aide des charpentiers du chantier Kerenfors et le dundée est remorqué par des canots dans le port de Roscoff . Les oignons sont débarqués et mis en vente aux enchères.
Le Chouan, certainement après une réparation provisoire, permettant d’étancher sa voie d’eau est envoyé à Paimpol, ou les chantiers ont l’habitude de construire et de réparer de gros navires en bois goélettes de pêche et dundée ou goélette de cabotage. le chantier Kérenfors de Roscoff ne construisant à cette époque des petites et moyennes unités, destinées à la pêche ou à la plaisance n’a pas en stock les bois pour réparer un bateau aussi fort.
On lit dans le Ouest Eclair du 18 aout 1905
« le renflouement du Chouan- Le dundée français Chouan, échoué le 4 sur les rochers, à l’entrée du port de Roscoff, et renfloué le 5 [erreur du rédacteur sur les dates], vient d’être remorqué à Paimpol, pour y être réparé. On estime que les réparations s’élèveront à 1 700 francs. les frais de remorquage ont été de 400 francs.
Le Chouan avait un chargement d’oignons de 80 tonneaux, on vient de le vendre aux enchères publiques pour 4 300 francs. il était assuré pour 6000 francs »
Dans l’état de mes recherches, j’ignore si le capitaine Lissilour a été condamné par le tribunal maritime pour cette faute d’avoir refusé de payer le pilote ayant entrainé l’échouement de son dundée. Toujours est-il qu’il en est pas à son premier déboire maritime, on apprend dans un article sur la tourelle de la Grande Vinotière sur le blog d’histoire du Conquet de Jean Pierre Clochon
Le Chouan, dans le journal « Le Finistère » du 13 juin 1903 : une contravention a été infligée à Eugène Lissillour capitaine du dundée Le Chouan de Perros Guirec, pour avoir le 10 février précédent, accidentellement détérioré la tourelle de la Grande Vinotière, et n’avoir pas fait de déclaration. 5 Francs d’amende avec sursis.
Localisation du lieu de l’échouement du dundée Le Chouan
les articles de l’époque indique le nom des rochers : Méanet ou Menaned, pour l’identifier le lieu de l’échouement j’ai eu de l’aide.
François le Ven matelot sur Néomysis de la station biologique de Roscoff a reconnu sur la photo le caillou d’après sa forme, et me signale que ce rocher est juste dans l’ouest de la tourelle Men Guen Bras.
Yann Riou, expert en toponymie nautique bretonne m’indique que étude de toponymie nautique de Per Pondaven sur l’île de Batz donne « Mein an ed vraz » et « Mein an ed vian » qui se traduisent par les grandes roches du blé et les petites roches du blé. en effet l’amas de ces gros cailloux ronds ressemble à un tas de grains de blés.
Voyons sur les cartes marines de ma documentation.
Sur le plan de l’atlas des ports de France de 1877, ci-dessous nous trouvons dans l’ouest de la tourelle Men Guen Bras les « Pierres au blé »
Sur la carte marine de l’île de Batz relevée sur ordre de Beautemps Beaupré en 1838 de l’édition de 1923 ci-dessous, nous avons : Men an igas bras ou Ménanet et Men an igas bihan ou Ménanet
Sur la carte marine du SHOM 5828, ci-dessous, réactualisée de 1977 aucun nom sur ces deux rochers mais leur cote 8.5 m pour le plus haut et 5.4 pour le plus bas
Le 29 juillet 1905 la hauteur de la pleine mer de Roscoff à 15h 7.64 m. Le dundée Chouan ayant un tirant d’eau aux alentours des 2.80m, mais, comme on le voit sur la photo il ne s’est pas échoué sur le sommet du plateaux de rochers nous pouvons affirmer sans aucun doute qu’il est échoué sur les rochers nommés « Mein an ed vian » et coté à 5.4m
Le ministre de la marine et des colonies a adressé à l’Empereur [Napoléon III] le rapport suivant :
Paris, le 26 aout 1861
Sire.
J’ai l’honneur de rendre compte à votre Majesté d’un acte de sauvetage qui honore notre marine marchande.
Le 04 juin dernier, près de la côte de terre-Neuve, par un temps brumeux, par une mer très grosse et couverte de glaces flottantes, le paquebot transatlantique anglais Canadian aborda un banc de glace. Dans ce choc, l’avant du navire fut défoncé. la gravité de l’avarie et l’état de la mer firent immédiatement considérer la situation du bâtiment comme désespérée. le pavillon fut mis en berne pour appeler du secours, et le capitaine se hâta de répartir dans les huit embarcations su bord son équipage et ses nombreux passagers.
Une heure à peine après l’abordage, le Canadian avait, en effet, disparu sous les flots.
Quatre bâtiments, français se trouvaient en vue au moment du sinistre c’étaient :
L’ « Héloïse » de Saint-Malo, commandé par le capitaine au long cours Halot Armand Marie, inscrit au même port ;
Le « Jules », également de Saint-Malo, capitaine Macé ;
Le « Père de famille », de Saint-Brieuc, capitaine Revel, et la « Francine » de Paimpol, capitaine Geffroy.
ces navires que le mauvais temps avait forcés de mettre à la cape, et qui se trouvaient à quelques milles de distance, aperçurent heureusement les signaux de détresse du Canadian, le capitaine Halot se dirigea le premier sur le lieu du sinistre ; les trois autres capitaines le suivirent immédiatement. au moment où ils arrivèrent, le Canadian venait de sombrer, et les huit embarcations, encombrées de monde coulant bas d’eau, luttaient péniblement contre une mer furieuse, à laquelle aucune d’elles n’aurait certainement pu résister longtemps.
Les navires français mirent alors en panne pour recueillir les naufragés, manœuvre extrêmement dangereuse à quelques encablures des bancs de glace où le Canadian s’était brisé et sur lesquels la direction du vent tendait à les entrainer à leur tour. cependant le sauvetage s’opérait malgré tous les obstacles, lorsque l’une des embarcations anglaises chavira. Nos marins n’hésitèrent pas à braver de nouveaux périls, en se jetant dans un canot pour secourir les infortunés qui avaient été précipités à la mer. ils sauvèrent ceux qui surnageaient ; mais vingt-six personnes avaient disparu.
Le reste des marins et passagers du Canadien, au nombre de cent soixante-dix-neuf, fut recueilli à bord des bâtiments français, qui se dirigèrent aussitôt vers la terre, et purent entrer le même jour dans la baie de Kirpon. Le lendemain, le capitaine Halot, muni des pleisn pouvoirs de son armateur, auquel appartenant également le Jules, mit ce navire à la disposition des naufragés pour les transporter à Saint-Jean de Terre-Neuve.
Cet exposé fait assez ressortir le dévouement de tous les marins qui ont concouru à cet important sauvetage, et des dangers qu’ils ont affrontés. Ceux qui se sont particulièrement distingué recevront les récompenses qu’ils ont méritées, notamment les capitaines Macé, Revel et Geffroy, auxquels j’ai l’intention de décerner , au nom de Votre Majesté, des médailles de 1ere classe, en or.
Quant au capitaine Halot, il me parait digne d’une distinction plus grande. C’est lui qui a contribué de la manière la plus efficace au salut des cent soixante-dix-neuf personnes arrachées à une mort imminente. Il a donné l’exemple ; il a eu l’initiative de cette décision hardie qui a porté les navires français au-devant des glaces sur lesquelles le Canadian.
Le capitaine Halot m’est, d’ailleurs, signalé comme un homme du caractère le plus digne d’estime, comme un marin intelligent qui a déjà rendu des services au commerce et à l’industrie des pêches par son esprit de progrès
J’ai en conséquence, l’honneur de proposer à Votre Majesté de le nommer chevalier de l’ordre impérial de la Légion d’Honneur et de récompenser ainsi, par cet éclatant témoignage de la satisfaction de l’Empereurs, une carrière honorable couronnée par un acte de dévouement.
Le ministre de la marine et des colonies
Comte P. De Chasseloup-Laudat
lettre reproduite dans le journal « La Presse »
Le Canadian était un paquebot anglais à vapeur et à voile neuf de 1926 Tx, lancé. en 1861 au chantier Robert Steele & Co à Greenock pour Allan Line S. S. Co. - Allan J. A. & Co. - Montreal Ocean S.S. Co, London & Glasgow ce navire à une longueur de 86,9m par 10,4m de bau
Il assurait la ligne de passagers Québec, Liverpool incluant la liaison postale
D’après les articles de presse de l’époque et le rapport du naufrage édité dans « the mercantile marine magazine » de septembre 1861 voici des précisions sur les circonstances du naufrage
La Canadian est parti le le 1er juin de Québec pour Liverpool, avec 112 passagers 51 de cabines et 61 d’entrepont, les passagers d’entrepont sont nettement moins nombreux que pour les voyages d’Angleterre vers le canada, et un chargement de blé et de farine. Il est commandé par John Graham capitaine diplômé de la marine marchande anglaise depuis 1851. L’équipage est de 96 personnes.
Jusqu’au 3 juin, la descente de l’estuaire du Saint-Laurent se déroule sans problème, le vapeur marche à 12 nœuds. Le 3 juin au soir la visibilité chute et la présence de glace devient importante, le navire réduit sa vitesse, juste pour être manœuvrant, cap à l’ouest en restant toute la nuit en vue du phare du Point d’Amour sur la côte du Labrador. Le 4 juin au lever du jour, il reprend sa route dans le détroit de Belle Isle séparant le labrador de Terre Neuve, en évitant des grosses masses de glace. A 8h30 le navire arrive en vue de Belle Isle. A 9h30 le vent du sud monte en coup de vent. Devant lui et sur bâbord le pack de glace est dense , sur tribord plusieurs icebergs, la veille est particulièrement attentive. Il reste un étroit chenal entre le pack et les icebergs, Le capitaine prend la décision de l’empreinte, pour éviter le risque de se faire prendre en étau entre les icebergs et le pack de banquise. Le navire marche à la vitesse déduite 5 nœuds. A 11h30 la largeur du chenal se réduit, il doit passer le long d’une plaque de glace. Le navire touche la plaque sur bâbord au niveau du mât de misaine, la plaque de glace glisse le long du bord sur une vingtaine de mètre, le choc n’est pas très violent.
Le capitaine pense que le bateau n’est pas endommagé et que les avaries ne sont pas importantes, il fait aussitôt examiner la coque de l’intérieur, le choc avec la glace a été fatal pour la coque, la glace à littéralement découpé la coque en acier sur 20 à quelques mètres sous la flottaison, la coque est cloisonnée mais l’eau pénètre simultanément dans quatre compartiments. Après être descendu, lui-même, dans l’entrepont constater la gravité des dégâts, le capitaine remonte donner les ordres d’évacuation immédiate du navire. Le navire est en train de couler. Sa position estimée est à 5 milles dans le NE du cap Bault
Le Canadian a huit embarcations de sauvetage, les opérations de mise à l’eau et d’évacuation sont opérées promptement. toutefois l’embarcation N°8 coule en passant sous l’arrière du navire, les passagers et l’équipage embarquent donc sur les sept embarcations restantes. En en dizaine de minute le paquebot Canadian coule. L’embarcation N°6 surchargée, est entrainée dans le tourbillon du navire et coule à son tour, certaines victimes sont repêchées.
Une première estimation du nombre des victimes est de 29 personnes
Les six embarcations sont sauvées par quatre bateaux de pêche français, le rapport officiel ne donne aucun détails sur l’action des sauveteurs, et souligne uniquement le comportement remarquable du commandant du Canadian.
Les autorités maritimes s’interrogent sur l’opportunité d’emprunter le détroit de belle isle, la route la plus courte par le nord de Terre-neuve à cette date, l’habitude de l’époque des navires à vapeurs est de l’emprunter après le 20 mai.
Le témoignage de Mr Johnson passager de cabine à bord du Canadian nous apporte quelques précisons rapatriement à Saint-Jean de Terre-Neuve.
« Nous avons été très bientôt secouru par quatre navires de pêche français, et conduits à Quirpon Bay. Le capitaine Graham a affrété l’un d'entre eux, la barque Jules à 400 livres sterling, pour nous emmener à St. Johns; et nous avons tous été transférés à bord. Personne ne peut décrire nos souffrances vécues à bord. Nous n’avions que du biscuits durs pour le petit déjeuner, la même chose avec du lard salée pour le dîner, idem sans porc pour le thé. Nous avons dormi sur la cargaison de sel, avec juste une voile sous nous comme tapis, et un autre sur nous. Aucun des passagers avaient leurs vêtements pendant dix jours. »
Les autorités anglaises ne semblent pas avoir été très reconnaissante envers les équipages sauveteurs français.
Liens :
site Wreck position de l'épave
Site de Robert Sewell : Article de journal
Article avec la liste des pasagers
Rapport officiel du naufrage « the mercantile marine magazine » de septembre 1861 » :
15 abris du marin furent construits, à l’initiative de Jacques de Thézac dans le Finistère et dans le Morbihan entre 1899 et 1952, mais seuls deux étaient en Bretagne nord celui du Conquet et celui de Roscoff. La grande majorité des abris a été construit avant la guerre de 14, il en existait 12 à la veille du conflit mondial. Celui de Roscoff fut construit et inauguré en 1909 resta en activité jusqu’en 1952. L’abri, dont le bâtiment existe encore, était bien situé, au fond du port entre l’abri du canot de sauvetage et le chantier Kérenfors
Nous allons découvrir, l’inauguration de l’abri de Roscoff dans un article de l’Echo du Finistère et le fonctionnement d’un abri du marin à travers des extraits d’un bel article de L’illustration de 1921
1909, l’inauguration de l’Abri du Marin de Roscoff
L’œuvre bienfaisante et si sociale de l’Abri du Marin vient de s’enrichir à Roscoff d’un local de plus. Ce local est dû à la générosité de Mme Kernéis, de Brest, en souvenir de son regretté fils, Edouard Kernéis, grand ami des marin.
Le nouveau local a été béni et inauguré dimanche dernier, Mme Kernéis assistait à la cérémonie au cours de laquelle des discours ont été prononcés par MM ; l’abbé Morvan, recteur de Roscoff et l’abbé de Coëlodon vicaire à l’église Saint-Louis de Brest.
Sur le frontispice est apposée une plaque en marbre blanc portant cette inscription : A la mémoire d’Edouard Kernéis. Au rez-de-chaussée se trouvent un vestibule, une loge de concierge et une grande salle s’ouvrant sur le port. A l’étage sont la salle de lecture, une bibliothèque et une pièce secondaire. toutes ces salles sont ornées de cartes marines, tableaux anti-alcooliques, etc. En tête de la salle principale est placée une belle croix, surmontée de cette devise : Dieu, Honneur , Patrie.
L’abri reçoit déjà quelques journaux comme Le Yacht, L’Etoile Bleue, etc. et les marins y trouveront le nécessaire pour leur correspondances.
Le concierge, désigné par le patron des barques est le marin-pêcheur Craignou de la Poupoule. Le soir, les marins se sont réunis pour former le comité de l’Abri, ainsi constitué : Président, M. Louis Guyader, patron du Reder Mor, vice-présidents, MM Esprit Le mat, patron du Saint-Joseph et Joseph Allain, marin de la Poupoule ; secrétaire-trésorier M. Joseph Salaün, capitaine au long-cours ; concierge M. François Craignou, de la Poupoule.
Et maintenant, merci à Mme Kerneis et que le nouvel abri crée et entretienne entre tous les marins de Roscoff des liens d’estime, d’affection et de dévouement !
L’Echo du Finistère Journal régionaliste indépendant paraissant le samedi du 1er janvier 1910
Les abris du marin
Onze abris ont été successivement fondés, à Concarneau d’abord, à Belle-île, au Guilvinec, à Camaret, à l’île Tudy, à l’île de Sein, à Audierne, au Passage Lanriec, à Sainte Marine, à Roscoff, à Douarnenez. plus ou moins spacieux, suivant les besoins locaux, ils sont tous du même type. au-dessus d’une cale goémoneuse, bordée de plates, de canots, une maison rose – couleur de bonheur- un gai pignon bien visible de la mer, tout de suite reconnaissable au marin. Aux deux angles de la façade en breton et en français, le belle devise de l’œuvre, qui en dit tout l’esprit : Karet an cil eguilé « Aimez-vous les uns les autres ! » […]
En face de porte, à la place la plus évidente, le baromètre, qui dit au marin ce qui l’intéresse d’abord. A coté, le tronc où les hommes jettent les deux sous de leur cotisation annuelle. A droite, a gauche de grands cadres, où l’œuvre affiche ce qu’elle a de plus pressant à dire ou à montrer à ses clients. c’est l’avis d’un changement de feu ou de balisage ; une suite d’offre et demandes d’engagements pour la pêche ; une annonce de bateaux et agrès à vendre ( un sloop à vivier de Camaret, une chaloupe du Guilvinec, une misaine de cape, dix brasse de câble). et puis, les décisions nouvelles du comité local : comité de marins librement élu par les « collègues ». arrêté vous au beau modèle historié de l’engagement d’honneur de la Croix-Blanche, ligue de tempérance bretonne qui compte des milliers de jeunes adhérents.
Le gardien, ou la femme en coiffe qui vous reçoit, pousse une porte, et vous voilà dans un décor de fête. c’est la grande salle de réunion avec son pavois de drapeaux, cartes, chromos, devises, ses rangs de longues tables où traient des damiers, des boites de dominos, des jeux de loto et de « marine », un phonographe béant en place d’honneur. Là-bas, dans les ogives vitrées, s’encadre avec du bleu vivant, tout le mouvement de la rade ou du port. Joyeux accueil de toutes ces choses. « y a de quoi rire ici ! » D’abord, les deux miroir ondulés où l’on va s’esclaffer devant sa propre tête, mirifiquement allongée ou aplatie. Et puis, là-haut aux quatre angles du plafond, les binettes en carton peint, les trognes enluminées stupides en leur béatitude grotesque, les yeux de poisson mort et le pif rutilant de K. Sissoif, de Yann Chopine, de K. Touliché et de R. Dabruti. Grande joie de faire lire ces noms tout haut à un mousse, à un étranger ! Mais il y a de quoi apprendre et réfléchir aussi. entre les deux fenêtres, sous la fière devise : Dieu, Honneur, Patrie saluez le tonnelet de cristal dont le robinet donne l’eau pure et salutaire : « véritable Eau-de-Vie » dit l’inscription
Et, tout au long des quatre murs laissez courir vos yeux sur ces centaines d’affiches, pancartes, tableaux, le plus instructif bariolage, évoquant le monde quotidien de la mer, de la pêche et, par-delà, le vaste monde, vingt choses que les malins ont lues « sur le journal » et puis tant de souvenirs de la guerre, personnels à presque tous, ici : des dragueurs qui manœuvrent à la chaine, la trombe d’eau d’une mine qu’on fait sauter, un sous-marin boche dans le bassin du Havre. Les champs affreux et familiers de l’Yser, l’entrée de Salonique, Dunkerque bombardée. au-dessous en cimaise, pour que les yeux puissent bien déchiffrer, les cartes marines de la côte et de ses feux, des schémas , tableaux, disant les manières d’éclairer un bateau pour éviter un abordage, les significations des bouées et balises, les routes au compas de Roscoff à Rochebonne, les instructions nautiques de Penmarc’h à Dunkerque.
Et que de pages d’hygiène aussi ! que de conseils sur la nourriture et la boisson, sur les maux de ventre, panaris, maux de dents, tant de misères qu’un marin ne soigne pas ! Et toutes ces images parlantes, enfin, illustrant les mauvaises routines, les imprudences, bêtises, qui exposent un pauvre gars à la tuberculose..
Mais , parmi tant de choses sérieuses, pour y attirer, conduire, combien de choses amusante !
Portraits de héros en bérets, de sauveteurs et de marins athlètes, photos de cotres en régates, toute toile dehors, oblique, une partie du pont dans l’eau, -de dreadnoughts [cuirassé] et torpilleurs, de sloops célèbres pour leurs exploits sur côte d’Afrique. Et puis, instantanés de fêtes et prouesses locales ; un pardon de marins, un championnat de lutte, le saut prodigieux de trois plongeurs, saisis, talons au ciel, dans l’espace ; une course de « plates » montées par des bigouden : - quelles luronnes ! comme elle godillent à tours de reins, les belles filles mitrées !
Et partout, aux vitres, au plafond, des préceptes, maximes de la propagande antialcoolique, les devises de patriotisme et de morale. Rang sur rang, là-haut, elles se succèdent, mouchetant les solives : Eau-de-vie pour le marchand, mais ôte-vie pour le client – Pour travailler, associez-vous ! – La tempérance, c’est le bonheur à bon marché ! – La crainte de l’air est le commencement de la tuberculose. – Air pur, soleil et eau sont les grands générateurs de vie et d’énergie ; - Un vice coûte plus à nourrir que quatre enfants à entretenir. – La France est notre mère : travaillons et combattons pour elle !
Obsédant décor, trop chargé, pour des yeux parisiens. Mais il plait et il agit. Un vieux déclarait avec fierté son opinion : « ici, vous pouvez pas seulement tourner la tête ou lever les yeux sans rencontrer un bon conseil. »
En somme, l’impression la plus tonique. tout ici suggère la volonté active, l’effort contre les influences de tristesse et d’inertie. Ordre, propreté, discipline des choses, joyeuse couleurs, affluence de lumière par les grandes baies ogivales : ah ! le beau contraste avec les obscurs logis auxquels ces pêcheurs sont habitués ! l’un d’eux, un pauvre, du type ancien, visitant le nouvel Abri que l’on venait de construire à Sainte-Marine, le plus petit de tous mais si clair, et largement ouvert sur le golfe me dit avec émerveillement grave : « Ma Doué ! c’est-y vrai que c’est pour nous ça ? C’est plus beau qu’une église ! On dirait censément le paradis ! »
Il faut monter à la salle de lecture, plus sobre, dont la porte présente cette exhortation : Lis, étudie, réfléchis. Une grande bibliothèque, pleine de livres amusants et pratiques : récits de voyage, d’exploration, études sur la mer, la navigation, la pêches, Merveilles de la nature, publications du service hydrographique, collections d’illustrés, traité élémentaires de cosmographie, d’histoire naturelle. sur une table, une sphère terrestre ; au mur, encore des cartes marines à toutes les échelles, et, çà et là, en des vitrines, des modèles de compas, de rapporteurs, des instruments de T.S.F, un aimant pour rendre aux vieux compas leurs vertus. sur un tableau noir, des figures et chiffres à la craie témoignent du dernier cours de navigation. […]
Mais, avant tout, on s’est occupé de parer à leurs nécessités matérielles et quotidiennes. par exemple, il fallait pouvoir abriter des « étrangers » en relâche, ceux que le mauvais temps ou une avarie empêche de continuer leur route. au bout de la sale de lecture, voici leur chambre : des rangs de couchettes en pente, où ils dorment à poings fermés sur le bois dur. et quand on redescend, voici l’atelier du charpentier : un étable, des marteaux, ciseaux, varlopes, scies, tout ce qu’il faut pour réparer un bordé ou une vergue. Voici, dans la cour, sur un fourneau de terre, l’ample cuve de fonte où l’on peut tanner voiles et filets, -utile à tous, aujourd’hui qu’on ne peut renouveler qu’à grand prix ces chaudrons. Et, pour les mousses, des trapèzes, anneaux, cordes à nœuds, où les jeunes muscles trouvent à se dégourdir. Une sollicitude accordée à chaque moment de ces rudes vies a prévu tous les besoins, -même celui des fêtes.
Fêtes qui coupent la monotonie des jours, et servent encore à mieux adapter, entrainer l’homme à son métier. Concours de modèles de bateaux, de natation, la nageurs habillés, empêtres, dans leurs poisseux suroits, comme s’ils venaient de choir à la mer ; concours de chants : des chants énergiques et propres, qui réjouissent et donnent du courage. […]
André Chevrillon
L’illustration du 20 aout 1921
Liens :
Page de l’œuvre des abris du marin
Louis Guyader sur le site Roscoff au quotidien
Page de José Chapalain sur les abris du marin
André Chevrillon de l’académie française
L'article complet de l'illustration est passionnant le voici :
Les traits d’héroïsme et de dévouement dont les marins du département des Côtes-du-Nord ont enrichi les annales maritimes de la France, sont assez nombreux. On ne saurait croire tout ce que ces hommes à l’enveloppe si rude et grossière, renferment dans leurs cœurs de sentiments généreux et de sublimes vertus ; et si, quelque jour, le Gouvernement voulait récompenser, d’une manière convenable, tous les genres de services rendus au pays, leur part ne manquerait pas d’être large dans cette distribution de récompenses nationales. Mais, loin de là, ces marins, en général, vivent et meurent ignorés, et leur renommée ne s’étend pas plus que la commune qui les a vus naitre.
Le fait suivant, qui s’est passé cette année à Terre-Neuve [1838], en même temps qu’il est un acte d’un admirable dévouement et de sublime résignation, est aussi une triste preuve de l’indifférence avec laquelle les actions les plus remarquables sont accueillies par le Gouvernement.
Le 26 aout dernier, tous les bateaux pêcheurs de la côte septentrionale de terre-Neuve étaient à la mer, par une forte brise et au milieu d’un épais brouillard. Tous ces bateaux louvoyaient, et l’un d’eux, appartenant au navire la Ville-du-Havre, capitaine Fauvel, était le plus avancé et se trouvait sur les abords des Iles-Blanches, à deux lieues de l’île de Querpon. la mer était horrible ; les vagues se brisaient sur la côte avec une épouvantable furie, et l’une d’elles, soulevant le frêle bateau de pêche, le jeta sur une roche où il resta pour ainsi dire cloué et exposé à toute la violence du terrible élément qui se ruait sur lui. aux cris des malheureux qui allaient périr, un bateau du navire l’Actif de Paimpol, se dirigea rapidement vers le lieu du naufrage. ce bateau était monté par le maitre Alain Guillaume et trois matelots. « Courage, mes amis, s’écrie Alain Guillaume en s’adressant à ses hommes, sauvons nos camarades, ou mourons avec eux ! » et, dans un instant, son bateau est à peu de distance des naufragés.
La position était difficile ; car, sans sauver ceux qui étaient en danger, on pouvait, à chaque instant, partager leur sort et être aussi jeté sur les rochers dont les têtes blanches d’écume se montraient de tous les côtés, mais Alain et ses trois hommes n’écoutent que leur courage et jurent de mourir plutôt que d’abandonner les infortunés dont les cris imploraient leur secours. Alain ordonne de jeter un grappin à la mer, fait filer l’aussière et est assez heureux pour lancer une ligne à bord du bateau naufragé, sans perdre de temps, un va-et-vient est installé, et Le Guen Jean de la commune de Kérity, quartier maritime de Paimpol, et maitre de ce bateau, ordonne à l’un de ses hommes, au nommé Bernard, de se sauver ; mais celui-ci refuse : « Sauve-toi, Le Guen, lui dit-il, tu es père de famille, ta femme et tes enfants ont besoin de toi. Non, répond Le Guen, je suis maitre ; je dois quitter le dernier » A cette réponse si simple, et pourtant empreinte du sentiment d’un sublime devoir, Bernard n’hésite plus ; il a compris que son supérieur avait raison et qu’il avait le droit de réclamer le privilège de son grade, celui de ne songer à lui qu’après avoir vu ceux qui lui avaient été confiés hors de tout péril. il se confie donc au frêle appui qu’on lui offre, et, dans un instant, il se trouve à bord du bateau d’Alain.
Un autre se sauve de la même manière et Le Guen, resté le dernier, allait suivre leur exemple lorsqu’une lame affreuse vient déferler contre son bateau et lui donne une secousse si violente que le clou qui retenait la ligne se brise et enlève au malheureux qui restait à bord son dernier espoir de salut ; une seconde lame, plus furieuse encore que la première, arrive, roule en mugissant sur le rocher, et , quand elle a passé », tout a disparu, le bateau et l’homme dont on entrevoit un instant le corps rouler avec la vague et s’enfoncer dans l’ab^me. a cette vue, un cri de dsespoir est parti du bateau d’Alain-Guillaume ; mais ce brave marin ne perd pas toute espérance. Il fait jeter un second grappin, filer la touée, et après plus d’une heure de recherches, on aperçoit le corps du généreux Le Guen balloté par les flots dans les bas-fonds qui avoisinent le rivage des îles Blanches. Alain et ses hommes redoublent leur efforts et parviennent enfin à mettre à bord de leur bateau ce qu’ils considéraient comme un cadavre.
On mis promptement sous voile, et, au bout de deux heures, on atteignit l’habitation du navire la Ville-du-Havre. les soins les plus empressés furent prodigués aux naufragés, et, malgré le peu de succès des premières tentatives, on eut enfin le bonheur de rappeler Le Guen à la vie.
Le noble dévouement d’Alain Guillaume et de ses hommes est jusqu’à ce jour resté sans récompense, malgré de nombreuses et pressante démarches faites auprès de l’autorité supérieure.
Revue maritime de novembre 1838
Commentaires :
Dans la première partie du XIXème siècle, la pêche française de la morue à Terre-Neuve est principalement une pêche sédentaire à partir du littoral de l’île de terre –Neuve ; cette pêche dite du french Shore est pratiquée à partir d’établissement non permanent. Terre-Neuve étant anglaise puis canadienne la gestion des droits de pêche français on fait l’objet de nombreux conflits mais également de plusieurs accords.
A partir de 1713 et la paix d’Utrech et jusqu’en 1904 les pêcheur français ont eu le droit de pêcher depuis le littoral de terre-neuve et d’installer pour la saison de pêche des établissements provisoires, appelés chafauds, pour pêcher, traiter et faire sécher les morues.
En Bretagne nord, ce sont bien sur Saint-Malo, mais aussi les ports de la baie de Saint-Brieuc, Le Legué , Binic , Portrieux et Paimpol qui arment à la pêche sédentaire à Terre-Neuve , au cours du XIXème siècle la pêche itinérante de la morue sur les bancs va considérablement se développer tant et si bien qu’en 1904 lorsque le gouvernement canadien suspendi les accords du french shore seul survivra la pêche sur les bancs.
La pêche sédentaire fera l’objet d’un autre article
Liens :
Site canadien sur le French Shore